M. le président. La parole est à M. Michel Amiel.

M. Michel Amiel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la présente proposition de loi constitutionnelle, déposée par nos collègues de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, MM. Pointereau et Bockel, vise un objectif important et sérieux pour les représentants des territoires que nous sommes. Cette ambition est simple : lutter contre l’inflation normative, fléau de notre pays qui pèse lourdement sur la gestion de nos collectivités. L’avenir de ces dernières est précaire et ne saurait trouver grâce à l’aune d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement, laquelle est reportée à l’année prochaine.

Les difficultés de financement et de gestion de nos collectivités ne sont plus un secret pour grand monde. L’AMF estime que le corpus pesant sur les élus locaux comprend quelque 400 000 normes.

Les collectivités s’inquiètent des ressources mises à leur disposition en dépit de l’alinéa 4 de l’article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

Certes, il serait sûrement injuste de croire que la multiplication des normes est nécessairement néfaste. Toutefois, simplification et clarification vont souvent de pair. Comme le précise le rapport, dont je tiens à saluer la qualité, relatif au présent texte, c’est la « complexité inutile » qu’il s’agit de combattre.

Ces normes ont des origines multiples : le pouvoir réglementaire de l’État, des collectivités territoriales ou du législateur, le pouvoir normatif d’autorités administratives indépendantes, d’organismes de droit privé, mais aussi, bien sûr, la législation européenne.

De l’adoption, en 2010, d’un premier moratoire sur la création normative, à la mise en place de la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, devenue le Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, puis d’un second moratoire, plus général celui-ci, sur le gel de la réglementation, les gouvernants se sont souvent intéressés à l’aspect quantitatif de la création normative. Néanmoins, mieux vaudrait se pencher sur la qualité et les conséquences des normes que sur le seul nombre.

En tant que sénateur et élu local, il m’apparaît bien plus pertinent de vouloir réguler l’inflation normative quant aux conséquences juridiques et financières de tout nouveau projet. En ce sens, une circulaire du Premier ministre a été publiée le 9 octobre 2014. Elle impose que toute charge financière « liée à l’impact d’une loi ou d’une réglementation nouvelle [soit] compensée par une simplification ou un allégement d’un montant équivalent, de sorte que l’impact financier net des normes nouvelles sur les collectivités soit nul ».

Le CNEN, dont les méthodes de saisine sont loin d’être incitatives et devraient être redéfinies par décret, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, est également chargé de l’examen de cet impact technique et financier. Cependant, la direction générale des collectivités locales a dressé le constat suivant : c’est moins le coût des normes que leur caractère inadapté qui a conduit à des avis négatifs de la part de ce Conseil.

La rédaction initiale ne concerne que les projets et propositions de loi. Elle laisse fermée la possibilité d’une création normative supplémentaire pouvant servir l’intérêt général et prévoyant la suppression de normes ou contraintes équivalentes qui, dans les faits, peuvent ne pas exister.

L’initiative parlementaire ne saurait souffrir une restriction supplémentaire : l’article 40 de la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel affirment le caractère absolu de l’interdiction de créer ou d’aggraver une charge publique par le biais d’une initiative parlementaire.

Pour ce qui concerne l’article 2 de la proposition de loi constitutionnelle relative aux délais de transposition des directives communautaires, je me permets de rappeler que le principe même de la directive de droit européen est de laisser libres les États membres « quant à la forme et aux moyens » mis en place pour atteindre les objectifs de la directive.

Le fait de chercher à limiter la transposition paraît donc contradictoire avec le principe même de cette directive. D’ailleurs, M. le rapporteur exprime cette position très clairement : « Il relève de la responsabilité du pouvoir politique d’apprécier l’opportunité d’aller au-delà d’une simple transposition. »

Ainsi, la version de ce texte adoptée par la commission en décembre dernier semble prendre en compte au mieux les exigences juridiques et pratiques liées à l’objectif de mieux contrôler la multiplication des normes et leurs conséquences pour les collectivités territoriales. Son article 1er a vocation à encourager la clarification normative en créant une nouvelle obligation, du niveau de la loi organique, d’évaluation préalable pour les mesures portant sur les compétences ou obligations incombant aux collectivités territoriales.

