Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Canevet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » pour 2016 s’élèvent à 1,3 milliard d’euros en crédits de paiement et à 1,5 milliard d’euros en autorisations d’engagement.

Ces chiffres traduisent une certaine stabilité. Nous sommes proches de la trajectoire de dépenses prévue. On relève simplement la présence de 1 138 équivalents temps plein supplémentaires, en provenance des services interministériels départementaux des systèmes d’information et de communication, les SIDSIC, sans oublier l’Autorité de régulation de la distribution presse, l’ARDP, qui est intégrée pour la première fois dans ce budget, pour un montant 503 000 euros.

Cette mission comprend trois programmes : le programme 129, « Coordination du travail gouvernemental », pour 618 millions d’euros ; le programme 308, « Protection des droits et libertés », pour un peu plus de 100 millions d’euros ; le programme 333, « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », pour un peu plus de 596 millions d’euros.

Au sein du programme 129 figure notamment l’opération Ségur-Fontenoy. Elle est assez lourde : environ 370 millions d’euros. Je vous le rappelle, il s’agit de reloger l’ensemble des services du Premier ministre, d’abord sur Fontenoy à l’été 2016, puis sur Ségur à l’été 2017. Le nombre de postes de travail concernés sera de 500 dans un premier temps, puis de 1 800 dans un second temps.

Les crédits de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, qui a été créée en 2009 pour lutter contre la cybercriminalité, figurent aussi dans cette mission. Ils ont beaucoup augmenté, passant de 43 millions d’euros en 2009 à 83 millions d’euros en 2014. Il faudra y ajouter quarante équivalents temps plein supplémentaires en 2016. En effet – nous en parlons beaucoup depuis quelques jours –, la lutte contre la cybercriminalité est aujourd’hui une préoccupation majeure de l’État et de l’ensemble des parlementaires.

Le programme 308 traite des autorités administratives indépendantes. Celles-ci ont fait l’objet d’un examen attentif dans le cadre d’une commission d’enquête sénatoriale, présidée par Marie-Hélène Des Esgaulx et rapportée par Jacques Mézard.

Les principales autorités administratives indépendantes, notamment celles qui sont relatives à la protection des droits et libertés, sont concernées par ce programme. La commission d’enquête a suggéré un certain nombre de rapprochements, par exemple entre la Commission d’accès aux documents administratifs, ou CADA, et la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou CNIL. Pour ma part, je verrais également assez bien un rapprochement du Défenseur des droits avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Au sein du programme 129, il faut, me semble-t-il, mutualiser autant que possible les moyens de l’Institut des hautes études de défense nationale, l’IHEDN, et ceux de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l’INHESJ.

Les budgets de deux autres autorités administratives indépendantes sont en augmentation significative. Il s’agit de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dont le champ d’action est largement étendu, et de la nouvelle Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, qui a été créée par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement et dont les moyens sont quadruplés par rapport à ceux dont disposait l’ancienne Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, ou CNCIS.

À mon sens, il faut rationaliser le système des autorités administratives indépendantes, en en définissant mieux le statut et en renforçant le contrôle de leur activité par le Parlement.

Le budget annexe, qui est relatif à la Direction de l’information légale et administrative, la DILA, est de l’ordre de 195 millions d’euros. Il est financé essentiellement, d’une part, par les annonces légales relatives aux marchés publics et, d’autre part, par les annonces civiles et commerciales, à hauteur de 86 millions d’euros pour chaque type d’annonces.

L’arrêt de l’impression du Journal officiel sous format papier à compter du 1er janvier prochain est une très bonne chose ; c’est une évolution que je préconisais. Il faudra dès lors être particulièrement actif dans le domaine du numérique. Bien entendu, le problème de la Société anonyme de composition et d’impression des Journaux officiels, la SACIJO, qui est le sous-traitant pour l’imprimerie, demeure.

Votre commission des finances est favorable à l’adoption de ces crédits. (MM. André Gattolin et Richard Yung applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, rapporteur pour avis.

Mme Nathalie Goulet, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la coordination du travail gouvernemental. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un temps de parole de trois minutes, c’est un témoignage ! (Sourires.)

