M. François Bonhomme. Ça, c’est vrai ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Henri Cabanel. Plus de 9 milliards d’euros ont ainsi été préservés dans cette PAC pour l’agriculture française.

Je salue aussi l’engagement du ministre de l’agriculture (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.),…

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Henri Cabanel. … qui affirme toujours plus haut et plus fort une stratégie d’agriculture durable, largement définie dans le cadre de la loi d’avenir, qui préserve le foncier agricole, incite à l’installation, crée les GIEE, renforce la performance sanitaire et correspond à l’attente des citoyens.

Dans ce texte, vous avez abordé le risque assurantiel. J’y reconnais une thématique importante pour notre monde agricole. Il y a trois risques majeurs : climatique, sanitaire et économique. Des propositions existent pour les deux premiers, même si le taux de pénétration est faible. La sensibilisation des agriculteurs prend du temps ; le contrat socle n’est sorti qu’en février 2015. Par ailleurs, l’assurance obligatoire pour les jeunes agriculteurs que vous préconisez est loin de faire l’unanimité dans les différentes filières.

Il est en revanche primordial de traiter le risque économique à l’échelle européenne, afin d’assurer un revenu à nos agriculteurs en cas de crise soudaine, comme celle causée par l’embargo russe. C’est pourquoi, avec mes collègues Franck Montaugé, Didier Guillaume et d’autres membres du groupe socialiste et républicain, j’ai déposé une proposition de résolution pour encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture.

Cette dépendance à l’Europe n’est pas inéluctable. Chaque agriculteur que je rencontre préférerait vivre de sa production à travers un prix plutôt que de toucher des subventions. Il est donc fondamental qu’un bilan de l’efficience des précédentes PAC soit établi dès aujourd’hui afin de négocier une nouvelle orientation de la prochaine PAC post-2020. Sur ce point, je suis d’accord avec le rapporteur.

Enfin, quand on parle de compétitivité, cela devrait d’abord évoquer des stratégies de développement. Vous connaissez mon franc-parler : il faut arrêter l’hypocrisie et la politique de l’autruche ! Les crises conjoncturelles de l’élevage trouvent des réponses dans les aides ponctuelles de l’État et de l’Europe, mais ces filières ne trouveront d’issue à leur malaise structurel que par une remise en cause des modèles par la filière.

J’ai proposé au ministre de l’agriculture d’organiser une réunion de travail entre les représentants de la filière de l’élevage au niveau national et les organisations professionnelles du Languedoc. Celles-ci ont coconstruit, voilà plus de vingt ans, une ligne directrice pour notre vignoble languedocien, qui connaissait une crise aussi grave que celle qui frappe l’élevage aujourd’hui. Le ministre a accueilli favorablement cette idée. Il nous cite d’ailleurs souvent en exemple, et les vignerons en sont très fiers. Ils ont tout restructuré dans une stratégie globale : arraché des vignes, planté de nouveaux cépages plus adaptés aux goûts des consommateurs, créé des labels de qualité, organisé et diversifié la filière. Surtout, ils ont accompagné tous ceux qui n’ont pu s’adapter à cet élan de nouveauté.

Le paysan que je suis ne peut accepter que l’on fasse miroiter aux agriculteurs un semblant de solution alors que la route va être longue, semée d’embûches. Je suis persuadé que, au bout, il y a, pour nos filières d’élevage, le succès que nous, vignerons du Languedoc, avons connu. Les paysans n’ont jamais eu peur de retrousser leurs manches. Faisons-leur confiance ! Il faut leur montrer non seulement que nous sommes là pour répondre à l’urgence dans les coups durs, mais aussi que nous saurons accompagner leur audace.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Joël Labbé et Michel Le Scouarnec applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Lenoir. Nous voici de nouveau réunis pour débattre d’une proposition de loi que nous fûmes 157 à signer, puis 200 à voter en première lecture. C’est l’occasion pour vous, monsieur le ministre, d’avoir le plaisir de revenir au Sénat, même si c’est un plaisir que vous montrez avec beaucoup de retenue… En tout cas, c’est l’occasion d’échanger sur des sujets qui doivent nous rassembler.

