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Nomination de membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées.

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Nomination de membres d'une mission commune d'information

M. le président. Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte.

La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées.

7

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2015
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2015

Rejet d’un projet de loi en nouvelle lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2015
Question préalable (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2015 (projet n° 259, rapport n° 263).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure avancée, après avoir vécu presque deux mois de session budgétaire et alors que je crois deviner les intentions du Sénat, il me semble vain d’engager la bataille sur tel ou tel thème ou tel ou tel chiffre.

Je me contenterai donc de commenter brièvement ce que vient de dire M. Dallier, qui soulignait le manque de temps accordé à nos débats. Nous devons certes y réfléchir. Pour moi, toutefois, l’évolution souhaitable ne devrait pas se solder par l’allongement des travaux.

Je participe dans les deux assemblées au débat relatif à chacun des deux textes budgétaires – projet de loi de finances et projet de loi de finances rectificative –, et parfois, comme cette année, à la discussion relative au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pardonnez-moi donc de parler, de façon un peu prétentieuse, de manière globale.

Nous sommes effectivement face à un problème. Le Gouvernement prépare les textes budgétaires entre le 15 août et le début du mois de septembre, vous le savez. Ceux-ci prennent en compte la conjoncture du moment : la situation macroéconomique, l’environnement économique, le contexte international, la situation sociale. Les lettres plafonds, elles, sont prêtes entre mai et juin. Pourquoi le projet de loi de finances est-il rédigé à cette période ? Parce qu’il faut le transmettre au Conseil d’État, avant son dépôt en conseil des ministres, en général fin septembre. Ensuite, commencent les délais propres aux travaux des deux assemblées. Finalement, le vote intervient plus de trois mois après que le Gouvernement a rédigé son projet, soit cette année au Sénat le 16 décembre.

En raison de règles constitutionnelles, de la règle de l’entonnoir, des procédures propres à la première et à la deuxième partie, etc., il est toujours difficile de modifier en cours de discussion certains paramètres. Nous n’aurions ainsi peut-être pas inscrit dans le texte aujourd’hui une prévision d’inflation de 1 %. Celle-ci est en effet toujours quasiment nulle alors que, au moment où nous avons préparé le projet de loi de finances, elle était en reprise, et les conséquences de la politique monétaire européenne s’annonçaient plus efficaces, je vous le dis avec beaucoup d’humilité. Cette remarque est valable sur beaucoup de sujets.

Par ailleurs, à l’époque, nous n’avions pas décidé d’engager certaines interventions militaires à l’extérieur ou d’accroître notre effort pour renforcer les conditions de la sécurité intérieure.

Ce n’est, bien sûr, pas le moment de lancer ce travail et l’année prochaine sera consacrée probablement à d’autres réflexions, mais nous devrions réfléchir un jour à cette construction budgétaire. Vous nous dites, et je peux le comprendre, qu’elle est trop ramassée dans le temps pour vous permettre de travailler. Je pense pourtant, avec le recul que me confèrent mes fonctions, qu’elle est finalement trop longue.

Des décisions annoncées au moment où le Gouvernement dévoile son projet ne sont finalement votées que trois mois plus tard et, concernant l’impôt, par exemple, ne produisent la plupart du temps leurs effets en terme de paiement qu’au mois de septembre de l’année qui suit !

Vous, représentants du pouvoir législatif, et moi, représentant de l’exécutif, sommes confrontés à une difficulté dans notre relation avec le citoyen, lequel entend parler d’une réduction d’impôt au mois de septembre – qu’il y croît ou non, que vous l’approuviez ou non –, mais n’en bénéficiera concrètement qu’au mois de septembre de l’année suivante, soit plus d’un an plus tard. Il en va d’ailleurs de même s’il s’agit d’une augmentation d’impôt.

C’est là l’une des raisons qui me conduiront à défendre l’idée de la retenue à la source, concernant l’impôt. En matière budgétaire comme dans d’autres domaines, il nous faut rapprocher la concrétisation de nos décisions du moment où nous les prenons. En ce sens, le temps de la discussion budgétaire me paraît trop long.

