M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je voudrais ajouter quelques réflexions dans ce débat touchant aux principes.

Je rappelle à mes collègues qui s’interrogent sur les rôles respectifs du juge et de l’administration l’existence du principe de séparation des pouvoirs.

Dans ce cadre, la prévention des attaques, la recherche et la protection de l’ordre public sont la mission constitutionnelle de l’exécutif. Les mesures visant à limiter la liberté de mouvements de personnes à l’encontre desquelles existent des raisons sérieuses de suspicion d’aide au terrorisme relèvent de la prévention, c'est-à-dire de l’acte de gouverner.

Ce n’est en rien une découverte ; il est donc tout à fait logique que cette mission revienne au représentant de l’exécutif.

L’exécutif est placé sous le contrôle d’une justice, la justice administrative, reconnue par la Constitution et ayant, dans son champ de compétences, le même niveau de responsabilité et d’autorité que l’autorité judiciaire.

Comme l’a souligné le rapporteur, à de multiples reprises au cours des mois qui viennent de s’écouler, les juges administratifs et, en dernier ressort, le Conseil d’État ont démontré une capacité de contrôle critique des mesures éventuellement injustifiées qui constitue une garantie pour tous les citoyens.

Enfin, s’agissant des moyens, je me permets d’appeler votre attention sur ce fait : la mesure dont nous parlons vise à placer sous surveillance des personnes qui présentent une dangerosité, avérée, car elles sont susceptibles d’aider à la préparation d’actes terroristes. Pouvoir circonscrire leurs mouvements, plutôt que de devoir mobiliser des dizaines d’inspecteurs de police pour les filer, permet précisément une économie de moyens.

Ainsi, sous l’angle de la bonne gestion des moyens de sécurité, cette mesure d’aide à l’exécutif est à la fois légale et nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 23 rectifié et 28.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe La République en marche.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 122 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l’adoption 106
Contre 229

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 43 rectifié ter, présenté par Mme Costes et M. Castelli, n'est pas soutenu.

L'amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 228-2. – Le ministre de l’intérieur informe sans délai le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent des mesures mentionnées aux 1°, 2° et 3° ci-dessous, qu’il veut prendre à l’encontre d’une personne mentionnée à l’article L. 228-1. Le procureur de la République de Paris saisit le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris pour qu’il se prononce sur l’opportunité d’ordonner les mesures suivantes :

La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. L’article 3, comme les deux précédents, a fait l’objet d’une attention particulière de notre part.

En effet, à la suite de certaines réactions de personnalités qualifiées dans la presse après la publication du projet de loi soumis au Conseil d’État, le Gouvernement a accepté de faire évoluer l’article 4 relatif aux visites domiciliaires.

Sur l’article 3, le rapporteur a apporté des modifications substantielles, en encadrant mieux le renouvellement des mesures individuelles de surveillance et en supprimant la disposition gouvernementale permettant d’obliger une personne à communiquer ses identifiants et abonnements électroniques.

Nous considérons néanmoins que deux points restent particulièrement problématiques dans l’article 3 : d’une part, la question du contrôle des mesures individuelles de surveillance initiales, qui reste, semble-t-il, dévolu au juge administratif ; d’autre part, la question du port de bracelets électroniques comme alternative à l’assignation à résidence.

Cet amendement a donc pour objet de poursuivre le chemin parcouru par le rapporteur et de soumettre la décision de prononcer des mesures individuelles de surveillance à l’appréciation du juge des libertés et de la détention auprès du tribunal de grande instance de Paris.

Il s’agit de restaurer la compétence du juge judiciaire en la matière dès lors que ces mesures ressemblent à celles qui sont prévues aux articles 142-5 à 142-13 du code de procédure pénale.

Il paraît effectivement incohérent d’exclure le juge judiciaire de cette procédure qui lui est familière, et d’en charger les juridictions administratives qui l’appliquent seulement depuis le début de l’état d’urgence, étant précisé que cela constituera pour ces dernières, en outre, une charge supplémentaire de travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Je reconnais toute la subtilité de M. Guérini dans cet amendement. Toutefois, il ne lui a pas échappé que la commission a choisi de confier le contentieux de l’article 3 au juge administratif. (M. Jean-Noël Guérini s’exclame.) Dans ces conditions, je ne peux que lui demander de retirer son amendement.