Je remplace mon collègue Jean-Marie Bockel, qui est retenu dans son département.

Au sein du programme 129, l’action n° 2, Coordination de la sécurité et de la défense, est dotée en 2016 de 283,94 millions d’euros en crédits de paiement. Si l’amendement du Gouvernement est adopté, ce montant sera porté à plus de 317 millions d’euros. C’est dans cette action que sont regroupés les crédits du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et ceux de l’ANSSI.

Première observation, les cybermenaces ne cessent de s’accroître. À mes yeux, le rapport remarqué de notre collègue Jean-Marie Bockel mériterait un réel suivi. La France se classe au quatorzième rang des pays où la cybercriminalité est la plus active. La cyberdéfense reste une priorité nationale.

Deuxième observation, chacun connaît les missions de l’ANSSI. Je note qu’en 2015, les décrets d’application de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 ont été publiés et qu’une concertation avec les opérateurs d’importance vitale, les OIV, a été engagée. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous préciser à quelle date seront publiés les premiers arrêtés fixant leurs obligations ?

L’ANSSI a affiné son organisation de crise à la suite des attentats survenus à Paris au mois de janvier et de la résolution de l’attaque contre TV5 Monde.

Elle contribue, par une politique de labellisation de produits et de certification, à l’indispensable développement d’un écosystème privé, car l’ANSSI n’a ni la vocation ni les moyens de tout faire. Enfin, le développement de nouveaux usages et des objets connectés ouvre un nouveau champ de recherche et un nouveau défi. Autant d’objets connectés représentent autant de dangers et autant d’occasions de cybercriminalité !

Troisième observation, l’ANSSI dispose de moyens. Son budget représente désormais plus de la moitié des effectifs budgétaires et des efforts d’investissement, ainsi que 70 % des crédits de fonctionnement du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Cette proportion augmentera avec sa montée en puissance.

La poursuite des créations d’emplois est confirmée. Le plafond d’effectifs est porté à 507 équivalents temps plein en 2016. Cette montée en puissance constitue un défi structurel pour l’ANSSI en raison du turn-over. Face à ces difficultés spécifiques, il faudra prévoir non seulement les recrutements, mais aussi le maintien d’une certaine souplesse au niveau des rémunérations susceptibles d’être servies. Pouvez-vous nous donner quelques renseignements sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que sur la politique de formation ?

Le suivi des filières de formation doit être conduit. La faiblesse du vivier est inquiétante. Il faut pouvoir payer les meilleurs pour les former, sans parler de la qualification des formateurs eux-mêmes, d’autant que de nombreuses entreprises du secteur privé recherchent des profils analogues. Sachons retenir les talents !

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (M. Jacques Gautier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, en remplacement de M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur pour avis.

M. Gilbert Roger, en remplacement de M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la coordination du travail gouvernemental. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, je commencerai par quelques observations concernant le SGDSN dont chacun connaît les activités multiples et essentielles pour l’organisation de la défense nationale au sens le plus large. Il procède à l’évaluation du plan Vigipirate rénové en 2014 et à la préparation du rapport sur les conditions d’emploi des armées sur le territoire national qui nous sera présenté en janvier prochain. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous confirmer ce calendrier ?

Pour exécuter ses missions, il dispose de moyens en personnels, 204 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, pour 2016, auxquels il convient d’ajouter les 184 militaires qui servent le centre de transmission gouvernemental. Hors titre 2, et hors ANSSI, il dispose de 96,6 millions d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 10,8 %, mais qui sera annulée par l’amendement du Gouvernement.

On observait une évolution inverse pour les autorisations d’engagement qui progressent de 10 % – et de bien davantage si l’amendement est voté. Ce dernier est le bienvenu pour renforcer les capacités interministérielles et du SGDSN dans la lutte contre le terrorisme. Vous nous préciserez, monsieur le secrétaire d’État, l’affectation de ce complément substantiel.

Enfin, des subventions destinées à l’Institut des hautes études de défense nationale, l’IHEDN, et à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, l’INHESJ, sont prévues à hauteur de 16,8 millions d’euros pour 2016.

