Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Chapitre II

Accès aux médias audiovisuels des candidats à l’élection présidentielle

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle
Article additionnel avant l'article 4 (interruption de la discussion)

Article additionnel avant l'article 4

Mme la présidente. L'amendement n° 49 rectifié bis, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « Quinze jours au moins avant » sont remplacés par les mots : « Au plus tard le quatrième vendredi précédant » ;

2° À la troisième phrase du deuxième alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je vais essayer d’être le plus clair possible,…

M. Alain Vasselle. Ce n’est pas facile ! (Sourires.)

M. Alain Anziani. … ainsi que totalement transparent, car telle est mon habitude.

Aujourd’hui, on constate trois types de périodes dans l’élection présidentielle : la période préliminaire, la période dite « intermédiaire » et la période de la campagne officielle.

Sur le plan médiatique, la période préliminaire est caractérisée par le principe d’équité, aussi bien des temps de parole que de la programmation, c'est-à-dire de l’exposition. La campagne officielle est caractérisée par un principe d’égalité, aussi bien des temps de parole que de la programmation. Pour ces deux périodes, nous ne proposons aucun changement. En revanche, il faut insister sur ce point, la période intermédiaire actuelle est caractérisée par l’égalité des temps de parole et l’équité de la programmation, le tout pendant une période de trois semaines. C’est le régime d’aujourd’hui.

Le texte qui nous est soumis prévoit l’équité des temps de parole et de la programmation, ce qui entraîne un changement important pour les temps de parole. On passe en effet de l’égalité à l’équité pendant la période intermédiaire.

Cet amendement vise, d’une part, à rétablir l’égalité des temps de parole et à maintenir l’équité de la programmation ; on ne sait pas faire autrement, sauf à faire commencer la campagne officielle nettement avant ou à provoquer une confusion avec elle. Cependant, pour limiter ces inconvénients, il est prévu de diviser par deux la durée de la période intermédiaire en la ramenant à dix jours.

À mon sens, cela constitue un progrès tout à fait considérable, puisque, ce faisant, on préserve mieux l’égalité des candidats. Pour ma part, je ne vois pas d’autre solution. Parvenir à l’égalité totale de la programmation est impossible.

Cette mesure est favorable à l’égalité des candidatures et évitera, pour ceux qui veulent l’équité en toute chose, comme cela nous est proposé, des conflits incessants avec le CSA et le Conseil d’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Béchu, rapporteur. Je propose de soutenir cet amendement et, par cohérence, de supprimer l’article 4, qui déplaît tant à certains dans cet hémicycle.

Le point de départ de l'article 4, c’est la loi organique 2006-404 du 5 avril 2006. Celle-ci a en effet étendu la période de temps intermédiaire, ce qui a entraîné les difficultés matérielles que nous connaissons. Ces deux semaines et demie de temps intermédiaire ont conduit à une diminution de l’exposition médiatique, empêchant que les dialogues électoraux se déroulent dans de bonnes conditions.

Je vous renvoie au débat du 22 février 2013, en particulier à l’intervention de Guy Carcassonne, qui a consacré une partie de son propos aux raisons pour lesquelles il convenait de modifier les modalités d’expression des candidats, le nombre de ces derniers rendant impossible la tenue d’un « débat digne », pour reprendre son expression.

Pour remédier à ce problème, l’Assemblée nationale a décidé de substituer de l’égalité par de l’équité, ce qui, sur le principe comme sur le papier, peut être choquant. L’amendement n° 49 rectifié bis vise à corriger une partie de la loi de 2006 – ce faisant, on souligne qu’elle pose problème –, en diminuant la période intermédiaire.

Dans ces conditions, supprimons l'article 4 et continuons d’appliquer l’égalité pendant la période intermédiaire.

M. Alain Anziani. Très bien !

M. Christophe Béchu, rapporteur. Nous ferons là œuvre utile de législateurs. Nous aurons avancé et trouvé des points d’équilibre entre nous. Il nous restera tout de même, lors de la commission mixte paritaire, à convaincre nos collègues députés que ce système est meilleur que celui qui consisterait à chanter les louanges de l’égalité pendant le temps intermédiaire pour la remplacer ensuite par l’équité, ce qui n’est pas totalement gagné.

