compte rendu intégral

Présidence de M. Hervé Marseille

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jean-Pierre Leleux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Etat B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Seconde partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Médias, livre et industries culturelles - Compte de concours financiers : Avances à l'audiovisuel public

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis nos 165 à 170).

SECONDE PARTIE (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Médias, livre et industries culturelles

M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Médias, livre et industries culturelles

Compte de concours financiers : Avances à l’audiovisuel public

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. François Baroin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit des dépenses globales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l’audiovisuel public de 4,4 milliards d’euros, en hausse de 0,46 % par rapport à l’an dernier. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés, même s’il existe des variations sensibles entre les différents domaines.

Parmi les évolutions remarquables de ce budget entre 2015 et 2016, je voudrais souligner des points de satisfaction, mais aussi des points de vigilance, d’inquiétude et de désaccord.

S’agissant des points de satisfaction, je relève la constance du soutien aux médias de proximité entre 2015 et 2016, au travers d’un niveau de 29 millions d’euros de crédits en faveur du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale et la pérennisation du fonds de soutien aux médias de proximité, créé à la suite des attentats de janvier 2015.

Il est important, aujourd’hui, de pouvoir maintenir l’action de ces structures qui jouent des missions sociales de proximité fondamentales : la hausse de la dotation allouée aux contrats-territoire lecture, outil particulièrement utile pour renforcer l’action des bibliothèques territoriales et favoriser la pratique de la lecture ; le renforcement des aides au pluralisme de la presse, qui demeurent toutefois largement minoritaires en proportion des autres types d’aides ; le retour à un niveau de dotation de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, plus compatible avec l’exercice de ses missions de lutte contre le téléchargement illégal et de développement d’une offre légale – nous avions déjà évoqué ce point l’an dernier – ; le classement du contentieux communautaire contre l’Agence France-Presse, l’AFP, et la validation de ses missions d’intérêt général par la Commission européenne, ce qui donne lieu à un nouveau contrat d’objectifs et de moyens, ou COM, ambitieux, s’agissant notamment du développement des ressources commerciales de l’Agence. Enfin, les sociétés de l’audiovisuel public, dans le cadre de la négociation de leurs nouveaux contrats d’objectifs et de moyens, semblent s’orienter vers de réels efforts de réduction des dépenses et paraissent désireuses de renforcer les coopérations, notamment dans le domaine numérique.

Pour autant, les points de préoccupation ou de désaccord sont nombreux.

Les documents budgétaires demeurent toujours très lacunaires sur les dépenses fiscales, sans aucune évaluation de leur efficacité ni élément d’explication sur les évolutions liées à leur chiffrage.

Une incertitude pèse sur les tarifs postaux qui seront applicables à la presse au-delà du 31 décembre 2015, qui marque la fin de l’« accord Schwartz ». Cette situation est une réelle source de préoccupation pour les éditeurs, notamment ceux de la presse d’information spécialisée.

Madame la ministre, vous avez présenté hier, en conseil des ministres, une communication sur ce sujet. Pourriez-vous nous indiquer les propositions du Gouvernement pour la période post-2015, point sur lequel la commission a été saisie ?

Il est un autre point de vigilance, sur lequel je vous avais alertée : le chantier de rénovation du quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France, la BNF, connaît un dépassement de son budget initial et un retard dans son calendrier pour la deuxième année consécutive, ce qui n’est pas de bon augure pour la suite.

En outre, le Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, qui remplit certes d’importantes missions, demeure une « exception » budgétaire au regard des autres opérateurs de l’État. En effet, ses taxes affectées ne sont toujours pas soumises au plafonnement, en contradiction avec les dispositions de la loi de programmation des finances publiques, sujet qui occupe pourtant de nombreux acteurs en lien avec Bercy. Le CNC fait partie des dix opérateurs percevant le montant le plus élevé de fiscalité affectée.