Je ne vais pas revenir sur l’objet de la proposition de loi, qui vise à apporter des réponses structurelles à la crise profonde que vous avez décrite dans votre intervention – nous partageons votre analyse sur la nature de cette crise –, je tiens simplement à rappeler que ce texte repose sur trois piliers : le rétablissement de relations justes et équilibrées entre les différents acteurs de l’agroalimentaire, du producteur jusqu’au distributeur ; le soutien aux mesures en faveur de l’investissement ; l’allégement des charges fiscales, sociales et administratives.

Je ne vais pas non plus revenir sur la simplification des normes après le débat que nous avons eu nationalement et que nous poursuivons localement : les normes sont souvent ce qui pèse le plus lourd dans la vie de l’agriculteur.

À l’Assemblée nationale, la majorité a adopté une motion de rejet préalable : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Toujours est-il que le propos, parfois un peu agressif, de l’orateur qui m’a précédé à cette tribune – j’ai cru comprendre que les mots les plus durs avaient été prononcés en catalan –…

M. Jean-Claude Lenoir. … était en décalage par rapport à votre intervention à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre – je vous rends justice, comme vous voyez ! Vous avez en effet déclaré – je me réfère au Journal officiel – qu’il n’y avait finalement pas de différence entre ce que propose l’opposition à travers cette proposition de loi et ce que souhaitent la majorité et le Gouvernement. La seule différence, selon vous, tient au fait que les mesures que nous préconisons ne sont pas financées. Or, comme vous le savez, mes chers collègues, l’article 40 ne nous permet pas de prévoir un tel financement. C’est au Gouvernement qu’il appartient de lever le gage lorsqu’il juge que les mesures sont utiles.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Que ne l’a-t-il fait !

M. Jean-Claude Lenoir. Si c’est la seule différence entre nous, monsieur le ministre, j’ai le sentiment qu’un rapprochement est possible en deuxième lecture. J’ai même entendu des mots assez forts sur le thème du rassemblement,…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Unité nationale !

M. Jean-Claude Lenoir. … sur la possibilité de se retrouver sur un texte attendu par le monde agricole. L’occasion nous est précisément donnée ! C’est pourquoi, je le répète, je regrette quelque peu les propos du préopinant, qui ont manifesté une forme d’agressivité très éloignée des discours que vous avez tenus à l’Assemblée nationale et au Sénat voilà quelques instants. Nous ne sommes pas là pour faire de la politique politicienne,…

M. Jean-Claude Lenoir. … mais pour proposer des mesures et aussi, éventuellement, apporter des idées au Gouvernement. Cette proposition de loi pourrait être considérée par certains, dans une vision quelque peu réductrice, comme une boîte à idées. Nous avons pour notre part une autre ambition : faire partager par le plus grand nombre ce qui doit être fait.

D’ailleurs, le Gouvernement n’a pas hésité à arrêter un certain nombre de mesures qui, en réalité, sont empruntées à notre proposition de loi. Je pense à l’assouplissement du mécanisme de déduction pour aléas ou à l’extension à un certain nombre d’acteurs – les coopératives, les bâtiments d’élevage et de stockage – du dispositif de suramortissement. Je pense également aux mesures qui seront prises dans le cadre de la loi Sapin. Vous annoncez ainsi qu’il sera fait référence aux prix payés aux producteurs dans les contrats passés entre les transformateurs et les distributeurs. C’est une avancée importante que nous réclamions !

Je déduis de vos propos que nous pourrions également nous retrouver sur l’incessibilité des contrats laitiers. Un amendement proposé par le rapporteur pourrait donc avoir l’heur de vous plaire. Il y va de même de l’allégement des normes, notamment en ce qui concerne les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.

Finalement, qu’est-ce qui nous sépare ? Vous l’avez dit, monsieur le ministre, rien ! Quant au financement, c’est au Gouvernement de prendre des mesures. Ce qui doit nous rassembler, c’est le fait d’apporter des réponses claires, justes et équilibrées au monde agricole. En définitive, nous avons un devoir d’acteurs ; la question des droits d’auteur est très secondaire. C’est ce rassemblement, le plus large possible, qui permettra d’apporter la meilleure réponse à la détresse du monde agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Antoine Lefèvre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Paul. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Paul. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme bon nombre d’entre nous ici, je suis élu d’un département où l’agriculture est une composante majeure de l’activité économique. Depuis des mois, nous rencontrons des exploitants excédés, dans la détresse.