M. Alain Vasselle. Tout à fait !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est réaliste !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’a pas la même analyse : l’adoption de cet amendement n’aurait pas forcément l’effet annoncé dans l’exposé des motifs. Elle réduirait en effet à une semaine la possibilité pour le Conseil constitutionnel de vérifier la validité des parrainages présentés.

M. Christophe Béchu, rapporteur. Non !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Ce n’est donc pas praticable, d’autant qu’il peut y avoir des milliers de parrainages à valider au dernier moment. Je rappelle qu’il faut vérifier à la fois la nature du parrain et le département dont il est l’élu. En une semaine, le Conseil constitutionnel ne pourra pas réaliser un contrôle de la validité de ces candidatures dans de bonnes conditions, ce à quoi revient l’adoption de cette disposition.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet accord ne me surprend pas ! Les intérêts des grandes formations, qui alternent au pouvoir depuis un certain nombre d’années, sont les mêmes…

Je tiens également à saluer les artistes, ainsi que leur numéro de prestidigitation, qui est tout à fait bienvenu, même si on ne comprend pas tout. C’est justement cela, la prestidigitation : on croit tout voir, on croit que c’est transparent, alors qu’il y a des montages derrière.

Pour résumer, de quoi s’agit-il ? Certes, cet amendement est « moins pire » que le texte initial, c’est évident, mais une telle disposition revient malgré tout à réduire la période pendant laquelle le principe d’égalité est appliqué.

M. Alain Anziani. Non, aujourd’hui, c’est l’équité !

M. Pierre-Yves Collombat. Pendant cette période, ce n’est pas l’équité qui s’applique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Si tel était le cas, vous n’auriez pas modifié complètement le texte, vous auriez laissé les choses en l’état. Dans les faits, il s’agit bien de diminuer la période au cours de laquelle le principe de l’égalité est appliqué.

On aurait pu développer un autre système, voire introduire un peu plus d’équité pendant la très longue période où les médias font exactement ce qu’ils veulent, organisent les candidatures officielles, désignent les candidats pour lesquels il est intelligent et on a le droit de voter – les autres sont des minables, ils n’en parlent même pas. Voilà ce qui aurait été intéressant ! Voilà ce qu’aurait pu être une approche de gauche du problème.

Or, pas du tout ! On réduit encore – petitement, certes – la période d’égalité. On argue de raisons techniques, mais ce n’est pas vrai : le problème n’est pas technique, il est politique. Voulons-nous favoriser la diversité des opinions, avoir un vrai débat ou au contraire voulons-nous l’occulter, le canaliser de façon à obtenir le résultat qui nous intéresse ? C’est cela le fond du débat.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Nous prenons connaissance de cet amendement et de la position de la commission saisie au fond. Si j’en juge les débats, les auteurs de cet amendement et le rapporteur vont dans le sens de ce que la commission de la culture avait préconisé.

Substituer le principe d’équité, quand bien même il serait modifié, à l’obligation de programmer les candidats dans des conditions identiques, se révèle beaucoup plus compliqué que d’appliquer le strict principe d’égalité pendant cette période intermédiaire. Je souligne que la commission de la culture a pointé ces difficultés et, pour avoir discuté avec les diffuseurs, j’ai maintenant confirmation que ce serait extrêmement difficile à mettre en place – une véritable usine à gaz, pour reprendre l’expression que j’ai utilisée tout à l’heure.

Au demeurant, comme je m’exprime au nom de la commission de la culture, il m’est très difficile d’émettre un avis sur cet amendement, puisque la disposition est assortie de la réduction de la période intermédiaire. Or c’est sur ce point-là que la commission n’a pu débattre. Par conséquent, je m’abstiendrai.

En revanche, je soutiendrai la proposition de suppression de l’article 4 ; je ne serai pas plus royaliste que le roi. La commission de la culture a tenté de trouver une solution qui était d’inscrire dans la loi organique le principe d’égalité. Il est proposé que ce ne soit pas du tout inscrit dans le texte ; je suis d’accord.

