M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu du temps de parole qui nous est imparti, je serai bref, quitte à être plus précis lors de l’examen des amendements.

Vous êtes nombreux à avoir mis en avant les réductions d’effectifs et l’adéquation de ceux-ci par rapport aux missions qui nous sont confiées, notamment l’adaptation des réseaux au sein de la DGFIP et de la DGDDI, la Direction générale des douanes et droits indirects. Il est vrai que l’on m’interroge souvent à propos des restructurations de réseaux. Mais, comme certains d’entre vous l’ont mis en évidence à juste titre, les techniques de l’internet ont beaucoup évolué, même s’il reste des progrès à faire.

Si le nombre des télédéclarations a progressé, il commence toutefois à plafonner. Pour cette raison, le Gouvernement vous proposera de généraliser cette possibilité, mais de façon progressive, comme vous l’avez souhaité, monsieur Canevet, et non coercitive, en prévoyant des exceptions pour certains redevables.

Les télépaiements sont, eux aussi, en voie de généralisation, ce qui permet de réaliser des économies très importantes, y compris en termes d’effectifs.

Pour ce qui concerne la question relative à la douane, vous permettrez que j’y réponde durant la présentation de l’amendement du Gouvernement, afin de laisser le temps à Marylise Lebranchu de s’exprimer sur les sujets qui la concernent directement.

Je souhaite m’attarder sur le sujet, que vous connaissez bien, monsieur Bouvard, de France Domaine et de la gestion de l’immobilier de l’État.

Il nous faut reconnaître, vous l’avez fait, monsieur le rapporteur spécial, la progression de la qualité des services de France Domaine. Celle-ci est notamment due à une professionnalisation des recrutements, lesquels sont désormais mieux adaptés aux missions, parfois très techniques, de gestion immobilière et de maîtrise d’ouvrage.

Les inquiétudes à propos de la mobilisation des crédits, notamment au ministère de la défense, n’ont pas lieu d’être : les crédits ont toujours été mobilisés. Et, s’il y a eu des doutes – je pense à la vente des fréquences, même si elles ne relèvent pas du patrimoine immobilier de l’État –, ils doivent être levés. Le Gouvernement s’est engagé à utiliser les recettes, parfois en les transformant en crédits budgétaires.

La priorité, le Président de la République l’a rappelé à Versailles, est bien entendu d’assurer les moyens nécessaires à la sécurité extérieure tant qu’intérieure, sécurité à laquelle nos armées participent.

Le vrai problème est de placer France Domaine ou, en tout cas, le service chargé de la gestion de l’immobilier, au centre des ministères.

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. De fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Trop d’occasions de mutualisation ou d’optimisation sont manquées, mais nous progressons. Nous avons, par exemple, généraliser les SDIR, les schémas directeurs immobiliers régionaux. L’organisation des nouvelles régions nous donnera d’ailleurs probablement la possibilité d’améliorer à terme la gestion de l’immobilier à cette échelle.

Nous aurons l’occasion de revenir sur la structuration de l’ensemble, actuellement à l’étude avec le Premier ministre, mais des progrès considérables ont également été faits en matière budgétaire, notamment – vous n’y avez pas fait allusion – au niveau du service des achats de l’État, la direction nouvellement créée enregistrant des résultats extrêmement intéressants.

J’avais, mesdames, messieurs, les sénateurs, préparé une intervention plus structurée que ces quelques réflexions, mais dix minutes seulement sont accordées au Gouvernement ; à deux, ça fait cinq minutes chacun. Replaçons cependant ce débat dans l’ensemble de la discussion budgétaire.

Lors de l’examen de la première partie, la majorité sénatoriale a diminué les crédits de 4,2 milliards d’euros. Nous avions dit que nous nous reverrions en fin de seconde partie pour faire le bilan et, si je puis dire, l’état du solde, solde qui au demeurant n’aura formellement que peu de signification, car j’ai bien observé que certains crédits de mission avaient été repoussés. Mais les diminutions de crédits proposées ici me paraissent extrêmement massives... Un des amendements vise à diminuer de 2,2 milliards d’euros la masse salariale des fonctionnaires. Ils sont à peine un peu plus de 2,4 millions : on parle donc de près de 10 000 euros en moins par fonctionnaire ! Sauf à dire, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, que vous voulez supprimer des postes, mais il faudra nous dire lesquels ! Dans les armées ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Dans les douanes ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dans les DREAL !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À l’intérieur ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’archéologie !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous allez avoir la parole, monsieur le rapporteur général, et je serai très attentif, car je ne comprends pas très bien comment vous pouvez demander plus de militaires, plus de policiers, plus de douaniers, tout en voulant diminuer le nombre de fonctionnaires ou alors, par l’application d’une espèce de règle de trois sur le temps de travail, réduire de 10 000 euros leur salaire ! Mais nous verrons cela à l’occasion de l’examen des amendements…

