Mme Annie David. Par cet amendement, nous proposons de réécrire complètement le titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail afin d’y inscrire la notion de temps libre.

Le Groupe de recherche pour un autre code du travail, rappelant la nécessaire reconstitution de la force de travail, rattache la problématique du temps de travail à celle de la santé des salariés. Pour exacte et importante qu’elle soit, cette problématique n’est pas la seule à devoir être prise en compte.

Le temps qui n’est pas consacré au travail n’est pas exclusivement dédié au « repos », une terminologie d’origine européenne qui s’explique historiquement. Ce peut être un temps utilisé pour exercer une deuxième activité professionnelle. C’est aussi le temps de la vie familiale, sociale, amicale, sportive, associative, militante, de loisirs…

Ces vies-là, aussi, sont essentielles : pour la société en général, bien sûr, mais également pour une certaine qualité du travail et pour la vie familiale, qui permet une meilleure éducation des enfants – lesquels, d’ailleurs, sont de futurs travailleurs. Je n’insisterai ni sur l’utilité du temps de formation, pris sur le temps libre, ni sur les mérites de la vie associative.

Il faut aussi prendre en compte l’apport du temps libre pour la nouvelle économie de la gratuité, dont les logiciels libres sont des symboles. Le temps libre représente, pour cette économie, un espace de création indispensable.

Par ailleurs, sans les activités militantes, qui sont, elles aussi, des activités du temps libre, il n’y a pas de démocratie.

La protection du temps libre est, de plus, une question de justice dans la relation de travail. Le contrat de travail est l’échange d’un temps de travail contre un salaire. Le temps libre n’est pas cédé à l’employeur. Il convient qu’il ne puisse pas être interrompu par des demandes d’intervention intempestives.

L’employeur ne doit pas pouvoir modifier unilatéralement, et à sa guise, les horaires de travail pour préempter le temps libre. Le salarié a échangé un temps de subordination contre un salaire. Il n’a pas subordonné sa personne dans son ensemble. Hors de leur temps de travail, les salariés redeviennent des citoyens libres et égaux en droit.

Pour toutes ces raisons, la notion de « temps de repos » a été remplacée par la notion de « temps libre ». Ce changement n’est pas seulement terminologique. Il s’agit d’un choix de société essentiel, qui produit d’importantes conséquences. Il exige notamment une prévisibilité, pour le salarié, de son emploi du temps.

Mme la présidente. L’amendement n° 545, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 447 à 462

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à supprimer les dispositions du projet de loi relatives au repos quotidien.

Le code du travail prévoit actuellement un repos quotidien obligatoire de onze heures consécutives entre deux séances de travail. Par principe, ces dispositions sont applicables aux salariés soumis au forfait jours ou au forfait annuel en heures.

Or l’accord de branche, d’entreprise ou d’établissement qui organise les forfaits pourrait prévoir la possibilité de fractionner le repos quotidien pour faire travailler le salarié en dehors de son lieu de travail, au moyen d’outils numériques et avec une durée minimale de repos finalement réduite. De plus, la responsabilité de l’employeur ne saurait être engagée si le salarié n’a pas bénéficié, sur sa propre initiative, de ses repos ou congés.

Qui peut naïvement penser que chaque salarié au forfait a réellement toute l’autonomie pour gérer et organiser son temps de travail, sans la moindre pression sur la définition des objectifs et sur les délais ?

Alors que le projet de loi esquisse une reconnaissance du droit à la déconnexion, cette disposition en est l’opposé. Elle est nocive et risque d’accentuer le nombre de burn-out ou d’épuisements professionnels.

Mme la présidente. L’amendement n° 546, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 449

Remplacer les mots :

repos quotidien

par les mots :

droit au repos

II. – Après l’alinéa 677

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après le mot : « prévues », la fin de la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 461-1 est ainsi rédigée : « à l’avant-dernier alinéa du présent article, lorsqu’il est établi qu’elles sont essentiellement et directement causées par le travail habituel de la victime et qu’elles entraînent une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2. »

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Aujourd’hui, la loi permet la reconnaissance d’une maladie professionnelle par son inscription au tableau des maladies professionnelles ou par la voie des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le rejet par les organisations patronales de l’inscription du burn-out au tableau des maladies professionnelles doit pousser le législateur à prendre ses responsabilités sur cette question : il doit faciliter la reconnaissance du burn-out à travers la seconde voie, impliquant les comités régionaux.