Ces opérateurs sont en pleine restructuration. L’objectif est la mutualisation des moyens et la mise en synergie de ces établissements, tous deux installés désormais sur le site de l’École militaire. Ce sera l’un des axes des contrats de performance qui seront approuvés au premier semestre de 2016. Il serait souhaitable que l’État, plus que par le passé, s’engage sur la stabilité des ressources publiques apportées.

J’en viens maintenant au Groupement interministériel de contrôle, le GIC, qui est un service du Premier ministre chargé des interceptions de sécurité et du recueil des données de connexion. La loi de 2015 relative au renseignement prévoit un éventail de techniques de renseignement, dont le processus d’autorisation et de mise en œuvre devra faire l’objet d’une traçabilité et d’une centralisation par le GIC. Pour répondre à ses nouvelles missions, le GIC devra augmenter ses capacités et renforcer ses effectifs.

Le plafond d’emplois du GIC est établi à 80 ETPT et, en conséquence, il est doté de crédits à hauteur de 3,9 millions d’euros. Ses personnels contractuels seront donc, à compter de 2016, rémunérés sur les crédits de la sous-action créée à cet effet, et non plus sur les fonds spéciaux.

Enfin, le GIC qui disposait de crédits de fonctionnement à hauteur de 300 000 euros verra ce montant porté à 500 000 euros en 2016 – voire davantage, si nous avons bien lu l’objet de l’amendement du Gouvernement qui vise à lui attribuer 23,75 millions d’euros supplémentaires. Pourriez-vous nous préciser l’affectation de ces crédits, monsieur le secrétaire d’État ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales s’est prononcée sur les crédits affectés, au sein de cette mission, au financement de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA.

Pour couper court à tout suspense, je peux vous révéler qu’elle a émis un avis favorable à leur adoption. Il lui a en effet semblé opportun, à ce stade, de ne pas marquer de désapprobation à l’égard des impulsions nouvelles que la MILDECA a données à la politique de prévention et de réduction des risques depuis 2013.

Pour autant, nous souhaitons insister sur plusieurs points de vigilance. Nous prenons acte de la diminution de 2,7 % du budget de la MILDECA, qui n’est pas injustifiée en ces temps de rigueur budgétaire. Toutefois, l’un de ses opérateurs, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, l’OFDT, verra sa dotation baisser de 6,4 %. Il aura perdu 19 % de ses moyens depuis 2010 et risque de ne plus être en mesure de remplir ses missions.

Sur le fond, la situation française en matière de consommation de produits stupéfiants est très préoccupante, en particulier chez les jeunes et les femmes. Le cannabis est désormais un produit très largement banalisé, alors que sa dangerosité augmente avec son taux de principe actif. La cocaïne s’est démocratisée et aucune inflexion positive n’a été constatée concernant les opiacés. Les traitements de substitution font l’objet de détournements et de mésusages. Les dommages les plus importants sont toutefois liés au tabac et à l’alcool, qui sont respectivement à l’origine de 78 000 et de 49 000 décès par an.

Dans quel sens faudrait-il alors infléchir la politique de lutte contre les drogues et les conduites addictives ? En renonçant tout d’abord à une mesure hasardeuse, dont les effets dévastateurs en matière d’image et d’ordre public devraient largement contrebalancer les hypothétiques gains sanitaires. Je veux, bien sûr, parler de l’expérimentation d’une salle de consommation à moindre risque. Cet abandon nous paraîtrait d’autant plus justifié que l’Assemblée nationale a refusé de conserver l’encadrement que souhaitait imposer le Sénat.

Il faut surtout refondre la réponse pénale au premier usage de stupéfiant en rétablissant l’effectivité de la sanction. La peine d’un an de prison aujourd’hui en vigueur est purement virtuelle, et n’a donc aucun effet dissuasif sur les jeunes. En instaurant une contravention sur le premier usage, ainsi que je l’avais suggéré, et comme le Sénat l’a approuvé à deux reprises, il serait possible de sanctionner le consommateur dans l’instant, et de susciter ainsi chez les parents une salutaire prise de conscience.

Ici encore, l’Assemblée nationale n’a malheureusement pas fait preuve de la même sagesse que le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour la coordination du travail gouvernemental, les publications officielles et la modernisation de l’État. Première observation, le Premier ministre a pris l’engagement de réduire ses crédits. Cette promesse a été tenue, puisque les crédits de Matignon sont aujourd’hui en baisse pour l’essentiel.