Pardon d’avoir dépassé mon temps de parole, Marylise ; nous ne ferons pas part égale, mais peut-être est-ce proportionnel au poids ! (Rires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par l’apprentissage dans la fonction publique, sujet abordé par Mme Di Folco.

Il y avait 700 apprentis en 2014. Ils étaient 4 390 en novembre 2015, et il est prévu qu’ils soient 10 000 en novembre 2016. Il s’agit donc d’un effort important.

Je partage l’analyse selon laquelle ce n’est pas une voie qui permettrait d’échapper aux règles de la fonction publique. C’est un point sur lequel il faut être extrêmement attentif. La discussion avec les organisations syndicales s’est très bien passée à cette condition.

En revanche, on a tendance à oublier qu’il y a divers métiers dans la fonction publique, et c’est une bonne voie pour apprendre certains de ces métiers. En ce moment même, nous discutons avec l’éducation nationale d’une licence professionnelle administrative par alternance, perspective intéressante pour l’avenir.

Le décret pour la fonction publique de l’État est en cours de publication ; celui pour la fonction publique territoriale paraîtra au premier trimestre de 2016.

Je suis d’accord pour simplifier le « maquis des primes », comme le dit M. Canevet. La première simplification que j’ai engagée a été difficile à faire passer. L’indemnité qui a remplacé la PFR, la prime de fonctions et de résultats, devrait nous permettre de progresser. Surtout, le protocole, qui n’a pas été signé par la majorité des organisations syndicales mais que le Premier ministre a décidé d’adopter et d’appliquer, sera une bonne chose pour les parcours et les carrières : c’est un chemin vers l’introduction de l’indemnitaire dans l’indiciaire, un petit chemin, certes, mais il mène à la construction d’un autre système de rémunération des fonctionnaires.

Le système indemnitaire, dont la genèse tient à la difficulté de rémunérer correctement des personnels bien formés, est peu à peu devenu, si vous me permettez l’expression, une variable d’ajustement salariale injuste puisqu’il représente de 2 % à 71 % du salaire selon les ministères. Nous avançons sur ce sujet, avec difficulté, certes, mais le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel – le fameux RIFSEEP –, au-delà de son terrible nom, c’est aussi ça. Nous espérons arriver, et je pense que vous nous suivrez, à un régime unique, au moins par pilier, mais cela se fera sur plusieurs années, petit à petit et en regardant comment les choses vont évoluer.

J’en viens au point d’indice.

Il est évident que l’on n’ouvre pas une négociation en disant : « Je vais vous inviter à la table des négociations, mais il n’y a rien à négocier ! » Je l’ai dit très clairement aux organisations syndicales, et je n’ai aucune peine à le redire ici, la question est posée de savoir s’il va ou non être mis un terme au gel absolu du point d’indice, mais la décision n’est bien évidemment pas prise. Il est d’ailleurs heureux que nous n’ayons pris aucun engagement compte tenu de l’énorme drame qui s’est produit et des dépenses supplémentaires que nous avons devant nous. Les fonctionnaires le comprennent parfaitement. Il y a peut-être un problème de symbole, c’est tout. Je le dis comme je le pense, en dehors de tout arbitrage.

Dire que le point d’indice va être gelé ad vitam aeternam provoque d’autres types de demandes, y compris à propos du jour de carence.

L’enquête de la Sofaxis a été réalisée auprès de personnels de la fonction publique territoriale qui relevaient de son régime de protection, lequel prenait en compte la suppression du jour de carence – raison pour laquelle on ne peut s’appuyer sur ses chiffres, puisque les autres fonctionnaires n’en bénéficiaient pas –, ce qui représentait de 8 à 12 euros par salarié et par mois.

