Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je ferai le lien dans cette intervention avec l’amendement qui vous sera soumis par la suite.

Monsieur le ministre, vous affirmez vouloir unifier les régimes d’ouverture. Il en existe aujourd’hui trois. Vous souhaitez sécuriser et contrôler.

Unifier, nous l’avons fait dans la rédaction très construite issue de nos travaux. Les trois régimes y sont unifiés.

Sécuriser, pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais il me semble que nous le faisons davantage que vous. Nous avons, comme vous, allongé les délais en amont ; nous exigeons même que les écoles répondent aux obligations en matière de sécurité et d’accessibilité ; nous demandons communication du mode de financement de l’école ; lorsqu’il s’agit d’une association, nous demandons son statut. Nous avons donc construit un processus très complet qui répond à vos objectifs.

Monsieur le ministre, vous affirmez que vous sécurisez le système, mais pas du tout ! Vous avez, certes, l’impression de le faire, mais cette impression ne tient pas à l’épreuve des faits, ce qui explique que mon impression soit toute différente.

J’ai cité des chiffres qui dérangent – j’en suis navrée. On sait que l’instruction en famille est soumise à une obligation de contrôle annuelle, mais 456 contrôles jugés insatisfaisants n’ont pas fait l’objet d’un deuxième passage… Que l’on m’explique comment l’éducation nationale va contrôler a posteriori !

Monsieur le ministre, on peut lire dans l’objet de votre amendement que, « après l’ouverture de l’établissement », « les contrôles a posteriori continueront évidemment d’être diligentés comme ils le sont de manière systématique depuis plus d’un an ».

Je suis moins bavarde, mais plus exigeante et plus carrée, et j’affirme qu’il doit y avoir un contrôle a minima pendant un an. Que ferons-nous, lorsque les gens auront fourni des dossiers répondant à tous vos critères ? Sans une exigence de contrôle, cela ne fonctionnera pas !

L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement et, afin de gagner du temps, j’indique dès maintenant que je propose, par un amendement dont nous discuterons ensuite, de compléter le texte que la commission a construit avec beaucoup de rigueur et qui me semble respectueux de la liberté constitutionnelle tout en mettant en place un dispositif préventif contre les dévoiements qui existent.

(M. Hervé Marseille remplace Mme Françoise Cartron au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille

vice-président

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je suivrai l’avis de Mme le rapporteur, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, je ne fais aucunement confiance à ce gouvernement. L’expérience montre que les intentions du parti politique que vous représentez, monsieur le ministre, étaient plutôt malveillantes à l’égard de l’enseignement catholique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Rappelez-vous les manifestations qui ont obligé François Mitterrand à faire marche arrière !

Aujourd'hui, vous êtes donc mal placé pour défendre la position qui est la vôtre, même si je comprends l’objectif.

Nous vivons, il est vrai, une période particulièrement difficile et délicate. On peut en effet se poser des questions au sujet de l’enseignement confessionnel, en fonction de la confession concernée, car il y a un certain nombre de risques.

Mme Catherine Génisson. Vous stigmatisez !

M. Alain Vasselle. Mais Mme le rapporteur vous a apporté une réponse à ce sujet. Ce n’est pas en passant d’un régime de simple déclaration à un régime d’autorisation que l’on maîtrisera mieux l’enseignement privé. C’est bien l’effectivité du contrôle qui permettra de s’assurer que l’enseignement est dispensé dans de bonnes conditions, sur le plan moral comme sur celui du contenu pédagogique, et qu’il n’y a pas de déviance.

La déviance à laquelle vous avez, à juste raison, fait référence constitue une préoccupation majeure qui devrait inciter l’éducation nationale à renforcer ses contrôles dans l’enseignement confessionnel. C’est cette réponse qu’il faut apporter !

Nous ne voulons absolument pas vous donner un chèque en blanc en vous autorisant à procéder par ordonnance dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Je n’avais pas prévu de prendre la parole, mais l’intervention de mon collègue me fait réagir.