Reste la question de l’opportunité d’inscrire ces dispositions dans la Constitution.

Les débats en commission ont énoncé la possibilité d’adopter une loi organique contenant les mêmes éléments. Dès lors, pourquoi convoquer la Constitution, alors qu’une simple loi organique suffirait ?

M. Michel Amiel. Pourquoi ne pas insister davantage sur un meilleur respect des articles de la Constitution relatifs aux collectivités territoriales ?

Aussi, une majorité du groupe du RDSE ne votera pas ce texte. À titre personnel, je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qui mieux que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, connaît la situation financière, particulièrement dégradée, de ces mêmes collectivités ? Qui est mieux à même de tenter de répondre à leurs inquiétudes ?

Depuis des mois, nous ne cessons de lancer l’alerte sur la dégradation continue des équilibres financiers de nos collectivités, à tous les niveaux. Nous nous donnons beaucoup de mal pour expliquer au Gouvernement, loi après loi, que l’État leur impose des charges nouvelles sans assurer les compensations nécessaires. Or ces charges viennent se télescoper avec les normes, qui pèsent de plus en plus lourd. Elles deviennent financièrement encore plus insupportables.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de citer quelques-uns des propos que vous avez tenus devant le CNEN le 17 décembre 2015.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Ah !

M. Éric Doligé. Je suis en relative adéquation avec votre analyse. Malheureusement, elle ne correspond pas tout à fait à la réalité du quotidien.

Vous avez déclaré : « Si la norme n’est pas en elle-même à combattre, […] l’inflation normative asphyxie l’action publique et freine les initiatives locales. Les élus locaux réclament une simplification, et ils ont raison. »

Vous avez poursuivi en disant : « Dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, le Gouvernement a engagé une action résolue sur la maîtrise des normes applicables aux collectivités locales ».

Je vais vous donner quelques exemples qui montrent à quel point la norme et la réglementation mettent en difficulté nos collectivités.

La loi ALUR devait apporter de la souplesse et permettre de développer le logement, dans un monde idéal. Or chacun sait ce qu’il en a été pour le secteur de la construction et connaît l’effet désastreux sur les finances des collectivités.

Le Gouvernement a dû faire marche arrière, mais n’a en aucun cas compensé les charges nouvelles qu’il avait créées. Il reste bien des scories que les collectivités doivent encore supporter.

Le nombre de logements sociaux par rapport à la population correspond-il à une norme ou à une règle ? Quelle est la frontière entre ces deux notions ? Lorsque l’on connaît les normes en vigueur dans le secteur du bâtiment, l’on comprend le poids cumulé qu’elles représentent !

La décision de l’État de se désengager des permis de construire et d’en confier la compétence et les coûts aux intercommunalités est encore un exemple de transfert de charge sans qu’y aient été adjointes les compensations financières. Des règles nouvelles ont été établies, avec un mélange de normes techniques que doivent appliquer les collectivités.

La loi NOTRe, au lieu de simplifier l’organisation territoriale, a conduit à créer de nouvelles structures et à épaissir le millefeuille territorial.

La transformation des départements, le passage au conseil départemental et l’instauration des binômes ont produit de nouvelles charges en instaurant de nouvelles normes.

La mise en place des nouveaux rythmes scolaires a été à l’origine de dépenses nouvelles associées à une multitude de normes applicables, changeant au gré des règlements.

Mme Catherine Troendlé. Parfaitement !

M. Éric Doligé. Un encadrement pour huit, dix ou douze enfants en fonction de leur âge correspond-il à une norme ou à une règle ?

L’analyse des normes nouvelles applicables aux collectivités locales chaque année montre un surcoût, même s’il va en se réduisant.