Enfin, je déplore que nous examinions ce texte suivant la procédure accélérée et essayions de trouver un arrangement à la dernière minute. Compte tenu de l’enjeu – l’élection présidentielle –, permettez-moi de dire que ce n’est pas très sérieux !

Je suis extrêmement réservée sur nos méthodes de travail : cette proposition de loi organique aurait mérité un véritable travail de fond, pas seulement un travail technique du CSA, mais aussi, dans le cadre d’une navette parlementaire, un travail sérieux de nos assemblées, à la hauteur de ce qu’attendent nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. L’amendement n° 49 rectifié bis a été présenté très rapidement ce matin en commission des lois. Il a pour objet de répondre à un certain nombre d’inquiétudes provoquées par une disposition de la proposition de loi organique qui, selon nous, porte atteinte au débat démocratique et au pluralisme.

Il s’agit de substituer au principe de l’égalité du temps de parole le principe d’équité durant la période intermédiaire. Je l’ai dit et je le répète : nous critiquons vivement, comme beaucoup d’autres, cette proposition, car elle laissera le champ libre aux rédactions et à leurs lignes éditoriales et ne permettra pas d’assurer un strict respect de l’égalité.

J’avoue que l’amendement de M. Anziani n’est pas simple à comprendre. À cet égard, je partage le point de vue de Mme la présidente de la commission de la culture : ce texte aurait mérité un peu plus de temps et un débat un peu plus approfondi, tant la question qu’il aborde est complexe.

J’ai essayé de comprendre cet amendement : il tend à diviser par deux la période intermédiaire, donc à réduire de moitié la période durant laquelle s’applique le principe de l’égalité des temps de parole. L’autre moitié entre en effet dans la période précédente, dite « préliminaire », régie, elle, par le principe d’équité que je viens de critiquer.

Cet amendement est à mon avis le fruit d’un compromis, censé permettre une avancée. Or, pour moi, les compromis consistent souvent à procéder à un alignement par le bas… S’il était adopté, cet amendement permettrait surtout de couper court au débat naissant sur l’article 4 et sur la remise en cause du pluralisme. L’Assemblée nationale serait ensuite saisie d’un texte qu’elle s’empresserait bien évidemment de remettre à son goût.

M. Pierre-Yves Collombat. Chapeau, l’artiste !

Mme Éliane Assassi. C’est l’une des raisons pour lesquelles notre groupe ne votera pas en faveur de cet amendement.

Par ailleurs, nous avons demandé la suppression de l’article 4, mais pas du tout pour les raisons invoquées, par exemple, par M. le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je souhaite formuler trois observations.

Premièrement, je dis à Mme la présidente de la commission de la culture qu’il faut qu’elle vote cet amendement si elle souhaite supprimer l’article 4, sinon celui-ci fera l’objet d’une discussion tout à l’heure. Cet amendement va tout à fait dans le sens de l’avis de la commission de la culture.

Deuxièmement, je ne comprends pas que Pierre-Yves Collombat et Mme Assassi ne voient pas que le compromis – c’en est un, je le reconnais – auquel nous sommes parvenus renforcera l’égalité en matière de temps de parole (Mme Éliane Assassi s’exclame.),…

M. Alain Anziani. … puisque l’égalité des temps de parole est rétablie pendant la durée intermédiaire.

Troisièmement, Mme la secrétaire d'État argue que le Conseil constitutionnel a besoin de plus de temps pour examiner les candidatures.

Or je rappelle que sous l’empire de l’ancienne loi, jusqu’à l’élection présidentielle de 2007, les listes étaient déposées le vendredi et la campagne officielle commençait le lundi. Y a-t-il aujourd'hui plus de parrainages, plus de candidats ? Je n’en suis pas sûr. Le Conseil constitutionnel s’étant plaint que trois jours n’étaient pas suffisants pour examiner les candidatures, le délai est passé de trois jours à trois semaines.

Pour ma part, je pense que, entre trois jours et trois semaines, on peut trouver un compromis et que le Conseil constitutionnel peut effectuer son travail en une semaine.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Le sujet dont nous discutons n’est pas facile, la preuve en est que les deux heures que nous lui avons consacrées en commission ne nous ont pas permis de trouver une rédaction susceptible de nous rassembler tous. Il nous a fallu nous réunir de nouveau ce matin pour nous déterminer rapidement, après les auditions, sur l’amendement de M. Anziani.

