M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.

M. Dominique Watrin. L’article 3 prévoit une régression grave pour les salariés en matière de congés. Le Gouvernement et la droite sénatoriale sont d’accord pour permettre à l’avenir à l’employeur d’imposer à un salarié le changement de la date de ses congés au dernier moment.

Aujourd’hui, la loi prévoit que l’employeur doit prendre en compte la situation familiale des salariés pour définir les dates des congés payés. Un mois avant le départ du salarié, l’employeur n’a plus le droit de modifier l’ordre et les dates de départ.

Demain, la prise en compte de la situation de famille et le délai d’un mois avant le départ en deçà duquel l’employeur ne peut modifier l’ordre et les dates de départ ne seront plus que des dispositions supplétives. Désormais, les dates de congés payés pourront être remises en cause par voie d’accord d’entreprise ou de branche, sans prise en compte de la situation des salariés.

Concrètement, un salarié ayant posé ses congés estivaux au 1er juillet pourra voir ses vacances annulées si l’accord d’entreprise prévoit un délai de modification de quinze jours par exemple. Il s’agit là d’un véritable recul social pour les droits des salariés et d’une remise en cause du droit à bénéficier de congés et à profiter de sa vie de famille.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à l’article 3, qui inscrit l’inversion de la hiérarchie des normes en matière de congés et de délais de prévenance.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’allongement de la durée du congé exceptionnel auquel a droit un salarié en cas de décès d’un enfant est très certainement la seule avancée de cet article, le Gouvernement ayant reculé sur cette question. En effet, le texte initial ne modifiait pas les conditions actuelles et prévoyait un congé exceptionnel de deux jours, soit autant que pour un déménagement, si vous me pardonnez cette comparaison.

Cette mesure marque, il faut le saluer, une grande avancée pour l’ensemble des salariés qui vivent ce type de deuil particulièrement lourd, d’autant plus que les possibilités de recours sont très limitées et que l’inversion de la hiérarchie des normes organisée par le texte pouvait laisser craindre le pire.

Je rappelle en effet qu’un salarié, à condition d’être en état de le faire compte tenu du deuil qui le frappe, peut saisir le conseil des prud’hommes en référé, lequel statue ensuite dans un délai allant de deux mois à six mois.

L’allongement du délai du congé exceptionnel prévu à l’article 3 permettra, nous l’espérons, de répondre à un double objectif.

Tout d’abord, il doit permettre aux parents concernés de commencer à faire leur deuil et d’organiser les funérailles.

Ensuite, il constituera une sécurisation des salariés concernés. Ces derniers sont bien souvent en effet dans l’obligation soit de reprendre leur poste, au mépris parfois de leur sécurité et alors qu’ils préféreraient être auprès de leurs proches, soit de se priver d’une part non négligeable de leur salaire dans un moment pourtant compliqué et difficile.

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. L’article 3 inverse la hiérarchie des normes dans le domaine des congés hors congés payés. Chers collègues, vous donnez ainsi la priorité à la négociation collective au niveau de l’entreprise, laquelle primera sur la négociation de branche. Par ailleurs, vous permettez aux entreprises de créer leurs propres règles et instaurez, pour vous donner bonne conscience, des planchers au-delà desquels les négociateurs ne pourront pas aller.

Laisser les entreprises créer leurs propres règles témoigne tout d’abord d’une réelle méconnaissance de la négociation syndicale, particulièrement en entreprise. En effet, les négociations requièrent de la technicité et de solides connaissances en droit du travail, qu’il n’est pas simple d’acquérir lorsque l’on ne dispose que de quelques heures de délégation par semaine.

Or, quand on est informaticien, ouvrier de maintenance, hôtesse de caisse ou responsable marketing, il est indispensable d’acquérir de telles connaissances. Les délégués syndicaux au niveau de l’entreprise sont ainsi plus fragilisés dans les négociations, leurs interlocuteurs étant souvent des directeurs des ressources humaines, qui, eux, du fait de leur formation et de leur métier, maîtrisent le droit du travail.

Surtout, le chantage à l’emploi, si présent lors des négociations, est encore plus fort à l’échelon de l’entreprise : ce sont les collègues et les territoires où l’on vit qui sont l’objet du chantage, si bien que les délégués syndicaux locaux arrivent souvent à la table des négociations en se sentant pieds et poings liés.