Deuxième observation, le Gouvernement a pris également l’engagement de moderniser ou de rationaliser ses méthodes de travail. Par une circulaire en date du 30 octobre dernier, cet engagement est en passe d’être mis en œuvre. On devra désormais mieux distinguer la loi et le règlement, et éviter les cavaliers législatifs, lesquels ont fait l’objet d’une importante censure au cours de l’été 2015. Le Gouvernement a par ailleurs pris l’engagement de ne pas déposer trop d’amendements dans le cadre des discussions législatives. C’est une initiative qu’il convient de saluer !

Troisième observation, les collectivités territoriales seront confrontées au droit européen, comme l’a voulu la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Désormais, si un manquement au droit européen est commis par une collectivité territoriale dans son domaine de compétence, sa responsabilité pourra être engagée avec celle de l’État, aussi bien en matière de provisions que de condamnations. Le Secrétariat général des affaires européennes s’efforce aujourd’hui de « déminer » quelque peu cette question difficile.

Quatrième observation, mais ce dernier point a déjà été souligné tout à l’heure, il est probable que nos débats de ce jour seront les derniers à être publiés au Journal officiel dans sa version papier. À partir du 1er janvier prochain, la version électronique prévaudra. Je souligne tout de même que la commission mixte paritaire est parvenue à un accord pour permettre à toute personne le souhaitant d’obtenir un exemplaire papier, à condition que cette demande ne soit ni répétitive ni systématique, conformément aux dispositions de la loi de 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour la protection des droits et libertés. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme 308 « Protection des droits et libertés » regroupe le budget de douze commissions et autorités administratives indépendantes chargées de veiller au respect des droits et des libertés. Parmi ces douze autorités figurent une autorité constitutionnelle, le Défenseur des droits, et une autorité publique indépendante, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA. Il est prévu, pour 2016, de leur ajouter l’Autorité de régulation de la distribution de la presse et la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement qui remplace la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, à la suite du vote de la loi relative au renseignement.

Les autorités administratives indépendantes ont fait l’objet, cette année, d’une attention particulière du Sénat, puisqu’une commission d’enquête sénatoriale les concernant a été pilotée par nos collègues Marie-Hélène Des Esgaulx et Jacques Mézard. Ses travaux nous ont permis de travailler plus précisément sur ces sujets.

Le budget de ces douze autorités représente 100 millions d’euros. Il est à peu près stable d’une année sur l’autre, avec une augmentation de 21 ETPT pour principalement trois autorités administratives indépendantes. Les deux premières sont nouvelles et travaillent à flux tendu : il s’agit de la CNCTR, compte tenu de ses nouvelles missions, et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. La Commission nationale de l’informatique et des libertés, quant à elle, voit son champ de compétences s’élargir de manière exponentielle, si j’ose dire, en raison de ses missions de protection des données personnelles de nos concitoyens.

La CNCTR, comme cela a été souligné, doit se réunir en réunion plénière. Elle a besoin notamment d’un réseau informatique sécurisé et de nouvelles compétences techniques. Une de ses missions nouvelles par rapport à celles qu’exerçait la CNCIS consiste notamment à traiter le contentieux engendré soit par les citoyens, soit par cette autorité elle-même à la suite d’une éventuelle décision du Premier ministre de passer outre son avis.

Par conséquent, les moyens de la CNCTR sont largement supérieurs à ceux de la CNCIS et seront probablement appelés à être encore augmentés. Le Défenseur des droits, qui joue un rôle tout particulier de lutte contre les discriminations est également placé sous notre égide. Il conviendra de préciser ses missions au cours des prochains mois en raison du suivi de l’état d’urgence auquel il faudra procéder.

Je l’ai souligné, la CNIL joue par ailleurs un rôle particulier pour la protection de nos concitoyens face à la commercialisation des données personnelles.