Cette détresse est d’abord matérielle : les prix qu’ils perçoivent ne compensent même pas les coûts de production. Ils ne dégagent plus de revenus. Ils produisent à perte, victimes notamment des luttes terribles que se livrent transformateurs, intermédiaires et distributeurs.

Cette détresse est aussi morale. Fiers de leur métier – comment ne le seraient-ils pas, alors qu’ils produisent pour nourrir leurs concitoyens ? –, ils doivent au quotidien affronter un empilement de normes, fruit d’une suspicion croissante qui s’est installée au fil des ans, créant un climat de défiance à leur encontre.

Qu’il y ait eu des excès par le passé, il ne saurait être question de le nier, pas plus qu’il ne saurait être question de nier aujourd’hui les efforts importants accomplis depuis de nombreuses années par la profession pour produire en respectant l’environnement.

Pour sortir de cette détresse, les agriculteurs ne font pas de l’obtention d’aides ponctuelles leur priorité. Ils ne veulent pas être maintenus sous perfusion, à coups de mesures conjoncturelles prises au fil des crises. Ils ne veulent pas plus de ces normes toujours plus contraignantes. Ils ne veulent plus être montrés du doigt. Non ! Ils demandent tout simplement à pouvoir vivre de leur travail, dignement, dans un lien de confiance avec la société, dans un cadre stable qui leur offre enfin des perspectives d’avenir.

La proposition de loi dont nous débattons cet après-midi en deuxième lecture s’inscrit dans cette démarche, qu’ils attendent, de restauration de la compétitivité des exploitations. Elle est le fruit d’échanges sur le terrain au contact des professionnels. Avec nos collègues du département, ainsi qu’avec Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet, j’ai accompagné le président Larcher au mois d’août dernier dans son déplacement dans le Finistère à la rencontre des filières agricoles et agroalimentaires.

Ce texte va donc dans la bonne direction. Il apporte des réponses structurelles, il trace un cap, il ouvre des perspectives. Refuser d’en débattre, comme l’a fait la majorité socialiste à l’Assemblée nationale, pour des raisons non pas de fond, mais strictement politiciennes, traduit ni plus ni moins un manque de considération inadmissible à l’égard d’un secteur en crise grave.

Pour avoir participé, voilà quelques jours, à l’assemblée générale de l’association des maires ruraux de mon département, je peux vous assurer que les élus des petites communes sont très attentifs à nos travaux et qu’ils attendent de notre part une prise en compte sérieuse et concrète des difficultés du monde agricole. Il y va de la vie dans nos villages ! Il y va de l’aménagement de notre territoire !

Si, comme je viens de le dire, la proposition de loi apporte des réponses de fond aux difficultés de notre agriculture, je voudrais évoquer une conséquence, et non des moindres, de cette crise sans précédent : la situation des agriculteurs contraints au dépôt de bilan, forcés de cesser leur activité. Nous leur devons une attention très particulière. Nous devons leur proposer un accompagnement social et économique à la hauteur de leur désarroi.

Quand une personne a travaillé toute sa vie ou, pour les plus jeunes, durant plusieurs années, dix heures ou plus par jour, chaque jour de l’année ou presque, sur une exploitation, souvent transmise par ses parents, n’avoir d’autre alternative que de mettre un terme à son activité constitue un drame à la fois économique et humain. Il est donc essentiel que les conditions de cette sortie soient dignes et organisées. Il y a trop de souffrances, trop de suicides, pour que nous n’agissions pas.

Monsieur le ministre, notre collègue Jean Bizet vous a saisi, en fin d’année, de l’opportunité de rétablir le dispositif d’aide à la reconversion professionnelle pour les agriculteurs en cessation d’activité. C’est une piste, parmi d’autres, pour accompagner et soutenir les plus jeunes. Examinons-la. Donnons à ces personnes la possibilité de rebondir, de se créer un nouvel avenir professionnel. Veillons aussi à ne pas laisser les personnes les plus âgées, que quelques années seulement séparent de la retraite, livrées à elles-mêmes. Une indemnité de départ serait à cet égard la bienvenue.

Par les mesures structurelles qu’elle contient, la proposition de loi amorce un changement de conception et de vision de notre agriculture. Il est temps de décréter que l’agriculture et l’agroalimentaire sont des activités stratégiques pour notre économie. Pour cela, je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce texte à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà aujourd’hui réunis pour la deuxième lecture d’un texte que nous avions déjà salué en première lecture. Nous le répétons, l’initiative est bonne et nécessaire.