Je profite de cette prise de parole sur le présent texte pour remercier l’ensemble des acteurs de ce débat budgétaire. Madame la présidente de la commission, bien entendu, de son talent dans la prévision de l’heure de fin de séance ! (Sourires.)

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ça, je sais faire !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Grâce à cette faculté comme à toutes ses autres qualités, elle a présidé à la bonne organisation de nos travaux.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Merci !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je remercie également M. le rapporteur général de la précision, de la courtoisie et de la fermeté – c’est normal – de ses prises de position et de ses analyses de l’ensemble des textes qui sont soumis, et la présidence de la séance, qui a supporté nos états d’âme, nos énervements, les horaires parfois indus, jusqu’à plus de trois heures du matin, dernièrement.

Mes remerciements s’adressent également à tous les collaborateurs, ceux de la commission des finances et ceux des groupes parlementaires, ainsi qu’à l’ensemble d’entre vous, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, qui, même dans la confrontation, conservez toujours votre courtoisie.

Nous aurions peut-être attendu des débats un peu plus constructifs sur certains points, mais cette remarque vaut pour le Gouvernement comme pour la majorité sénatoriale, voire pour l’opposition. Nous devons y travailler, cela a été dit à plusieurs reprises. Plutôt que de réagir à chaud à des événements électoraux, je considère qu’il vaut mieux, parfois, se donner un peu de temps. C’est l’esprit qui règne souvent au Sénat, et je vous en remercie toutes et tous.

Je vous invite enfin, bien sûr, à ne pas laisser le dernier mot à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai cru un instant que le Gouvernement allait réviser ses hypothèses d’inflation ! Cela aurait pu me conduire à retirer la motion tendant à opposer la question préalable ! (Sourires.) Mais j’ai bien compris que tel n’était pas le cas.

Cela étant, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 14 décembre dernier, n’est pas parvenue à établir un texte commun sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, en raison de points de désaccord résumés dans le texte de la motion précitée, que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat. Je vais les présenter rapidement.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 entérine une nouvelle dégradation du solde budgétaire entre les dates d’exécution, de 2014 à 2015, de 3 milliards d’euros et, en conséquence, une nouvelle augmentation de la part de la dette publique dans la richesse nationale.

Ce texte traduit une hausse des dépenses de l’État, dont les effets sont seulement limités par un prélèvement sur le Fonds national de gestion des risques en agriculture et par des économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ainsi que sur la charge de la dette.

L’ampleur inédite du schéma de fin de gestion pour 2015 témoigne de l’incapacité du Gouvernement à respecter les priorités qu’il a lui-même fixées en loi de finances initiale, ainsi que d’un manque de transparence sur les objectifs de la mise en réserve de crédits, qui atteignent maintenant 8 %.

On peut regretter – je souscris aux propos tenus à l’instant sur l’organisation de nos travaux – que le collectif budgétaire comporte une réforme d’ampleur de la fiscalité énergétique, laquelle aurait dû trouver sa place dans le cadre du projet de loi de finances initiale. Elle contribuera à alourdir la fiscalité pesant sur les entreprises et les ménages dans les années à venir.

Ce projet de loi de finances rectificative comprend de nombreuses mesures introduites par voie d’amendement sur l’initiative de parlementaires ou du Gouvernement, dans des conditions n’ayant pas permis leur examen approfondi. Nous le déplorons, comme nos collègues de l’Assemblée nationale.

Pour toutes ces raisons de fond, la commission mixte paritaire a échoué. Toutefois, l’Assemblée nationale a conservé un nombre significatif d’apports du Sénat.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 comptait initialement quarante-quatre articles, dont l’article liminaire. À l’issue de la discussion en première lecture par l’Assemblée nationale et de l’adoption de nombreux amendements – le Sénat est moins prolixe ! –, il en comportait cent dix.