Je remercie M. Anziani d’avoir fait preuve de pédagogie et d’avoir bien expliqué qu’il existe trois périodes : la période préliminaire, la période intermédiaire et la campagne officielle.

Madame la secrétaire d’État, vous considérez que le Conseil constitutionnel ne pourra pas analyser l’ensemble des parrainages en dix jours. Pourriez-vous nous expliquer comment vous parvenez à ce nombre, alors que notre collègue considère que le confort du Conseil constitutionnel serait bien amélioré par rapport à la situation précédente s’il disposait d’une semaine ? Ce point mérite un éclairage. Si l’argument technique tombait, le Gouvernement n’aurait plus de raison d’émettre un avis défavorable sur l’amendement.

Pour ma part, je suis prêt à me rallier à cet amendement de compromis. En passant de l’équité à l’égalité pendant la période intermédiaire, on fait un pas de plus dans la direction dans laquelle souhaite aller la commission de la culture, comme je le souhaite également, ainsi que M. Collombat.

Nous voulons une stricte égalité dans le temps médiatique pendant la période intermédiaire et pendant le temps de campagne. Le problème est que le principe d’équité prévaudra pendant la période préliminaire. (Mme Corinne Bouchoux s’exclame.)

M. Alain Vasselle. Je rappelle que les primaires en vue de l’élection de 2017 se dérouleront pendant la période intermédiaire – du moins, il y a une forte probabilité qu’il en soit ainsi. Dans ce cas, il risque d’y avoir une inégalité de temps de parole entre les candidats potentiels, même s’ils ne sont pas encore reconnus comme tels.

Il est vrai, comme l’a dit Mme Morin-Desailly, que nous disposons d’un temps beaucoup trop court pour étudier ce dossier au fond. Le problème d’égalité mérite une réflexion approfondie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Je pense que, cette fois, on confine au génie politique. En toute modestie, je suis impressionnée ! Il faut décrypter nos débats pour les quelques téléspectateurs qui nous regardent peut-être sur internet, à l’instar des étudiants de l’université d’Angers.

Le véritable tabou, ce sont les 500 signatures. Certains souhaitent qu’il en faille plus, afin qu’il y ait moins de candidats. Le voilà, le vrai sujet ! Or, on ne va pas se voiler la face, augmenter le nombre de signatures requises ne serait pas populaire.

Comme on ne peut pas le faire, on oublie cette solution et on fait autre chose : on joue sur l’argument de l’équité, qui est un autre tamis, celui non plus du nombre, mais de la visibilité. Or on s’aperçoit très vite que les petits partis protestent, qu’il faut tout de même les respecter, que cette solution va poser un problème et créer le buzz et qu’il faut donc trouver une autre solution. On fait alors quelque chose de très malin : quand on ne peut rien faire sur rien, on joue sur le temps ou sur le périmètre. Vous, vous jouez sur les deux ! Mes chers collègues, je vous invite à relire Saint-Germain ou La Négociation de Francis Walder…

S’il était adopté, l’amendement entraînerait la suppression de l’article 4, ce qui, il est vrai, pourrait nous intéresser, car nous n’y sommes pas favorables. Vous faites ainsi d’une pierre trois coups ! J’avoue que c’est génial.

Cela dit, vous ne pouvez pas nous demander d’adhérer au fond, qui n’est pas vertueux, et de faire l’économie d’un débat. Pardonnez-moi de reposer la question, mais une étude d’impact a-t-elle été réalisée sur ce sujet ?

Nous sommes en train de modifier ce qui structure de façon très profonde notre vie politique, qu’on l’accepte ou non, car la présidentialisation fera le jeu politique au cours des dix ans à venir – cinq ans renouvelables une fois, cela fait dix ans. Nous sommes en train, je le dis sincèrement, de bricoler une solution qui ne repose sur aucune base scientifique et sur laquelle nous n’avons aucune visibilité.