Surtout – et c’est ce qui fera pencher la balance en faveur du rejet des crédits de la mission comme du compte de concours financiers –, le Gouvernement a de nouveau reporté la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, qui est pourtant nécessaire et urgente au regard de l’évolution des usages. Il faut faire cette réforme, qui doit être guidée par les principes de justice fiscale et de neutralité technologique, comme l’ont préconisé nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux.

À la place, le Gouvernement a choisi d’augmenter significativement le taux de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, qui passe de 0,9 % à 1,3 % à la suite du vote de l’Assemblée nationale.

Cette mesure ne me paraît pas pertinente, pour plusieurs raisons.

Elle constitue une hausse de la fiscalité des entreprises – il faut le dire et le souligner, car cela ne figure pas dans les documents budgétaires fournis par le Gouvernement –, ce qui se traduira par un impact économique négatif sur un secteur qui doit pourtant consentir de lourds investissements pour préparer l’avenir de notre société. Ce secteur nous alerte, vous alerte, madame la ministre, et nous vous saisissons de cette question.

Cette mesure risque également de se répercuter sur la facture du consommateur, ce qui bat en brèche tous les discours du Gouvernement sur la baisse des prélèvements obligatoires.

Il s’agit d’une mesure de court terme qui ne règle en rien la question du financement de l’audiovisuel public à moyen et à long terme.

Enfin, elle n’est pas utile, puisque le rendement actuel de la TOCE permettrait d’ores et déjà de financer l’audiovisuel public au niveau prévu dans le projet de loi de finances pour 2016.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (MM. Cyril Pellevat et Loïc Hervé applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour France Médias Monde et TV5 Monde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien évidemment, je m’associe aux observations de M. le rapporteur spécial, François Baroin, concernant le faible dynamisme des ressources de l’audiovisuel public, qui pénalise le développement des entreprises, mais aussi leur faculté à maintenir la qualité de leur programmation et leur capacité de diffusion.

Je concentrerai mes observations sur l’audiovisuel extérieur dont les opérateurs ne perçoivent que 8,46 % des financements publics. France Médias Monde reçoit 244 millions d’euros, soit des crédits en hausse de 0,8 %, et TV5 Monde 76,9 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 0,9 %. Ces deux opérateurs voient s’ouvrir devant eux une période très incertaine.

Le Gouvernement, malgré les multiples demandes et avertissements de nos commissions, n’a pas été en mesure de boucler le contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde avant les arbitrages budgétaires. Pour 2016, la représentation nationale se trouve dans la situation paradoxale de devoir se prononcer sans avoir connaissance ni du contenu du prochain contrat ni de sa trajectoire financière. Curieuse façon de procéder !

Ce sera donc une année neutralisée au cours de laquelle, sauf attribution de ressources en cours d’exercice, la société poursuivra ses activités sans nouvel élan. Le simple glissement des charges d’exploitation et les charges nouvelles obligatoires – sous-titrage pour les sourds et malentendants, complémentaire santé pour le personnel, archivage à l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, protection contre les cyberattaques, amortissement des équipements – consomment l’essentiel des nouvelles ressources. Madame la ministre, quand le contrat d’objectifs et de moyens sera-t-il enfin adressé aux commissions ?

TV5 Monde, victime d’une cyberattaque majeure le 8 avril dernier, devra limiter ses ambitions. La restauration et la protection de son système d’information, de production et de diffusion, qui lui coûtent 5 millions d’euros en 2015, lui coûteront encore 2,6 millions en 2016 ; elles assèchent la quasi-totalité des ressources nouvelles. Déjà en 2015, elle a dû « rogner » 1,2 million d’euros sur l’achat de programmes français et renoncer à sa distribution en Turquie, privant 2,5 millions de foyers d’un lien avec la francophonie.

Pourtant, un euro investi dans l’audiovisuel extérieur est un euro qui rapporte. La couverture de France 24 progresse de 25 %. Elle est accessible à 300 millions de foyers.

