M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur trois projets de loi de ratification d’ordonnances rédigées en application de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, votée sur l’initiative de la précédente ministre de la santé, Marisol Touraine, que nous avions soutenue dans sa démarche. L’attitude de mon groupe s’inscrit aujourd’hui dans le prolongement de ce positionnement.

L’ordonnance de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé permet d’harmoniser, à droit constant, les dispositions en vigueur. Elle répond aux exigences élémentaires de sécurité juridique.

J’insiste sur son titre Ier, qui modifie les dispositions de quatre codes pour tenir compte de la réintroduction par la loi du service public hospitalier. La référence aux missions de service public instituées par la loi Hôpital, patients, santé et territoires, ou HPST, de juillet 2009 est supprimée. Des obligations de service public s’imposent désormais aux établissements de santé ayant fait le choix du service public hospitalier. Il en résultera davantage de lisibilité pour les patients dans l’offre hospitalière.

L’ordonnance relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé renforce l’indépendance et l’impartialité des juridictions ordinales, fait évoluer les compétences des organes des ordres et permet l’application par leurs conseils nationaux de la législation relative aux marchés publics.

Certaines des modifications qu’il leur reviendra de mettre en œuvre affecteront le fonctionnement habituel des ordres, mais les objectifs ne me semblent pas discutables.

L’ordonnance relative à la profession de physicien médical, qui concerne quelque 650 personnes, reconnaît la profession de physicien médical comme profession de santé. Malgré le niveau de qualification très élevé qu’elle requiert, cette profession n’était toujours pas reconnue comme telle.

Répondant à l’un des objectifs du plan cancer 2014-2019, la reconnaissance du métier de physicien médical contribuera non seulement à sécuriser les pratiques, mais aussi à souligner son apport incontestable à l’amélioration de la qualité des soins. Cette ordonnance, je veux le souligner, fait suite à un important travail de concertation mené depuis juin 2016 avec les représentants des physiciens médicaux et des spécialités médicales concernées.

J’en viens à l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Elle transpose en droit interne trois dispositifs mis en place par une directive européenne de 2013 : la carte professionnelle européenne, le mécanisme d’alerte et l’accès partiel.

Les deux premières constituent une avancée en matière de coopération entre États membres, sur laquelle il n’est pas nécessaire de s’appesantir.

L’examen de l’exercice partiel, sur lequel reviendra plus précisément, avec tout le talent qu’on lui connaît, notre collègue Jean-Louis Tourenne, soulève plus d’interrogations ou d’inquiétudes. Certes, nos voisins allemands n’ont pas transposé la directive à la lettre près, mais vous avez affirmé, madame la secrétaire d’État, qu’exempter tout ou partie des professions de santé du champ d’application n’était ni souhaitable ni concevable au regard du droit et de la jurisprudence européens.

Je veux rappeler que l’accès partiel ne serait pas applicable aux professionnels qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles : les médecins, les infirmiers, les dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens. Il est donc difficile de penser que la mise en place de ce dispositif déstabiliserait l’ensemble de notre système de santé.

Je veux également souligner les trois conditions génériques prévues par la directive et devant être remplies pour mettre en œuvre un processus de dépôt et d’examen de dossier en vue d’obtenir une autorisation d’exercice partiel. Il sera nécessaire de revenir sur ce dispositif, qui a été supprimé du texte par la commission des affaires sociales du Sénat, et qui aurait dû être transposé dans le droit français au plus tard le 18 janvier 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord féliciter Corinne Imbert de son rapport clair et documenté sur ces trois projets textes.

Le premier projet de loi ratifie une ordonnance procédant à diverses coordinations avec les dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé, coordinations qui n’appellent pas d’observations.

Le deuxième prévoit la ratification de deux autres ordonnances.

La première ordonnance est relative à la profession de physicien médical, dont environ 650 praticiens exercent en libéral, dans le milieu hospitalier et dans les centres de lutte contre le cancer. Leur rôle dans la sécurité est de premier plan – nous nous souvenons des problèmes graves survenus à Épinal et à Toulouse. Il s’agit donc de renforcer les dispositions relatives aux physiciens médicaux, de mieux définir leurs rôles et leurs missions, de clarifier leurs responsabilités au sein d’une équipe pluridisciplinaire.