Enfin, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique devra probablement faire face l’année prochaine à une augmentation de 40 % du nombre des personnes suivies par ses services.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Quelle bonne nouvelle ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois. La Commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN, joue également un rôle particulier. Elle permet d’éviter tout usage du secret de la défense nationale dans les procédures judiciaires. Ce point méritait d’être signalé, car il a été examiné par la commission d’enquête sénatoriale.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur spécial, la question des fusions. Soyons néanmoins prudents : lorsque les métiers sont différents, il est préférable que les autorités le soient également. Je ne suis pas sûr que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le Défenseur des droits travaillent exactement sur les mêmes questions. Des mutualisations restent à réaliser, notamment l’année prochaine en ce qui concerne les implantations, mais il faut être attentif à ne pas porter atteinte à l’indépendance des autorités…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je pense en particulier aux systèmes informatiques.

En conclusion, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, tout en demandant au Gouvernement de ne plus procéder à des mises à disposition de personnels auprès d’autorités administratives indépendantes, comme à la CCSDN. Dans cette dernière instance, la commission d’enquête a découvert que cinq personnes étaient mises à disposition. Il faudrait que les postes soient directement détachés à la commission.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois. Cette solution serait plus claire et renforcerait l’indépendance de ces autorités.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur le programme 129 et, surtout, sur la politique en matière de sécurité des systèmes d’information, assurée depuis 2009 par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.

Les missions de cette agence se concentrent sur la prévention et la défense contre les cyberattaques affectant l’administration publique et les opérateurs d’importance vitale, qu’ils soient publics comme privés.

Elle laisse ainsi le versant guerrier aux militaires, policier au ministère de l’intérieur et judiciaire au ministère de la justice, ce qui est, à mon sens, très pertinent et évite un mélange des genres douteux entre attaque et défense, que l’on retrouve dans certains pays anglo-saxons.

Je veux à ce propos féliciter notre collègue, Michel Canevet, pour son excellent rapport découlant de la mission de contrôle de l’ANSSI qu’il vient d’achever. Je ne peux que soutenir ses préconisations, quand il incite les ministères à coopérer davantage avec cette agence ou encore à créer un budget opérationnel de programme propre à l’ANSSI pour un meilleur suivi de son action.

La numérisation fulgurante des données et de l’information fragilise aujourd’hui tous les secteurs d’activité face à des cyberattaques d’envergure. Ces dernières ont d’ailleurs un coût économique astronomique, estimé récemment à près de 2 700 milliards d’euros d’ici à 2020, si nous ne nous armons pas.

Dès lors, je salue le dynamisme du budget de l’ANSSI, ce qui est bien inhabituel par ces temps d’austérité... De 2010 à 2016, il a plus que doublé, s’élevant à 100 millions d’euros l’année prochaine. Le budget triennal pour les années 2015 à 2017 prévoit d’ailleurs la création de 40 postes par an.

Cependant, il y a un bémol... Pour compléter ses équipes opérationnelles, l’agence peine à recruter des personnes expérimentées, évidemment plus séduites par l’attractivité salariale du secteur privé. En outre, le turn-over est très élevé au sein de l’agence, ce qui est handicapant en termes de maintien du niveau d’expertise interne. Il est indispensable de remédier à ces difficultés, notamment en repensant les niveaux salariaux, mais cela ne suffira pas, car l’ANSSI ne peut agir seule pour protéger l’État et ses nombreux OIV.

L’accent doit être mis sur une sensibilisation accrue à la cybersécurité de tous et par le plus grand nombre. Cela passe, à mon sens, par le renforcement de la coopération de l’État avec d’autres acteurs disposant de compétences complémentaires aux siennes. Je pense aux universités, aux écoles d’ingénieurs et aux centres de recherche, mais je pense tout autant à nos grandes sociétés informatiques et à nos brillantes start-ups – tout au moins celles dont l’éthique justifie une certification claire en matière de cybersécurité.

Cette coopération passe enfin par un signalement nettement plus systématique des attaques subies par nos entreprises privées, qui redoutent encore trop souvent de révéler leurs défaillances. Cela entraîne une absence de vision statistique sur ce sujet.

Bref, la tâche est d’ampleur, mais elle est vitale tant pour la sécurité de l’État, que pour la préservation de nos intérêts économiques et, surtout, pour la protection des droits de nos concitoyens. (Applaudissements sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.