Ces dispositions traduisent ensuite une méconnaissance de la réalité des petites et moyennes entreprises : seuls 15 % des entreprises de moins de quinze salariés disposent d’une représentation syndicale. De ce fait, comment prévoir que des dispositions aussi importantes que le nombre de jours de congé en cas de décès d’un proche puissent varier d’une entreprise à l’autre, particulièrement entre les grandes et les petites entreprises ?

Votre proposition revient à créer un code de la route différent dans chaque commune en pensant que cela permettra de simplifier les règles de circulation et de réduire le nombre d’accidents ! Tout cela paraît bien improbable et donc irréaliste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a approuvé la philosophie générale du texte, c'est-à-dire la primauté des accords d’entreprise et de branche dans un certain nombre de domaines, notamment celui-ci.

J’ajoute que, en matière supplétive, les règles qui sont inscrites sont à droit constant. À défaut d’accord, il n’y aura donc pas de régression pour les salariés.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Encore une fois, comme Mme la ministre l’a déjà dit un certain nombre de fois, il s’agit non pas d’inverser la hiérarchie des normes, mais simplement de donner une place plus importante à l’accord d’entreprise.

Par ailleurs, les droits des salariés sont préservés, à la fois par les dispositions d’ordre public et par les règles supplétives. À défaut d’accord, nous serons à droit constant. Tel sera le cas pour toutes les dispositions prévues à l’article 3.

Enfin, je rappelle que le texte renforce le rôle de la branche grâce aux commissions paritaires de branche. L’équilibre est donc maintenu.

L’avis du Gouvernement, comme celui de la commission, est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 306 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 29
Contre 312

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 570, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 27

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement de suppression vise à maintenir le droit dans son état actuel.

La version initiale du texte concernant le congé pour événement familial faisait primer l’accord d’entreprise sur la loi, la durée minimale de ce congé ne figurant que dans les dispositions supplétives. Face au tollé suscité par ce projet, qui rendait ce droit hypothétique, le Gouvernement a reculé.

Pour autant, nous ne pouvons nous satisfaire de la nouvelle rédaction du texte, qui fait, elle aussi, primer les accords d’entreprise sur les conventions collectives et les accords de branche. Le risque est toujours le même : faire reculer les protections conventionnelles par la concurrence et la course au moins-disant social.

Pourtant, les dispositions conventionnelles sur les événements familiaux sont, dans de nombreux cas, plus favorables que la loi. À titre d’exemple, les salariés des agences de voyage et de tourisme bénéficient d’un congé de six jours lors du décès d’un enfant, congé que le présent projet de loi réduit à quatre jours. Les salariés des cabinets d’avocats ont un congé de huit jours lorsqu’ils se marient et de deux jours pour le mariage d’un enfant, soit des congés d’une durée deux fois plus longue que ceux qui sont garantis dans le projet de loi.

Notre amendement vise donc à supprimer cette modification du droit, afin de préserver les droits des salariés et le mieux-disant social contenu dans des conventions plus favorables.

M. le président. L'amendement n° 882 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après le mot :

conjoint

insérer les mots :

, du concubin

II. - Alinéa 24

Après le mot :

conjoint

insérer les mots :

, du concubin

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement tend à reprendre une disposition que notre groupe avait fait adopter le 1er avril 2015 lors de l’examen par la Haute Assemblée de la proposition de loi tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d’un enfant ou d’un conjoint.

Je rappelle également que, en 2006, le Sénat avait adopté une proposition de loi du groupe de l’Union centriste prévoyant d’étendre l’octroi du congé en cas de décès du concubin. Nicolas About, alors président de la commission des affaires sociales, avait expliqué que la situation du salarié qui perd son concubin ne se distingue guère de celle d’un salarié dont le conjoint ou le partenaire de PACS décède.

Le grand nombre de couples qui vivent en union libre rend nécessaire une telle adaptation de nos règles, qui ne représente d’ailleurs pas une grande innovation sur le plan juridique, puisque la législation sociale assimile déjà souvent les concubins à des époux.

Aussi, par cet amendement, nous proposons tout naturellement d’étendre le bénéfice du congé au décès du concubin du salarié.

M. le président. L'amendement n° 301, présenté par Mmes D. Gillot, Campion, Guillemot, Perol-Dumont et Tocqueville, MM. Kaltenbach, Lalande, Godefroy, Daudigny, Masseret, J.C. Leroy, Marie, Vincent et Assouline, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mme Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Jeansannetas et Labazée, Mmes Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Pour l’annonce de la survenue d’un handicap chez un enfant.

