Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je sais qu’au moment de l’examen du projet de loi porté par François Rebsamen ce sujet a fait l’objet d’un long débat. La mesure visant à ouvrir la possibilité au comité d’entreprise de recourir à un expert dans les entreprises d’au moins trois cents salariés a été adoptée il y a seulement un peu plus d’un an.

Pour ma part je ne souhaite pas revenir sur l’équilibre qui a été trouvé à l’époque, d’autant que le dispositif va entrer en application cette année. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu votre argument selon lequel le comité d’entreprise n’est pas le lieu de la négociation. Pour ma part, je pense que le comité d’entreprise a sa raison d’être et peut aussi donner son avis. En outre, nous avons une différence d’approche : nous considérons qu’il est important qu’un comité d’entreprise soit créé dans les entreprises d’au moins cinquante salariés ; or vous avez porté le seuil à cent salariés.

Madame la ministre, j’ai bien entendu votre réponse. Je précise que l’amendement que j’ai présenté n’a pas été déposé par le groupe socialiste et républicain, mais par un certain nombre de ses membres. Le vote au sein du groupe sera donc partagé, entre ceux qui sont pour et ceux qui vous écoutent…

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 139 rectifié bis, 430 et 630.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 331 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 58
Contre 282

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 939, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement réalise avec les partenaires sociaux un bilan de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales mentionnée à l’article L. 2323-8 du code du travail. Ce rapport porte également sur l’articulation entre la base de données économiques et sociales et les autres documents d’information obligatoires relatifs à la politique économique et sociale de l’entreprise.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement traduit une nouvelle fois une préconisation du Conseil économique, social et environnemental. Je note d’ailleurs que le projet de loi met en œuvre deux recommandations du CESE figurant dans son rapport sur le développement de la culture du dialogue social. Il me semble important pour cette institution de le souligner.

Cet amendement vise à prévoir, dans un délai d’un an suivant la promulgation de la présente loi, l’évaluation de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales dans les entreprises. Le Gouvernement aura la charge de ce travail d’évaluation et y associera, monsieur le président Milon, les partenaires sociaux. Je le précise, parce que nous avons eu ce débat la semaine dernière.

La base de données économiques et sociales dans les entreprises, qui a été créée par la loi relative à la sécurisation de l’emploi, représente une avancée majeure. Son dispositif a été encore amélioré par la loi relative au dialogue social et à l’emploi. Concrètement, elle permet au comité d’entreprise et, plus largement, aux représentants élus du personnel d’être beaucoup mieux informés sur la stratégie de l’entreprise et, donc, de peser davantage sur les décisions.

Il est important que nous tirions tous les enseignements de cette mise en œuvre. Tel est le sens de cet amendement, que j’invite le Sénat à adopter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission ne s’est pas opposée à cet amendement… Elle a donc émis un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je dois dire que je suis un peu perplexe.

Mme Nicole Bricq. C’est clair, pourtant !

M. Jean Desessard. Le Gouvernement demande lui-même à inscrire dans la loi le fait qu’il va réaliser un bilan.

Mme Françoise Laborde. Ça l’honore !

M. Jean Desessard. Comme si ce n’était pas déjà de son ressort ! Est-ce que ça veut dire qu’il ne le fait pas d’habitude ?

Mme Nicole Bricq. La loi l’imposera !

M. Jean Desessard. Le Gouvernement a tout loisir de faire un bilan avec les partenaires sociaux. Je suis donc vraiment surpris par une telle demande. Et, pour une fois, le rapporteur a donné un avis favorable ! Il a donc été enchanté par cette proposition…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est l’avis de la commission !

M. Jean Desessard. Je sais bien que ce que je vais dire ne va pas servir à grand-chose, mais, je le répète, je suis très surpris.

Si on s’engageait à réaliser un rapport en collaboration avec le Parlement et les partenaires sociaux et destiné à aboutir à un travail en commun, je comprendrais. Lorsque Jean-Marc Ayrault a lancé la réforme fiscale, par exemple, il a mis en place des groupes de travail regroupant les syndicats, les parlementaires, les experts et les membres de l’administration fiscale. Ça n’a pas abouti à grand-chose, mais au moins on a fait du très bon travail.

