M. Rémy Pointereau. Aurions-nous déjà gagné ?...

Mme Évelyne Didier. Nous pensons également qu’il est utile de privilégier des solutions locales pour associer l’ensemble des acteurs à la concertation.

Dans sa contribution annexée au rapport de la délégation à la prospective, l’Association des maires de France signale, à juste titre, la difficulté née de la réforme territoriale, qui impose un cadre territorial et administratif, alors que les élus locaux prônaient une rationalisation des services de l’eau et de l’assainissement.

Il faut absolument prendre en compte les facteurs physiques géographiques de la qualité et de la proximité de la ressource en eau.

Pour ce qui concerne la gestion quantitative de l’eau, vous avez raison, monsieur Lozach, la ressource ne se crée pas, elle se gère ! Or l’état des réseaux est préoccupant : 25 % de l’eau prélevée n’arriverait pas à l’usager et, dans certains secteurs, ce pourcentage est encore plus élevé. Connaître les réseaux, les réparer et les entretenir entraîne des coûts, que les collectivités ne peuvent pas supporter seules.

Et si la vente d’eau génère des bénéfices, alors ceux-ci doivent financer ce qui, pour nous, doit être un service public !

Nous sommes évidemment favorables à un soutien financier aux collectivités pour financer l’assainissement et lutter contre les fuites sur les réseaux d’eau potable, ainsi qu’à la mise en place d’un plan d’action visant à acquérir une connaissance approfondie de ces réseaux, afin de rechercher et réparer les fuites ou renouveler les conduites.

Je dirai maintenant quelques mots sur ce qui, à mon sens, manque dans les propositions.

D’une part, les rapports évoquent la question des pollutions diffuses. À ce sujet est cité le rapport d’évaluation de la politique de l’eau établi par Anne-Marie Levraut au mois de septembre 2013 et rappelé que la moitié des masses d’eau sont dégradées du fait de pollutions diffuses d’origine agricole : utilisation de nitrates ou de pesticides. Mme Levraut concluait son rapport par cette phrase : « L’enjeu est de passer d’une multitude d’actions curatives à une approche préventive cohérente et à la bonne échelle, tirant ainsi les conséquences de la reconnaissance d’un cycle de l’eau unique au bénéfice de tous les usages. »

Mais voilà, les propositions qui devraient en découler restent timides. Certes, des progrès doivent être relevés, comme en témoigne l’application de la directive Nitrates, mais on constate également des rendez-vous manqués.

Un exemple récent : lors de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, le parlement français n’a pas voulu interdire la culture des plantes tolérantes aux herbicides. Pourtant, dès 2011, un rapport de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, sur cette question, commandé par les ministres de l’agriculture et de l’écologie, notait que l’emploi de ces variétés tolérantes aux herbicides conduisait mécaniquement à des teneurs plus élevées des molécules chimiques dans les eaux et augmentait le risque d’atteindre les taux limites réglementaires pour la potabilité.

D’autre part, le rapport de la délégation à la prospective note à propos de l’eau virtuelle, c’est-à-dire la quantité d’eau nécessaire pour produire des biens de consommation, que « c’est une notion importante, car elle est de nature à modifier les ordres de grandeur du commerce international » et que la négliger reviendrait à déplacer nos problèmes sur les pays qui sont déjà en difficulté. Nous sommes en accord avec cette affirmation. L’économie mondialisée déplace effectivement nombre de problèmes vers les pays les plus pauvres et les populations les plus vulnérables. C’est la raison pour laquelle il faut développer une économie circulaire de proximité, respectueuse, de fait, de l’environnement et des hommes. L’économie de l’eau en est le cœur.

Enfin, je regrette que le droit à l’eau pour les plus démunis n’ait pas été évoqué dans les rapports. Tout le monde n’a pas accès à l’eau potable en France. C’est une réalité que nous devons combattre avec détermination.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. C’est aux collectivités locales qu’incombe cette responsabilité, et il faut les y aider.

Pour conclure, je tiens à saluer le travail utile et intéressant réalisé dans le cadre de ces deux rapports complémentaires qui nous permet de poursuivre notre réflexion sur des sujets aussi essentiels. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en 2010, une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies reconnaissait que le droit à l’eau potable est un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme. Or, aujourd’hui, 700 millions de personnes dans le monde ne disposent pas d’un accès à une eau propre et salubre.

Les experts du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, et la communauté scientifique s’accordent sur une hausse globale des températures qu’il est impératif d’anticiper. En France, la situation sera assez paradoxale : nous connaîtrons à la fois plus d’inondations et plus de sécheresses, car l’augmentation des températures accroît l’évaporation au niveau des sols et la transpiration par les plantes. Les conflits d’usage s’intensifieront lors des périodes de pénurie de la ressource, alors que ces usages sont tous aussi légitimes les uns que les autres.

À partir de ces constats et de ces travaux, il est impérieux d’adapter la gestion de l’eau au changement climatique. Les rapports de nos collègues Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach, d’une part, et Rémy Pointereau, d’autre part, participent pleinement à la nécessaire sensibilisation sur ce sujet.

Nous avons la chance de disposer d’outils de prospective, tels que les projets Aqua 2030 ou Explore 2070, et de connaissances scientifiques sur les évolutions de l’état quantitatif et qualitatif de l’eau. Aucune excuse ne pourrait donc justifier l’inertie, alors que l’absence de prévention en la matière est très coûteuse.

Il faut le dire, la consommation française en eau est inférieure à la moyenne européenne. Des progrès réels sont intervenus, grâce aux changements de comportements et à la généralisation d’appareils électroménagers plus économes. Toutefois, les rapporteurs nous rappellent qu’il faut intégrer l’eau virtuelle nécessaire à la production des biens de consommation importés. Notre pays serait ainsi importateur net de 8,4 milliards de mètres cubes d’eau par an.

Bien sûr, les progrès technologiques doivent nous permettre de faire face à une pénurie d’eau, mais ils ne peuvent pas tout. Le stockage de l’eau pour constituer des réserves, la désalinisation de l’eau de mer à base d’énergies renouvelables ou la réalisation de grands ouvrages structurants ont un coût non négligeable.

Pourtant, les économies d’eau sont encore possibles. Des marges de manœuvre existent et le rôle des collectivités territoriales est ici essentiel, à condition de leur donner les moyens qui correspondent à leurs responsabilités.

Si l’on se fonde sur la consommation nette de la ressource en eau, puisqu’une partie de l’eau prélevée retourne dans le milieu, le secteur agricole représente 50 % de la consommation totale. L’agriculture sera touchée par le changement climatique, alors qu’elle a la noble tâche d’assurer l’indépendance alimentaire de notre pays. Toutefois, comme cela a été dit, le potentiel d’amélioration est important pour ce secteur.

La qualité des sols, fortement dégradée, doit être améliorée. Pour citer Nicolas Bériot, secrétaire général de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, l’ONERC, « un sol sain, un sol riche en matière organique est aussi un sol vivant, un sol qui reçoit mieux l’eau, qui la stocke mieux, qui en garde davantage ».

L’État doit accompagner l’ensemble des acteurs et investir dans une agriculture plus durable grâce à la réduction des intrants avec de nouvelles pratiques agricoles, l’irrigation de précision, les fermes connectées, la permaculture ou encore les fermes verticales. De nombreuses initiatives voient le jour un peu partout, y compris dans notre pays !

Pour ce qui est de l’eau potable, le problème des fuites sur les réseaux a été identifié de longue date. Cela représente un gaspillage moyen de 25 % de l’eau prélevée, jusqu’à 50 % de fuites dans certaines zones rurales.

Les départements de l’Ardèche, du Morbihan, du Lot – le mien –, de Lot-et-Garonne – celui d’Henri Tandonnet – et de Tarn-et-Garonne sont d’ailleurs les plus concernés par un prix de l’eau élevé. Les raisons sont identifiées : un habitat dispersé, des contraintes géographiques et des réseaux très étendus.

Or le prix de l’eau, s’il demeure encore inférieur à celui pratiqué chez nos voisins européens, augmentera du fait des évolutions réglementaires nécessaires pour atteindre les objectifs de la directive européenne du 23 octobre 2000.

Madame la secrétaire d’État, il est urgent de garantir la couverture des coûts du service de l’eau, qui comportent 80 % de coûts fixes, et de dégager de nouvelles sources de financement pour que la hausse des prix ne pèse pas excessivement sur les consommateurs.

La gouvernance de la politique de l’eau est également à repenser. La multiplicité des acteurs rend le système opaque, à tel point que l’on ne sait plus qui fait quoi, mais cela n’est pas une particularité française. Nous considérons que la « crise de l’eau » est avant tout une crise de gouvernance. Or, dans le contexte de la réforme territoriale, je m’interroge sur l’accompagnement technique et financier qui doit être accordé aux collectivités, notamment aux communes rurales.

C’est la raison pour laquelle la ponction de l’État sur les fonds de roulement des agences de l’eau depuis la loi de finances pour 2015, et qui s’élèvera à 175 millions d’euros l’an prochain, est source d’incompréhension et constitue un très mauvais signal. Le Gouvernement a-t-il pris la mesure de cette situation découlant d’un déficit de financement, pour reprendre les termes utilisés par l’OCDE ?

Sur cette question, comme sur beaucoup d’autres, évoquées dans mon intervention et approfondies dans les rapports de nos excellents collègues, nous attendons des réponses précises de la part des services de l’État, des réponses à la hauteur des enjeux. Cela nous paraît, bien entendu, couler de source ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains.

M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais tout d’abord féliciter nos collègues Henri Tandonnet, Jean-Jacques Lozach et Rémy Pointereau pour la qualité de leurs travaux, qui ont le mérite d’ouvrir la réflexion et d’avancer un certain nombre de pistes d’action.

Sur cette question cruciale de la gestion de la ressource en eau, je voudrais insister sur trois enjeux dans mon propos.

Le premier est relatif à la nécessaire consolidation des agences de l’eau dans leur financement et leurs missions, alors que leur capacité d’action se trouve actuellement remise en cause. Je fais en effet allusion, comme de nombreux orateurs qui m’ont précédé, au prélèvement de 175 millions d’euros sur le budget des agences de l’eau prévu pour 2015, 2016 et 2017.

M. Charles Revet. Vous allez l’entendre répéter à de nombreuses reprises, madame la secrétaire d’État !

M. Daniel Gremillet. Cette ponction arbitraire n’est pas acceptable, car c’est oublier que les agences de l’eau prélèvent des redevances auprès des usagers pour financer des actions d’intérêt général et qu’elles jouent un rôle stratégique au cœur des enjeux actuels de gestion équilibrée de la ressource en eau. Ce prélèvement est une véritable rupture du contrat de confiance.

Elle n’est pas acceptable non plus lorsque l’on connaît les besoins des collectivités territoriales pour l’entretien des réseaux et en matière de travaux d’assainissement.

Je citerai un seul exemple : dans le bassin Rhin-Meuse, pour 360 millions de mètres cubes d’eau prélevés tous les ans par les collectivités et les réseaux de distribution d’eau potable, 90 millions de mètres cubes sont perdus en raison des défaillances des réseaux. C’est un véritable gâchis, surtout si l’on pense aux travaux qui auraient pu être réalisés si l’État n’avait pas effectué ce prélèvement, du point de vue de la préservation de la ressource en eau, mais également du point de vue de l’activité économique.

En ce sens, la proposition de notre collègue Rémy Pointereau d’interdire le prélèvement par l’État sur le fonds de roulement des agences de l’eau me paraît extrêmement pertinente.

Autre enjeu que je souhaiterais souligner : l’importance de concentrer les missions des agences de l’eau sur la biodiversité aquatique selon le principe fondateur de notre politique de l’eau, rappelé par notre rapporteur : « l’eau paie l’eau ».

En ce sens, je veux redire mon opposition ferme au parti pris opéré dans la récente loi relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : la contribution financière versée par les agences de l’eau à la future Agence française pour la biodiversité n’a pas vocation à être affectée à des missions autres que la préservation de la biodiversité aquatique et la mise en œuvre des objectifs fixés par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE.

Le second enjeu majeur que je souhaite évoquer concerne notre capacité à définir une vraie politique de l’eau offensive et à anticiper les aléas climatiques en valorisant nos richesses hydrauliques.

Ne l’oublions pas, la France a la chance de pouvoir se prévaloir d’une pluviométrie exceptionnelle sur l’ensemble des territoires, même s’il est n’est pas toujours équilibrée au long de l’année. Nous vivons un véritable gâchis, parce que nous n’avons pas l’ambition ni la capacité de constituer des réserves d’eau au moment où la pluviométrie est abondante pour mener ensuite une véritable politique économique, une politique d’équilibre de la ressource en eau, une politique pour l’agriculture, mais aussi une politique pour la production énergétique, qui contribuerait à la lutte contre le réchauffement climatique.

Récemment, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, le CGAAER, s’est prononcé sur le sujet : il recommande que l’État organise les moyens de financements nécessaires, au sein des programmes des agences de l’eau et de l’Europe, pour atteindre de 70 % à 80 % de concours publics pour les retenues de substitution.

Il nous faut inscrire la politique nationale de l’eau dans la modernité. J’en viens donc au troisième enjeu qui me tient à cœur : la nécessité de capitaliser sur la recherche et l’innovation et de surmonter les barrières psychologiques et réglementaires.

Je veux, en effet, être optimiste : l’époque est formidable ! Nous assistons à l’émergence de nouveaux process industriels, notamment dans le secteur agroalimentaire. Par exemple, lorsque l’on sèche du lait, on est capable aujourd’hui de récupérer 70 % de l’eau d’un litre de lait. Malheureusement, madame la secrétaire d’État, la réglementation n’autorise pas la réutilisation de cette eau à des fins alimentaires, parce qu’elle ne provient pas d’un réseau. C’est un véritable gâchis quand on pense aux millions de mètres cubes d’eau qui pourraient être produits grâce à ces améliorations !

M. Daniel Gremillet. Deuxième exemple, en l’espace de dix ans, certains industriels ont réduit de 50 % la consommation d’eau pour leurs fabrications. Là encore, il y a des enjeux de modernisation et d’investissement absolument fabuleux !

Je terminerai mon intervention en rappelant la nécessité de recentrer la politique de l’eau sur les territoires et les acteurs locaux, en misant sur les solutions pragmatiques et adaptées à chaque réalité de terrain.

Actuellement, la commune reste le mode d’organisation dominant, particulièrement en assainissement collectif : en 2013, deux ans avant la promulgation de la loi NOTRe, la moitié des communes seulement avaient transféré toutes leurs compétences en eau et assainissement à l’échelon intercommunal. Faisons donc confiance à la proximité : le projet de retirer aux communes la gestion de l’eau est véritablement une erreur !

De même, le patrimoine énergétique hydraulique n’est pas suffisamment exploité, alors qu’il permet, en zone rurale, de créer une source de revenus complémentaires et de lutter contre le réchauffement climatique et la dépendance énergétique de la France.

Enfin, il est urgent de placer à nouveau notre confiance dans les maires, les acteurs de terrain, les agriculteurs notamment qui, forts de leur connaissance des territoires et des techniques de production, sont porteurs de solutions multiples. Oui, l’eau est une urgence déclarée afin d’en faire une chance pour la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe de l’UDI-UC.

Mme Annick Billon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la suspension des travaux parlementaires qui a suivi la publication, en juillet dernier, du rapport d’information de notre collègue Rémy Pointereau, m’a donné l’occasion de conduire en Vendée une réflexion avec les responsables des commissions locales de l’eau et de Vendée Eau, syndicat départemental de l’eau potable.

Agir avec pragmatisme et discernement concernant la gestion de l’eau est une approche qui a fait l’unanimité. Je me permets de vous faire part de quelques points de ma réflexion concernant la gestion qualitative et la gouvernance de l’eau.

La directive-cadre sur l’eau de 2000 fixe les objectifs de préservation et de restauration de l’état des eaux superficielles, douces et côtières, et pour les eaux souterraines. Néanmoins, les paramètres d’évaluation et de mesure – plus communément le « thermomètre » – évoluant tous les ans, les efforts réalisés ne peuvent plus être appréciés à leur juste valeur. Il faut impérativement conserver les objectifs, mais laisser aux acteurs de terrain le choix des paramètres plus adaptés aux réalités des milieux aquatiques.

S’agissant des pollutions diffuses, pour « renaturer » les cours d’eau, il est indispensable d’associer à la réflexion et aux actions l’ensemble des acteurs économiques, agricoles – propriétaires et exploitants – et non agricoles.

S’agissant des moyens financiers, le fonds de garantie « boues » de la loi sur l’eau doit être conforté, mais en faisant évoluer sa destination vers des solutions alternatives telles que les zones filtres plantées de roseaux ou la valorisation des boues en biogaz.

En outre, les moyens dédiés à la protection des captages doivent aussi être renforcés.

Il s’agit, premièrement, des aides de l’agence de l’eau destinées à accompagner les collectivités territoriales dans l’exercice de la nouvelle compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations et les agriculteurs dans la réduction substantielle des intrants.

Deuxièmement – j’anticipe le débat sur la loi de finances pour 2017 –, il convient de renoncer au prélèvement opéré sur le fonds de roulement des agences de l’eau. Je tiens à dénoncer cette pratique, car la politique de l’eau et la préservation de la biodiversité exigent le maintien des moyens alloués, provenant d’ailleurs à 85 % d’un prélèvement sur les factures d’eau des consommateurs.

L’objectif de continuité écologique impose un travail concerté et partagé impliquant les services de l’État dès les phases de concertation. La politique de la chaise vide à ce stade, pour balayer a posteriori un programme d’actions et ses moyens techniques choisis, n’est plus acceptable.

Pour nous projeter dans un avenir plus serein et pleinement efficace, nous devons mettre en place une gouvernance qui, au sein de toutes les instances, intègre l’ensemble des acteurs et reconnaisse leurs compétences respectives, instaure des relations basées sur la confiance et non la défiance, favorise le retour d’expériences entre bassins versants et renforce le rôle des syndicats de rivière en lien avec les commissions locales de l’eau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur le banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Claude Bérit-Débat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le thème du débat qui nous réunit ce soir est un sujet vital, parce qu’il engage l’avenir de notre planète tout autant que celui de l’humanité.

L’accès à l’eau et la gestion durable de cette ressource sont des défis mis à l’épreuve d’un réchauffement climatique de plus en plus prégnant.

Aujourd’hui, plus que jamais, l’approvisionnement de l’ensemble de la population mondiale en eau potable demeure un défi de taille, alors que, dans le même temps, les activités humaines, l’agriculture en particulier, sont soumises à des contraintes de plus en plus fortes.

Le débat que nous avons aujourd’hui sur les conclusions des rapports de nos trois collègues, que je tiens, à mon tour, à féliciter pour la qualité de leur travail, me donne opportunément l’occasion d’évoquer plus en détail ce second aspect.

Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, le fait que notre discussion intervienne à la suite d’une période de sécheresse inédite dans notre pays ne relève nullement du hasard de calendrier. L’évidence scientifique est aujourd’hui démontrée : à l’avenir, ces épisodes sont voués à se multiplier.

Dans mon département, la Dordogne, comme partout en France, les agriculteurs ont été gravement impactés par cette sécheresse. Le déficit pluviométrique s’est établi à 80 % en juillet et à 70 % en août, entraînant la publication de plusieurs arrêtés de restriction. La filière céréalière, l’élevage, mais également la trufficulture, ont été particulièrement touchés et vont devoir gérer les conséquences de productions en baisse.

Ce constat global est, vous en conviendrez, mes chers collègues, préoccupant. Il ne doit toutefois pas nous condamner à la résignation et nous devons y puiser les enseignements pour préparer l’avenir et anticiper les évolutions, notamment climatiques.

Le dixième anniversaire de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, la LEMA, que nous fêtons justement cette année, nous donne l’occasion d’établir un premier bilan qui doit déboucher sur des conclusions précises. S’il est vrai que cette loi a posé de bonnes bases dans la gestion de l’eau et ouvert la voie à des pratiques environnementales plus vertueuses, son application et sa mise en œuvre laissent encore à désirer à bien des égards, en particulier en ce qui concerne l’agriculture.

Les organisations agricoles et les exploitants que j’ai pu rencontrer cet été dans mon département plaident en faveur d’évolutions que nous leur avions promises voilà déjà dix ans. De même, les élus locaux, que nous représentons, sont eux aussi demandeurs d’une modification de la législation en vigueur, peu lisible et peu adaptée aux spécificités locales.

Aussi, il est à mon sens indispensable d’améliorer la gestion quantitative de l’eau, notamment concernant ses usages agricoles. Cette amélioration devra passer par une meilleure mise en œuvre des organismes uniques de gestion collective, les OUGC, dont les périmètres sont souvent incohérents avec la logique de la ressource elle-même, et dont le statut, peu clair, est juridiquement fragile.

Par ailleurs, l’augmentation des moyens de stockage, grâce à la création d’un nombre de réserves en eau adapté aux besoins de chaque territoire, est également un enjeu crucial. Prévue par la LEMA, la réalisation de telles réserves relève souvent du casse-tête pour les promoteurs de ces projets. Or cette solution permet de sécuriser non seulement l’alimentation en eau des animaux, mais aussi l’irrigation des cultures, tout en maintenant un étiage satisfaisant des cours d’eau, indispensable à la préservation de la vie aquatique.

Sans être pour autant l’unique remède, les réserves de substitution et retenues collinaires sont une alternative efficace aux prélèvements en milieu naturel en période de sécheresse.

Le bon sens et le pragmatisme doivent prévaloir sur ce sujet, et force est de constater que, depuis la levée du moratoire sur le financement de ces retenues par les agences de l’eau en 2013, les choses ont bien peu évolué. Comment ne pas évoquer la lourdeur de la réglementation ou la longueur des délais d’instruction des dossiers ?

Aussi, à mes yeux, l’allègement de la législation, la simplification des démarches, le recalibrage des études d’impact et une meilleure coordination des financements ne doivent pas être des sujets tabous, mais bien des objectifs.

Il en est de même pour les procédures de nettoyage des rivières ou de classement des cours d’eau : la lisibilité et la simplicité des démarches doivent prévaloir, afin d’assurer de meilleures relations entre agriculteurs et services de l’État.

Dans le même temps, la préservation de l’environnement doit rester une priorité, de même que la mise en place de pratiques agricoles plus économes en eau.

Je voudrais, enfin, dire un mot sur les moulins et installations hydroélectriques qui jalonnent les cours d’eau de notre pays. Ces ouvrages sont très nombreux dans mon département et, aujourd’hui, ils sont en danger, car leurs propriétaires sont confrontés à la nécessaire préservation de la continuité écologique des cours d’eau. Ils n’ont pas toujours les moyens de s’y adapter, alors même qu’ils répondent aux objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique.

Tels sont les éléments, mes chers collègues, que je souhaitais apporter à ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains.

M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, chacun mesure que l’eau constitue une ressource unique et stratégique. Dix ans après l’adoption de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, je voudrais remercier nos rapporteurs d’avoir dressé un état des lieux éclairant leurs recommandations.

Beaucoup a été dit avant moi sur le bilan d’application mitigé de la LEMA. Je souhaite insister sur le problème de la « surtransposition » française des directives européennes, mais je pense aussi aux dispositions contenues dans des textes non dédiés à l’eau, mais qui exercent un effet collatéral, comme les Grenelle de l’environnement, dans leurs versions I et II, la GEMAPI et la loi sur la biodiversité. Certaines dispositions, notamment celles du Grenelle de l’environnement, sont plus contraignantes que les objectifs fixés par la loi-cadre.

La France a classé bien trop de rivières et donc d’ouvrages, près de 15 000, dans un délai bien trop court d’aménagement obligatoire. Ces chiffres manquent de réalisme par rapport à ce qui se pratique ailleurs, ou par rapport aux capacités d’évaluation de chaque ouvrage dans des conditions correctes et au financement disponible.

Je voudrais aussi évoquer les classifications de rivières. La loi a imposé aux propriétaires d’ouvrages, en particulier de moulins, de nouvelles obligations qui suscitent souvent de fortes tensions sur le terrain, en raison de leur caractère impraticable ou exorbitant.