Il est aujourd’hui nécessaire de justifier de 25 % d’incapacité permanente partielle, ou IPP, pour voir son dossier pris en compte par ces comités. Or, dans la quasi-totalité des cas, les maladies psychiques ne peuvent être analysées comme entraînant une IPP d’au moins 25 %.

Cet amendement a donc pour objet de supprimer le seuil de 25 % d’IPP pour les maladies psychiques, facilitant ainsi la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel.

La non-reconnaissance de cette pathologie, qui menace 3,2 millions de salariés en France a pour conséquence, en plus de créer des situations matérielles intenables pour les victimes, de renforcer leur sentiment d’exclusion en leur refusant une simple instruction de leur dossier, ce qui revient à leur signifier qu’il n’existe pas de lien entre leur travail et leur maladie.

En outre, ce déni de réalité contribue à empêcher la mise en place d’une réelle politique de prévention de cette maladie, qui passe notamment par un questionnement sur l’organisation du travail.

Il est donc grand temps que la France rattrape son retard en la matière en agissant pour la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel. Cela constituerait une avancée en matière de santé au travail et un acte de justice vis-à-vis des personnes souffrant de ce mal.

Mme la présidente. L’amendement n° 873, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Alinéa 452

Supprimer les mots :

dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. La méthode adoptée pour examiner ces amendements n’est pas terrible ! Dans ce tunnel de deux cents amendements, j’ai suivi le débat jusqu’aux cent cinquante premiers, mais là, je décroche ! Demain, nous écouterons le rapporteur qui devra répondre sur tous ces amendements. Ce sera la même chose, je cesserai d’écouter au bout d’un moment…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. On va globaliser !

M. Jean Desessard. Puis Mme la ministre donnera son avis ; je m’efforcerai de me concentrer jusqu’au cent quatre-vingt-cinquième… Ce n’est pas sérieux !

Vous auriez dû prévoir des blocs de dix à quinze amendements. Nous avons déjà connu cette situation voilà cinq ou six ans. Nous sommes là pour débattre ! Certes, cette attente me donne le temps de réviser le texte de mes interventions, mais cela ne sert pas à grand-chose…

Mme la présidente. Il ne vous reste plus qu’une minute, mon cher collègue !

M. Jean Desessard. Je vois que vous êtes impatiente, madame la présidente, de connaître la teneur de mon amendement ! (Sourires.)

Le droit au repos des salariés est fondamental. La bonne santé et la vie personnelle et familiale de ceux-ci sont subordonnées à un repos minimal. L’importance du droit au repos a été reconnue par la Cour de cassation. En effet, dans un arrêt de 2011, ce droit a été reconnu d’exigence constitutionnelle.

Pour toutes ces raisons, il n’est pas envisageable que ce repos puisse être fractionné par accord, encore moins d’entreprise ou d’établissement.

C’est pourquoi le présent amendement vise à supprimer la possibilité de déroger au repos quotidien de onze heures consécutives, la seule exception restant les cas d’urgence auxquels il est renvoyé par décret.

Mme la présidente. L'amendement n° 549, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 455

Remplacer les mots :

Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche étendu

par les mots :

Un accord de branche étendu ou, à défaut, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Le diable se niche souvent dans les détails, et il faut bien relire les dispositions de l’article 2 relatives à la question du repos quotidien pour que le recul social apparaisse avec plus de netteté.

Dans sa lettre actuelle, l’article L. 3131-1 du code du travail ne souffre d’aucune complexité : « Tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives. »

Cette durée de onze heures appelle évidemment quelques observations, dont la moindre n’est pas de considérer que la durée en question correspond, grosso modo, à un temps de sommeil réparateur de sept heures, borné par un temps personnel et de transport de deux fois deux heures.