Je ne reviendrai pas sur le rejet, abondamment commenté, du texte par l’Assemblée nationale. Cela est regrettable et ne fait en rien avancer les choses, au détriment du monde agricole, qui est toujours dans l’attente de réponses et de solutions.

Monsieur le ministre, le temps presse. Depuis plusieurs années maintenant, nous nous évertuons, les uns et les autres, à trouver des solutions à la situation dans laquelle se trouve l’agriculture. Nous avons aujourd’hui la certitude que toutes les mesures de soutien financier conjoncturel et d’accompagnement ponctuel n’ont aucun effet sur le fond. Il ne faut pas se disperser, et le tronc commun de la revendication de l’agriculture est aujourd’hui bien identifié : la recherche de prix réellement rémunérateurs, la recherche de la baisse des coûts de production. Sur ces deux sujets, le pouvoir politique ne doit pas se résigner.

Force est de constater que nous avons perdu beaucoup de temps et que nous n’avons pas cherché suffisamment à peser sur la dégradation des cours. Pensons à l’évolution des prix. J’ai examiné attentivement, comme vous tous, l’évolution de ceux du lait. Rendons-nous compte : avant primes, 269 euros la tonne en 2009, 364 euros la tonne en 2014, 311 euros en 2015, les prévisions se situant aux alentours de 280 euros ou 290 euros pour l’année qui s’ouvre.

La filière laitière va mal, la filière porcine également – les chiffres sont identiques – et, s’agissant de l’activité céréalière, les premiers marchés indiquent un tassement des prix qui commence à devenir extrêmement préoccupant. Pour cette raison, nous devons considérer la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui comme un rendez-vous important, qui aborde des points fondamentaux et va dans le bon sens.

Concernant le chapitre Ier, intitulé « Des relations plus justes et transparentes, du producteur au consommateur », on ne peut que se réjouir de l’adoption en commission d’un amendement visant l’étiquetage obligatoire, à titre expérimental, des viandes et du lait. Dans ce domaine, nous devons encore formaliser et mieux institutionnaliser tout ce qui relève des relations producteur-consommateur, dans la perspective de politiques vraiment contractuelles. Allons plus avant dans l’information du consommateur, poussons plus loin l’information sur le produit, notamment sur le plan européen !

S’agissant du chapitre II, « Faciliter l’investissement et mieux gérer les risques financiers en agriculture », les mesures relatives à l’investissement vont vraiment dans le bon sens. Saluons également les amendements adoptés en commission sur différentes solutions de financement, notamment l’amendement relatif à la caution mutuelle, un dispositif qui gagnerait beaucoup à être généralisé.

Enfin, avec le chapitre III, « Alléger les charges qui pèsent sur les entreprises agricoles », nous abordons la question de la recherche de compétitivité. Nous le savons tous, une harmonisation européenne est nécessaire, mais nous n’avons pas assez pesé sur ce sujet et nous devons pallier les grandes lacunes actuelles. C’est bien au niveau européen qu’il faut concentrer l’action, tant les disparités sont grandes dans la confection des prix de revient de la plupart des pays composant la communauté, qu’il s’agisse de la viande porcine, des céréales ou d’autres produits.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous sommes favorables à cette proposition de loi, qui constitue un bon début de réponse pour le monde agricole. Dans les semaines qui viennent, nous aurons l’occasion de revenir sur certaines problématiques évoquées dans ce texte, notamment les aléas économiques, à travers l’examen d’une proposition de résolution de nos collègues socialistes visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture. Les membres du groupe UDI-UC sont favorables à cette nouvelle initiative.

M. Antoine Lefèvre. Très bien !

M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur Cabanel, je n’emploierai pas le même ton que vous – il ne vous ressemble pas, d’ailleurs – ; je préfère aborder de façon positive cette nouvelle phase.

Par ailleurs, comme je l’avais déjà indiqué à plusieurs d’entre nous, nous sommes en train de travailler sur une proposition de loi visant à régler les difficultés posées par les aléas climatiques. Les systèmes que nous connaissons sont partiels et les moyens financiers dont nous disposons peuvent nous permettre, notamment, d’améliorer le système assurantiel, qui constituera la seule vraie réponse au monde agricole.