M. Jean-Noël Guérini. Comme d’habitude ! Vous êtes extraordinaire, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)

M. Alain Fouché. Décidément, cela ressemble à un règlement de comptes ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Le Gouvernement demande lui aussi le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Guérini, l’amendement n° 45 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Noël Guérini. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 45 rectifié est retiré.

L'amendement n° 47 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde et M. Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au département. La délimitation de ce périmètre permet à l’intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle normale, et s’étend, le cas échéant, à d’autres départements que celui de son lieu habituel de résidence ;

La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. J’espère que, cette fois-ci, M. le rapporteur se montrera plus attentif et plus attentionné ! (Sourires.)

Cet amendement vise à alerter le Gouvernement quant au risque d’application inégale des mesures individuelles de surveillance selon que l’on habite une petite commune ou une métropole.

Au vu de la rédaction du présent article, nous espérons que les divergences territoriales seront prises en compte et que la commune constituera rarement le cadre d’application de ces mesures. Toutefois, nous tenons à rappeler l’ensemble des configurations existantes sur notre territoire, que l’on oublie parfois lorsqu’on légifère depuis Paris, ou Lyon… (Sourires. – Mme Éliane Assassi rit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement de géographie,…

M. Jean-Noël Guérini. Pas tout à fait, monsieur le rapporteur !

M. Michel Mercier, rapporteur. … et je remercie Mme Costes et M. Guérini de l’avoir présenté.

Cet amendement vise à étendre de la commune au département le périmètre minimal dans lequel s’appliquerait l’obligation de demeurer.

La commission a fait un choix différent : elle a décidé que ce périmètre devrait être au minimum la commune. Pour autant, rien n’empêche de retenir les limites du département. Cette décision sera prise par l’autorité administrative, sous le contrôle du juge.

Je considère donc que l’amendement de M. Guérini est satisfait, et je lui demande de le retirer. (M. Jean-Noël Guérini rit.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Dans le présent amendement, je vois surtout l’attachement viscéral de M. Guérini pour le département. (Sourires. – M. Bernard Cazeau rit.) Toutefois, comme M. le rapporteur vient de l’indiquer, le texte de la commission indique que le périmètre fixé est au moins celui de la commune. Si l’autorité administrative le juge nécessaire, il peut donc s’agir du département.

Ainsi, monsieur Guérini, vous avez au moins partiellement satisfaction et vous pouvez retirer votre amendement.

M. Jean-Noël Guérini. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 47 rectifié est retiré.

L'amendement n° 68, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

de trois fois par semaine

par les mots :

d’une fois par jour

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Cet amendement tend à revenir à la possibilité d’imposer un pointage par jour.

En effet, comme je l’ai indiqué au début de ce débat, avec trois pointages par semaine, l’individu concerné risque de rester sans surveillance pendant trois jours, ce qui lui laisse le temps d’échapper au contrôle dont il fait l’objet et, éventuellement, de commettre un attentat.

Selon nous, le pointage quotidien auprès d’un commissariat ou d’une brigade de gendarmerie territoriale est une disposition cohérente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Monsieur le ministre d’État, j’ai bien compris quelle était votre position. En revanche, je n’en saisis ni le fondement ni l’économie générale.

Dans ce domaine, un autre système a été établi par la loi, et il fonctionne. Il s’agit du contrôle administratif des retours sur le territoire, le CART. Les personnes concernées, à savoir celles qui reviennent du théâtre des opérations irako-syriennes, ont pour obligation de pointer trois fois par semaine.

Nous ne comprenons pas cette distorsion, alors que a priori les personnes soumises au CART sont plus près de passer à l’acte. Je le répète, elles se sont rendues en Irak ou en Syrie. On les surveille, car on pense qu’elles reviennent en France pour y commettre des attentats, et on leur demande de pointer trois fois par semaine.