Les bras m’en tombent ! Nous étions dirigés il n’y a pas si longtemps par un gouvernement de droite, qui a fait son travail, bien ou mal fait, je vous laisse juge, mais jamais, monsieur Vasselle, je ne me serais permis de citer l’enseignement confessionnel catholique.

On ne peut pas être hypocrite. Quand il s’agit des catholiques, on pense quelque chose ; quand il s’agit des musulmans, on pense autre chose ; quand il s’agit des sectes, autre chose encore. L’éducation est nécessaire à tous les enfants français. Il faut donc prévoir des contrôles a posteriori et a priori. Mais, par pitié, ne ciblez pas des individus, ou bien c’est mal parti ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Mme Annie Guillemot. Permettez-moi de revenir sur trois points.

Concernant le diagnostic, il s’agit des écoles hors contrat, ainsi que l’a indiqué M. le ministre. Je me souviens des débats que nous avons eus au sein de l’Association des maires de France, auxquels avait d’ailleurs participé Françoise Gatel. Force est de constater que ce sont toujours les maires, quelle que soit leur position, sans esprit partisan, qui se retrouvent face à ce problème : en huit jours, ils doivent trouver des problèmes ou d’accessibilité ou de sécurité pour empêcher l’ouverture de certaines écoles. L’Association des maires de France a très souvent demandé une modification de la loi sur ce sujet.

Comme Mme Laborde, à entendre mes collègues, les bras m’en tombent !

Mme Françoise Laborde. Il est en effet inadmissible d’entendre de tels propos !

Mme Annie Guillemot. Le maire ne peut faire opposition que dans un délai de huit jours à compter d’une simple déclaration d’ouverture. Aujourd'hui, la loi c’est ça ! Je l’ai vécu voilà un an encore dans ma commune ; je sais donc de quoi je parle. Vous ne connaissez pas le demandeur, mais celui-ci peut ouvrir une école hors contrat. L’éducation nationale dispose d’un mois et le conseil départemental de l’éducation nationale ne peut agir qu’a posteriori.

Voilà pour le diagnostic. Tous les maires de France vous diront la même chose.

Ensuite, alors que nous sommes en état d’urgence, pourquoi ne pas vouloir accorder quatre mois à l’éducation nationale pour décider de l’ouverture d’une école hors contrat ?

M. le ministre l’a rappelé, 7 900 écoles sont sous contrat avec l’éducation nationale, dont 7 500 écoles confessionnelles. Il n’y a donc pas de crainte à avoir : toutes les écoles confessionnelles qui ont voulu ouvrir ont été ouvertes, et ce en lien avec l’éducation nationale.

Mme Annie Guillemot. Mes chers collègues, nous sommes, je le répète, en état d’urgence. Nous avons tous ici, dans cette assemblée, voté des dispositions bien plus sévères ! Alors, ne nous dites pas aujourd'hui qu’il n’est pas possible d’accorder quatre mois à l’éducation nationale pour décider de l’ouverture de telle ou telle école, quelle qu’elle soit, hors contrat !

Eu égard à ce qui se passe dans certains quartiers ou départements – M. Dallier me rejoindra, me semble-t-il, sur un certain nombre de points –, je vous demande d’être attentifs à l’importance du vote que vous allez émettre et j’insiste sur sa solennité.

L’école ouvrira au bout de quatre mois si tout va bien. Mais ne laissons pas les maires dans la situation actuelle. En huit jours, après une simple déclaration, on ne peut rien faire ! Reconnaissons que le délai de quatre mois est important au regard de l’état d’urgence que nous avons voté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.

M. Gilbert Roger. Moi aussi, les bras m’en tombent ! Je partage les propos de mon collègue et ami Philippe Dallier.

Pendant plus de dix-sept ans, j’ai été maire d’une commune voisine de la sienne. Je puis vous dire que l’installation de la plupart des écoles hors contrat était totalement improvisée au départ et que ce n’est qu’après coup que j’en découvrais l’ouverture. Les seules possibilités que j’avais alors, comme maire, étaient de vérifier qu’il y avait bien une issue de secours et de contrôler un peu la sécurité, notamment face aux incendies, avant que l’éducation nationale ne puisse faire son rapport.