L’ordonnance intègre la profession dans le code de la santé publique, en donne une définition et en prévoit les conditions d’exercice. Nous y sommes donc favorables.

La seconde ordonnance, retirée par la commission des affaires sociales, est relative à l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales. Je souhaiterais en dire quelques mots, car il s’agit d’un problème persistant dans nos relations avec l’Europe, qu’il faudra un jour régler.

Il existe, au sein des pays de l’Union européenne, une procédure de reconnaissance automatique des qualifications professionnelles permettant à certains professionnels d’exercer dans un autre pays. La liste des diplômes est fixée par une directive de 2005, qui concerne les médecins, les dentistes, les sages-femmes, les pharmaciens, les infirmiers de soins généraux.

Pour les professionnels ne bénéficiant pas de cette procédure automatique, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que l’État d’accueil devait les autoriser à exercer en limitant les tâches pour lesquelles ils sont compétents. Il s’agit donc d’un nouveau dispositif d’accès partiel aux professions de santé.

Il faut signaler que les États de l’Union européenne ont fait des choix divers en matière d’organisation de leurs systèmes de santé et que les professions ne se recoupent pas nécessairement d’un pays à l’autre. J’ajoute que notre pays, cela a été dit, est en retard de presque de deux ans dans la satisfaction de ses obligations européennes et encourt donc de possibles sanctions en cas de non-transposition de cette mesure.

Il y a des professions où l’accès partiel est possible, vous l’avez dit, madame la rapporteur, comme celle de pédicure-podologue.

Par ailleurs, certaines mesures de ce projet de loi vont dans le bon sens pour rassurer les patients. C’est le cas de la mise en place d’une carte professionnelle européenne, par exemple. Je pense aussi aux conditions nécessaires pour bénéficier d’un accès partiel professionnel : pleine qualification de l’activité dans son pays ; maîtrise de la langue ; examen au cas par cas des demandes auprès de l’État ; avis de l’ordre dont relève la profession, même s’il n’est que consultatif ; refus pour des raisons d’intérêt général. Selon la direction générale de l’offre de soins, la DGOS, une commission de spécialistes examinerait même le dossier du demandeur.

L’article 4 de l’ordonnance prévoit aussi, en cas de différences trop importantes entre l’activité professionnelle dans l’État d’origine et la profession dans l’État d’accueil, une obligation d’enseignement et de formation dans l’État d’accueil pour le demandeur. Cette mesure aura un coût.

Nous reconnaissons, madame la secrétaire d’État, qu’il s’agit là de garanties indéniables. Néanmoins, nous ne disposons d’aucun élément d’évaluation ni sur le nombre de professionnels ni sur la nature exacte des professions concernées.

De plus, l’accès partiel ne pourra aboutir qu’à une fragmentation des professions, ce qui entraînera une situation difficile pour les patients.

Je rappelle, à nouveau, que les médecins, les infirmiers de soins généraux, les dentistes et les sages-femmes ne sont pas concernés par cette ordonnance, au contraire, selon le rapport, des masseurs balnéothérapeutes, des kinésithérapeutes et des infirmiers spécialistes. Certains professionnels considèrent même que cette loi pourrait constituer une dérogation aux professions concernées par la reconnaissance automatique.

Qu’en est-il exactement, madame la secrétaire d’État, alors que la procédure de reconnaissance automatique connaît déjà des difficultés liées à la langue, et parfois au niveau réel de formation et d’expérience ?

Nous souhaitons donc davantage d’informations sur le projet de loi concernant l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales. Les professionnels de santé et nous-mêmes souhaitons notamment savoir quelles professions exactes sont envisagées.

Bien sûr, nous connaissons le problème juridique existant, qui aurait dû être réglé il y a longtemps. Mais ne pourrait-on pas demander un délai pour la transposition de la directive ? Nous pourrions disposer ainsi de plus d’informations sur ce sujet et identifier clairement les professions de santé concernées. C’est nécessaire pour les patients comme pour les professionnels.

Le troisième projet de loi prévoit de ratifier l’ordonnance du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé. Il a pour objet d’appliquer aux conseils nationaux les procédures d’adoption des marchés publics, de renforcer l’échelon national pour un règlement intérieur, d’imposer une publication de rapport d’activité et la certification des comptes, d’assurer l’incompatibilité entre les fonctions ordinales et syndicales.