L’article 3, lui, traite de personnes qui, d’après tel renseignement, selon telle source communiquée à l’administration, pourraient exiger une surveillance particulière. La commission accepte qu’elles soient soumises à l’obligation de demeurer, au minimum, dans le périmètre de la commune et qu’elles soient tenues de pointer trois fois par semaine, comme dans le cas du CART. Or vous nous répondez qu’elles doivent pointer tous les jours.

Nous aurions compris cette position si vous aviez réformé le CART. Mais vous n’avez pas voulu procéder ainsi, dans la mesure où le CART vous est apparu comme un bon outil. Dès lors, pourquoi vous priver d’un bon outil que vous avez vous-même choisi ?

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Monsieur le rapporteur, je vous rappelle que, dans le cadre du CART, la personne est assignée à domicile pendant au moins huit heures par jour, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence. La mesure définie au titre du CART est beaucoup plus contraignante que celle que nous prévoyons à l’article 3 du présent texte.

Toutefois, comme vous le suggérez, peut-être devrions-nous également imposer un pointage par jour dans le cadre du CART !

M. Michel Mercier, rapporteur. Il faudra recruter du personnel !

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. J’avoue qu’à présent je ne comprends plus du tout le système élaboré.

Certains affirment, notamment notre collègue Alain Richard et M. le ministre d’État, que le but est de permettre de surveiller un certain nombre de personnes. Mais nos services n’ont pas les moyens techniques et humains de le faire : dans ces conditions, un pointage tous les jours ou tous les trois jours ne suffit pas.

Il n’y a qu’une seule solution, et je ne comprends pas pourquoi elle n’est pas proposée : soumettre toutes les personnes concernées au port du bracelet électronique. Dès lors, il sera possible de surveiller leurs allées et venues. Ce système de GPS permettra d’être sûr qu’elles se trouvent à telle heure à tel endroit. Il faut aller jusqu’au bout de la logique.

Mme Éliane Assassi. Il faut surtout des moyens pour la justice !

M. Jacques Bigot. Cela prouve bien que ce dispositif est incomplet et absurde. Tout cela nous confirme dans notre conviction qu’il faut supprimer le présent article.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Guérini, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer (deux fois) les mots :

d’habitation

par les mots :

de domicile

La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Le présent texte mentionne parfois « l’habitation » et parfois « le domicile » des personnes. Nous nous interrogeons sur le sens de ces variations et nous proposons une harmonisation des termes, sauf si cette distinction cache en fait des subtilités qui nous échappent. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Cette question est tout à fait pertinente, et elle exige l’avis du Gouvernement ! (Sourires et exclamations. – MM. Guillaume Arnell et Jean-Noël Guérini applaudissent.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Les latinistes se souviendront que « domicile » vient de domus, la maison.

Mme Esther Benbassa. Que c’est beau !

M. Gérard Collomb, ministre d'État. D’ailleurs, en règle générale, le domicile est aussi le lieu d’habitation. Pour notre part, nous souhaitons maintenir ces deux termes dans le présent projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Pour répondre à la question tout à fait pertinente posée au travers de l’amendement de Mme Jouve, il faut garder à l’esprit que le domicile est une notion juridique. Il y a un lien de droit entre la personne et son lieu de domicile qui répond à des conditions légales.

Le terme « domicile » ouvrirait des possibilités d’annulation de la mesure lorsque la personne dont il s’agit de limiter les mouvements ne se trouve pas à son domicile juridique, mais dans un lieu d’habitation momentané qui est, par exemple, le résultat de ses contacts de réseau.

Cette mesure se fonde sur un souci d’efficacité et de prévention. À l’évidence, le terme d’habitation doit être privilégié, car il correspond à une réalité de fait : il désigne le lieu où la personne réside au moment où la décision est prise. Je le répète, la notion de domicile pourrait faire obstacle à l’application de la mesure.

M. le président. Madame Jouve, l’amendement n° 46 rectifié est-il maintenu ?

Mme Mireille Jouve. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 46 rectifié est retiré.