Sur l’article 1er du projet de loi, j’ai proposé, en commission, que des assises du code du travail, associant à la fois les partenaires sociaux et les parlementaires, soient réunies pour définir les liens entre les décisions prises par les partenaires sociaux et celles prises par les parlementaires. Les premières doivent-elles obligatoirement s’imposer telles quelles aux secondes ? Il y a là un véritable débat.

J’aurais préféré que le Gouvernement propose une méthode. Dans ce cas, on aurait pu échanger, partager et voter ensemble. Là, ce n’est pas une méthode, c’est un bilan ! À mon avis, à moins que je méconnaisse les réticences des partenaires sociaux à ce sujet, le Gouvernement a tout pouvoir pour réaliser un bilan, s’il le souhaite… C’est pourquoi je m’abstiendrai sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Il nous semble important que le bilan de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales et de son articulation avec d’autres documents soit élaboré avec les partenaires sociaux. Nous voterons donc cet amendement.

Par ailleurs, nous avons bien noté que cette disposition faisait suite à une préconisation du CESE, qui représente, de manière large, les acteurs concernés.

Enfin, j’imagine que ce rapport sera transmis au Parlement. Ce n’est pas précisé, mais on peut l’espérer…

Je rappelle que cette base de données est une réponse à une aspiration grandissante du monde du travail et des militants syndicaux à connaître la réalité financière, fiscale et économique de leur entreprise. D’ailleurs, ils ne se privent pas de se saisir de cet outil ! Quand des salariés, comptes de l’entreprise en main, remettent en cause la fermeture d’un site ou un plan de suppression d’emplois, cela vient parfois du fait qu’ils ont tiré les éléments nécessaires à leur action dans cette base de données.

Il faut le souligner ici, cette avancée est le fruit des luttes ouvrières menées depuis une dizaine d’années. Elles ont conduit à la création de cet outil, dont le contenu, trois ans après son intégration dans le code du travail, reste certainement à améliorer.

Nous voyons donc un intérêt à cet amendement, même s’il est limité. Nous souhaiterions en effet que le Gouvernement prolonge cette démarche en acceptant, par exemple, le reporting comptable de nos grands groupes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Je remercie le Gouvernement de prendre en compte les travaux du Conseil économique, social et environnemental. En outre, la publication de ce rapport pourra servir de base aux travaux que notre collègue Jean Desessard préconise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je trouve cet amendement remarquable. J’estime que la culture de l’évaluation – c’est peut-être une question de génération – change la manière de voir les choses. Qui plus est, cela présente l’avantage de mettre tout le monde devant ses responsabilités, y compris les partenaires sociaux. Je pense en particulier aux droits des femmes dans les entreprises.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le sénateur Desessard, ce n’est pas le Gouvernement qui demande cette évaluation ; c’est le CESE qui enjoint au Gouvernement de réaliser un bilan de la mise en œuvre de la base de données unique avec les partenaires sociaux et de publier ce rapport.

Mme Nicole Bricq. Exactement !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le CESE souhaite que cette mesure soit inscrite dans la loi.

Pour ma part, je pense que notre pays a plus que jamais besoin d’une telle culture de l’évaluation.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mme la ministre m’ayant interpellé, je souhaite lui dire que, en général, je ne suis pas favorable aux demandes de rapport, qu’elles émanent du Parlement, du CESE ou d’autres acteurs. Je considère en effet que le Gouvernement doit être systématiquement en mesure de répondre aux questions qui lui sont posées, que ce soit par les citoyens ou par les parlementaires. Il ne doit pas pouvoir s’abriter derrière le fait qu’un rapport doit être rendu pour éviter de répondre.

Mme Nicole Bricq. Ça n’a rien à voir !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Mais si, madame Bricq, ça a beaucoup à voir !

Voilà pourquoi je ne suis pas favorable aux demandes de rapports systématiques.

De plus, ce rapport sera rendu un an après la promulgation de la loi. Je souhaite de tout cœur, madame la ministre, que ce soit vous qui puissiez le présenter, mais j’en serais fort étonné…

M. Robert del Picchia. Ça, ce n’est pas gentil !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 939.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.

Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 600, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Aux premiers alinéas des articles L. 225-21 et L. 225-77, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « deux ».