On observera d’ailleurs que, en pratique, les amplitudes sont souvent plus longues, puisque quitter son lieu de travail le soir à dix-huit heures pour y revenir le lendemain à huit heures correspond à un volume horaire de quatorze heures de « repos ».

De fait, tout empiétement sur cette durée minimale de onze heures, qui veut que treize heures de la vie d’un salarié soient consacrées à d’autres activités, constitue une intrusion dans le temps « privé » du salarié.

La rédaction de l’article 2 relève au premier niveau ce qui fait exception, puisque la phrase simple et limpide de l’actuelle disposition se trouve compensée par les mots « sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret ». L’urgence devient une urgence de caractère général et peut suffire, soit dit en passant, à justifier toute invasion dans le « temps libre » des salariés, alors même que l’ancien article L. 3131-2 du code du travail évoquait spécifiquement comme « travaux urgents » les cas d’accident ou de menace d’accident.

En pratique, pour donner un exemple précis, les salariés d’une raffinerie pétrolière pouvaient se trouver rappelés sur leur lieu de travail si un incident sérieux était survenu sur l’installation. Demain, l’urgence pourra prendre des contours plus larges, ne nécessitant d’ailleurs qu’un décret d’autorisation, sans même un accord collectif.

La durée minimale de repos quotidien est, dans les textes conventionnels, le plus souvent fixée en référence au droit du travail existant.

Ainsi, la convention collective nationale des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie – secteur de plus de 43 000 salariés, pour un peu moins de 40 000 emplois équivalent temps plein au sein de 2 300 entreprises, dont les trois quarts comptent moins de dix salariés et où la pratique des horaires atypiques est évidemment forte – dispose clairement, dans son article 45, que le repos hebdomadaire est de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent onze heures de repos quotidien. Les salariés soumis à des horaires spécifiques de travail ont le droit de bénéficier d’un repos hebdomadaire d’au moins deux jours.

Faut-il ouvrir une sorte de « guerre des farines » en mettant ce secteur sens dessus dessous du fait d’une course au moins-disant social, comme on l’observe dans un certain nombre de périphéries urbaines ? Non ! C’est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 548, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 458

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° Le chapitre II du titre III est ainsi modifié :

1° L’article L. 3132-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-3. – Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.

« Aucune dérogation à ce principe n’est possible à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie. » ;

II. – Après l’alinéa 462

Insérer vingt-huit alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 3132-27 est abrogé ;

…° Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du même code est complété par un sous-paragraphe ainsi rédigé :

« Sous-paragraphe …

« Garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche

« Art. L. 3132-27-2. – Dans le cadre des dérogations prévues aux articles L. 3132-20 à L. 3132-26, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit peuvent travailler le dimanche.

« Une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher.

« Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’aucune mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

« Art. L. 3132-27-3. – Le salarié qui travaille le dimanche, à titre exceptionnel ou régulier, en raison des dérogations accordées sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26, bénéficie de droit d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.

« Un décret précise les conditions dans lesquelles ce repos est accordé soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.

« Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête.

« Art. L. 3132-27-4. – Sans méconnaître les obligations prévues à l’article L. 3132-27-3, toute entreprise ou établissement qui souhaite déroger au principe du repos dominical sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26 présente à l’autorité administrative compétente pour autoriser la dérogation un accord de branche ou un accord interprofessionnel, fixant notamment les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et les contreparties accordées à ces salariés.

« Art. L. 3132-27-5. – L’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L’employeur l’informe également, à cette occasion, de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. Le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.

« Le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité définie au premier alinéa.

« Le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il en informe préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de cet article.

« Art. L. 3132-27-6. – Aucune sanction financière ou administrative prononcée à l’encontre d’un établissement ou d’une entreprise méconnaissant la législation sur le repos dominical ne peut avoir pour conséquence le licenciement des personnels employés et affectés au travail ce jour. Ces salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement à la sanction administrative ou financière. » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 3132-13 est ainsi rédigé :

« Dans les commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures. Le seuil maximal de 500 mètres carrés n’est pas applicable dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. » ;

5° L’article L. 3132-23 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-23. – Le principe du repos dominical ne peut pas être considéré comme une distorsion de concurrence. » ;

6° L’article L. 3132-25 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-25. – Sans préjudice de l’article L. 3132-20, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, il peut être dérogé au principe du repos dominical, après autorisation administrative, pendant la ou les périodes d’activité touristique, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel.