L'amendement n° 66 rectifié bis, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Hue, Mmes Jouve et Laborde et M. Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne visée par une telle décision peut former un recours sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative afin d’en obtenir la suspension. Sans délai, la juridiction administrative initialement saisie forme une question préjudicielle qu'elle transmet immédiatement au juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris, qui se prononce sur l'opportunité des mesures prévues par la décision. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle qui intervient dans un délai de vingt-quatre heures. La juridiction administrative initialement saisie se prononce sur la proportionnalité de ces mesures, à la lumière de la solution proposée par le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures.

La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. Dans tous nos débats relatifs à l’état d’urgence et à la lutte contre le terrorisme, il a été question de la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire.

Le fait de prendre des mesures administratives, donc susceptibles de recours devant le juge administratif, concurrentes à certaines procédures judiciaires existantes conduit à brouiller la répartition des compétences.

Au travers de cet amendement, nous proposons une solution médiane consistant, pour les mesures individuelles de surveillance initiale, à mettre en œuvre un dialogue entre le juge administratif et le juge judiciaire dans un temps imparti.

À ce titre, nous suggérons de contraindre le juge administratif saisi dans ces cas précis à poser une question préjudicielle au juge judiciaire, pour obtenir son avis sur l’opportunité des mesures en cause. À ce jour, il ne s’agit là que d’une faculté.

Éclairé, d’une part par l’avis du juge des libertés et de la détention, de l’autre par l’avis de l’administration à l’origine de la mesure, le juge administratif sera en pleine capacité de trancher.

Avec cet amendement, nous prônons donc un « dialogue des juges », selon l’expression consacrée de Bruno Genevois, afin de désamorcer une éventuelle « guerre des juges ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Le présent amendement vise à instituer une collaboration intéressante entre le juge administratif et le juge judiciaire.

Néanmoins, il faut faire un choix…

M. Jean-Noël Guérini. Allez-y, monsieur le rapporteur ! Vous allez demander le retrait, comme d’habitude ! (Sourires. – M. le rapporteur rit.)

M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à instaurer un mécanisme un peu lourd. Saisi d’une demande d’annulation de la prorogation éventuelle par l’autorité administrative de la mesure d’obligation de demeurer dans la commune, le juge administratif devrait non statuer, mais répondre à une question préjudicielle. Il devrait envoyer sa réponse au juge des libertés et de la détention de Paris et attendre que celui-ci se prononce avant de reprendre l’affaire.

Si, pendant tout ce temps, il est décidé de ne plus appliquer l’obligation de résider dans la commune, on ne retrouvera jamais la personne initialement placée sous surveillance : elle ne va pas attendre la décision, elle va partir, et il n’y aura plus rien à faire !

Monsieur Guérini, je reconnais que vous avez fait un effort pour faire collaborer les deux juges. À cet égard, ces dispositions sont intéressantes. Néanmoins, comme l’a souligné Mme Lienemann voilà quelques instants, il faut aussi veiller à l’efficacité de l’action administrative contrôlée par le juge.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Même avis que M. le rapporteur. La pensée de M. Guérini est toujours riche et complexe ; en l’occurrence, peut-être est-elle justement trop complexe.

J’émets un avis défavorable.

M. Jean-Noël Guérini. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 66 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 65 rectifié, présenté par Mme Costes et MM. Castelli et Vall, n'est pas soutenu.

L'amendement n° 77 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 13, deuxième, troisième et dernière phrases

Rédiger ainsi ces phrases :

Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée équivalente, lorsque les conditions prévues à l’article L. 228-1 continuent d’être réunies. Au-delà d’une durée cumulée de six mois, la décision renouvelant ces obligations doit être notifiée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. Si la personne concernée saisit le juge administratif d’une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision, celle-ci ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué.

II. – Alinéa 21, deuxième, troisième et dernière phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Elles peuvent être renouvelées, pour une durée équivalente, par décision motivée lorsque les conditions prévues à l’article L. 228-1 continuent d’être réunies.

La parole est à M. le ministre d'État.

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Dans un premier temps, la commission a proposé de faire appel au juge des libertés et de la détention. Nous avons eu, ensemble, une discussion intéressante. La position de la commission a évolué. Nous-mêmes avons accepté un certain nombre de changements modifiant l’esprit du présent texte en divers points. À mon sens, nous sommes aujourd’hui en train d’arriver à un équilibre à même de satisfaire les uns et les autres.