II. – Après l’alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Deux jours pour l’annonce de la survenue d’un handicap chez un enfant.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. La Haute Assemblée s’est toujours beaucoup investie sur le sujet du handicap, quelles que soient les sensibilités politiques.

Cet amendement, sur l’initiative de Mmes Dominique Gillot et Claire-Lise Campion, tend à faire en sorte qu’à l’annonce du handicap d’un enfant le salarié puisse disposer d’un congé de deux jours. En effet, l’annonce du handicap d’un enfant est un bouleversement dans la vie familiale, dans la fratrie. Souvent, après une période de déni, une longue adaptation sera nécessaire pour accompagner le handicap de cet enfant.

Bien évidemment, quarante-huit heures ne suffisent pas à déterminer toutes les solutions appropriées à cet accompagnement ; néanmoins, ce congé permet d’intégrer une nouvelle très lourde à supporter, notamment dans l’organisation future de la vie professionnelle.

Il nous semble donc très important que cet amendement soit adopté.

M. le président. L'amendement n° 571, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer les mots :

une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche

par les mots :

un accord de branche ou, à défaut, une convention ou un accord collectif d’entreprise

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à protéger les salariés et les entreprises receveuses d’ordres du dumping social qu’entraînerait la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche. Il s’agit de ne pas inverser la hiérarchie des normes en matière de congés pour événements familiaux.

Nous saluons la révision à la hausse des minima de certains congés, l’augmentation des congés en cas de décès d’un enfant, d’un parent, d’un beau parent, d’une sœur ou d’un frère. Ces avancées sont indéniables. Toutefois, cela semble bien insuffisant. Sans entrer dans un calcul indécent pour savoir combien « vaut » la mort d’un proche ou une heureuse nouvelle, les très faibles minima sont problématiques à plus d’un titre.

Il se pose un problème de sécurité, tout d’abord. Comment imaginer qu’un salarié ayant perdu un proche puisse, dans un délai de cinq jours, reprendre en pleine sécurité son emploi ?

La solution que vous proposez revient au final à fixer par la loi des minima particulièrement bas, en laissant les entreprises décider. Le lien de subordination biaisant les négociations et la concurrence entre les entreprises s’accroissant, il y a fort à parier que les accords d’entreprise tireront vers le bas les droits des salariés. De fait, les salariés bénéficieront de leurs jours de congé réglementaires, soit avant de reprendre le travail sans être en pleine capacité, soit en soldant leurs congés payés, voire en prenant des congés non rémunérés.

Un problème de logistique apparaît dans d’autres cas. À l’heure où la mobilité géographique est de plus en plus forte, ne prévoir qu’un jour de congé pour le mariage d’un enfant revient à empêcher nombre de parents d’assister en pleine sérénité au mariage de leur enfant lorsqu’ils ont déménagé. À cet égard, je rappelle que, selon l’INSEE, quelque 3,6 millions de personnes ont déménagé d’une région à une autre entre 2001 et 2006.

Ainsi, donner la primauté à l’accord d’entreprise renforcera encore la faiblesse du dispositif législatif.

M. le président. L'amendement n° 302, présenté par MM. Tourenne, Vaugrenard, M. Bourquin, Lalande et Mazuir, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret, Génisson et Schillinger, M. Vergoz, Mmes Yonnet, Meunier et Riocreux, MM. Labazée, Jeansannetas, Godefroy et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Remplacer le mot :

Deux

par le mot :

Trois

et, après le mot :

solidarité,

insérer les mots :

du concubin

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement ne va pas bouleverser l’économie générale du projet de loi. Il vise simplement à humaniser et à harmoniser les différentes autorisations de congés.

Il s’agit d’accorder à ceux qui sont dans la misère et le malheur, à ceux qui souffrent du décès d’un parent, naturel ou par alliance, la possibilité de pourvoir à toutes les démarches et de rassembler les membres de leur famille afin que les obsèques puissent se dérouler dans les meilleures conditions.

Or, trois jours, c’est la période minimale entre le moment du décès et celui des obsèques ; il paraît donc naturel d’accorder cette période à ceux qui sont en deuil.

J’ajoute les concubins, rejoignant en cela M. Requier, car ils ne se distinguent pas, en termes d’affection et d’intérêt, des pacsés ou des mariés.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 572 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 911 rectifié est présenté par MM. Requier, Amiel, Bertrand, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 24

Remplacer le mot :

Deux

par le mot :

Trois

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 572.