Rien d’étonnant dès lors à ce que nous subissions une forte pression d’un certain nombre de groupes d’assureurs, les mutualistes à bas bruit, les autres à grand renfort de lobbying, pour que nous revenions sur la suppression du jour de carence, leur grand espoir étant de toucher des millions de « clients » potentiels, avec une part patronale qu’il faudrait donc assurer entre 8 et 12 euros par mois. Ils voudraient nous faire croire que ce serait une très grande économie pour les trois employeurs publics…

Pour ma part, je souhaiterais qu’une véritable étude sur cette question puisse être faite, à l’échelle du Parlement, entrecroisant les chiffres que nous avons et ceux que vous avez. Je suis à la disposition, je l’ai déjà dit, de la commission des finances comme de tout organe du Parlement, pour venir en discuter, et en discuter longuement, car le sujet mérite des échanges approfondis.

Nous en parlons d’ailleurs aussi beaucoup entre nous : c’est même un « marronnier », si je peux me permettre cette expression. Et il ne s’agit pas du tout de faire des annonces à la veille des élections régionales !

Enfin, monsieur Dallier, à force de répéter que les fonctionnaires ne travaillent pas assez, qu’il faut geler leur salaire, ne pas leur donner de prime, ne pas leur accorder le glissement vieillesse-technicité, on crée des sentiments d’indignité qui conduisent, d’après les sondages en tout cas, 32 % de nos personnels à envisager de voter pour des gens sans scrupules qui leur promettent un meilleur GVT, le dégel du point d’indice, l’augmentation du nombre de postes, et qui, dimanche, obtiendront peut-être des scores qui nous effrayeront vous et moi. (MM. Bernard Lalande et André Gattolin applaudissent.)

gestion des finances publiques et des ressources humaines

Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Crédits non répartis - Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 57
Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Crédits non répartis - Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 57

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11 038 198 090

10 887 840 909

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

8 098 060 567

8 012 691 341

Dont titre 2

6 941 697 212

6 941 697 212

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

1 028 757 304

993 253 452

Dont titre 2

499 560 483

499 560 483

Facilitation et sécurisation des échanges

1 545 902 384

1 503 801 085

Dont titre 2

1 142 948 997

1 142 948 997

Entretien des bâtiments de l’État

133 979 455

143 655 844

Fonction publique

231 498 380

234 439 187

Dont titre 2

30 249 143

30 249 143

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-151, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

dont titre 2

2 200 000 000

2 200 000 000

2 200 000 000

2 200 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

Entretien des bâtiments de l’État

Fonction publique

dont titre 2

TOTAL

2 200 000 000

2 200 000 000

SOLDE

- 2 200 000 000

- 2 200 000 000

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a trait à la durée du travail dans la fonction publique.

Je rappelle que la commission des finances avait commandé à la Cour des comptes une enquête aux résultats fort intéressants, qui a donné lieu au rapport d’information intitulé La maîtrise de la masse salariale de l’État.

L’enjeu est considérable, puisqu’il s’agit de 40 % des dépenses de l’État, avec environ 80 milliards d’euros de salaires et 40 milliards d’euros inscrits au compte d’affectation spéciale « Pensions », soit 120 milliards d’euros de dépenses.

Un certain nombre de pistes d’économies nous ont été suggérées par la Cour des comptes, dont le Premier président nous avait fait une restitution très intéressante. Celle-ci avait donné lieu à un débat passionnant sur cette masse salariale qui constitue donc le premier poste du budget de l’État et dans laquelle il nous semble qu’il y a des effets de levier.

La Cour des comptes s’était notamment intéressée, comme la commission des finances, à la question du temps de travail dans la fonction publique. Son rapport mettait en évidence le fait qu’un quart des 1,9 million de fonctionnaires de l’État étaient à la durée « légale » du travail, ce qui signifie concrètement que les trois quarts des fonctionnaires sont à des durées dérogatoires.

La Cour des comptes a souligné l’enjeu en termes financiers de cette situation : elle a estimé qu’une augmentation de 1 % seulement du temps de travail des 5,4 millions d’agents de l’ensemble des trois fonctions publiques représenterait un gain de 700 millions d’euros.