Peut-être quelques nuances subsistent-elles sur les questions de durée, que j’ai précédemment évoquées ; mais, une fois qu’elles seront réglées, tout sera parfait.

M. Michel Mercier, rapporteur. Très bien !

M. le président. Le sous-amendement n° 79, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Amendement n° 77

I. – Alinéa 3

A. – Première phrase

1° Remplacer le mot :

équivalente

par les mots :

maximale de trois mois

2° Compléter cette phrase par les mots :

et sur la base d’éléments nouveaux ou complémentaires

B. – Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Les mesures sont levées aussitôt que les conditions prévues à l’article L. 228–1 ne sont plus satisfaites.

C. – Deuxième phrase

1° Remplacer les mots :

Au-delà d’une durée cumulée de six mois, la décision renouvelant ces obligations

par les mots :

Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article

2° Après le mot :

notifiée

insérer les mots :

à la personne concernée

D. Troisième phase

1° Remplacer le mot :

quarante-huit

par le mot :

soixante-douze

2° Remplacer les mots :

celle-ci

par les mots :

la mesure

3° Remplacer les mots :

ait statué

par les mots :

n’ait statué sur la demande

II. – Après l’alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, dans le délai d’un mois suivant la notification de la décision et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Ces recours s’exercent sans préjudice des procédures prévues aux articles L. 521–1 et L. 521–2 du code de justice administrative.

III. – Alinéa 6

1° Remplacer le mot :

équivalente

par les mots :

maximale de six mois

2° Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigés:

et sur la base d’éléments nouveaux ou complémentaires. Les mesures doivent être levées aussitôt que les conditions prévues à l’article L. 228–1 ne sont plus satisfaites.

IV. – Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après l’alinéa 21

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Toute décision de renouvellement doit être notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. Si la personne concernée saisit le juge administratif d’une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521–2 du code de justice administrative dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification de la décision, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge n’ait statué sur la demande.

« La personne soumise aux obligations prévues aux 1° et 2° du présent article peut, dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision et suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. Ces recours s’exercent sans préjudice des procédures ouvertes aux articles L. 521–1 et L. 521–2 du code de justice administrative.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement.

M. Michel Mercier, rapporteur. Après M. le ministre d’État, je tiens à saluer la qualité du dialogue que la commission a pu avoir avec le Gouvernement sur cette question.

Pour nous, il était essentiel que le renouvellement d’une mesure d’obligation de résider dans une commune ne puisse jamais être décidé sans l’intervention d’un juge.

À ce titre, nous avons pensé au juge des libertés et de la détention, puisqu’il est fait appel à lui à l’article 4 du présent texte. Mais il est vrai qu’à l’article 2 un système très intéressant a été retenu : ne pas exécuter la mesure de fermeture des lieux de culte pendant un délai suffisant pour que l’on saisisse un juge administratif, à savoir le juge des référés, sur la base d’un référé-liberté. Tant que le juge ne s’est pas prononcé, la mesure de fermeture des lieux de culte ne peut pas être exécutée.

En l’occurrence, nous proposons de reprendre le même schéma : lorsque l’autorité administrative envisage de proroger une mesure d’obligation de résider dans la commune, la personne en cause doit être avertie cinq jours à l’avance. Elle dispose alors d’un délai de soixante-douze heures pour saisir le juge des référés administratif, sur la base d’un référé-liberté. Tant que le juge n’a pas statué, on ne peut proroger ladite obligation.

C’est une sorte d’autorisation donnée à l’autorité administrative par le juge, bien entendu, si la personne concernée saisit le juge.

Monsieur le ministre d’État, vous avez fait allusion aux questions de durée. Je dois l’avouer, je ne vois pas bien où est le problème, car nous disons exactement la même chose. Dans l’amendement du Gouvernement, je lis que les obligations de résidence peuvent être renouvelées par décision motivée « pour une durée équivalente », c’est-à-dire pour trois mois. Pour notre part, nous proposons non de mentionner une « durée équivalente », mais une « durée de trois mois ». C’est exactement pareil : trois mois feront toujours trois mois.