Madame la secrétaire d'État, je vous souhaite la bienvenue au Sénat et je me réjouis que vous commenciez vos travaux à la Haute Assemblée. Néanmoins, s’il y a un argument que je ne peux pas entendre, c’est celui de l’inconfort du Conseil constitutionnel. Pas ça, pas ici, au sein de la Haute Assemblée ! S’il faut recruter, que l’on embauche des gens en CDD.

Je suis très ennuyée, car, si je salue le génie politique du compromis, qui pourrait entraîner la suppression de l’article 4, auquel je suis défavorable, je vais être obligée de voter à reculons un amendement auquel je suis également défavorable. C’est surréaliste, vous êtes géniaux, bravo ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne partage pas les critiques qui auraient pour effet de rendre quelque peu dérisoire ce qui est en train de se passer. Il y a des jours où l’on n’est pas très heureux d’être parlementaire et d’autres où l’on peut être fier des débats.

Pour ma part, je n’ai pas participé au débat en commission hier – je me suis contenté de l’écouter pendant une heure et demie –, mais j’ai trouvé que la solution proposée par nos collègues Alain Anziani, Christophe Béchu et d’autres était véritablement le fruit du débat. On se demande parfois à quoi servent les travaux en commission. Hier, la réunion de la commission a été très féconde, monsieur le président de la commission, car elle a permis un débat très respectable sur l’égalité et l’équité. On sait très bien que le principe d’égalité, appliqué à des heures de diffusion différentes, aboutit à des résultats inégalitaires. Cela dit, nous avons bien entendu le profond attachement de nos collègues au principe d’égalité.

Réduire la période intermédiaire est une bonne idée, car cela permettrait de maintenir l’égalité dans cette période, comme le souhaitent nombre de membres de la commission des lois et de la commission de la culture.

J’observe moi aussi que le seul argument que vous avez invoqué, madame la secrétaire d'État, ce sont les problèmes du Conseil constitutionnel. Pour ma part, ayant rédigé un rapport sur le fonctionnement du Conseil constitutionnel, je puis vous dire qu’il fait appel à de très nombreux vacataires, de grande qualité d’ailleurs, pour assumer cette tâche. Il ne faut pas imaginer que les neuf membres comptent et vérifient eux-mêmes les enveloppes. Ce n’est pas comme cela que cela se passe ! Je pense donc que cet argument n’est pas pertinent en l’espèce. Comme l’a dit M. Anziani, le Conseil constitutionnel peut effectuer ce travail en une semaine.

Madame la présidente, je me réjouis que la rédaction du texte soit le fruit du travail du Sénat et que l’on soit parvenu à une solution simple et pratique, conciliant un certain nombre d’avantages.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J’ai bien écouté notre collègue Corinne Bouchoux. Même si je trouve qu’elle a tout à fait raison, je n’arrive pas à la même conclusion qu’elle. Il est vrai que l’article 4 n’est pas satisfaisant, mais les conditions dans lesquelles nous travaillons sur ce texte le sont encore moins.

Madame la secrétaire d’État, il serait bien de renoncer à la procédure accélérée sur un texte comme celui-ci, afin de nous permettre à la fois de l’évaluer et de le retravailler. Il n’est pas possible de travailler dans de telles conditions. On fait du travail de commission à trente ou à quarante dans l’hémicycle sur un texte fondateur pour l’élection présidentielle.

Monsieur le président de la commission des lois, soutenez-nous et faites en sorte que le Premier ministre renonce à la procédure accélérée !

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Béchu, rapporteur. Mes chers collègues, je vous demande de me donner acte que les premiers mots que j’ai prononcés au début de ce débat ont été pour déplorer les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte et indiquer qu’il serait souhaitable de modifier les choses à l’avenir.

M. Robert del Picchia. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Dont acte !

M. Christophe Béchu, rapporteur. Je vous invite, mes chers collègues, à déposer un texte pour l’élection de 2022 sans attendre la dernière ligne droite. Le problème est que, au mois d’avril, nous serons à un an de la prochaine élection présidentielle. Si le texte n’était pas examiné selon la procédure accélérée, nous serions amenés à légiférer au cours de l’année de l’élection. Or un consensus semble se faire jour pour qu’une année entière s’écoule entre le vote du texte et l’élection présidentielle.