L’amendement n° II-151 permet de mesurer l’importance de l’enjeu, même rapporté à la seule fonction publique de l’État. Son objet est tout simplement d’aligner la durée du travail de la fonction publique de l’État, non pas sur les 39 heures – ce n’est pas l’objet du débat aujourd'hui –, mais sur la durée moyenne habituelle du travail dans le secteur privé, laquelle s’élève à 37,5 heures. Le gain serait considérable : 2,2 milliards d’euros !

Mme la présidente. L'amendement n° II-487, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

dont titre 2 

 

311 110 000

311 110 000

311 110 000

311 110 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

 

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

 

Entretien des bâtiments de l’État

 

Fonction publique

dont titre 2

 

TOTAL 

311 110 000

311 110 000

SOLDE 

- 311 110 000

- 311 110 000

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’entends par avance le Gouvernement nous dire à propos de l’amendement n° II-151 que nous avons trop d’ambition, et l’on peut en effet s’interroger sur la faisabilité dès l’année 2016 de l’alignement de l’ensemble de la fonction publique de l’État sur la durée habituelle du travail dans le secteur privé.

L’amendement n° II-487 porte sur le même sujet, mais il est sans doute plus réaliste : il pourrait être d’application immédiate, alors que le précédent relève davantage du long terme. Son objet est de ramener la durée du travail dans la fonction publique non pas à la durée moyenne du secteur privé mais à la durée légale annuelle, soit 1 607 heures.

Je rappelle l’estimation de la Cour des comptes : une augmentation de 1 % du temps de travail se traduirait par une économie de 700 millions d’euros pour l’ensemble de la fonction publique. L’amendement porte sur 311,11 millions d’euros : nous avons donc des marges. Je rappelle par ailleurs que les heures supplémentaires représentent 1,2 milliard d’euros chaque année.

J’entends par avance les cris d’effroi du Gouvernement sur ce premier amendement ! J’ai présenté aussi un second amendement, qui tend à réaliser une économie d’environ 300 millions d’euros sur les 120 milliards que représente la masse salariale de l’État, ce qui me paraît être du domaine du supportable.

Les collectivités qui subissent en ce moment des baisses de DGF de 10 % sont, quant à elles, bien obligées de faire des économies de ce type.

Pour la seule fonction publique d’État, la mesure proposée correspond à peu près à un tiers des heures supplémentaires. Si nous prenions en considération l’ensemble des fonctions publiques, le gain serait évidemment bien plus considérable, de l’ordre de 1,9 milliard d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons déjà eu cette discussion à plusieurs reprises. Pour échapper aux clichés, j’ai confié une mission – fidèle à la méthode que j’applique depuis longtemps – à Philippe Laurent, le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, qui sera entouré d’un certain nombre d’inspecteurs, sur le temps de travail des fonctionnaires dans les trois fonctions publiques. Ce travail nous est absolument utile pour éviter que nous n’ayons un débat déconnecté des réalités.

Par exemple, l’un des plus gros contingents d’heures supplémentaires actuellement est celui de la police : on doit jusqu’à trois ans d’heures supplémentaires par policier ! Pour autant, il est hors de question d’augmenter le temps de travail de ces personnels – cela ressort clairement des discussions que j’ai pu avoir avec mon collègue ministre de l’intérieur –, car ils font un travail extrêmement dur. Il faut veiller à ne pas augmenter, en particulier, le travail posté.

Nous connaissons aussi d’énormes problèmes avec les personnels de santé qui effectuent des tâches difficiles – je pense notamment à ceux qui exercent leur activité dans un service d’urgence. Leur temps de travail n’est effectivement pas de 35 heures, mais il faut tenir compte des récupérations de RTT qui ont lieu tous les ans en raison des épidémies survenues. Nous n’avons pas collectivement intérêt à modifier le temps de travail, sinon nous ne pourrons pas faire face aux demandes très fortes en période d’épidémies.

Il y a donc de nombreuses situations particulières. S’agissant de la fonction publique territoriale, beaucoup de maires et de présidents de département ont déjà rectifié les choses.

Je préfère attendre le résultat de l’étude susvisée, et je fais confiance à notre très cher Philippe Laurent pour s’intéresser notamment aux personnels de surveillance des centrales nucléaires, aux contrôleurs aériens, et aux personnels armés, dont le temps de travail est inférieur à la durée légale.