Nous ne sommes pas d’accord avec vous sur le chiffrage, monsieur le secrétaire d'État, car vous semblez très optimiste. Le 17 décembre 2015, vous affirmiez ainsi : « l’objectif de zéro charge nouvelle, fixé par la circulaire, semble tenu. C’est la tendance qu’il faut regarder. Elle indique une réelle diminution du poids financier des normes nouvelles sur les collectivités locales. » Il ne me semble pas qu’un seul élu ait sérieusement ressenti cette inflexion. Peut-être n’avons-nous pas le même baromètre, ou sommes-nous soumis à des normes anciennes qui trouvent progressivement leur application…

Un secteur dans lequel les normes sont ravageuses mérite d’être cité : les outre-mer, qui subissent l’application de normes totalement inadaptées à leur réalité. Nous agissons à l’égard de ces territoires comme s’ils se trouvaient à quelques encablures de la métropole. Ils sont clairement plombés par la surnormalisation française et européenne. La délégation à l’outre-mer du Sénat engagera très prochainement un travail approfondi sur le sujet.

Je citerai un dernier exemple : lors de vœux récents aux sapeurs-pompiers, le directeur, en me montrant la dernière grande échelle acquise, m’en a annoncé le coût – 630 000 euros – et précisé que la précédente, acquise peu d’années auparavant, avait coûté 300 000 euros ; la différence s’explique par l’application de normes nouvelles. Il a conclu que, entre trop et trop peu, il doit exister une juste moyenne !

Ces quelques exemples montrent, s’il en était besoin, la nécessité de mettre en œuvre le texte proposé par Rémy Pointereau dans la continuité des travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Dès 2012, dans un rapport, j’ai préconisé de travailler sur le flux et le stock de normes et de cesser d’en produire. La surenchère normative, dont la France a la triste spécialité, crée en effet des surcoûts qui grèvent la compétitivité et conduisent nécessairement au chômage.

Monsieur le secrétaire d'État, comme moi, vous avez la conviction que le stock et le flux doivent être nos deux préoccupations majeures et vous l’avez exprimé. Vous avez évoqué un objectif concernant le flux et une volonté portant sur le stock et l’avez démontré en engageant deux vagues de simplifications.

Dans la loi NOTRe, vous avez intégré douze mesures de simplification. Pourtant, comme je l’ai dit précédemment, le bilan de ce texte va se solder par plus de complexité, résultant de règles, de normes ou de contraintes nouvelles.

De même, le 14 septembre 2015, vous avez annoncé dix-huit simplifications. C’est une avancée très positive, mais elle ne compense pas les contraintes imposées dans d’autres domaines.

Les grands principes à appliquer sont simples. Il faut limiter les normes aux normes européennes. Plus une seule norme française ne doit être supérieure à la norme applicable en Europe, conformément au principe de la non-surtransposition.

Il est impératif d’engager un travail sur la simplification des normes. Il faut élaguer toutes les normes obsolètes et inutiles. Vous commencez à le faire.

Un moratoire doit être appliqué pendant au moins une année, durant laquelle on ne créera plus la moindre norme.

Le choc de simplification annoncé par le Président de la République en 2012 est malheureusement balbutiant, peut-être en raison de la complexité du sujet !

La proposition de loi présentée ce jour répond à cette nécessité d’allégement des charges normatives. Je forme le vœu que, dans l’intérêt général, l’on dépasse le débat politicien.

Je me permets maintenant de rappeler que la finalité de cette proposition de loi est claire et n’est pas neutre pour l’État. Il y est formellement indiqué que celui-ci devra assumer la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales. Autrement dit, lorsque l’État créera une nouvelle charge, il devra impérativement la compenser.

C’est, probablement, le meilleur frein à la boulimie de création de normes, de règles, de contraintes qui présentent toutes un coût financier pour les collectivités, mais aussi, par ricochet, pour les entreprises et les citoyens.

Cette proposition de loi répond à nos attentes et je souhaite que nous la votions tous.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, je vous souhaite une très bonne année et une bonne santé. Il vous en faudra afin de freiner la boulimie normative administrative ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la volonté constante du Sénat de combattre l’inflation des normes qui entrave le dynamisme et l’esprit d’entreprise des collectivités et de leurs élus.

Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, en tant qu’élu local, à avoir fait l’expérience de normes kafkaïennes et affronté des contraintes pénalisantes et coûteuses, dont certaines nous semblaient décalées, excessives, voire inutiles. L’Association des maires de France, ou AMF, évalue ce zèle normatif de l’État, des instances européennes, ou encore d’organismes publics ou privés, comme les fédérations sportives, à 400 000 normes représentant un coût de plus de 700 millions d’euros pour la seule année 2015.

L’initiative qui nous rassemble ce soir contribuera à atteindre l’objectif recherché en fixant un garde-fou constitutionnel. Pour autant, mes chers collègues, reconnaissons que cette proposition de loi constitutionnelle de réglera pas à elle seule tous les problèmes, si elle ne s’accompagne pas d’une volonté politique. C’est pourquoi je souhaite insister sur deux impératifs, préalable à une diminution de l’emprise des normes.

Il faut tout d’abord, au-delà de l’importante question des coûts, substituer à l’obligation de moyens une obligation de résultat, en se posant la question suivante : voulons-nous contrôler les moindres détails du fonctionnement des collectivités locales ou permettre à celles-ci d’atteindre les objectifs et les réalisations que commande l’intérêt général ? En d’autres termes, ne faut-il pas faire preuve de pragmatisme et privilégier le but plutôt que le chemin pour y parvenir ?

Reconnaissons qu’il y a une certaine bonne conscience collective à prétendre, au nom de l’égalité de traitement, du principe de protection, de précaution, et d’autres bonnes intentions, tout prévoir et tout anticiper. Les moyens prennent le pas sur la finalité, au risque de faire perdre de vue les objectifs. Les bonnes intentions des Grenelle de l’environnement et de la loi ALUR, dans lesquelles le formalisme l’a emporté sur le fond, se sont traduites parfois par une incapacité à agir, quand elles n’ont pas simplement dissuadé les acteurs.

Il est nécessaire, ensuite, de proportionner les normes aux enjeux et aux effets escomptés au regard des moyens à déployer. Éric Doligé a amplement développé ce point. Ainsi, peut-on demander à une commune de 300 habitants le même niveau d’investissement – tenant compte de l’amortissement – qu’à celles qui en comptent 10 000 ou 100 000 ?

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que durant vos nombreux déplacements dans les départements, vous insistiez pour que les services de l’État fassent preuve de bonne volonté, d’intelligence et substituent une culture du conseil à une culture du contrôle.

Je vous invite à vous rendre dans le département d’Ille-et-Vilaine et je vais vous soumettre un cas très concret qui illustre parfaitement cette absence de proportionnalité et les difficultés face auxquelles nous nous trouvons.

Les communes de la baie du Mont-Saint-Michel ont dû se conformer à de nombreuses prescriptions, à la suite de la tempête Xynthia, dont certaines se sont avérées aussi injustifiées qu’inutiles, tant les problématiques du littoral atlantique et de la Manche sont différentes.

La baie n’est pas soumise aux mêmes risques que l’océan et une application tatillonne et sans discernement du plan de prévention des risques de submersion marine conduit à des aberrations. Vous conviendrez qu’il est difficile de demander aux habitants la suppression des chambres à coucher situées en rez-de-chaussée lorsque les maisons n’ont pas d’étage ! De surcroît, si les habitants demandent un permis de construire afin de se mettre en conformité avec ce plan, ce permis leur est refusé, car il serait contraire à la loi Littoral et à la protection des sites classés !

Chaque prescripteur campe sur ses positions, plus préoccupé de faire appliquer sa part de réglementation que de trouver une solution. En fin de compte, c’est un paradoxe, ce plan de prévention, censé prémunir les communes d’un danger naturel, les condamne, en raison non pas d’un risque naturel, mais d’une inflation normative contradictoire.