Prévoir une déclaration a priori pour les écoles hors contrat me semble normal. Cela constituerait un progrès pour éviter que des enfants ne se retrouvent dans des situations complexes. Cela éviterait aussi que des familles ne viennent manifester ici et là, une fois l’école ouverte, en demandant que l’on continue à les laisser faire au nom de la liberté de chacun d’éduquer comme il veut ses enfants.

Franchement, les propos que vous avez tenus sont inadmissibles.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.

M. Alain Gournac. Les bras m’en tombent !

M. Yannick Vaugrenard. Je suis étonné de la teneur de nos échanges.

On devrait placer l’enfant, son avenir et ses droits au cœur du débat, et non pas rallumer une espèce de guerre scolaire qui n’a aucun sens en la matière.

Par ailleurs, ainsi que l’a rappelé notre collègue Annie Guillemot, nous sommes en état d’urgence. C’est donc au regard de cette situation que nous débattons et que nous prenons des décisions.

Permettez-moi de revenir sur les propos tenus par M. le ministre. Que ce soit une école de la République, une école privée sous contrat ou une école hors contrat, quel est l’objectif que nous devons assigner aux enseignants ? C’est de permettre aux enfants de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’avoir un sens critique, de développer leur sens moral et de partager les valeurs de la République pour pouvoir exercer leur citoyenneté.

Je ne comprends pas que l’on s’oppose à accorder au minimum quatre mois à l’éducation nationale pour s’assurer que les personnes ayant la possibilité d’ouvrir une école, au-delà du fait qu’elles aient dix-huit ans et qu’elles soient de nationalité française, soient en capacité de permettre aux enfants de partager les valeurs fondamentales de la République et de développer leur esprit critique pour être les citoyens de demain.

Enfin, madame Gatel, je voudrais revenir sur un certain nombre de propos que vous avez tenus à plusieurs reprises, mettant souvent en cause l’éducation nationale.

Ceux qui exercent le beau métier d’enseignant ne font pas le même métier qu’il y a dix, quinze, vingt ou trente ans. Aujourd'hui, il est beaucoup plus compliqué d’être enseignant ; il faut tenir compte de cette donnée. Ces hommes et ces femmes qui donnent beaucoup de leur temps au service de nos enfants et font preuve d’une grande disponibilité doivent être soutenus et non pas brocardés.

D’ailleurs, ce n’est pas en supprimant 80 000 emplois que l’on peut véritablement soutenir l’éducation nationale, mais c’est en en créant 60 000, comme nous l’avons fait. Ce n’est sans doute pas suffisant ; il faudra continuer dans cette voie. Et il faudra continuer à plutôt se préoccuper de l’enfant dès l’âge de deux, trois, quatre ou cinq ans, et pas seulement au collège, comme ce fut le cas précédemment. Cet aspect des choses est essentiel.

Je profite de cette intervention, qui n’était pas prévue, pour apporter un soutien fort à l’ensemble du personnel enseignant de l’éducation nationale : les personnels ont besoin de soutien et non pas de critiques systématiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je souhaiterais que M. le ministre m’apporte son éclairage, car je ne suis pas sûr de comprendre l’amendement du Gouvernement.

Plusieurs de nos collègues ont pointé, si je puis dire, les écoles hors contrat. À l’évidence, le problème se situe essentiellement là.

Permettez-moi de relire l’amendement : « Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi ayant pour objet de modifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux établissements privés d’enseignement scolaire. »

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir établi de distinguo entre les écoles hors contrat et les écoles sous contrat ? Peut-être y aurait-il eu moins de doutes dans l’esprit de nos collègues, doutes que je comprends aussi… Le problème est peut-être là.

Pointez-vous uniquement les écoles hors contrat ou tout l’enseignement privé ? En lisant l’amendement, j’ai le sentiment que vous visez tout l’enseignement privé. Pourquoi n’avez-vous pas dissocié les deux ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Cet article est extrêmement important.