L’Assemblée nationale a complété le projet de loi de cinq articles, en introduisant l’article 2, qui concerne les indemnités du président, les articles 3 et 3 bis, qui introduisent des dispositions de coordinations et ont trait à l’âge limite des magistrats, l’article 4, qui dispose que les incompatibilités s’appliqueront au renouvellement des instances, et l’article 5, qui prévoit le report en 2020 au lieu de 2019 de l’entrée en vigueur des dispositions. Tout cela ne nous pose pas de problème.

En conclusion, nous sommes évidemment favorables au projet de loi ratifiant l’ordonnance du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes, au projet de loi ratifiant l’ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical – l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales a été retiré par la commission –, ainsi qu’au projet de loi ratifiant l’ordonnance du 27 avril 2017 relative au fonctionnement des ordres des professions de santé.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les projets de loi de ratification que nous examinons aujourd’hui concernent quatre ordonnances prises en application de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Comme l’a si bien exposé Mme la rapporteur Corinne Imbert, que je félicite pour la clarté de son rapport malgré la complexité de la matière, la première ordonnance, relative à la mise en cohérence des textes, ne pose aucun souci particulier. Il est donc inutile de la commenter outre mesure.

La deuxième ordonnance, relative à la profession de physicien médical, est particulièrement intéressante. En nous plongeant dans l’examen de ces projets de loi, nous sommes nombreux à avoir découvert cette profession, qui ne compte aujourd’hui qu’environ 650 praticiens.

Les substances radioactives utilisées à des fins thérapeutiques sont indiscutablement des outils à manier avec précaution. Ce n’est pas anodin de reconnaître les compétences particulières des physiciens médicaux en la matière, car ils contribuent aussi à la protection des manipulateurs et, surtout, garantissent l’intégrité des patients. Cela devrait permettre d’éviter ainsi des accidents que nous avons eu à déplorer par le passé en raison de surexpositions.

Cette ordonnance, qui fait l’objet d’un consensus dans l’univers médical, vise à clarifier les compétences du physicien médical et à définir son cadre juridique d’exercice. Elle n’appelle donc pas non plus de commentaire particulier de ma part. Aussi, comme pour le premier texte, le groupe du RDSE votera en faveur de son adoption.

J’en viens maintenant au cœur du débat. Une ordonnance concentre les discussions : celle qui concerne l’accès partiel à certaines activités médicales et paramédicales. J’entends les arguments de ceux qui y sont défavorables, comme vous, madame la rapporteur. Je veux en rappeler brièvement quelques-uns.

Le premier concerne l’impréparation de notre pays à sa mise en place, car nous ne connaissons exactement ni le nombre de professionnels qui pourraient faire une demande en France ni le type d’activités concernées

Le deuxième a trait aux conséquences sur notre système de santé. Seront-elles de nature à bouleverser fondamentalement l’organisation des soins ?

Le troisième concerne les garanties quant à la qualité des soins fournie.

Enfin, le dernier est lié au risque d’accroître encore plus l’inégalité de la qualité des soins, notamment dans les territoires où les structures sont déjà les plus déficitaires en professionnels de santé ou les plus en difficulté.

Ces arguments ainsi posés nous conduisent, certes, à nous interroger. Mais, au fond, ils s’articulent autour d’une même question : cette réforme ne va-t-elle pas s’effectuer au détriment du système de soins et de la complexification de son organisation ?

Nous considérons effectivement, madame la secrétaire d’État, que ces aspects de la problématique étudiée aujourd’hui ne sont pas tous éclaircis.

Pourtant, nous ne partons pas avec un a priori négatif sur ce texte, puisque si nous avons écouté les arguments de ceux qui se montrent sceptiques, voire pessimistes, nous entendons également les arguments de ceux qui y sont favorables.

Comme cela a été rappelé, ce projet de loi transpose une directive communautaire que nous aurions dû intégrer dans notre droit national au plus tard au mois de janvier 2016.

La première remarque que je formule, c’est qu’on ne peut pas jouer un rôle moteur dans l’Union européenne et fortement contribuer à en fixer les règles de fonctionnement sans se les appliquer. Nous avons déjà plus d’un an et demi de retard. C’est vrai que ce n’est pas acceptable.