2° À la dernière phrase de l’article L. 225-45 les mots : « déterminée par le conseil d’administration » sont remplacés par les mots : « proposée par le conseil d’administration et approuvée par l’assemblée générale. » ;

3° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 225-47 est ainsi rédigée :

« Le conseil d’administration définit les éléments, dus ou susceptibles d’être dus, constituant la rémunération ou l’indemnisation du président et les soumet à l’approbation de l’assemblée générale. » ;

4° Le dernier alinéa de l’article L. 225-53 est ainsi rédigé :

« Le conseil d’administration définit les éléments, dus ou susceptibles d’être dus, constituant la rémunération ou l’indemnisation du directeur général et des directeurs généraux délégués et les soumet à l’approbation de l’assemblée générale. » ;

5° L’article L. 225-63 est ainsi rédigé :

« Art. L. 225-63. – Le conseil de surveillance définit les éléments, dus ou susceptibles d’être dus, constituant la rémunération ou l’indemnisation des membres du directoire et les soumet à l’approbation de l’assemblée générale. » ;

6° À la dernière phrase de l’article L. 225-83, les mots : « déterminée par ce dernier » sont remplacés par les mots : « proposée par ce dernier et approuvée par l’assemblée générale. » ;

7° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-27, les mots : « supérieur à quatre ou, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, cinq, ni excéder le » sont remplacés par les mots : « inférieur au ».

8° Avant le dernier alinéa de l’article L. 227-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les associés approuvent les éléments, dus ou susceptibles d’être dus, constituant la rémunération ou l’indemnisation du président, des directeurs généraux et des directeurs généraux délégués. »

II. - Les personnes physiques exerçant plus de deux mandats d’administrateur ou de membre de conseil de surveillance disposent d’un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se démettre des mandats excédentaires. À l’expiration de ce délai, elles sont réputées s’être démises de leurs mandats et doivent restituer les rémunérations perçues, sans que soit, de ce fait, remise en cause la validité des délibérations auxquelles elles ont pris part.

III. – Le code du travail est modifié :

1° Avant le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre … : Encadrement des écarts de rémunération au sein d’une même entreprise

« Art. L. 3230-1. – Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux personnels et aux dirigeants, qu’ils soient ou non régis par le présent code, des sociétés, groupements ou personnes morales, quel que soit leur statut juridique, et des établissements publics à caractère industriel et commercial.

« Art. L. 3230-2. – Le montant annuel du salaire minimal appliqué dans une entreprise mentionnée à l’article L. 3230-1 ne peut être inférieur à la vingtième partie du montant annuel, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature qui la composent, de la rémunération individuelle la plus élevée attribuée dans l’entreprise.

« Art. L. 3230-3. – Toute convention ou décision ayant pour effet de porter le montant annuel de la rémunération la plus élevée définie à l’article L. 3230-2 à un niveau supérieur à vingt fois celui du salaire minimal appliqué dans la même entreprise est nulle de plein droit si ce salaire n’est pas simultanément relevé à un niveau assurant le respect des dispositions du même article.

« Art. L. 3230-4. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’information et de consultation du personnel sur les écarts de rémunération pratiqués dans les entreprises mentionnées à l’article L. 3230-1, dans le cadre de la consultation sur la politique sociale prévue à l’article L. 2323-15. » ;

2° L’article L. 3231-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2017, le montant du salaire minimum de croissance servant de référence pour le calcul de l’indexation prévue au présent article ne peut être inférieur à 1 700 euros bruts mensuels. »

IV. – Les entreprises mentionnées à l’article L. 3230-1 du code du travail dans lesquelles l’écart des rémunérations est supérieur à celui prévu à l’article L. 3230-2 du même code disposent d’un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se conformer aux dispositions du même article L. 3230-2.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous proposons plusieurs mesures qui ont un seul objectif : assainir la politique salariale au sein des conseils d’administration et des directoires des entreprises. En effet, on ne compte plus les scandales et les affaires qui touchent les dirigeants de grands groupes : ils s’octroient de larges augmentations, qui viennent s’ajouter à des rémunérations déjà très généreuses, tout en organisant des vagues de licenciements dans leur entreprise.