J’ai bien entendu les propos de M. Vasselle et de mes autres collègues. M. Vasselle n’a pas dit qu’il était contre les contrôles. Selon moi, il est essentiel qu’il y ait des contrôles. Certes, il a évoqué l’école catholique, mais il convient de parler de toutes les écoles confessionnelles. Je souhaiterais que Mme le rapporteur précise que l’amendement de la commission spéciale mentionne bien que des contrôles seront réalisés pour autoriser l’ouverture d’une école.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Sans aucun esprit polémique, je tiens à dire qu’il me semble important que nous choisissions les mots que nous employons, que nous lisions ce qui est écrit et que nous entendions ce qui est dit.

Monsieur Vaugrenard, cher collègue, je n’ai jamais méprisé les enseignants. Vous ne m’avez jamais entendu parler des enseignants. (M. Yannick Vaugrenard fait une moue dubitative.) Non ! Il y a, d’un côté, l’éducation nationale et, de l’autre, ceux qui essaient de faire fonctionner le système.

Mme Françoise Laborde. C’est bien de le préciser !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. On demande aux enseignants de remplir une mission impossible. On leur demande d’abord – c’est leur job ! – de faire acquérir aux enfants le socle commun des connaissances et des compétences, les fondamentaux. Il y a aujourd'hui dans ce pays 130 000 enfants qui décrochent du système scolaire et nous ne savons pas où ils sont. Ce ne sont pas les enseignants qui sont responsables. On demande aux enseignants de remplacer la famille, la société, de remplacer tout le monde. On en est presque à leur demander de former les élèves au permis de conduire ! Soyons sérieux !

Sérieusement, je n’ai pas du tout été libérale dans mon propos, vous le savez, cher collègue, car vous avez longuement participé à nos travaux. Si nous acceptons de dépasser nos esprits partisans – et j’endosse le mien –, nous devons reconnaître qu’il y a plus d’exigence et de précision dans les mots que j’ai écrits, dans la proposition que nous avons construite, que dans le texte du Gouvernement.

Pour répondre à la question de notre collègue, tous les établissements privés, confessionnels ou non, sont ici visés. En effet, ce n’est qu’après cinq ans d’exercice qu’un établissement peut demander à bénéficier d’un contrat d’association.

Cher collègue, vous parlez du délai. Je suis sûr que vous avez tout lu, mais la nuit a été longue : des choses ont pu être oubliées.

Nous avons porté le délai pour l’examen par le maire de huit jours à deux mois, celui par le directeur académique des services de l’éducation nationale à trois mois. En outre, si ce dernier constate que l’école est ouverte malgré son opposition, il aura le droit de retirer les enfants de l’école dans la minute qui suit, mesure que le Gouvernement ne propose pas. Nous avons aussi augmenté le montant des amendes prévues.

Je le dis et je le répète, cher collègue, soyez objectif. Sur un sujet comme l’école, dont on dit qu’elle est le creuset de la République, ce n’est pas le droit de l’enfant qui est visé : c'est la République ! Et c’est pour cette raison que nous sommes là aujourd'hui.

Enfin, nous avons instauré un principe de contrôle annuel. Encore une fois, mes chers amis, vous évoquez l’état d’urgence. Je l’entends bien, mais, pour prendre un exemple à peine caricatural,…

M. le président. Veuillez conclure, madame le rapporteur !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. … si l’on découvrait avant même qu’ils aient commis leur crime tous ceux qui sont malhonnêtes, les choses seraient réglées !

M. le président. Je vous demande de conclure, madame le rapporteur !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. On ne pourra empêcher une personne animée de mauvaises idées qui remplira un dossier extrêmement favorable d’ouvrir une école.

J’insiste donc sur l’objectivité, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale.

Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté ». J’apporte évidemment tout mon soutien à Mme le rapporteur. Ne faisons pas ici de procès d’intention ! Chacun d’entre nous a à cœur de prendre en compte l’intérêt de l’enfant, quelle que soit la travée sur laquelle il siège. Je m’inscris en faux contre toute accusation contraire.

Si l’on regarde bien les choses, le problème n’est pas tant celui de l’ouverture d’une école que celui de la fermeture, madame Guillemot. La fermeture ne peut être que la conséquence de contrôles qui doivent être réalisés. Or je crois que nous pouvons dire avec Mme le rapporteur que les contrôles manquent aujourd'hui.