Lors de sa première lecture, le Sénat a adopté soixante-quatre articles conformes ; trente-quatre ont été modifiés, onze supprimés et vingt-quatre ajoutés. En conséquence, soixante-neuf articles restaient en discussion en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

À cette occasion, l’Assemblée nationale a adopté une rédaction conforme à celle du Sénat sur quarante-quatre articles et modifié son texte de première lecture sur douze articles, dont onze aboutissaient à un accord partiel avec les propositions du Sénat en première lecture. Elle a seulement rétabli son texte de première lecture sur dix articles et supprimé quatre articles introduits par le Sénat.

Parmi les dispositions reprises par l’Assemblée nationale, je citerai la suppression de l’article 25 nonies, relatif à l’extension de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, à laquelle nous nous étions fermement opposés, ainsi que la suppression de l’article 30 ter, instaurant la déductibilité de TVA pour les véhicules à essence, afin de protéger nos constructeurs automobiles. L’article 30 quater relatif à l’application rétroactive du taux spécifique de TVA à 2,1 % à la presse en ligne a également été supprimé, de même que l’article 35 undecies obligeant les grandes entreprises à publier les informations relatives aux activités et aux bénéfices de leurs implantations pays par pays, le fameux reporting.

L’Assemblée nationale n’a toutefois pas seulement confirmé des suppressions. Elle a adopté des dispositions nouvelles introduites par le Sénat, comme celles qui sont relatives à la réforme de l’ISF-PME à l’article 13, en reprenant nombre de nos propositions ou encore nos apports à l’article 35 quater relatif aux dons aux victimes du terrorisme, dont le champ a été étendu en faveur des policiers, des pompiers et des militaires.

Elle a également adopté l’article 42 bis A, qui impose au Gouvernement de déposer un rapport tous les ans sur le montant et l’utilisation des crédits reportés en retenant une date de remise au 30 juin de chaque année. Elle a retenu également l’article 16 terdecies affectant la taxe d’aviation civile au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » adopté sur l’initiative de notre collègue Vincent Capo-Canellas, qui s’en réjouit !

Malgré ces éléments, nous pouvons bien évidemment nourrir certains regrets, notamment en matière de fiscalité énergétique, puisque l’Assemblée nationale est revenue sur son texte de première lecture concernant l’article 3 créant le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». Cette modification est d’ailleurs intervenue en cours de navette, ce qui est pour le moins surprenant. Nos regrets s’attachent également à l’article 11, relatif à la fiscalité des énergies, et à l’article 11 ter, que nous avions supprimé en tant que cavalier budgétaire.

L’Assemblée nationale n’a pas non plus repris nos propositions d’amélioration du comité consultatif du crédit d’impôt recherche à l’article 19, alors même que les amendements que nous avions adoptés étaient consensuels, ni les compléments que nos avions apportés à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Nous regrettons cette position, s’agissant d’une réforme d’ampleur dans laquelle le Sénat avait veillé à préserver les intérêts des collectivités locales en matière de recettes.

Nous déplorons surtout que le Gouvernement ait choisi d’ouvrir de nouveaux sujets en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui interdit d’introduire de nouvelles dispositions à ce stade de la discussion.

Ainsi, l’adoption très tardive, cette nuit, de deux amendements à l’article 21 concernant le FPIC, le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales. Cette question est pourtant sans rapport avec cet article, lequel traite seulement des locaux professionnels.

Un amendement du Gouvernement introduit ainsi trois paragraphes supplémentaires à cet article qui réforment l’architecture même du FPIC et qui emporteront des conséquences très fortes pour les communes d’Île-de-France. Un tel ajout est contraire, selon moi, je le répète, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Malgré les regrets que j’ai exprimés, en particulier sur le crédit d’impôt recherche ou la révision des valeurs locatives, je voudrais en conclusion saluer l’attitude constructive, lors de la commission mixte paritaire, de nos collègues de l’Assemblée nationale et de Mme la rapporteure générale qui, malgré nos divergences, ont accepté de reprendre nombre des dispositions introduites par le Sénat.

La commission des finances a cependant estimé que même si le Sénat rétablissait son texte en nouvelle lecture, une nouvelle navette ne serait pas de nature à faire évoluer fondamentalement les choses, en particulier sur les points de désaccord majeur tels que la fiscalité énergétique. Monsieur Dallier, nous pourrions dans l’idéal refaire une lecture uniquement de l’article 21, mais nous allons nous épargner cette peine.