Il va de soi que je m’oppose au premier amendement. D’autant que, si je regarde les chiffres mentionnés, les économies attendues sont de 2,2 milliards d’euros pour l’ensemble des fonctionnaires, ce qui revient à environ 10 000 euros par agent. Cela fait 300 euros l’heure supplémentaire ! Personnellement, je ne connais aucune profession dans laquelle on facture les heures à un tel tarif.

Il faudrait revoir tous les chiffres qui sont avancés, car rapportés au nombre de fonctionnaires, y compris ceux qui travaillent 35 heures, la démonstration ne fonctionne pas. Nous vous donnerons avec plaisir un certain nombre d’éléments sur ces points, mesdames, messieurs les sénateurs.

La mission de Philippe Laurent portera surtout sur les écarts par rapport à la règle des 1 607 heures et sur les faits générateurs expliquant chaque écart. De telles situations se rencontrent d’ailleurs aussi à la Haute Assemblée : est-ce plus difficile de travailler au Sénat qu’à l’Assemblée nationale ou dans une collectivité territoriale ? Certains travaux de nuit comptent double, voire triple, et donnent lieu à des indemnités, ici comme ailleurs.

À partir de là, vous disposerez d’éléments précis, et on ne se retrouvera pas avec des heures supplémentaires rémunérées 300 euros de l’heure – si tel était le cas, je serais d’accord avec vous, monsieur le rapporteur général, ce serait beaucoup trop cher payé pour qui que ce soit !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Comment faisions-nous dans ce pays avant l’instauration des 35 heures ? On peut se le demander quand on entend les arguments qui viennent d’être avancés. On a l’impression que tout a été décidé il y a trois siècles, qu’on ne peut rien remettre en cause et qu’on est définitivement condamné à ne plus avoir le droit de se poser la question du temps de travail dans la fonction publique. C’est quelque peu étonnant ! Au contraire, je pense qu’il faut se poser cette question.

Madame la ministre, j’ai trouvé votre réponse un peu caricaturale. Soulever cette question, ce n’est pas nécessairement dire que tous les fonctionnaires ne font rien, qu’ils sont des fainéants. Je n’ai entendu personne sur ces travées tenir de tels propos !

Mais puisque l’État connaît des difficultés budgétaires très importantes et que la masse salariale représente 40 % de son budget, il va bien falloir trouver des solutions ! Il faut être un tant soit peu cohérent. Vous incitez fortement les collectivités locales, dont la masse salariale représente 60 % en moyenne de leur budget, à faire des économies sur ce point en réduisant cette masse salariale. Elles ont bien du mal ! Et, lorsqu’il s’agit de la fonction publique d’État, vous ne cessez de nous répéter qu’il ne faut rien toucher, que tout est définitivement figé. Mais non !

Le rapporteur général fait des propositions au travers de deux amendements : le premier va très loin, le second est plus mesuré. On peut, me semble-t-il, adopter ce dernier pour marquer une intention.

Nous sommes à quelques jours d’une échéance électorale, puis il y aura l’élection présidentielle : on sait bien que ce ne sont pas des périodes où l’on peut mettre ce genre de sujet sur la table. Mais, quelle que soit la prochaine majorité, je suis absolument certain qu’elle sera bien obligée de revenir sur cette question, car ce n’est pas soutenable budgétairement. Il faudrait que nous parvenions au moins à partager ce constat, qui devrait normalement faire consensus.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Très sincèrement, je suis très étonné de la position de Philippe Dallier. Il voit de la caricature là où il n’y en a pas et n’en voit pas alors qu’il y en a !

Pour ma part, j’ai trouvé la réponse de Mme la ministre pertinente et argumentée – j’ai d’ailleurs appris des choses, comme c'est souvent le cas lors de l’examen de missions budgétaires. Elle nous a renvoyés à un travail qui a été demandé à Philippe Laurent. Attendons donc les conclusions !

Le sujet est sérieux. En tant qu’employeurs, nous devons tous prendre en compte ces questions, de manière raisonnable et sur la base d’informations appropriées. Pour ce qui me concerne, je m’en remettrai aux termes du rapport de Philippe Laurent. Ensuite, nous pourrons avoir une discussion.