Pour conclure, je constate que, une fois de plus, c’est la culture de la quantité et du nombre qui l’emporte sur celle de la qualité et que l’initiative locale a peu de place.

Il me semble urgent de faire preuve de modestie et de pragmatisme. À l’heure où l’organisation territoriale de notre pays connaît une profonde mutation, peut-on formuler le vœu qu’à un échelon donné – pourquoi pas la région ? – un pouvoir d’adaptation soit conféré à ces nouvelles entités, afin de leur permettre de s’adapter aux préoccupations du terrain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un contexte historique de baisse des dotations accordées aux collectivités, cette proposition de loi constitutionnelle, de Rémy Pointereau, issue du travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, est bienvenue ! Composée de deux articles, elle me paraît tout à fait justifiée et légitime.

Aujourd’hui, dans nos départements et dans nos régions, la plupart des élus sont tout à fait conscients que les collectivités sont à un tournant.

L’effet de ciseau des réformes territoriales et la chute des ressources vont modifier profondément nos territoires dans les prochaines années. L’AMF, et l’AMRF, l’Association des maires ruraux de France, ont plusieurs fois lancé des cris d’alarme pour critiquer les conséquences néfastes de la baisse des dotations non seulement pour les collectivités, mais aussi pour l’ensemble des investissements publics.

La diminution des dotations de 1,5 milliard d’euros en 2014 et de 3,67 milliards en 2015 ainsi que la baisse programmée de 3,67 milliards en 2016 et 2017 priveront au total les collectivités locales de 28 milliards d’euros entre 2012 et 2017.

En tant qu’élus locaux, nous avons tous été témoins ces dernières années de transferts de charges imposés, dont les compensations étaient insuffisantes. Nous avons tous en tête, dans cette assemblée, l’exemple du coût du RSA qui explose dans nos départements, en comparaison avec la baisse du taux de compensation par l’État entre 2009 et 2014, ou celui des rythmes scolaires, pour lesquels les débats sur les compensations financières n’en finissent plus entre l’État et les communes. Sur le terrain, nous constatons pourtant tous un décalage entre le coût réel pour les communes de la mise en œuvre de la réforme et l’aide accordée par l’État à travers le fonds de soutien.

Par ailleurs, à ce moment de la discussion, je ne peux m’empêcher de me poser des questions sur l’article 72-2 de la Constitution, lequel dispose : « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. »

Nous constatons, dans tous les cas, que se pose de façon récurrente la question de la réactualisation des évaluations initiales effectuées par l’État.

D’un autre côté, nous faisons face à cette inflation normative qui n’en finit pas, dans tous les domaines, dans tous les secteurs – l’environnement, l’urbanisme, le sport, etc. –, dont nous parlons depuis maintenant vingt-cinq ans sans parvenir à la limiter, bien au contraire !

La volonté de s’attaquer à cette question fondamentale est présente sur toutes les travées de la Haute Assemblée, les initiatives législatives se multiplient, les outils de lutte contre l’étouffement normatif se mettent en place. Nous devons continuer, persévérer et nous finirons par obtenir des résultats.

La deuxième partie de la proposition de loi constitutionnelle relative aux directives européennes apparaît dictée tout simplement par le bon sens. Les dispositions de ces textes sont déjà parfois difficiles à transposer et Rémy Pointereau pointe du doigt le fait qu’il n’est pas nécessaire d’en rajouter et d’aller au-delà des exigences définies par le législateur européen, sous peine d’alourdir les contraintes et les charges des collectivités territoriales.

Ainsi, le présent texte a le grand mérite de remettre à l’ordre du jour de la Haute Assemblée des questions devenues plus primordiales encore pour nos collectivités qu’elles ne l’étaient à l’époque.

Dans le contexte économique et institutionnel que connaît la France, il y a aujourd’hui urgence à trouver des réponses adaptées, applicables et efficaces rapidement sur ces deux points. Il y va de la pérennité de certaines de nos collectivités, qui, vous en conviendrez tous, mes chers collègues, se retrouvent parfois dans des situations financières intenables à moyen ou long terme.