« La liste des communes d’intérêt touristique ou thermales est établie par le préfet, sur demande des conseils municipaux, selon des critères et des modalités définis par voie réglementaire. Pour les autres communes, le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est délimité par décision du préfet prise sur proposition du conseil municipal.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;

7° L’article L. 3132-25-3 du même code est abrogé ;

8° L’article L. 3132-25-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-25-4. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal et de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés de la commune. »

III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

… – Les autorisations administratives accordées, avant la promulgation de la présente loi, aux établissements qui ne sont pas couverts par un accord collectif conforme à l’article L. 3132-27-4 du code du travail sont suspendues jusqu’à la présentation à l’autorité administrative d’un accord conforme auxdites dispositions.

… – Aucun nouveau périmètre d’usage de consommation exceptionnel ne peut être délimité après l’entrée en vigueur de la présente loi.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Au travers de cet amendement, nous souhaitons rouvrir le débat sur le travail le dimanche. Nous pensons que le repos dominical est fondamental, et nous n’étions d’ailleurs pas les seuls puisqu’une proposition de loi pour un véritable encadrement des dérogations à ce repos avait été adoptée en 2011 par le Sénat.

Pour de nombreux salariés, le dimanche, c’est sacré. Cette journée permet de se reposer, de manger en famille, de faire du sport, d’avoir des activités culturelles, bref de vivre…

Mmes Françoise Laborde et Sophie Primas. D’aller à la messe !

Mme Cécile Cukierman. De lire l’Humanité Dimanche !

M. Michel Le Scouarnec. Nous sommes laïcs, mes chères collègues, par conséquent nous pouvons aller à la messe. La laïcité, c'est aussi cela !

Je reprenais là les mots de salariés qui ont témoigné sur la plateforme « On vaut mieux que ça » et dont on pourra difficilement dire qu’ils ne connaissent pas la réalité du monde du travail et de l’entreprise.

En effet, quelle vie de famille est-elle possible lorsque l’un des parents travaille le samedi et l’autre le dimanche, comme cela peut arriver ? Quelle vie associative, sportive, culturelle, philosophique ? Quelle implication dans la cité ? Vous nous répondrez, madame la ministre, que le droit positif encadre déjà les dérogations au travail le dimanche et qu’elles sont strictement énumérées. Pourtant, nous savons que les contreparties ne sont rendues obligatoires que pour les salariés travaillant le dimanche sur la base d’une autorisation administrative, ce qui exclut la majorité d’entre eux.

Je reprendrai maintenant des extraits d’une tribune de quelques élus du groupe Les Républicains publiée hier dans un journal du soir : il faut rappeler « les limites du volontariat : sans faire de procès d’intention aux chefs d’entreprise, il est peu probable que les salariés sollicités le dimanche puissent avoir d’autre choix que celui d’accepter. Parfois même, les parents isolés seront mis dans la situation de devoir travailler le dimanche pour préserver leur métier et son évolution, avec la conséquence que l’on imagine sur la garde de leurs enfants. Il est difficile d’entrevoir, dans les situations de ce genre, un réel progrès social ».

L’article continue ainsi : « Alors que l’absence de repères personnels et sociétaux est de plus en plus cruelle, il n’est pas acceptable de faire courir aux Français ce risque de généralisation du travail dominical, proche ou lointain. »

Enfin, je terminerai par une dernière citation : « Cette compétition entre les commerces affectera les territoires. Il est à craindre que le phénomène de “pompe aspirante” soit accentué, quand tout le monde en constate déjà la nuisance pour nos commerces de centre-ville. La logique pure de marché prévalant entre les territoires produira une concentration accrue du commerce dans les mains d’un petit nombre d’opérateurs, et donc en un petit nombre de lieux. » Tout est dit ! C’est la vérité, et nous partageons ces propos.