Les audiences aussi progressent : France 24 réunit 45,9 millions de téléspectateurs, contre 41,4 millions en 2013, RFI 37,3 millions d’auditeurs, contre 34,7 millions en 2013, et MCD, Monte Carlo Doualiya, 7,3 millions, contre 7 millions en 2013.

TV5 Monde, qui est aujourd'hui disponible pour plus de 291 millions de foyers dans 198 pays, soit une progression de 15 % par rapport à 2014, voit son audience globale hebdomadaire, soit 39,1 millions de spectateurs, en hausse de 15,7 %.

Ces performances sont d’autant plus remarquables que ces sociétés ont conduit au cours des derniers exercices des politiques drastiques d’économies de gestion qui leur ont permis de présenter des comptes en équilibre. Nous tenons à leur délivrer ce satisfecit.

Aujourd’hui, ce réservoir de financement sur la substance est désespérément vide, sauf à affaiblir les programmes, à réduire la diffusion et l’audience et à laisser le champ libre à la concurrence.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. C’est pourquoi il est indispensable de leur apporter un complément, et c'est l’objet de l’amendement déposé par la commission des affaires étrangères. À défaut, nous donnerions un avis défavorable à l’adoption de crédits inscrits au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Mais je ne doute pas de votre capacité, madame la ministre, à gagner vos arbitrages ! (MM. Gérard Longuet et Charles Revet applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, en remplacement de M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, en remplacement de M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour France Médias Monde et TV5 Monde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens maintenant pour vous présenter les conclusions de mon collègue corapporteur, M.Philippe Esnol, qui ne peut être présent ce matin et vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Comme il vient d’être indiqué, les ressources des opérateurs couvrent à peine les dépenses inéluctables ou obligatoires.

France Médias Monde aura donc de grandes difficultés à financer des mesures nouvelles d’amélioration de ses programmes et de sa distribution, notamment pour se positionner sur le développement de la TNT en Afrique, basculer sa diffusion en haute définition sur de nouvelles zones et poursuivre le développement de ses programmes numériques. Il paraît impossible de financer, sans apport de ressources nouvelles à l’occasion de la conclusion du contrat d’objectifs et de moyens, le lancement d’un programme en espagnol à destination notamment de l’Amérique latine, projet prometteur pour accompagner la présence française, notamment sur le plan économique, dans une zone en croissance, et qui est soutenu par le ministère des affaires étrangères.

S’agissant de TV5 Monde, pour atteindre l’équilibre, l’entreprise risque de devoir réduire ses ambitions en matière de programmes et de diffusion. Cela risque de compromettre sa consolidation en Afrique où elle va devoir affronter une forte concurrence de chaînes locales et de chaînes internationales, arabes, turques, chinoises, y compris en langue française. Un projet aussi stratégique pour l’avenir de la francophonie qu’est le lancement d’une chaîne « enfant » en Afrique ne pourra être financé que par redéploiement.

Nous estimons que, au lendemain d’une cyberattaque d’une telle ampleur, les bailleurs de TV5 Monde devraient se comporter comme des « réassureurs » et soutenir davantage cette dernière pour l’aider à surmonter ces difficultés. Si cette chaîne a été attaquée, c’est parce que l’arrêt de sa diffusion était un objectif important pour ses assaillants. Ne pas la soutenir serait une forme de renoncement.

Comme vous le voyez, les deux opérateurs, qui ont réalisé leurs objectifs tout en menant une politique de gestion rigoureuse, sont confrontés à un réel besoin de financement pour maintenir leurs positions et poursuivre leur développement.

C’est d’autant plus crucial dans le contexte actuel où la France s’engage pour défendre les valeurs universelles dont elle est porteuse et pour contrecarrer l’offensive d’autres idées qui refusent la démocratie, les droits de l’homme, et qui incitent à la violence et à la guerre. Vous admettrez qu’il est particulièrement important sur le plan international que la France soit en mesure de faire entendre sa voix. Vous admettrez que, sur le territoire national, elle doit être en mesure, par la diffusion de ses médias internationaux, notamment en langue arabe, de contribuer au pluralisme de l’information et de présenter une offre porteuse des valeurs de la République. La réponse de sécurité et de défense ne sera pas suffisante. C’est sur le terrain des idées et des valeurs que la bataille se gagnera ou se perdra. Non, vraiment, madame la ministre, ce n’est certainement pas le moment d’affaiblir nos outils de communication et d’influence !