En conséquence, je voterai cette proposition de loi de Rémy Pointereau, ainsi que les amendements visant à améliorer sa rédaction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi constitutionnelle tendant à favoriser la simplification du droit pour les collectivités territoriales et à encadrer la transposition des directives européennes

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales
Article additionnel après l’article 1er

Article 1er

Après l’article 39 de la Constitution, il est inséré un article 39-1 ainsi rédigé :

« Art. 39-1. – Les objectifs de simplification et de clarification du droit s’appliquent à la loi et au règlement, sans préjudice des conditions d’exercice des libertés publiques ou des droits constitutionnellement garantis.

« Dans les conditions prévues par une loi organique, toute mesure nouvelle ou toute aggravation d’une mesure portant sur les compétences ou obligations incombant aux collectivités territoriales fait l’objet d’une évaluation préalable. »

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l'article.

M. Antoine Lefèvre. Depuis maintenant plus de sept ans que je siège sur ces travées, c’est quasiment à chaque session parlementaire que la problématique des charges et des normes insupportables pour les collectivités territoriales est dénoncée. Nous l’avons constaté encore ce soir.

En effet, à toutes les normes qui nous viennent de l’Europe s’ajoutent celles que nous nous auto-imposons, si je puis dire, et auxquelles nous semblons avoir particulièrement goût, que ce soit en matière de sécurité, dans le domaine sportif, de l’accessibilité, de l’urbanisme, ou encore dans le domaine sanitaire, social, écologique, environnemental. Nos quelque 400 000 normes constituent un véritable inventaire à la Prévert, pas toujours très poétique, il faut bien en convenir, source de dépenses superfétatoires, mais aussi de nombreux contentieux.

Parce que le Sénat reçoit de l’article 24 de la Constitution la mission spécifique d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, il est temps pour notre assemblée de répondre à l’attente des élus. Il n’est donc que temps que le Sénat soit un acteur constitutionnel, et que nos collègues de l’opposition sénatoriale dérogent à cette fameuse discipline de vote qui apparaît contreproductive pour nos collectivités. La présentation de la motion tendant à opposer la question préalable par René Vandierendonck est à mon sens une illustration assez pénible de cet attentisme permanent sur des décisions à prendre, alors que le constat est partagé par tous depuis trop longtemps.

L’article 1er, certes modifié par la commission des lois pour des motifs juridiques que nous comprenons tous, mais qui fait aussi l’objet d’un amendement de l’auteur de la proposition de loi constitutionnelle, Rémy Pointereau, et dont la rédaction est tout en consensus, est, me semble-t-il, un vibrant appel au Gouvernement pour que, enfin, cette question de la norme et de la sur-norme, voire de la sur-sur-norme, soit traitée.

À l’heure des restrictions budgétaires drastiques auxquelles nos collectivités doivent survivre en tâchant de faire toujours mieux avec de moins en moins, je vous enjoins, mes chers collègues, à considérer positivement cet article en ce qu’il inscrit notre volonté d’avancer sur ce dossier récurrent. Je compte sur vous tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Il est défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. Défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Pointereau, Bockel, Carle et Mandelli, Mme Primas, MM. D. Laurent, Vogel et Grosdidier, Mme Canayer, MM. Charon, Cardoux et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. Chaize, Morisset, Reichardt, B. Fournier, Legendre et Karoutchi, Mmes Hummel et Duchêne, M. Mayet, Mme Deromedi, MM. Lemoyne, Laufoaulu, Cornu et Vaspart, Mme Lamure, MM. Huré, Laménie, Pierre, Houel, J.C. Leroy, J.P. Fournier et Doligé et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toute mesure législative ou réglementaire ayant pour effet de créer ou d’aggraver une charge pour les collectivités territoriales fait l’objet d’une évaluation préalable et est assortie de la suppression de mesures représentant une charge équivalente ou d’une compensation financière, dans les conditions prévues par une loi organique. »

La parole est à M. Rémy Pointereau.