Mme Laurence Cohen. Au sein de la commission à l’Assemblée nationale, plusieurs députés socialistes ont présenté un amendement relevant de deux à cinq jours la durée du congé pour événement familial en cas de décès d’un enfant.

Cette disposition s’inspire pour l’essentiel d’une proposition de loi déposée par la députée Michèle Delaunay, qui a été modifiée par notre Haute Assemblée lors de son adoption, le 1er avril 2015. Cette proposition de loi est d’ailleurs toujours en discussion, me semble-t-il.

Elle tend à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d’un enfant - disposition réintroduite dans le présent projet de loi - ou d’un conjoint - cela avait été modifié en séance publique par un amendement de Gilbert Barbier -, et à étendre le bénéfice de trois jours de congé en cas de disparition du concubin, et pas seulement en cas de décès du conjoint ou du partenaire lié par un PACS.

Un nouvel amendement tendant à allonger de deux à trois jours la durée du congé pour décès du conjoint a malheureusement été rejeté en commission.

Le corollaire à l’augmentation du nombre de jours de congé en cas de décès d’un enfant est l’augmentation des congés pour les proches. Il s’agit d’une mesure humaniste. Comme le rappelait notre collègue Jean-Louis Tourenne, la durée de trois jours correspond à une réalité, puisque c’est la durée qui sépare généralement le décès des obsèques.

Le rapporteur, Jean-Baptiste Lemoyne, craignait, en commission, que le congé ne soit porté dans quelques années à quatre ou à cinq jours, tout en reconnaissant que l’intention est louable. Si tel était le cas dans trois ou quatre ans, mes chers collègues, je pense que, tous ici, nous nous en féliciterions ! Il s’agit d’une mesure de progrès social, mais avant tout, je le répète, d’humanisme.

J’invite donc le Sénat à adopter cet amendement à l’unanimité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 911 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. L’amendement a été fort bien défendu par Mme Cohen.

Mes chers collègues, je vous invite bien entendu à l’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 570 de M. Watrin et des membres du groupe CRC vise à supprimer l’ensemble des dispositions relatives aux congés pour événements familiaux.

Dans cette partie de la réécriture du code du travail, je tiens à souligner que le régime de faveur est maintenu, puisque les dispositions des accords ne pourront qu’être plus favorables que les dispositions existantes, à savoir d’un à quatre jours de congé selon les cas de figure et les configurations.

Autant, sur d’autres dispositions du texte, l’accord peut effectivement atteindre des équilibres différents éventuellement moins-disant, dès lors qu’il existe des contreparties, autant ce n’est pas le cas pour les congés pour événements familiaux. Les craintes peuvent être dissipées. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 882 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres de son groupe, vise à étendre au concubin le bénéfice du congé lors du décès du conjoint. Le concubin est d’ores et déjà visé dans les congés de proches aidants et de solidarité familiale ; il y a donc une logique. La commission appelle donc à l’adoption de cet amendement.

L’amendement n° 301, de Mme Gillot et des membres du groupe socialiste et républicain, vise à attribuer des jours de congé en cas d’annonce d’un handicap chez un enfant. La commission a donné un avis défavorable, non pas tant sur le fond que pour des raisons techniques. Ce congé s’applique-t-il à tous les handicaps ? Comment s’impute-t-il si on l’apprend à la naissance, des jours de congé étant également prévus à cette occasion ?

Toutefois, à titre personnel, et le président Milon partage cette position, je pense que nous pourrions adopter cet amendement dans un bel élan, quitte à parachever sa rédaction juridique en commission mixte paritaire.

L’amendement n° 571 de M. Watrin et des membres du groupe CRC vise à donner la priorité aux accords de branche pour définir les congés spécifiques. Il se situe clairement dans une philosophie totalement divergente de celle du projet de loi. Nous nous en sommes expliqués à plusieurs reprises : l’avis de la commission est défavorable.

L’amendement n° 302, comme les amendements identiques nos 572 et 911 rectifié, vise à étendre la durée du congé en cas de décès du conjoint de deux à trois jours. La commission y est favorable. Notre assemblée avait adopté, le 1er avril 2015, une proposition de loi allant en ce sens, à l’unanimité des présents. Profitons donc de ce véhicule pour concrétiser cette proposition de loi.