Tel est l’objet de l’amendement de la commission que M. Esnol, tout comme moi, soutient. Sous réserve de son adoption, la commission a donné un avis favorable aux crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour l’audiovisuel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les circonstances que vit notre pays aujourd’hui ne font que renforcer la nécessité d’un audiovisuel public fort pour permettre l’accès à la culture et à l’information. Or notre audiovisuel public est en crise depuis de nombreuses années, puisque la crise n’a pas commencé en 2012, même si elle n’a fait que s’aggraver depuis.

La première raison de cette crise tient à l’absence de réforme du financement de l’audiovisuel public. Je donne acte au Gouvernement d’avoir engagé la sortie d’un financement budgétaire, mais je regrette profondément l’absence de réforme de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP, dans le projet de loi de finances pour 2016. Comme me l’ont indiqué tous les dirigeants des entreprises publiques et les syndicats que j’ai rencontrés, seule une réforme de la contribution à l’audiovisuel public « à l’allemande », telle que je l’ai préconisée l’année dernière dans le débat budgétaire – et encore récemment avec notre collègue André Gattolin –, serait de nature à garantir la stabilité du financement dans la durée.

Au lieu de cela, la hausse de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, la TOCE, ne résout pas le problème du financement à moyen terme. C’est pourquoi nous nous y sommes opposés lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Le report de la réforme de la contribution à l’audiovisuel public risque de fragiliser le rendement de cette taxe, et donc tout l’édifice sur lequel repose l’audiovisuel public.

Concernant les opérateurs, il y a une très grande différence entre, d’une part, ceux qui ont engagé les réformes et sont gérés vertueusement – ils ne sont d’ailleurs pas récompensés de leurs efforts par le projet de loi de finances pour 2016, et, disant cela, je pense en particulier à Arte et à France Médias Monde – et, d’autre part, ceux qui sont en train de conduire ces réformes, comme France Télévisions, ou qui ont encore l’essentiel du travail devant eux, comme Radio France.

Je saisis l’occasion de l’examen de cette mission pour saluer la qualité des programmes d’Arte et ses succès d’audience, qui montrent que la culture peut être à la fois accessible et exigeante. Je regrette que le projet de loi de finances pour 2016 ne donne pas plus de moyens à la chaîne franco-allemande, comme le prévoyait le contrat d’objectifs et de moyens.

France Télévisions est au milieu du gué des réformes. Le plan de départs volontaires qui doit s’achever cette année devrait, à terme, avoir une incidence favorable sur l’évolution de la masse salariale. Par ailleurs, la poursuite du projet Info 2015 constitue un signe positif de la volonté de réforme de l’entreprise. Nous souhaitons, madame la ministre, que France Télévisions puisse développer ses ressources propres, ce qui passe par une réforme de la réglementation sur la production.

Nous sommes attentifs à la volonté de la direction de la société de revenir à l’équilibre financier dès 2016 en réalisant 25 millions d’euros d’économies supplémentaires. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé un sous-amendement à l’article 20 dont l’adoption a permis de confirmer le versement à France Télévisions de 140,5 millions d’euros issus de la TOCE en 2016, en attendant la réforme de la contribution à l’audiovisuel public.

L’Institut national de l’audiovisuel a un nouveau président depuis le mois de mai dernier.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Je terminerai donc en évoquant la situation de Radio France, qui nous inquiète fortement. La Cour des comptes a rendu public au printemps dernier un rapport qui appelait à des réformes urgentes. Celles qui ont été conduites à France Télévisions et à France Médias Monde sont quasiment absentes du contrat d’objectifs et de moyens de Radio France, ce qui oblige le Gouvernement à augmenter fortement les moyens.