Toutes ces initiatives tracent ainsi quelques perspectives pour le monde agricole.

Monsieur le ministre, il nous faut, collectivement, construire des outils de régulation de la production comme corollaires à la diminution des prix de revient et admettre que nous avons une grande responsabilité. Pour ce qui me concerne, je suis persuadé que c’est au Sénat que peut véritablement se préparer une grande politique agricole, et je souhaite de tout cœur un débat apaisé et constructif. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duran.

M. Alain Duran. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’automne dernier, la majorité sénatoriale a opportunément considéré qu’il convenait de résoudre la crise agricole entre les deux tours d’une élection, par le biais de l’examen de cette proposition de loi.

Pour renforcer la compétitivité de la filière agricole, l’axe de pensée de ce texte tourne autour de l’idée selon laquelle l’adaptation de notre agriculture à la mondialisation passerait uniquement par la recherche d’une baisse de nos coûts de production. Or, à ce jeu-là, au sein d’une compétition qui tendrait au passage à passer par pertes et profits l’exigence de qualité, nous serons toujours perdants. Je pense plutôt que cette adaptation passe avant tout par la préservation de nos savoir-faire, de notre diversité et d’une montée en gamme de nos produits, tant d’un point de vue économique que qualitatif, comme l’a développé mon collègue Henri Cabanel.

C’est précisément sur ce terrain que se bat notre ministre de l’agriculture, et je veux rappeler en premier lieu la loi d’avenir agricole, qui s’est employée à promouvoir l’agroécologie, la préservation des terres agricoles, l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs ou encore la priorité donnée à l’enseignement, pour permettre à la France de rester dans l’excellence.

M. Jean Bizet. On voit le résultat !

M. Alain Duran. Je veux rappeler en second lieu le plan de soutien exceptionnel à l’agriculture et à l’élevage qui s’élève à 3 milliards d’euros sur trois ans et qui est engagé depuis l’été dernier. Vous venez de le souligner, monsieur le ministre, ce plan vise à apporter un appui financier et fiscal aux agriculteurs, à assurer des prix rémunérateurs, à lutter contre l’endettement, à moderniser les outils de production et à simplifier les normes.

Cet engagement trouve son prolongement de manière forte au plan européen, afin de refréner l’approche libérale de l’agriculture, que la majorité sénatoriale soutenait – faut-il le rappeler ? – lorsqu’elle était aux responsabilités.

M. Alain Duran. Cette crise nous oblige à continuer à travailler avec acharnement, à l’échelon européen, pour défendre une agriculture de qualité qui permette aux producteurs de couvrir leurs coûts de production. Vous le savez, les pouvoirs publics n’ont pas la capacité de fixer les prix, et la façon dont les premiers articles de cette proposition de loi ont été réécrits par le rapporteur le prouvent, si besoin en était.

Je note, enfin, avec intérêt – même avec une certaine inquiétude – que l’ensemble des dépenses entraînées par cette proposition de loi sont gagées sur un relèvement de la TVA et de la CSG. Tout à l’heure, le président Lenoir nous a rappelé la « liste des courses » et il nous laisse le ticket de caisse… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Il n’y a donc plus lieu de s’insurger à longueur de journée contre le « matraquage fiscal » pour aboutir à de telles propositions. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Et le ministre a dit : « Bravo ! »

M. Alain Duran. Mais je constate aussi que nous pouvons nous rejoindre sur d’autres points.

Le premier a été rappelé par plusieurs orateurs, c’est l’accord de principe donné par la Commission européenne à la demande de la France défendue avec vigueur par Stéphane Le Foll d’expérimenter l’étiquetage de l’origine des viandes et du lait contenus dans les produits transformés. Vous le soutenez, l’article 3 de la proposition de loi le confirme.

D’autres avancées concrètes ont été obtenues, la semaine dernière, à Bruxelles, pour limiter la crise de surproduction dans l’élevage et soutenir la remontée vers des prix plus rémunérateurs.

Autant de mesures qui témoignent, surtout, du fait qu’il n’existe pas de solution miracle, malgré les caricatures souvent dressées, et que les procès en désintérêt ou en inaction sont totalement fallacieux.