Pour cette raison, la commission des finances soumet au Sénat, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UDI-UC, lorsqu’il l’a consulté, s’est demandé si le présent projet de loi de finances rectificative pour 2015 n’était pas plus important que le projet de loi de finances qu’avait présenté le Gouvernement pour 2016 tant il comportait de mesures. Cela nous a inquiétés, car, théoriquement, le collectif ne fait qu’apporter à la marge un certain nombre d’adaptations à la loi de finances initiale.

Le Sénat a bien sûr enrichi ce texte, bien que son examen ait dû être réalisé dans un laps de temps extrêmement court, puisqu’il était encore en discussion à l’Assemblée nationale cette nuit. C’est dire le peu de temps dont nous disposions pour l’examiner. Le débat sur les conditions dans lesquelles le Parlement examine les textes budgétaires qu'a évoqué tout à l’heure Philippe Dallier, puis vous-même, monsieur le secrétaire d'État, mérite d’être ouvert. Un tel débat a d’ailleurs lieu dans les collectivités locales où nos collègues élus ont parfois du mal à absorber quantité de dispositions budgétaires. Cela doit nous amener au plus haut niveau à réfléchir à la manière la plus efficace à la fois de faire passer les messages et de traiter ces questions budgétaires extrêmement importantes.

Celles-ci sont d’autant plus importantes que, comme chacun le sait, la situation est particulièrement préoccupante. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez affirmé que la situation financière s’améliorait. Or, comme l’a dit Vincent Delahaye, le groupe UDI-UC ne partage pas cette façon de voir les choses.

Ainsi, pour ce qui concerne les perspectives de croissance tout d’abord, alors que l’année 2015 avait assez bien commencé – une croissance de 0,7 % avait été enregistrée au premier trimestre –, force est de le constater, cette tendance ne s’est pas confirmée le reste de l’année. Au contraire, la tendance est devenue plutôt atone, nous faisant même douter que soient atteintes les perspectives envisagées par le Gouvernement en début d’année.

Chacun mesure bien que la situation économique de notre pays suscite des positions contestataires chez bon nombre de nos concitoyens. Nous avons d’ailleurs pu le vérifier au vu du résultat sorti des urnes ces deux derniers dimanches. Comme mes collègues, j’ai été ravi d’entendre qu’un certain nombre de responsables politiques allaient prendre ce fait en compte. Oui, il faut effectivement prendre en considération cette réalité, et constater ensemble que la politique menée par le Gouvernement en direction des entreprises ne prend pas le bon chemin et doit être corrigée.

Pour le groupe UDI-UC, cela consiste à rendre nos entreprises un peu plus compétitives, mais à la différence du Gouvernement, il n’envisage pas d’engager des baisses de charges sans compensation financière. Nous considérons au contraire que, dès lors qu’elles sont octroyées, les baisses de charges doivent être compensées. La solution n’est certainement pas d’accroître le déficit de notre pays. Bon nombre de nos concitoyens déplorent que les responsables politiques ne prennent pas assez en compte cette réalité, et que nous laissions à la charge de nos enfants des dettes absolument colossales.

Nous devons au contraire prendre les mesures nécessaires au financement des réductions de charges. Bien qu’elles soient dénoncées sur certaines travées de cet hémicycle en certaines circonstances, celles-ci sont la condition du retour à l’équilibre des finances publiques qui est un objectif que nous, élus centristes au sein de cette assemblée, poursuivons clairement.

Pour ce qui concerne les chiffres de l’emploi, si un regain a été observé après l’été avec une baisse de 25 000 chômeurs au mois de septembre, le constat établi en octobre est particulièrement préoccupant, puisque 42 000 demandeurs d’emploi supplémentaires ont été dénombrés. Cette situation appelle un sursaut absolu et des mesures correctives qu’il faudra mettre en œuvre en 2016 dans le cadre du projet de loi de finances rectificative au projet de loi de finances initiale, qui, à notre sens, ne va pas suffisamment loin en la matière, ce qui explique le dépôt de la motion tendant à opposer la question préalable qui lui a été défendue tout à l’heure.