La commission a donc émis un avis favorable sur les amendements identiques nos 572 et 911 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. S'agissant des amendements nos 570 et 571 du groupe CRC, le raisonnement est le même que précédemment : nous souhaitons favoriser l’accord d’entreprise, afin que les décisions soient prises au plus près du terrain. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Notre avis est en revanche favorable sur l’amendement n° 301 de Mme Gillot, au regard du motif qui est exposé. Nous saluons la position du rapporteur et nous y associons.

Par ailleurs, nous émettons un avis favorable sur les amendements nos 882 rectifié et 302, ainsi que sur les amendements identiques nos 572 et 911 rectifié. Il s’agit, je le rappelle, d’étendre le bénéfice du congé au cas de décès du concubin et la durée de deux à trois jours pour le décès des proches.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Vous l’avez compris lors des interventions précédentes, Jean Desessard a exprimé les très fortes réserves que nous avons sur le texte, tel qu’il nous est arrivé de l’Assemblée nationale. Il a également dit notre insatisfaction quant à la libéralisation accrue qui est intervenue en commission.

Nous voterons en faveur de l’ensemble des amendements en discussion. Si l’on peut être favorable, dans certaines conditions, à des assouplissements du droit du travail et à des réflexions approfondies sur son évolution, et c’est mon cas à titre personnel, nous ne saurions prendre le risque d’aggraver des situations dramatiques touchant au décès et au handicap. Il ne s’agit pas de confort !

Un vote favorable et unanime de la Haute Assemblée sur ces amendements serait donc bienvenu. Concernant le décès de proches, nos nuances idéologiques pourraient être mises de côté.

Enfin, concernant la tonalité générale du texte, puisque je ne reprendrai pas la parole sur les amendements suivants, si tous les chefs d’entreprise étaient aussi humanistes et sympathiques que M. Cadic, je n’aurais pas franchement d’inquiétude. Cependant, si l’on se réfère à ce qui se passe généralement dans les entreprises, notamment pour les femmes à temps partiel dans les grandes surfaces, j’ai vraiment l’impression que nous ne vivons pas tous dans le même monde. C’est ce qui motivera notre position sur les amendements suivants.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je souhaite formuler une remarque d’ordre légistique, monsieur le président.

Afin que les dispositions des amendements nos 302 et 882 rectifié puissent s’articuler au mieux, monsieur Requier, il conviendrait de ne conserver que le I de votre amendement, le II étant satisfait par l'amendement n° 302.

M. le président. Monsieur Requier, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?

M. Jean-Claude Requier. M. Mézard étant dans les cimes du Cantal ou dans le creux d’Aurillac, je m’exprime au nom de mon groupe. (Sourires.)

Monsieur le président, j’accepte de rectifier l’amendement puisqu’il s’agit d’une simple question de coordination.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 882 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, et ainsi libellé :

Alinéa 13

Après le mot :

conjoint

insérer les mots :

, du concubin

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'amendement n° 570.

M. Dominique Watrin. Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, vous essayez de nous mettre en contradiction, mais vos arguments ne s’appliquent pas à nos propos.

L’article 3 comporte un paragraphe 1, intitulé « Ordre public », qui définit des règles générales. Au paragraphe 2, intitulé « Champ de la négociation collective », vous ouvrez la possibilité pour l’employeur de déterminer par une convention, un accord collectif d’entreprise ou un accord de branche une durée de congé qui ne peut être inférieure au nombre de jours fixé par la loi. Or j’avais cité le cas des agences de voyage, qui appliquaient des dispositions plus avantageuses que ce seuil minimum.

En fait, vous ouvrez la possibilité pour l’employeur de remettre en cause un accord plus favorable aux salariés. C’est cette situation que je dénonçais.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Pour ce qui me concerne, c’est un peu Noël avant l’heure ! (Sourires.) Je voudrais remercier ma collègue Corinne Bouchoux de ses mots qui me touchent, mais aussi Jean-Claude Requier d’avoir rappelé la position partagée par l’UDI-UC sur l’union libre lors de la présentation de son amendement.

Lorsque l’on fit observer à Napoléon, rédigeant le code civil, qu’il ne prévoyait pas les cas d’union libre, celui-ci répondit : « Les concubins ignorent la loi, la loi ignore les concubins ! ». Je suis heureux que ceux-ci soient aujourd'hui reconnus.

Nous suivrons donc la recommandation du rapporteur sur ces amendements et nous l’en remercions.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 570.

(L'amendement n'est pas adopté.)