Mme la présidente. L'amendement n° 551, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 458

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Les articles L. 3132-24, L. 3132-25, L. 3132-25-1, L. 3132-25-2 et L. 3132-25-5 sont abrogés ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à revenir sur l’extension du travail dominical pour les établissements de vente au détail situés dans les zones touristiques internationales, les zones commerciales et dans l’emprise des gares de la loi Macron.

Le ministre de l’économie a réalisé mardi une opération de communication sur le bilan de l’ouverture du travail dominical et a évalué que 43 % des soixante-dix plus grandes villes ont augmenté le nombre de dimanches ouvrés en 2016 par rapport à 2015.

Un pourcentage de 25 % des villes a choisi le maximum de douze ouvertures, et des magasins à Paris ont pu ouvrir tous les dimanches à partir du mois de novembre en s’appuyant sur la disposition transitoire des neuf dimanches.

Étrangement, aucun bilan n’a encore été fait des contreparties offertes aux salariés et des effets du travail dominical évoqués par Michel Le Scouarnec.

Alors même que le volontariat était censé constituer la protection des salariés appelés à travailler le dimanche, nous savons que des pressions ont été exercées – je pense au BHV à Paris. Les manœuvres pour étendre le travail le dimanche dans toutes les entreprises, y compris contre l’avis des salariés, ont un objectif, la libéralisation du travail le dimanche pour l’ensemble des salariés.

Nous avions combattu dans cette enceinte la loi Macron et le travail le dimanche ; nous continuons à mener la bataille et à refuser ces mesures de régression sociale qui portent atteinte au droit des salariés à profiter de leur vie familiale, sociale et personnelle.

La création des milliers d’emplois dans les entreprises ouvertes le dimanche et l’augmentation extraordinaire de leur chiffre d’affaires, où sont-elles ? Nulle part !

Comme nous l’avions dit à l’époque, le travail dominical est – c'est déjà très important – un recul social considérable ; nous continuons à refuser les dérogations prévues par la loi Croissance et activité au principe du repos dominical.

Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié quater, présenté par Mme Primas, MM. G. Bailly, Bizet et Cambon, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chasseing, Dallier et Darnaud, Mmes Deromedi, Duchêne, Duranton, Estrosi Sassone et Gruny, MM. Husson, Laménie, Lefèvre et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Mandelli et Masclet, Mme Mélot, MM. Panunzi, Pellevat et Perrin, Mme Procaccia et MM. Raison, Rapin, Revet, Vasselle et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 458

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 3132-25-5 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est supprimé ;

b) À la première phrase du second alinéa, la référence : « à l’article L. 3132-24 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 » ;

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Cet amendement vise à corriger une forme d’anomalie de notre droit.

Dans les zones commerciales et touristiques, dans lesquelles le travail du dimanche est autorisé bien évidemment sous conditions, les magasins peuvent ouvrir toute la journée. Mais une bizarrerie de notre droit fait que les commerces de détail alimentaire – chocolateries, magasins de thé, confiseries – doivent fermer à midi. Dans des centres où 95 % des commerces ne sont pas alimentaires, ces quelques magasins sont, eux, obligés de fermer à cette heure-là.

Cet amendement tend à corriger cette anomalie, en conservant aux salariés les mêmes niveaux de droits et les mêmes conditions.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 10 est présenté par M. Cigolotti.

L'amendement n° 123 rectifié est présenté par MM. P. Dominati, Commeinhes, Magras, Houel, Cambon, Vasselle, Longuet et Doligé, Mme Duranton, MM. Laménie et Gilles, Mme Deromedi, MM. Karoutchi, Bouchet, G. Bailly, Charon, Poniatowski, Masclet et Rapin, Mme Primas et M. Béchu.

L'amendement n° 238 rectifié bis est présenté par MM. Cadic et Canevet, Mme Billon et MM. Bockel, Delahaye, Guerriau, Longeot et Pozzo d Borgo.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 459 à 462

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

1° bis La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 3132-26 est supprimée.

L'amendement n° 10 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° 123 rectifié.