En matière de produits fiscaux, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, les recettes de l’impôt sur le revenu augmentent. C’est tout à fait paradoxal, comme Vincent Delahaye l’a indiqué précédemment, car la charge repose sur un petit nombre de contribuables, ce nombre ne cessant de diminuer.

Nous en sommes d’autant plus préoccupés que nous, élus centristes, considérons que tout le monde doit acquitter l’impôt sur le revenu, même de façon extrêmement modeste, en fonction de sa capacité contributive. C’est à notre sens l’acte citoyen qui permettra à chacun de se rendre compte que les services publics ne sont pas rendus de façon gratuite.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Michel Canevet. Un changement de vision en la matière est nécessaire, car le nombre de foyers imposables ne cesse de baisser – la proportion était de 47,5 % l’année dernière – et il va encore diminuer en 2015 et, hélas, en 2016, ce qui va à l’encontre du principe que je viens d’énoncer. Les ressources liées à l’impôt sur le revenu augmentant, la charge qui pèse sur ceux qui en payent ne cesse en effet de croître – Vincent Delahaye a fort bien exposé notre préoccupation en l’espèce.

En outre, plusieurs dispositions de ce projet de loi de finances rectificative manquent selon nous de clarté. Je pense notamment à la fiscalité sur les carburants qui mériterait d’être clairement définie pour que les citoyens sachent où l’on va. Philippe Dallier a également évoqué tout à l’heure les mesures adoptées la nuit dernière par l’Assemblée nationale sur le FPIC pour les collectivités de la région d’Île-de-France. Alors que des solutions d’apaisement avaient été trouvées grâce à une réflexion approfondie dans l’enceinte sénatoriale, l’Assemblée nationale a encore modifié les choses en créant des difficultés là où des solutions avaient été trouvées. Cette manière de procéder ne nous semble pas satisfaisante.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC, attaché à un rétablissement le plus vertueux possible des comptes publics, à une vraie relance de l’économie fondée sur la confiance vis-à-vis des entrepreneurs et non sur leur stigmatisation, votera la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous en avons désormais l’habitude au Sénat, les nouvelles lectures des textes budgétaires ont vocation à se solder par le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable.

Si elle est parfois difficile à comprendre hors de nos murs, cette démarche ne nous étonne pas. Lors de la première lecture du texte la semaine dernière, le Sénat a pu faire prendre en considération sa vision politique propre sur certains sujets. Au final, la majorité sénatoriale a d’ailleurs très largement approuvé les principales mesures proposées par le Gouvernement dans le cadre de ce collectif budgétaire.

Toutefois, des désaccords sur des points importants – appréciations divergentes sur le solde budgétaire ou sur la fiscalité énergétique – n’ont pu être dépassés, aboutissant à l’échec de la commission mixte paritaire.

Entre vendredi dernier et ce jour, je ne pense pas que les positions des uns et des autres aient évolué ; ce serait pour le moins étonnant, et notre débat d’aujourd’hui montre que tel n’est pas le cas. Il n’y a donc pas lieu d’exposer de nouveau point par point les mêmes désaccords qui nous ont amenés à examiner le présent texte jusqu’au milieu de la nuit de vendredi.

Pour notre part, nous nous félicitons que l’Assemblée nationale ait pu confirmer hier soir plusieurs dispositions adoptées par le Sénat sur l’initiative du groupe socialiste et républicain.

En matière d’économie sociale et solidaire tout d’abord, puisque les dispositifs incitatifs drainant l’épargne des particuliers vers l’investissement productif des PME, à savoir l’ISF-PME et le dispositif Madelin, sont renforcés à destination des entreprises solidaires d’utilité sociale.