Si la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, à laquelle Nicole Bricq faisait référence, devait appeler les dirigeants à la réserve et à la décence, en rendant publique leur rémunération, force est de constater que c’est l’effet inverse qui s’est produit. Ce sont sur ces chiffres hallucinants que les dirigeants construisent leur réputation !

De fait, trois leviers sont mobilisables, et nous avons décidé de les activer.

Tout d’abord, nous limitons l’écart salarial, en prévoyant que, dans toutes les entreprises, privées ou publiques et sous quelque forme qu’elles soient constituées, le salaire annuel le moins élevé ne puisse être plus de vingt fois inférieur à la rémunération annuelle globale la plus élevée dans la même entreprise. Ce mécanisme ne concerne pas exclusivement les dirigeants. S’il fait référence aux rémunérations les plus hautes, c’est pour inclure les entreprises dans lesquelles les dirigeants ne sont pas nécessairement ceux qui perçoivent les plus hautes rémunérations. Par ailleurs, il vise non pas à abaisser les hauts salaires, mais à augmenter les plus bas.

Ensuite, nous limitons le nombre de conseils d’administration dans lesquels une personne peut siéger : de cinq aujourd’hui à deux, comme le propose Frédéric Fréry, professeur de stratégie à ESCP Europe.

Pour faire simple, le fait de siéger dans plusieurs conseils d’administration permet de se rapprocher des dirigeants de ces entreprises et, à terme, de les intégrer dans le sien. De fait, les échanges de bons procédés, dont parlait notre collègue Desessard il y a un instant, se mettent rapidement en place et entraînent cette spirale d’augmentations des salaires des dirigeants, qui sont franchement indécentes.

Enfin, le dernier levier, qui est prévu dans la loi Sapin II, vise à rendre contraignant l’avis de l’assemblée générale des actionnaires, ce qui doit permettre de faire de cette instance un véritable contre-pouvoir. Espérons que cette mesure reste dans le texte jusqu’à la fin de la navette parlementaire !

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 414 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

L’amendement n° 632 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-27 du code de commerce est ainsi rédigée :

« Le nombre de ces administrateurs ne peut être inférieur au tiers du nombre total des administrateurs. »

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 414.

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à modifier l’article L. 225-27 du code de commerce, afin de s’assurer que les administrateurs salariés représentent un tiers des membres du conseil d’administration de l’entreprise.

Depuis la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, les entreprises qui emploient plus de 5 000 salariés doivent intégrer dans leur conseil d’administration des administrateurs salariés. L’objectif de cette mesure est de garantir un équilibre entre la représentation des salariés et celle des actionnaires.

Force est de constater que cet objectif n’a été que partiellement atteint. La loi n’impose la présence que de deux administrateurs salariés dans les conseils de plus de douze membres et de seulement un administrateur salarié dans ceux de moins de douze membres.

Les conseils d’administration jouent un rôle crucial dans les orientations de l’entreprise. Il semble donc important d’améliorer la représentation des salariés au sein de ceux-ci, comme le propose le présent amendement. Cette nouvelle composition des conseils d’administration permettra aux salariés de prendre réellement part aux choix stratégiques de l’entreprise.

En Norvège, les administrateurs salariés représentent déjà un tiers des conseils d’administration dans les entreprises de plus de cinquante salariés.

En Allemagne, une mesure similaire s’applique : les salariés représentent un tiers du conseil d’administration dans les entreprises comptant entre 500 et 2 000 salariés et la moitié du conseil dans celles de plus de 2 000 salariés.

Par notre amendement, nous vous proposons de suivre ces exemples, en garantissant un tiers d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 632.

M. Dominique Watrin. À travers cet amendement, il s’agit de poser les premiers jalons d’un modèle de gouvernance et d’actionnariat permettant d’associer davantage les salariés aux décisions fondamentales de l’entreprise.

En France, la représentation des salariés est très insuffisante au sein des conseils d’administration – chacun en convient. Elle est en effet limitée aux très grandes entreprises. Pourtant, la crise actuelle, ainsi que de nombreuses recherches, confirme l’inadéquation de la gouvernance des entreprises qui s’est imposée depuis vingt ans : le pouvoir y appartient essentiellement aux actionnaires et aux manageurs. Or, au final, ce sont les salariés qui sont en première ligne en cas de difficultés ; ce sont eux qui payent le prix fort des restructurations et des délocalisations. En effet, les logiques financières de rentabilité et de retour immédiat sur investissement priment le plus souvent sur l’emploi et le développement industriel. Je fais ici référence au film Merci Patron !