Seconde remarque – je l’affirme avec force et sans ambiguïté – nous avons besoin de l’Europe ! Et nous devons, comme les autres États membres, suivre les règles. Mais ce dont nous avons besoin, c’est d’une Europe qui simplifie, qui harmonise, qui protège et qui aligne par le haut les exigences en termes de qualifications, d’encadrement, de compétences requises. Nous ne voulons surtout pas d’une Europe qui nivèle par le bas.

Le texte répond seulement en partie à cette crainte, en prévoyant la possibilité de fragmenter les compétences pour en autoriser certaines et en refuser d’autres. Mais cette réponse partielle n’est pas suffisante pour le RDSE, qui sera extrêmement vigilant quant aux explications que vous fournirez, madame la secrétaire d’État, en réponse aux interrogations de Mme la rapporteur et des autres collègues, afin de déterminer en son âme et conscience son vote sur cette ordonnance.

Enfin, la dernière ordonnance, relative au fonctionnement des ordres des professions de santé, est pour nous nécessaire en ce qu’elle améliore la transparence, l’indépendance et l’impartialité des conseils nationaux.

Je sais que la mise en place des procédures induites par la transparence, comme les procédures des marchés publics, est lourde et occasionne des surcoûts, mais elles sont indispensables à nos yeux.

Je note d’ailleurs que l’Assemblée nationale a complété le projet de loi de plusieurs articles, notamment un article 5, qui recule l’entrée en vigueur de ces dispositions de 2019 à 2020, justement pour laisser à ces ordres la possibilité de mieux se préparer à la mise en place de ces réformes.

En tout cas, il n’est pas envisageable pour le groupe du RDSE de revenir en arrière et de supprimer ces mesures, qui tendent vers plus de transparence. C’est ce que souhaitent très clairement la majorité de nos concitoyens, et ce dans tous les domaines de la vie publique. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ces trois projets de loi proposent la ratification de quatre ordonnances qui résultent de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Je rappelle que nous avions protesté contre le nombre inhabituel d’habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances lors de l’examen de cette loi. En effet, dix articles visaient plus d’une centaine d’habilitations dans des domaines très variés.

Dans la mesure où plusieurs de ces sujets ne présentaient pas un caractère purement technique, la majorité sénatoriale avait fait le choix d’en supprimer une grande partie. Il nous avait semblé indispensable que le Parlement puisse les examiner dans le cadre classique de la procédure législative.

Il s’agissait notamment des conditions de création et d’organisation des centres de santé et des maisons de santé, de l’organisation de la transfusion sanguine, de l’accès aux soins de premier recours, du droit applicable aux recherches biomédicales, des règles relatives aux ordres des professions de santé, dont nous avons à débattre aujourd’hui. Tous ces sujets, si divers qu’ils soient, méritaient à nos yeux un vrai débat au sein des assemblées parlementaires.

J’en viens au projet de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

La coordination porte notamment sur la suppression de la référence aux « missions de service public » instaurées par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Nous n’étions pas opposés à la mise en place du service public hospitalier, mais nous l’avions complétée par le maintien de la possibilité donnée aux établissements privés d’exercer des missions de service public à tarifs opposables.

L’Assemblée nationale avait rétabli, sans surprise, leur exclusion totale, à nos yeux injustifiée. Elle est d’autant plus injustifiée que cette ordonnance rétablit pour les établissements publics la possibilité de pratiquer des dépassements d’honoraires pour les praticiens à plein temps.

C’est une rupture d’égalité entre les établissements qui pourront être labellisés « secteur public » malgré la possibilité d’avoir recours aux dépassements d’honoraires pour leurs praticiens et ceux qui ne le pourront pas.

Nous sommes très attachés à la mixité de notre modèle hospitalier. Il existe des complémentarités indéniables entre les établissements publics et privés. Malheureusement, pendant ces cinq dernières années, les mesures prises n’ont pas créé les conditions de cette complémentarité, bien au contraire ! Et à vouloir opposer les deux secteurs, ce sont les patients qui sont pénalisés. Nous espérons que cette logique sera abandonnée dans les mois qui viennent.