En lisant l’objet de l’amendement n° II-151, j’ai appris une nouvelle notion. Je connaissais la durée légale et la durée contractuelle de travail. Là, je découvre la durée « habituelle » de travail. Cette invention, monsieur le rapporteur général, est extraordinaire !

Vous qui êtes avocat, j’aimerais savoir ce que vous entendez par cette expression. Nous n’en savons rien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C'est une expression de l’INSEE !

M. Claude Raynal. Vous l’avez dit, et Philippe Dallier l’a confirmé, cet amendement relève du pur affichage. C'est un amendement de long terme, un amendement d’appel destiné à susciter la discussion. Mme la ministre vous a répondu ; il y aura un rapport de Philippe Laurent sur la base duquel nous pourrons travailler.

Je crois surtout, et nous le savons tous, que vous avez un problème de solde, comme l’a rappelé Christian Eckert. Vous essayez d’améliorer le solde de 2,2 milliards d’euros à partir de chiffres qui ne tiennent pas la route une seconde.

J’en viens au second amendement de la commission des finances. Pour ce qui concerne la fonction publique d’État, on parle d’un temps de travail de 1 594 heures. L’écart avec les 1 607 heures est relativement limité. Je ne dis pas pour autant que les agents ne doivent pas faire 1607 heures, tant s’en faut !

Puisqu’on a évoqué les collectivités territoriales, j’aimerais savoir si, dans les communes gérées par des maires Les Républicains depuis de longues années – je ne parle pas des mairies « prises » en 2014 –, on atteint ce type de niveau horaire. À mon avis, l’écart est bien plus important. Commençons donc ensemble à travailler sur cette question avant de porter le débat au niveau de l’État !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Personne ne dit que les fonctionnaires ne travaillent pas assez, mais il y a un message subliminal, un certain non-dit derrière tous ces propos. Il ne faut pas se cacher les choses !

À en croire les dispositions de ces deux amendements, les fonctionnaires ne travailleraient pas assez, seraient un peu trop facilement promus, certains profiteraient même de leur statut pour être malades à moindres frais…

Je ne sais pas si ces sous-entendus s’adressent aux fonctionnaires de police qui sont sur la brèche depuis plus de deux semaines pour rechercher, interpeller et mettre hors d’état de nuire des individus dangereux.

Je ne sais pas non plus s’il faut jeter la pierre aux agents hospitaliers, aux infirmières, aux médecins qui ont renoncé à leurs congés le 13 novembre pour secourir les centaines de blessés des attentats.

Enfin, j’ai quelques scrupules à mettre en cause la qualité des fonctionnaires de l’éducation nationale qui ont choisi, au mois de janvier dernier, après l’attentat contre Charlie Hebdo, comme aujourd’hui de parler avec leurs élèves et leurs étudiants et de les faire réfléchir à la situation.

Nous rejetons donc, bien évidemment, ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Les membres du groupe UDI-UC pensent, et nous en débattons depuis quelques jours, que des effectifs supplémentaires sont nécessaires dans la fonction publique, en particulier d’État, pour répondre aux missions régaliennes de celui-ci.

Mais il est bien clair que nous ne pouvons pas continuer à fonctionner tel que nous le faisons depuis un certain nombre d’années, c’est-à-dire à coups de déficit. Ce n’est pas sérieux de reporter sur les générations futures le coût des décisions prises aujourd'hui. Qu’est-ce que cela signifie ? Très concrètement, il faut prendre des mesures pour que la fonction publique soit la plus productive possible, en agissant à la fois sur le temps de travail et sur les évolutions de carrière.

Nous devons avancer sur ces sujets. Il n’est pas possible de continuer à admettre des différences de statut entre les travailleurs du privé et ceux du public.

Nous connaissons tous les contraintes du service public, en particulier la rigidité du statut qui empêche les employeurs locaux d’organiser le travail dans les collectivités comme ils le souhaiteraient. Il faut en tenir compte. Nous ne sommes pas pour une baisse des effectifs dans le secteur public. Nous souhaitons une optimisation des moyens et une gestion qui ne se fasse pas à crédit indéfiniment.

Nous soutenons donc ardemment les deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.