En matière d’investissement local ensuite, car il est légitime que les investissements réalisés par les collectivités territoriales dans le cadre du plan Très haut débit soient éligibles au remboursement de la TVA via le FCTVA. Le groupe socialiste et républicain avait déjà fait adopter, lors de l’examen du projet de loi de finances, une disposition permettant de couvrir les exercices 2016 à 2022. Le collectif budgétaire était l’occasion de s’assurer que ces remboursements couvrent également l’année 2015. L’Assemblée nationale a préféré introduire cette mesure au moment de la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016, mais il reste que ce point est désormais satisfait. Ce sont donc environ 50 millions d’euros au service de l’investissement qui seront fléchés vers nos territoires.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Claude Raynal. Par ailleurs, nous réitérons notre soutien au Gouvernement à propos du texte qu’il a soumis au Parlement. Ce collectif budgétaire confirme la tenue de nos engagements en matière de trajectoire des finances publiques. Oui, l’objectif de déficit public qui avait été fixé à l’automne 2014 sera bien tenu pour l’exercice qui se conclut, à savoir 3,8 %.

C’est cette maîtrise de la dépense publique que nous respectons depuis 2012 qui permet de dégager des moyens supplémentaires en tant que de besoin – et cela a malheureusement été nécessaire à la fin de cette année –, mais également de poursuivre les baisses d’impôt en cours depuis l’année dernière pour les entreprises et les ménages, en particulier pour les ménages les plus en difficulté et non pas pour les classes moyennes supérieures, comme cela a été indiqué tout à l’heure.

Rappelons que pour la première fois depuis 2009 le taux des prélèvements obligatoires a diminué cette année en France.

MM. Didier Guillaume et Jacques Chiron. Eh oui !

M. Claude Raynal. En matière de fiscalité écologique, le présent texte contient des mesures qui vont dans le bon sens, quelques jours après l’accord historique conclu sur le climat, ici même à Paris. Le développement de la fiscalité écologique se poursuit, et, dans un objectif de prévisibilité, un prix pour la tonne de carbone a été défini pour 2017, ce qui permettra d’atteindre l’objectif, fixé par la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte, de 56 euros par tonne en 2020.

Nous nous félicitons également de l’adoption de la réforme de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, réforme qui permettra de mettre à contribution les énergies carbonées émettrices de gaz à effet de serre pour financer la transition énergétique. En l’espèce, la création d’un compte d’affectation spéciale permettra également, en retraçant le suivi des recettes et des dépenses, d’assurer un contrôle démocratique renforcé du Parlement.

Je tiens toutefois à rappeler notre désaccord quant à la suppression, pour 2017, des modulations du tarif de l’essence, du gazole et du GPL par la majorité sénatoriale, lors de la première lecture. En effet, nous tenons aux mesures ambitieuses proposées en matière de convergence des fiscalités du gazole et de l’essence, ce qui permet d’envoyer un signal fort aux particuliers comme aux entreprises de tous les secteurs, ainsi, évidemment, qu’aux fabricants de véhicules.

Par ailleurs, nous saluons les mesures qui ont été adoptées à la suite des attentats du 13 novembre dernier. Les dons consentis au profit des victimes d’actes de terrorisme ou de leurs proches, notamment grâce à l’adoption à l’unanimité par le Sénat d’amendements, aux militaires, aux policiers et aux gendarmes blessés seront exonérés de droits de mutation. En outre, le fonds doté de 4 millions d’euros qui a été créé est destiné à aider les salles de spectacle pour faire face aux annulations dues aux attentats et aux dépenses liées à la sécurité. C’est une excellente chose.

Enfin, plusieurs dispositions ont été prises en faveur des territoires. Je tiens, notamment, à souligner la création d’un fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, à hauteur de 50 millions d’euros. C’était indispensable pour la dizaine de départements concernés.

Plus largement, nous nous réjouissons que le Gouvernement se soit engagé à présenter, dans les premiers mois de l’année 2016, des propositions de nature à apporter une solution pérenne au financement des allocations individuelles de solidarité gérées par les départements.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, même si la majeure partie de ce texte a notre soutien et si le groupe socialiste et républicain a pu faire valoir ses propositions lors de sa discussion, du fait des désaccords avec la majorité sénatoriale que je viens de souligner, nous nous serions de nouveau abstenus sur ce projet de loi de finances rectificative à l’issue de son examen, si la discussion s’était poursuivie.