Comme cela a été maintes fois souligné par de nombreux observateurs, l’absence de discussion et d’échanges autour des choix stratégiques et économiques au sein du conseil d’administration entraîne souvent un blocage du dialogue social. Il y a véritablement un manque d’information des salariés, une logique de pouvoir à l’avantage exclusif des actionnaires, comme nous l’avions déjà souligné lors du débat sur le projet de loi Rebsamen.

En comparaison, en Allemagne, les salariés représentent un tiers du conseil d’administration dans les entreprises comptant entre 500 et 2 000 salariés et la moitié des sièges dans les très grandes entreprises. Il est ici proposé de s’inspirer du fameux « modèle allemand », en garantissant aux salariés un tiers des sièges au conseil d’administration des entreprises. En clair, le plafond actuel deviendrait un seuil. La présence d’administrateurs salariés permettrait ainsi de résister aux seules préoccupations de rentabilité à court terme et de mieux prendre en compte l’intérêt de toutes les parties prenantes à l’entreprise.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 600 comporte un certain nombre de mesures significatives, en particulier le fait de rendre contraignant le vote de l’assemblée générale concernant les rémunérations des dirigeants. Philosophiquement, je trouve que cette mesure va dans le bon sens. D’ailleurs, quand on examine les votes qui ont eu lieu dernièrement, on voit bien que, à une ou deux exceptions près, les propositions soumises à l’assemblée générale sont adoptées. On le sait, l’actualité suscite légitimement des interrogations. Nous traiterons de ce sujet lors de l’examen de la loi Sapin II.

L’amendement va cependant plus loin, puisqu’il fixe le niveau du SMIC, qui relève du pouvoir réglementaire. Il est certain que, si nous adoptions cette mesure, les téléscripteurs de l’AFP crépiteraient puisque le SMIC s’établirait à 1 700 euros dès le 1er janvier prochain. Ce serait assurément une nouvelle de taille !

Tant sur ce sujet que sur celui de la présence des administrateurs salariés dans les conseils d’administration, il a semblé à la commission qu’il convenait d’évaluer, sujet cher à Nicole Bricq, ces réformes, qui ont été adoptées récemment, avant d’aller plus loin. Je rappelle que la loi prévoyant la présence des administrateurs salariés date de 2013 et qu’elle a été modifiée en 2015 par la loi Rebsamen. On entend souvent des critiques sur l’instabilité législative… Donc, restons-en là !

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, pour plusieurs raisons.

Nous partageons bien évidemment la préoccupation visant à contrôler la rémunération des dirigeants. D’ailleurs, le projet de loi Sapin met cette question sur la table, notamment en renforçant le caractère contraignant du vote des actionnaires. Vous aurez donc ce débat dans quelques semaines. En outre, je rappelle que nous avons décidé, dès 2012, de plafonner les rémunérations, lorsqu’une telle mesure était conforme à la Constitution, notamment dans les entreprises publiques.

Je comprends l’émoi que ce sujet peut susciter dans la population. Il nous faut donc avancer rapidement. C’est une exigence de justice sociale.

La loi de 2013 a déjà permis des avancées sur la participation des salariés aux conseils d’administration dans les entreprises de plus de 5 000 salariés. La loi Rebsamen a également donné lieu à de nombreux débats, en particulier pour étendre le dispositif aux entreprises de plus de 1 000 salariés. Cependant, je le redis, je ne souhaite pas revenir sur les équilibres qui ont été trouvés dans le cadre de la loi Rebsamen, d’autant que ce texte est très récent. Il faut donc laisser le temps que les choses s’installent.

Enfin, vous le savez, en France, le SMIC est fixé par décret, sur proposition d’un comité d’experts. Ce sujet fait en outre l’objet d’une discussion au sein de la Commission nationale de la négociation collective. Je n’imagine pas un système où la loi fixerait le SMIC de manière unilatérale, alors même que cette commission nationale émet déjà un avis, même si ce n’est pas un avis conforme. Je ne souhaite donc pas revenir sur ce dispositif.