Permettez-moi maintenant un trait d’humour. Les deux derniers qui ont présenté des textes visant à moderniser l’élection présidentielle sont devenus l’un Président de la République – Nicolas Sarkozy était à l’origine de la loi de modernisation de 2006 - et l’autre garde des sceaux – c’est Jean-Jacques Urvoas qui a présenté le présent texte. Cette information devrait susciter des vocations au sein de notre assemblée et inciter certains à déposer des textes par anticipation ! (Rires.)

Oui, le sujet dont nous débattons fait consensus. La politique s’honore parfois en évitant un certain nombre de conflits inutiles. Les règles du jeu doivent susciter un rassemblement le plus large possible. Les propositions suscitent suffisamment de débats, n’en ayons pas sur les règles du jeu.

Si nous adoptions l’amendement de M. Anziani, nous améliorerions la situation qui existait avant 2007 et nous corrigerions une partie des excès que nous avons constatés. Nous éviterions également un débat sur l’équité et l’égalité, avec tout ce qu’il supposerait d’arrière-pensées, de postures, de positionnements et de difficultés à exprimer des idées de façon intelligible. Restent trois arguments.

Tout d’abord, techniquement, madame la secrétaire d'État, je ne peux pas retenir vos propos, parce qu’ils contredisent les faits et, surtout, ce que nous avons déjà voté. Lors des dernières élections, la date limite de collecte des parrainages était le 16 mars et, le 19 mars, le Conseil constitutionnel pouvait publier la liste. Il a fallu trois jours. On en propose dix !

Ensuite, nous venons d’adopter un article qui organise la transmission au fur et à mesure des parrainages. Le contrôle du Conseil constitutionnel ne se fait donc plus le dernier week-end, mais tout au long de la période. C’est une question de cohérence par rapport au texte.

Enfin, politiquement, il y aurait beaucoup à dire. Je vous invite à examiner les scores des candidats à la présidentielle de 2002, quand le principe d’équité s’appliquait, et ceux de 2007 et de 2012, quand le principe d’égalité prévalait. Vous vous apercevrez que ce sont les « gros » candidats qui ont obtenu les scores les plus importants en 2007 et en 2012 et les « petits » candidats qui, paradoxalement, ont enregistré les scores les plus faibles.

Il y aurait beaucoup à dire sur le fond. Épargnons-nous ce débat et votons l’amendement de M. Anziani. C’est un compromis qui n’a rien de génial, mais qui honore la totalité de notre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Pierre-Yves Collombat a parfaitement expliqué les raisons pour lesquelles nous ne souscrivons pas au mécanisme proposé, au-delà, d'ailleurs, de l’amendement qui irait plutôt dans la bonne direction. Toutefois, nous savons que, in fine, le système auquel nous parviendrons sera celui de l’équité. Or, pour nous, ce processus est contraire aux principes mêmes auxquels nous sommes attachés.

Pour l’élection qui est la plus importante dans notre pays, et nous n’avons jamais été favorables à l’élection du Président de la République au suffrage universel,…

Mme Éliane Assassi. Nous non plus !

M. Jacques Mézard. … dans la ligne directe du président Monnerville, inventer un système dans lequel on ira, in fine, après négociation avec l’Assemblée nationale, à l’équité, si cela a un sens, c’est extrêmement négatif. Une fois que les candidatures sont déclarées recevables par le Conseil constitutionnel, pour nous, il ne peut y avoir qu’une solution : l’égalité pour tous les candidats. Toute autre solution est un affront aux principes démocratiques. C’est ce que nous ne cessons de dire dans ce texte.

Puisqu’il me reste quelques secondes, j’ajouterai que faire un tel texte à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle, ce n’est pas raisonnable, ce n’est pas bon. Au cours des deux dernières années, on aura changé les règles électorales pour les municipales, pour les intercommunalités, pour les cantonales, les sénatoriales et, sans modifier les règles électorales, on aura tout de même touché fondamentalement aux régions. Il ne manquera, mes chers collègues, que de s’attaquer aux règles des élections législatives pour essayer de trouver un système, une nouvelle fois, qui changerait la donne, même si cela ne profite jamais à ceux qui utilisent ce genre de mécanique.

Nous serons donc totalement et jusqu’au bout opposés à ces modifications.