Pour le reste du contenu de l’ordonnance, même si nous continuons à le regretter pour certains points, la loi a été adoptée, et les mises en cohérence ne peuvent que l’être aussi.

J’en viens au projet de loi ratifiant l’ordonnance relative au fonctionnement des ordres des professions de santé. Force est de constater que la rédaction de cette ordonnance s’est faite sans concertation avec les professionnels concernés, comme l’a souligné notre collègue Corinne Imbert dans son rapport. Nous reconnaissons que cette situation n’est pas de votre fait, madame la secrétaire d’État. Mais vous auriez pu envisager la ratification de ces ordonnances sans les scinder.

En effet, nous devons nous prononcer sur l’une des deux ordonnances publiées cette année. Pourquoi n’avons-nous pas à nous prononcer sur les deux ? Il est surprenant de proposer l’une des deux ordonnances à ratification alors qu’il s’agit d’une réforme globale. Comme le souligne notre rapporteur : « L’articulation entre les deux textes est néanmoins complexe puisque leurs contenus s’enchevêtrent sur plusieurs points ».

Le travail du Parlement ne gagne pas en intelligibilité. Pis encore, les professionnels des sept ordres concernés n’ont pas de lisibilité sur les intentions du Gouvernement.

Mme la rapporteur s’est attachée à compléter le texte déjà modifié par nos collègues députés, afin d’éviter de faire peser des charges excessives sur le fonctionnement et l’organisation des ordres. Nous soutiendrons sans réserve ses modifications.

Enfin, le troisième projet de loi de ratification aborde des sujets totalement distincts à travers deux articles.

Le premier est relatif à la reconnaissance de la profession de physicien médical comme profession de santé. Il s’agit de mieux définir leur responsabilité dans la prise en charge du patient au sein de l’équipe de soins et de reconnaître leur rôle dans la qualité et la sécurité de cette prise en charge.

Il est utile de souligner que cette mesure est formulée dans le plan cancer 2014-2019 et dans les recommandations énoncées par le Comité national de suivi des mesures nationales pour la radiothérapie après les incidents d’Épinal et de Toulouse. Ces évolutions étant pleinement soutenues par les professionnels concernés, nous ne pouvons que soutenir l’article 1er de ce projet de loi.

Le deuxième article a pour objet la ratification de l’ordonnance qui assure la transposition en droit français de la directive 2013/55/UE du Parlement et du Conseil du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et qui introduit notamment la reconnaissance de l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales. Nous abordons le sujet le plus sensible sur lequel nous devons nous prononcer aujourd’hui.

Nous ne remettons pas en cause la totalité de cette ordonnance. Nous approuvons par exemple la mise en place d’une carte professionnelle européenne ou encore l’instauration d’un mécanisme d’alerte à l’échelle communautaire dont l’objectif est de garantir la sécurité des patients.

En revanche, nous n’approuvons pas l’application d’un accès partiel qui permettrait aux professionnels de santé européens qualifiés dans leur pays d’origine d’exercer en France, sous certaines conditions et seulement pour une partie du champ d’exercices s’il existe des différences importantes entre leurs pays et la France.

La mise en place d’un tel mécanisme ne nous satisfait pas, pour plusieurs raisons. Nous constatons un manque d’évaluation du dispositif. Quels métiers seront concernés ? Quel est le nombre de professionnels susceptibles de venir dans notre pays ? Quelles conséquences sur l’organisation de notre système de soin ?

Toutes ces questions sont sans réponse et nous amènent à penser que nous allons ouvrir la voie à une déqualification des professionnels de santé, à la mise en place d’un service de santé low cost. Finalement, nous pensons qu’il existe un risque majeur pour l’organisation de notre système de santé et de toute évidence pour la qualité des soins aux patients.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas nous contenter d’un argument juridique sur cette question. La sécurité des patients doit être notre seule priorité.

Madame la secrétaire d’État, comme d’autres collègues, nous vous demandons de vous retourner vers l’Union européenne et de négocier. Nous ne pouvons pas mettre en place un tel système alors que nos plus proches voisins européens ont fait un choix différent – je fais référence à l’Allemagne, qui a interdit l’accès partiel, sauf exception.

Le texte de la directive prévoit lui-même que tout État membre peut « refuser l’accès partiel » aux professions de santé dès lors qu’elles ont « des implications en matière de santé publique ou de sécurité des patients ».