L’agriculture n’est pas une : elle est plurielle. C’est la raison pour laquelle nos approches doivent être diversifiées pour concerner ses multiples facettes. À côté de l’agriculture industrielle, il existe l’agriculture propre à chacun de nos territoires.

Dans mon département ariégeois, par exemple, c’est une agriculture de montagne qui prédomine. Extensive et diversifiée, elle est majoritairement consacrée à l’élevage. Elle est pratiquée sur de petites structures souvent familiales. Elle a aussi ses problèmes, qui sont liés à l’isolement, aux surcoûts dus au relief et à la faiblesse des économies d’échelle, sans parler des dégâts occasionnés, parfois, par les prédateurs.

Répondant plus largement aux certifications d’une agriculture raisonnée ou biologique, elle fait de ses faiblesses une force, lorsque nos paysans s’organisent autour de circuits courts promouvant la proximité et la qualité. Il est alors possible de développer une économie locale riche en emplois – qui plus est non délocalisables – et stratégiquement très porteuse en termes d’aménagement du territoire.

Penser l’avenir de notre agriculture, aujourd’hui confrontée aux défis posés par l’Europe et l’économie mondialisée, c’est justement ne plus s’accrocher à des réflexes de pensée hérités de l’après-guerre, mais envisager la pluralité des approches pertinentes.

Il y a deux semaines encore, la majorité sénatoriale repoussait avec force les principes de la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de notre alimentation. Je crains parfois que, enfermée dans un prisme monocorde, cette majorité sénatoriale ne ferme la porte à certaines voies judicieuses pour soutenir la compétitivité de notre agriculture indispensable pour permettre à la France de rester dans l’excellence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. L’agriculture française traverse une crise sans précédent et votre plan de soutien proposé l’été dernier, monsieur le ministre, s’est avéré inefficace.

Sur l’initiative des groupes de sa majorité, le Sénat a voté une proposition de loi prévoyant des mesures de long terme, dont la finalité est de rendre aux entreprises agricoles leur compétitivité, afin d’assurer leur survie. Ce texte répond à trois objectifs.

D’abord, équilibrer les relations contractuelles entre producteurs et distributeurs, tout en permettant une meilleure information du consommateur sur l’origine des produits.

Ensuite, faciliter l’investissement et mieux gérer les risques financiers en agriculture.

Enfin, alléger les charges fiscales et les contraintes administratives, par exemple en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.

Les mesures proposées sont concrètes et pragmatiques et le texte initial a été enrichi au cours de la discussion au Sénat.

On ne peut donc que regretter que la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale ait voté contre les amendements présentés par Antoine Herth, rapporteur. L’avenir de nos agriculteurs ne vaut-il pas mieux qu’une obstruction partisane de principe ?

La proposition de loi revient maintenant au Sénat et il paraît impensable d’abandonner nos agriculteurs au désespoir et à la colère.

Je veux rappeler les difficultés que rencontrent nos agriculteurs.

En vingt ans, le nombre d’exploitations agricoles a baissé de plus de la moitié. Ce sont les petites et moyennes structures des territoires ruraux, déjà fragiles, qui ont le plus souffert.

Le secteur agricole est régulièrement touché par des crises et doit faire face à la concurrence grandissante de pays émergents, mais aussi à celle de certains voisins européens.

Or, tandis que les questions de l’attractivité des métiers agricoles et de la modernisation des exploitations se posent avec force, le Gouvernement persiste dans sa vision étriquée et inadaptée de notre agriculture, alors que celle-ci a besoin de perspectives d’avenir. Qu’attend-il pour aller plus loin ? Il est à rebours de ce qu’exige la situation : des mesures structurelles, qui permettraient aux agriculteurs de renouer avec la compétitivité et de vivre de leur activité.

Lorsque j’étais député, j’ai commis, avec Germinal Peiro, il y a trois ans, un rapport sur l’élevage ; aucune des préconisations que nous avions proposées n’a été mise en œuvre, fait que Le Canard enchaîné avait d’ailleurs relevé ! Si elles avaient été suivies d’effet, l’élevage aurait peut-être connu moins de problèmes par la suite.

Monsieur le ministre, je souhaite, une nouvelle fois, vous alerter sur l’accumulation de normes et de réglementations parfois ubuesques, à laquelle agriculteurs et éleveurs sont confrontés et qui entrave leur action.

Nous, Français, surtransposons allègrement,…