MM. Charles Revet et Alain Vasselle. Très bien !

Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Je suis maire d’une commune située près des Mureaux, dans la vallée de la Seine. Les maires font des signalements, mais soit les contrôles font défaut, soit ils ont bien lieu, mais ils ne permettent pas de faire fermer l’école.

Le problème est donc non pas l’ouverture, mais la fermeture des écoles.

Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Entre une déclaration qui serait renforcée par la proposition de Mme le rapporteur et une autorisation, il y a finalement très peu de différence, sauf du point de vue de la Constitution.

Mme Annie Guillemot. C’est l’ouverture qui pose problème !

Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Le problème, c’est le contrôle, avec ses conséquences, et c’est sur ce point que nous devons faire porter nos efforts. C’est pourquoi je soutiens avec force le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Dubois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Je n’avais pas du tout l’intention d’intervenir dans ce débat, mais je veux apporter tout mon soutien à Mme la rapporteur.

Monsieur Vaugrenard, vous avez véritablement fait un procès d’intention à Mme la rapporteur, qui n’a jamais parlé des enseignants ; elle a effectivement parlé de l’éducation nationale. Ne nous mettons pas la tête dans le sable pour refuser de comprendre que se posent des problèmes dans l’éducation nationale !

Je suis marié à une enseignante, qui exerce son travail avec passion, à l’instar de nombreux enseignants. Mais, aujourd'hui, tout est compliqué. Voilà une semaine, les gendarmes lui ont fait remarquer qu’ils avaient pu se rendre facilement dans son bureau de directrice, alors que le plan Vigipirate était activé, et lui ont reproché de ne pas assurer correctement la sécurité de l’école !

Que demande-t-on aux enseignants ? Je crois qu’il faut remettre l’église au milieu du village (Rires.)

M. Jean-François Longeot. … et ne pas faire un procès d’intention à Mme la rapporteur. Elle n’a pas du tout attaqué les enseignants, mais elle a voulu appeler à une prise de conscience de la situation actuelle dans l’éducation nationale.

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Pour notre part, nous voterons l’amendement du Gouvernement, bien que nous ne soyons pas, par principe, favorables aux ordonnances.

Nous considérons que nous sommes actuellement dans une situation très particulière : les écoles privées hors contrat s’ouvrent de manière extrêmement rapide, et les contrôles sont insuffisants, à notre sens.

Un délai de quatre mois nous paraît donc absolument nécessaire, ce qui n’est pas en contradiction, bien évidemment, avec le souhait exprimé par plusieurs de nos collègues pour qu’il y ait d’autres mesures de contrôle ensuite. C'est la raison pour laquelle nous sommes aussi favorables à ce qu’il y ait un contrôle au moins annuel de ces établissements.

Un délai de quatre mois permettra aux autorités d’exercer leur contrôle dans de bonnes conditions.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Mon explication de vote sera brève : vu le contenu du débat, notre groupe votera l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, merci pour ce beau débat « qui clive », pour reprendre la formule consacrée. Et, puisque l’on parle de clivage, je préfère pour ma part, monsieur Longeot, mettre la mairie au milieu du village (Sourires.), mais chacun ses opinions en la matière.

Je suis par ailleurs moi aussi marié à une enseignante, et j’ai donc l’occasion de débattre avec elle régulièrement du sujet.

Avant d’évoquer le fond, permettez-moi de revenir sur quelques interrogations, voire imprécisions, voire inexactitudes.

Tout d’abord, j’évoquerai un procès d’intention. Monsieur Vasselle, merci de rappeler l’histoire, mais elle n’a rien à voir avec le présent débat. Revenir au débat de 1984 relève d’un véritable procès d’intention, que je n’accepte pas au nom de ce que je suis et du combat que j’avais mené à l’époque, peut-être contre vous. La loi a tranché, et nous sommes aujourd'hui dans un régime de respect de la liberté d’enseignement, que l’amendement du Gouvernement ne remet en aucun cas en cause.