Sur proposition de notre collègue rapporteur, la commission des affaires sociale a supprimé les dispositions introduisant un accès partiel aux professions de santé, au regard des risques pesant sur la cohérence, la qualité et la sécurité de notre système de soins.

Nous voterons naturellement ce projet de loi, tel qu’il a été modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ainsi que l’a indiqué Yves Daudigny voilà quelques instants, je m’attacherai uniquement à évoquer la partie de l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles des étrangers communautaires dans le domaine de la santé.

Nous avons à ratifier, ou non, une ordonnance de transcription dans notre droit d’une directive européenne. Son caractère comminatoire ne saurait pour autant nous priver du droit d’en débattre et de nous opposer sur tout ou partie de son contenu dès lors que nous apparaissent des raisons essentielles de le faire. Mais y en a-t-il ? Telle est la question…

Deux remarques préalables me paraissent devoir être formulées. La directive européenne date de 2013. Elle modifiait une directive de 2005. Elle est entrée en vigueur en 2014. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé prévoyait la transcription par une ordonnance, ce qui a l’heur de déplaire, à bon droit souvent, aux parlementaires que nous sommes. Elle aurait dû figurer dans notre droit depuis le 18 janvier 2016. Nous n’avons donc que trop tardé.

La finalité même de la construction d’un espace européen est de permettre la libre circulation des hommes, des professionnels, des entreprises et des biens, ainsi que la liberté d’installation. Semer des obstacles injustifiés reviendrait à contester une construction bien lente et difficile, mais qui nous est chère.

Aussi, dans l’ordonnance qui nous intéresse aujourd’hui, rien ne devrait normalement soulever d’opposition, puisqu’il s’agit d’autoriser l’exercice de professions médicales et paramédicales par des ressortissants de l’Union, sous réserve de vérification des titres, formations et compétences.

Ainsi s’applique sans difficulté le droit d’exercer en France pour les personnes ayant obtenu dans leur pays la qualification d’infirmier, de sage-femme, de médecin, de dentiste et de pharmacien.

Elles « bénéficient d’un régime de reconnaissance automatique des diplômes, puisque les exigences minimales de formation ont été harmonisées au niveau communautaire », selon les termes du rapport, au demeurant excellent – dans un premier temps, j’avais écrit « remarquable », mais je me suis dit que c’était un peu disproportionné ! (Sourires.) – de notre collègue et rapporteur Corinne Imbert.

Le vent ne se lève alors que lorsqu’il s’agit de l’accès partiel à l’exercice d’une profession médicale et, surtout, paramédicale. Et un certain nombre d’objections, parfois déconcertantes, sont alors égrenées au nom de la vertu, s’apparentant à une instruction uniquement à charge.

Le premier argument est le manque de formation des professionnels concernés, objection contradictoire quand, dans la même présentation, on affirme que l’exigence et la vérification des qualifications constituent l’une des conditions sine qua non de l’autorisation.

Un deuxième argument laisse entendre que la frontière entre les pratiques serait difficile à déterminer et que des débordements pourraient être – au conditionnel – monnaie courante. Pourtant, il est parfaitement précisé que l’autorisation ne peut intéresser que des activités objectivement séparables.

Une troisième garantie forte est apportée : l’examen au cas par cas permettra, toujours selon le rapport, de discerner ce qui peut le cas échéant porter atteinte à l’intérêt général en matière de santé publique.

On conviendra donc que la directive, avec son caractère peu contraignant et donc peu inquiétant, laisse à chaque pays un large pouvoir d’appréciation. Cela vaut-il, par un éventuel et inopportun refus de la ratification, d’encourir des sanctions de l’Union européenne et, surtout, de donner un mauvais exemple ?

Aussi, l’idée que nous nous faisons d’une Europe ouverte à la libre circulation des hommes et des biens, alors que des garanties fortes nous sont apportées, nous invite à suivre la proposition du Gouvernement en application de la directive et de la loi de modernisation du système de santé.

Sauf à imaginer, ce que je ne fais pas, des réflexes corporatistes de défense qui siéraient mal à la Haute Assemblée, le texte du Gouvernement devrait, je le crois, être approuvé, et la proposition de la commission rejetée !

Au cours de la guerre froide,…