En conclusion, la commission a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de l’audiovisuel public dans la mission « Médias, livre et industries culturelles » et dans le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, rapporteur pour avis.

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour la presse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en cette année 2015 où, un fatal 7 janvier, la liberté de la presse a été meurtrie et où, dix mois plus tard, notre culture et notre mode de vie, nos libertés et notre démocratie ont été pris pour cible, la défense du pluralisme de la presse et de la liberté d’expression n’est jamais apparue si essentielle.

La presse souffre d’une érosion de ses ventes, du vieillissement de son lectorat, de la fuite des recettes publicitaires vers d’autres supports ainsi que des contraintes, financières et technologiques, de la révolution numérique, tout autant fossoyeur qu’espoir de futurs équilibres économiques.

Dans ce contexte, l’analyse des crédits du programme 180 fait apparaître un affaiblissement du soutien de l’État. Il est certes limité à 1,1 %, mais il fait suite à un resserrement de 3 % entre 2014 et 2015.

Il se pourrait toutefois que 2016 représente un tournant intéressant : les investissements destinés à la modernisation des structures et des méthodes de travail commencent à porter leurs fruits, et le système de distribution retrouve une stabilité, certes fragile, mais à laquelle peu croyaient encore. L’Agence France Presse s’est engagée, elle, dans une réforme certes a minima, mais qui garantit toutefois, à ce jour, la poursuite de l’activité.

Surtout, un effort particulier est engagé dans le présent projet de loi de finances en faveur des aides au pluralisme, qui enregistrent une augmentation de 34,8 % pour s’établir à 15,5 millions d’euros, au bénéfice des titres d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires et à parution non quotidienne. Nul ne contestera ici l’utilité d’un soutien renforcé au pluralisme. L’engagement de l’État que cet effort représente mérite d’être salué.

Cela complète utilement les mécanismes fiscaux que nous avons adoptés dans le cadre de la loi du 17 avril 2015, notamment le dispositif dit « Charb ».

Reste l’inquiétant phénomène de concentration capitalistique de la presse tant nationale que régionale. Reste aussi la précarisation du métier de journaliste. Ces risques pour l’expression pluraliste nous conduisent à soutenir l’idée du conditionnement des aides à une charte déontologique.

Par ailleurs, je ferai remarquer les efforts considérables réalisés par Presstalis ces dernières années, au prix, il est vrai, de lourds sacrifices sociaux. Avec de nouveaux développements dans le domaine numérique et des finances assainies, Presstalis a su relever le défi.

Le bilan est plus contrasté pour le fonds stratégique pour le développement de la presse vers le numérique. L’aide apportée est fonction de la capacité d’autofinancement des éditeurs : le système prive donc les titres ne disposant pas de moyens suffisants de l’accès à cette aide. Il serait dès lors heureux, madame la ministre, que les critères d’attribution soient révisés et que des pistes nouvelles – dans mon rapport, j’en propose au moins une : celle du service civique – soient mises en œuvre, afin que le fonds bénéficie plus largement aux éditeurs modestes.

J’aborderai enfin le délicat sujet de l’aide au transport postal.

M. le président. Concluez, mon cher collègue.

M. Patrick Abate, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Les tarifs postaux applicables à la presse sont dérogatoires au droit commun. Leur évolution est fixée par des accords entre l’État, La Poste et les éditeurs, et leur montant varie en fonction des familles de presse. L’accord Schwartz, qui arrive à échéance ce 31 décembre, a été le lieu de manquements répétés de l’État.

Alors que seulement 119 millions d’euros seront versés à La Poste en 2016, quelles sont les perspectives d’augmentation des tarifs postaux, sachant que les éditeurs ont déjà consenti un effort substantiel et que le maintien d’une solidarité forte entre familles de presse, dans l’esprit de la loi Bichet, demeure indispensable ? Une augmentation trop brutale des tarifs, y compris pour les magazines, devrait être regardée avec prudence.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, concernant le programme 180, je n’exprimerai pas un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis.