M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … qui rappelle à ce pays ses engagements, notamment parce qu’il est membre du Conseil de l’Europe.

Concernant l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, il me semble que, en l’état de la situation, il n’est pas possible d’ouvrir un nouveau chapitre de négociations.

Voilà ce que je pouvais vous dire à ce stade, madame la sénatrice. Nous continuons à dialoguer avec la Turquie, en gardant la vigilance et l’exigence nécessaires. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

travailleurs détachés

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

J’appelle chacun à respecter le temps de parole imparti.

Mme Michelle Demessine. Ma question s'adresse à Mme El Khomri, ministre du travail.

Celle-ci est, avec sept autres ministres européens du travail, signataire d’une tribune appelant à ce que les travailleurs détachés puissent bénéficier d’une rémunération équivalant à celle des travailleurs du pays d’accueil. Dont acte !

Il aura fallu la vague populiste et la perspective des prochaines échéances électorales pour voir cette détermination affichée clairement et publiquement.

Il eût peut-être mieux valu, en 2005, écouter les Français, qui, en refusant le traité constitutionnel, faisaient passer un message fort, celui de leur refus d’une Europe du dumping social.

De fait, la directive européenne de 1996, objet d’une révision qui patine, organise, depuis des années, la mise en concurrence des peuples, pour tirer les conquêtes sociales vers le bas, tout en opposant les travailleurs européens les uns aux autres. Le résultat, c’est l’explosion du nombre de travailleurs détachés : ceux-ci sont 2 millions en Europe. On en comptait 230 000 en France en 2014, chiffre qui a connu un bond de 25 % en 2015.

Dans cette enceinte, les membres de notre groupe n’ont cessé de dénoncer les risques pour l’emploi et les conditions de travail dans notre pays et d’alerter sur ceux-ci. Mais nous refusons aussi de stigmatiser les travailleurs détachés, qui sont les premiers à subir des conditions de travail et de vie intolérables. Nous défendons sans relâche une Europe de l’égalité des droits et de la solidarité, pour lutter contre les entreprises qui souhaitent encore renforcer le dumping social.

Le Gouvernement semble à présent prendre position pour que les droits des travailleurs détachés soient ceux du pays d’accueil, comme mon collègue et ami Éric Bocquet l’avait déjà proposé dans un rapport sénatorial.

L’interdiction du détachement en cascade est une priorité, mais elle nécessite un renforcement considérable des moyens de contrôle, avant et après le détachement.

Madame la secrétaire d'État, que comptez-vous faire ?

Comptez-vous vous donner les moyens de vos nouvelles ambitions affichées ?

Enfin, parce qu’il ne s’agit pas d’attendre une nouvelle fois la Saint-Glinglin, il n’y a qu’une seule réponse efficace à ce vaste dumping social intra-européen : la suspension de la directive « travailleurs détachés ». Comptez-vous prendre cette décision ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question sur ce sujet, qui, effectivement, inquiète nombre de nos concitoyens et concerne, comme vous l’avez souligné, l’un des principes fondamentaux de l’Union européenne : celui de la liberté des prestations de services en son sein.

Vous comprendrez que l’on ne puisse interdire l’application de ce principe, ce qui ne veut pas dire pour autant que nous ne nous battons pas contre les fraudes, qui, vous avez raison, minent notre modèle social. C’est pourquoi le Gouvernement lutte avec détermination, depuis le début du quinquennat, contre ces fraudes.

Nous agissons au niveau européen. Ainsi que vous l’avez dit, Myriam El Khomri travaille avec les ministres de l’Union européenne. Nous ne sommes pas seuls. Un article de presse a mis en avant les positions communes. C’est un premier élément dans la remise en cause de la directive de 1996.

De la même façon, sur le plan national, nous agissons avec détermination depuis plusieurs années. Vous le savez, la législation française a été modifiée à trois reprises pour renforcer de plus en plus la législation et la lutte contre les fraudes, si bien que nous avons sans doute aujourd'hui la législation la plus stricte de l’Union européenne.

Cette législation nous a permis de renforcer les contrôles.

Premièrement, nous sommes passés, rien qu’entre 2015 et 2016, de 500 à 1 500 contrôles en moyenne. Deuxièmement, nous avons généralisé la carte d’identification professionnelle dans le BTP, qui est également un moyen de contrôle. Troisièmement, nous avons renforcé massivement les sanctions, puisque les employeurs peuvent désormais être condamnés à hauteur de 500 000 euros en cas de manquement. Les chantiers peuvent également être suspendus, ce qui est quand même un élément important.

Ces mesures sont efficaces. Depuis juillet 2015, 840 amendes administratives, pour un produit de 4,5 millions d’euros, ont été prononcées. Ces chiffres vous montrent l’ampleur des contrôles !

M. le président. Il faut conclure.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. J’ai presque terminé, monsieur le président.

Depuis le début de l’année 2016, une trentaine de chantiers ont aussi été arrêtés.

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas la question !

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, nous agissons avec détermination et les résultats sont là. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

situation à alep

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Hélène Conway-Mouret. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Monsieur le ministre, dans la déclaration de politique générale du Premier ministre que vous avez lue, mardi, devant notre assemblée, vous avez dénoncé les atrocités commises à Alep. Le Premier ministre appelait lui-même, hier, à l’arrêt des crimes qui y sont perpétrés.

Nous ne pouvons pas être des acteurs passifs ni rester indifférents devant des massacres. Or 82 civils, y compris des femmes et des enfants, ont été exécutés ces derniers jours. Ces victimes s’ajoutent aux 310 000 – parmi lesquelles 90 000 civils – déjà recensées.

L’humanisme n’est pas une faiblesse. Jusqu’où l’horreur doit-elle aller pour que la communauté internationale réagisse enfin ? Nous sommes témoins de la défaite de la morale, du droit et de la justice si nous acceptons que la plus sanguinaire des brutalités écrase impunément la seule volonté d’être libre.

Ceux qui sont descendus pacifiquement dans la rue au printemps 2011, portés par leur espoir de se débarrasser d’une dictature familiale, ont obtenu comme seule réponse d’abord des balles, puis des bombes, des armes chimiques et des fanatiques islamistes, libérés par le régime de Damas, qui fondèrent Daech, tout autant opposés à la démocratie que Bachar al-Assad lui-même.

La réponse internationale, jusqu’à présent, a consisté en une série de renoncements.

Pourtant, ce qui se passe à Alep et en Syrie nous concerne tous. Je salue, à ce titre, l’initiative de nos collègues députés qui voulaient se rendre sur place au début de la semaine.

L’urgence humanitaire a été dénoncée à l’Assemblée générale des Nations unies. Cependant, les civils, dont le nombre est estimé à 100 000, ne peuvent toujours pas quitter la ville. L’ONU fait, là, la preuve de son impuissance.

Il est évident que la bataille d’Alep et ses cortèges d’horreur ne visent malheureusement pas à abattre le terrorisme, mais bien à écraser toute contestation politique.

M. le président. Veuillez poser votre question.

Mme Hélène Conway-Mouret. Les insurgés ont perdu et nous assistons maintenant à leur massacre.

Monsieur le ministre, quelles actions la France entend-elle soutenir pour sortir les civils de l’enfer d’Alep ? Que pouvons-nous faire pour nous assurer que les responsables de ces crimes de guerre et crimes contre l’humanité soient poursuivis un jour ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Éliane Assassi et M. Jean Desessard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Louis Carrère. Deux minutes pour répondre à une telle question, c’est peu…

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la sénatrice, je vous remercie d’attirer une fois de plus l’attention sur la situation terrible qui est celle d’Alep aujourd'hui, situation que la France ne cesse de dénoncer et que nous avions malheureusement anticipée en dénonçant la stratégie de guerre totale du régime de Bachar al-Assad et de ses soutiens russes et iraniens.

Aujourd'hui, nous assistons au spectacle terrible d’une population civile qui veut partir, mais qui ne peut pas le faire ou qui ne le fait qu’au péril de sa vie. Je vois dans la personne décédée dans une ambulance qui a été bombardée à l’arme lourde un symbole de cette tragédie.

Nous exigeons donc que tout soit fait pour que les civils, mais aussi les combattants, puissent sortir en toute sécurité et ne plus être victimes d’exactions ni d’exécutions sommaires – le Président de la République exprimera de nouveau cette exigence lors du Conseil européen qui se tient aujourd'hui.

Pour cela, il faut que soient déployés des observateurs des Nations unies. C’est la seule garantie pour ces hommes, ces femmes, ces enfants, qui veulent tout simplement survivre. Pour l’heure, nous avons multiplié les initiatives, au Conseil de sécurité, dans toutes les directions, y compris de la Russie, pour obtenir la mise en place de ces observateurs internationaux impartiaux et permettre aux organisations humanitaires d’accéder à une population qui n’a plus rien et venir à son secours.

La première urgence est donc humanitaire.

La deuxième exigence est que la guerre s’arrête, que les hostilités cessent, parce que rien n’empêche la poursuite des combats sur le reste de l’ouest de la Syrie, la « Syrie utile ».

Nous demandons la reprise des négociations à Genève.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Dans quelques heures, je recevrai l’envoyé spécial des Nations unies, M. Staffan de Mistura.

Enfin, nous ne pouvons pas accepter que les crimes restent impunis. Il faut que les Nations unies enquêtent. Il y a déjà, au sein du Conseil des droits de l’homme,…

M. le président. Il faut vraiment conclure ! (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. … une commission d’enquête, présidée par M. Pinheiro.

Nous voulons que la vérité soit faite, que les responsabilités soient engagées et que les conditions d’un processus de paix reprennent. C’est l’urgence absolue ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Je demande à chacun de respecter le temps de parole qui lui a été attribué. Il m’appartient de veiller à l’équité entre orateurs ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Daniel Raoul. Et M. Longuet ?

M. Jean-Louis Carrère. C’est à géométrie variable…

fraude aux prestations sociales

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe UDI-UC.

Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à M. Eckert, secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics.

Quelque 1,8 million d’inscriptions enregistrées à la sécurité sociale et 10 % des numéros de sécurité sociale délivrés en France selon la procédure SANDIA – le service administratif national d’immatriculation des assurés – l’ont été sur la base de fraudes documentaires.

Ces faux numéros de « sésame paye-moi » ont entraîné 1,8 million de fois le versement de quelque 5 000 ou 6 000 euros, qui est la moyenne par an et par Français des diverses prestations versées.

Et nous parlons là uniquement de fraude documentaire !

Si les progrès dans la lutte contre la fraude fiscale sont indéniables, les progrès contre la fraude sociale se font attendre.

Cependant, l’heure n’est pas aux commissions ni aux inspections.

Monsieur le secrétaire d'État, quand comptez-vous enfin agir et mettre en œuvre l’article L. 114–12–3 du code de la sécurité sociale, qui prévoit la suspension immédiate des paiements à destination de ces fraudeurs et l’annulation de leurs numéros de sécurité sociale ?

Je précise qu’il s’agit de fraudes au moment de l’inscription, résultant du défaut de vérification des documents y afférant. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Alain Gournac applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous avez raison de vous soucier du bon fonctionnement de nos organismes de protection sociale, car nos concitoyens y sont très attachés. Le Gouvernement l’est aussi. C'est la raison pour laquelle nous sommes mobilisés pour lutter contre la fraude sous toutes ses formes.

En 2015, l’action de lutte contre les fraudes sociales détectées, tant du côté des cotisations que de celui des prestations, a fortement augmenté. Les montants concernés s’élèvent aux alentours de 1 milliard d’euros.

Ce progrès n’est pas le fruit du hasard ; c’est bien le résultat d’un renforcement continu des outils de contrôle et de sanction et d’une plus grande professionnalisation des différents réseaux. C’est ce à quoi nous nous sommes employés tout au long des dernières années, en nous appuyant sur les projets de loi de financement.

Vous m’interrogez précisément sur la fraude au numéro de sécurité sociale, que l’on appelle aussi « NIR ». Un décret est en préparation sur l’immatriculation. Il rappellera les règles et réduira le nombre d’organismes habilités à délivrer un NIR pour les personnes nées à l’étranger – jusqu’à présent, tous les organismes de protection sociale pouvaient le faire.

À la suite du dépôt des dossiers d’immatriculation auprès des caisses de sécurité sociale, les documents sont adressés au SANDIA pour un second niveau de vérification. En 2016, de nouveaux outils ont été mis à disposition des caisses pour vérifier l’authenticité des documents transmis.

Au niveau local, l’ensemble des contrôles ont permis de rejeter 2 000 dossiers sur la base du constat de la fourniture de faux documents. Au niveau du SANDIA, 500 dossiers ont été renvoyés, avec demande de pièces complémentaires.

Enfin, la circulaire du 1er juin 2012 relative à l’attribution d’un numéro identifiant d’attente, ou NIA, prévoit la suspension des prestations.

Madame Goulet, je veux profiter de l’occasion…

M. le président. Il faut conclure. (M. Jean-Louis Carrère marque son mécontentement.)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … pour saluer l’engagement de l’ensemble des agents qui travaillent dans les différents organismes de protection sociale, car c’est grâce à eux que nous pouvons réformer sans abîmer. Si leurs effectifs devaient diminuer drastiquement, comme vous le prévoyez, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), je crains fort que la lutte contre la fraude, que vous appelez de vos vœux, ne perde beaucoup en efficacité. (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe écologiste. – Mme Annie David applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Vous avez indiqué que le SANDIA avait procédé à 500 radiations. Mais, comme je l’ai dit, le nombre de dossiers concernés est de 1,8 million ! Les ordres de grandeur ne sont donc pas tout à fait les mêmes.

Je veux aussi vous rappeler que le montant des fraudes s’élève à 25 milliards d’euros pour les cotisations, à 2 milliards d’euros pour le chômage, à 14 milliards d’euros pour la prestation maladie et à 1,3 milliard d’euros pour la famille. Vous voyez que l’on est loin du compte !

Au reste, si les contrôles ont été améliorés, vous ne m’avez pas répondu s'agissant du stock.

M. Jean-Louis Carrère. Il faut conclure, ma chère collègue…

Mme Nathalie Goulet. Entre 500 et 1,8 million, la marge de progrès est importante. Nous avons du pain sur la planche ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. Alain Gournac applaudit également.)

grippe aviaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Noël Cardoux. Ma question s’adressait à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture.

L’épizootie de grippe aviaire frappant notre pays est entrée dans une phase aiguë avec le virus H5N8, lequel est très contagieux.

Bien que ce virus ne soit a priori pas transmissible à l’homme, le Gouvernement, à juste titre, a pris un certain nombre de décisions pour éviter une propagation fulgurante.

Tout le territoire est maintenant classé en « risque élevé », ce qui implique des mesures contraignantes pour les éleveurs de volailles, de gibier et les chasseurs.

À l’approche de Noël, c’est une catastrophe économique pour un secteur déjà bien touché.

Des circulaires prévoient des dérogations, mais ces textes quasi illisibles sont inapplicables et ne tiennent pas compte de la réalité du terrain dans un monde rural déboussolé.

Les préfets prennent des arrêtés différents, créant des situations hétérogènes d’un département à l’autre.

Pourquoi, pour une épizootie aviaire, interdire toute chasse dans le Tarn, y compris celle des sangliers, dont les dégâts sont supportés par les chasseurs ?

D’où trois questions précises.

Envisagez-vous plus de concertation avec les acteurs de terrain pour proposer des régimes dérogatoires applicables, avec une harmonisation des décisions préfectorales ?

Prévoyez-vous de mettre en place rapidement un fonds d’indemnisation afin d’éviter des cessations d’activité en cascade ?

Allez-vous créer, avec les acteurs de terrain, une structure de concertation chargée d’élaborer un protocole relatif à l’épizootie, ce qui aurait dû être engagé lors de l’apparition des premières contaminations il y a quatre ans ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Le virus de l’influenza aviaire H5N8 est en effet extrêmement virulent. C’est la première fois que les taux de mortalité sont aussi importants.

Ce virus a pour origine les oiseaux migrateurs. La France n’est pas le seul pays touché : treize pays européens sont également concernés et ont procédé à des abattages de volailles massifs.

Nous prenons des mesures énergiques pour éviter la transmission de ce virus.

Ainsi, lors de la découverte d’un foyer – nous en comptons aujourd'hui dix-neuf en France –, il est procédé à l’abattage immédiat des animaux infectés et à la délimitation d’un périmètre de sécurité de 10 kilomètres autour de celui-ci, afin d’éviter toute transmission. Après tout abattage, les éleveurs sont évidemment indemnisés. Les mesures de biosécurité en élevage sont également mises en œuvre sur l’ensemble du territoire. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, ces mesures concernent aussi les chasseurs ; elles sont mises en œuvre en concertation avec la Fédération nationale des chasseurs.

Ces adaptations sont complexes, il est vrai, mais elles sont nécessaires, afin que les préfets puissent les adapter aux conditions particulières de leur département et aux pratiques locales de la chasse. Ces pratiques, traditionnelles dans de nombreuses régions françaises, ne sont pas les mêmes partout : elles ne sont pas identiques en baie de Somme, en Sologne ou encore dans le Sud-Ouest.

Ainsi que vous l’avez appelé de vos vœux, le ministère de l’agriculture veille à maintenir des échanges permanents avec l’ensemble des acteurs touchés par cette épidémie – non seulement les éleveurs, mais aussi les chasseurs –, acteurs que le Gouvernement appelle à faire bloc, dans un seul objectif : éradiquer la maladie le plus rapidement possible. C’est nécessaire pour préserver l’activité économique de l’élevage, qui doit, à terme, pouvoir recommencer à exporter. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour la réplique.

M. Jean-Noël Cardoux. Merci, monsieur le secrétaire d'État, d’avoir lu une réponse très technique, préparée pour vos services. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec votre concertation avec les chasseurs, le président de la Fédération, Willy Schraen, s’en est ouvert.

Je constate simplement que le Gouvernement n’a pas pris conscience du désarroi qui habite le monde rural.

Par ailleurs, pour que des circulaires administratives soient appliquées, il faut qu’elles soient justes, claires et discutées. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)

sécurité et lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Christian Manable, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Christian Manable. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Elle porte sur l’état de nos dispositifs de lutte antiterroriste à ce moment particulier de notre calendrier, la menace ayant singulièrement évolué durant la période récente.

Nous sommes confrontés à des menaces ou à des crises qui, de plus en plus souvent, trouvent leur origine à l’extérieur de nos frontières, mais dont nous devons gérer les répercussions sur notre propre sol national. C’est bien évidemment le cas de la menace terroriste.

L’actualité tragique, avec les récents événements en Turquie, en Égypte ou encore dans la zone irako-syrienne, nous démontre que la situation demeure particulièrement instable.

Au moment où sont engagées des opérations militaires en Irak, par des forces soutenues par la coalition à laquelle participe militairement notre pays, mais également en Libye ou au Mali, la réduction très forte, depuis le début de l’année, des territoires sous l’emprise de Daech engendre certainement des menaces nouvelles sur notre territoire national.

En outre, alors que le calendrier électoral sera dense dans les prochaines semaines et les prochains mois, les cibles désignées dans la propagande terroriste – représentants de l’autorité, journalistes, personnel politique ou encore responsables religieux – illustrent une volonté de déstabilisation et une menace d’atteinte grave et directe à la vie démocratique et institutionnelle française. La prolongation de l’état d’urgence est une réponse ; les mesures de droit commun ou l’évolution de nos dispositifs administratifs en sont une autre.

Aussi, compte tenu du récent changement de gouvernement, je souhaiterais que M. le ministre nous précise son point de vue en matière de lutte antiterroriste et puisse nous détailler l’état actuel des réponses et dispositifs mis en place.

Monsieur le président, vous noterez que j’ai parfaitement respecté mon temps de parole… (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous posez une question absolument essentielle. Vous savez que le Gouvernement est particulièrement engagé dans la lutte contre le terrorisme, qui concerne le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, puisque nous combattons le terrorisme sur des théâtres d’opérations extérieurs, et le garde des sceaux, une grande partie des personnes que nous avons interpellées depuis le début de l’année – j’y reviendrai – ayant été judiciarisées, sous l’autorité du parquet antiterroriste

Premièrement, nous devons continuer à renforcer les moyens de nos services de renseignement et des forces de sécurité intérieure. Pour ce faire, nous poursuivons l’action de rehaussement des effectifs que nous avons engagée depuis 2012. Nous augmentons de 20 % les crédits alloués au ministère de l’intérieur, hors crédits de personnels. Nous consentons un effort budgétaire significatif au profit du ministère de la défense, qui, pour la première fois depuis de nombreuses années, verra ses effectifs croître. Nous agissons également au travers du plan de sécurité publique, doté de 250 millions d’euros, mais abondé de 100 millions d’euros par un amendement adopté à l’Assemblée nationale, en vue de financer ces opérations.

Il s’agit véritablement de mettre nos services de renseignement et de sécurité intérieure au niveau de la menace.

Nous devons aussi faire en sorte que, pendant la période des fêtes de fin d’année, les forces de l’opération Sentinelle et les forces de sécurité intérieure soient présentes partout.

Deuxièmement, je veux insister sur la nécessité de continuer le combat en Europe, de mobiliser FRONTEX, de connecter les différents fichiers criminels, dont le système d’information Schengen, de lutter contre la fraude documentaire, de mettre en place la directive sur le trafic d’armes. Tous ces sujets sont fondamentaux dans l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.

Troisièmement, il faut poursuivre les enquêtes, continuer le travail des services de renseignement. Depuis le début de l’année, 430 personnes ont été arrêtées – c’est considérable –, dont une grande partie ont été judiciarisées, et 17 attentats ont été déjoués, ce qui témoigne du niveau très élevé de la menace.

Mon gouvernement restera mobilisé pour la protection des Français contre ce haut niveau de menace terroriste. C’est une nécessité absolue. C’est un engagement que l’on doit aux Français. L’ensemble des ministres concernés sont mobilisés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

réquisition du parquet contre l'agresseur du maire de geiswiller

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Nicole Duranton et M. Alain Gournac applaudissent également.)

M. Claude Kern. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

Le verdict est tombé mardi : une amende de 750 euros a été infligée à un administré ayant violemment agressé le maire de Geiswiller, dans le Bas-Rhin. La nouvelle s’est diffusée rapidement au sein de la grande famille des élus. La stupéfaction a été totale à l’écoute des réquisitions du parquet, qui a requalifié le délit en contravention simple, au motif que le maire avait été agressé en tant que président d’une association foncière.

Heureux soit l’agresseur, qui échappe à la peine encourue pour circonstances aggravantes du fait de violences sur une personne dépositaire de l’autorité publique !

L’agression dont ce maire a été victime et le sentiment de banalisation des coups portés sont révélateurs du climat délétère dans lequel évoluent les personnes dépositaires de l’autorité publique et, plus généralement, de toute fonction d’autorité. J’en veux pour preuve les agressions d’élus de la République qui ont eu lieu ces derniers mois notamment à Bernières-sur-Mer et à Revonnas.

Bien sûr, chacune de ces agressions s’accompagne de circonstances propres. Néanmoins, il est une réalité que nous ne pouvons nier : les maires assument, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, une fonction de représentation publique, au service de leurs concitoyens, qui ne distinguent pas la personne de la fonction. De facto, un agresseur, dès lors qu’il connaît la qualité de maire de la victime, cherche délibérément à nuire à la fois à la personne et à la fonction.

Il semble donc extravagant de requalifier ce genre de délit en simple contravention.

Il me semble urgent que nos maires, piliers locaux de la République, se sentent soutenus et accompagnés dans leur mission par les autres acteurs de nos institutions que sont les magistrats du parquet.

Aussi, nous vous demandons quelles instructions M. le garde des sceaux entend donner pour assurer une protection effective des maires et réaffirmer le respect à l’endroit de ces femmes et de ces hommes qui se dévouent quotidiennement au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – MM. Joseph Castelli et Jean-Pierre Godefroy applaudissent également.)