Monsieur Dallier, toutes les écoles privées sont au départ hors contrat, comme l’a expliqué Mme la rapporteur.

M. Patrick Kanner, ministre. Il faut attendre cinq ans de validation pour que l’école puisse obtenir un contrat d’association avec l’État, qui permet la prise en charge, vous le savez, de moyens de fonctionnement importants.

Madame Primas, la fermeture d’une école relève non pas de l’administration, mais de la justice,…

Mme Annie Guillemot. Tout à fait !

M. Patrick Kanner, ministre. … avec les délais nécessaires à une décision de justice juste et applicable. Pendant ce temps-là, les enfants peuvent être soumis à des forces négatives que nous voulons combattre. Je vous demande d’intégrer cet état de fait.

Dès lors que l’école est ouverte, elle ne peut pas être fermée par l’administration ; elle ne peut être fermée que par décision de justice.

Mme Annie Guillemot. Tout à fait !

Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Donnez le pouvoir à l’administration de fermer une école !

M. Patrick Kanner, ministre. Durant cet intervalle, l’enfant peut être mis en danger. Or nous ne voulons pas qu’il en soit ainsi.

Mme Sophie Primas, vice-présidente de la commission spéciale. Eh bien, changez cela !

M. Patrick Kanner, ministre. C’est pourquoi j’ai l’honneur de vous présenter cet amendement.

L’éducation nationale, ce sont d’abord les enseignants, madame la rapporteur. Je sais bien que ce rappel vous fait mal,…

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oh non !

M. Patrick Kanner, ministre. … mais, supprimer 80 000 postes ainsi que les instituts de formation des maîtres, c’était affaiblir l’éducation nationale ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Que vous le vouliez ou non, mesdames, messieurs les sénateurs de droite et du centre, c’est votre bilan ! (Mêmes mouvements.) C’est dérangeant, mais c’est la réalité !

J’en viens maintenant au fond.

Le dispositif que vous proposez, madame la rapporteur, reste un régime de déclaration.

M. Patrick Kanner, ministre. L’ouverture reste potentielle à compter de la date du dépôt de la demande, que vous le vouliez ou non. Pour notre part, nous proposons la démarche inverse.

Quatre mois pour instruire les dossiers et ainsi prendre le temps de former une éventuelle opposition motivée, quoi de plus normal dans une République organisée ? Si l’État ne dit mot d’ailleurs, silence vaudra naturellement accord. Nous sommes dans l’efficacité, une efficacité qui tient compte de l’environnement politique qui est le nôtre.

Enfin, je citerai l’exposé des motifs d’une proposition de loi présentée à l’Assemblée nationale par Éric Ciotti en avril 2016 : « Certains établissements présentent non seulement de graves faiblesses pédagogiques mais également des risques de radicalisation… » Une fois n’est pas coutume, nous pouvons être d’accord avec certains membres de notre opposition, qu’ils siègent au Sénat ou à l'Assemblée nationale, parce que l’intérêt des enfants suppose que nous soyons efficaces.

C’est le sens de cet amendement, et je vous remercie de le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, je ne demande qu’à vous rendre service. Si ça vous arrange et que vous estimez qu’un mois fait une différence, nous pouvons porter le délai que nous avons proposé à quatre mois.

J’ai, en plus, la solution à votre problème. Vous expliquez que, pendant que la procédure en justice se déroule, les enfants restent soumis à des ondes négatives et malfaisantes, pour être « poétique ». Comme je partage votre souci de l’intérêt de l’enfant, je vous renvoie à l’alinéa 14 de l’article 14 decies : « L'autorité compétente de l'État en matière d'éducation saisit le procureur de la République des faits constitutifs d'infraction aux dispositions du présent chapitre. Dans cette hypothèse, elle met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l'établissement d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la notification. »

Le DASEN n’a pas le droit de fermer l’école, vous avez parfaitement raison, monsieur le ministre. Mais, je vous le dis, nous faisons tout pour vous rendre service : nous lui offrons la possibilité d’enlever les enfants de l’école et les parents seront alors mis en demeure de les inscrire dans une autre école dans un délai de quinze jours.