Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche, M. Victorin Lurel.

1. Procès-verbal

2. Éloge funèbre de Nicole Bricq, sénatrice de Seine-et-Marne

M. le président

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

3. Ratification d'ordonnances relatives à la santé. – Adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission et adoption de deux projets de loi dans les textes de la commission modifiés

Discussion générale commune :

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes

Mme Corinne Imbert, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Patricia Schillinger

M. Dominique Watrin

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Yves Daudigny

M. Daniel Chasseing

M. Guillaume Arnell

Mme Catherine Deroche

M. Jean-Louis Tourenne

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État

Clôture de la discussion générale commune.

projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé

Article unique

Amendement n° 1 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Adoption définitive de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.

projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé

Article 1er – Adoption.

Article 2

Amendement n° 5 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 2

Amendement n° 1 rectifié bis de M. Cédric Perrin. – Retrait.

Amendements identiques nos 2 rectifié de M. Yannick Botrel, 3 de Mme Laurence Cohen et 4 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet des trois amendements.

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé

Article 1er – Adoption.

Article 2

Amendement n° 4 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3

Amendement n° 1 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 3 bis A et 3 bis B (nouveaux) – Adoption.

Article 3 bis C (nouveau)

Amendement n° 5 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 bis – Adoption.

Article 4

Amendement n° 3 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 4 bis et 4 ter (nouveaux) – Adoption.

Article 5 – Adoption.

Article additionnel après l'article 5

Amendement n° 2 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

4. Avenir de l’Union européenne. – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

M. André Gattolin

M. Pierre Ouzoulias

M. Philippe Bonnecarrère

M. Didier Guillaume

Mme Colette Mélot

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

M. Jean-Claude Requier

M. André Reichardt

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

M. Victorin Lurel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Éloge funèbre de Nicole Bricq, sénatrice de Seine-et-Marne

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mesdames, messieurs, c’est avec stupeur et tristesse que nous avons appris, au cœur de l’été, la disparition soudaine, que rien ne pouvait laisser présager, de notre collègue Nicole Bricq. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires, se lèvent.)

Nicole Bricq nous a quittés alors que, toujours déterminée et infatigable, elle avait siégé parmi nous quelques jours plus tôt, jusqu’au terme de la session extraordinaire.

C’était une femme de caractère, au sens le plus élevé du terme, dont la compétence était unanimement reconnue sur toutes les travées de notre assemblée.

Nicole Bricq a voué sa vie entière à son engagement politique en faveur des valeurs auxquelles elle croyait, exerçant des responsabilités publiques de haut niveau, au sein du parti socialiste, comme élue locale, comme parlementaire et comme ministre.

Née à La Rochefoucauld, cette fille d’agriculteurs quitta sa Charente natale pour faire des études de droit à Bordeaux, où elle obtint une maîtrise de droit privé.

Alors qu’elle n’avait que 21 ans, elle ressentit la nécessité d’un engagement politique et, en 1972, adhéra au parti socialiste pour défendre les idées qui lui tenaient à cœur.

Son frère, Lucien Vayssière, parle d’elle en ces termes : « Nicole a toujours aimé la politique. C’était une vocation. » Sa détermination sans faille était, à ses yeux, le fruit d’une éducation familiale où trois valeurs primaient : le travail, la responsabilité, l’austérité.

Au sein du parti socialiste, Nicole Bricq gravit successivement tous les échelons. Elle fut première secrétaire fédérale, membre du comité directeur, membre du conseil national, secrétaire nationale chargée de la consommation, déléguée nationale chargée de la fiscalité locale et membre des équipes de campagne pour l’élection présidentielle de Lionel Jospin et de François Hollande.

L’engagement militant de Nicole Bricq déboucha logiquement, en 1986, sur un premier mandat électif, celui de conseillère régionale d’Île-de-France, mandat qui devait être suivi de beaucoup d’autres.

Son engagement politique la conduisit aussi à devenir, en 1988, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement et les élus au cabinet de notre ancien collègue Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la défense, puis conseillère technique pour les relations avec le Parlement au cabinet de Ségolène Royal au ministère de l’environnement, en 1992.

C’est forte de cette première expérience du monde parlementaire que Nicole Bricq fit son entrée à l’Assemblée nationale, en 1997, comme députée de Seine-et-Marne. Elle siégea d'abord à la commission de la production et des échanges, puis à la commission des finances, où elle fut notamment membre de la mission d’évaluation et de contrôle sur la dépense publique.

Elle commença alors à se forger une solide compétence en matière de finances publiques et fut notamment l’auteur, en 1998, d’un rapport d’information sur la fiscalité environnementale, suggérant une réforme de la fiscalité au service de l’environnement et un renforcement de l’application du principe « pollueur-payeur ».

Après avoir rejoint le conseil municipal de Meaux, en 2001, Nicole Bricq fut élue sénatrice de Seine-et-Marne, en 2004. Réélue en 2011, elle siégea sans interruption dans notre assemblée jusqu’à sa nomination au Gouvernement en 2012.

Dans le cadre de son mandat sénatorial, elle s’affirma comme une spécialiste incontournable des questions budgétaires et l’une des personnalités les plus éminentes de notre commission des finances, dont elle fut vice-présidente de 2008 à 2011.

J’ai la conviction que c’est au Sénat, lorsqu’elle devint rapporteure générale du budget – un poste, nous le savons tous, essentiel –, que sa vie politique a connu une forme de tournant. C’est à ce moment précis que ses collègues, quel que soit leur groupe, prirent conscience de sa rigueur et de ses compétences, qui lui permirent d’occuper de hautes fonctions ministérielles.

Dans un rapport préalable au débat sur les prélèvements obligatoires, elle dressa ainsi, à l’automne 2011, un bilan critique de la politique menée dans ce domaine depuis 2007, assorti de pistes et de propositions pour le quinquennat à venir, notamment la suppression de « niches fiscales » et une réforme des modalités de calcul des principaux impôts destinée à accroître leur rendement tout en favorisant – elle y tenait –une plus grande justice fiscale.

C’est le 16 mai 2012, à l’issue de l’élection présidentielle, que Nicole Bricq fut appelée à exercer des responsabilités gouvernementales.

D’abord ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie dans le premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault, elle prit des positions conformes à ses convictions en faveur de la protection de l’environnement, souhaitant l’introduction d’une plus grande transparence dans l’attribution des gisements miniers et annonçant la suspension des permis de forages exploratoires d’hydrocarbures au large de la Guyane.

Nicole Bricq fut ensuite, de juin 2012 à mars 2014, ministre du commerce extérieur dans le second gouvernement Ayrault, fonctions qu’elle exerça avec la force de conviction qui la caractérisait.

Au printemps 2014, Nicole Bricq revint au Sénat où, siégeant à nouveau à la commission des finances, puis à la commission des affaires sociales, elle s’investit pleinement dans l’exercice de son mandat parlementaire, en particulier à l’occasion de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, présenté par un ministre du nom d’Emmanuel Macron… Comme toujours libre et déterminée dans ses engagements, elle fut parmi les premiers parlementaires à soutenir celui-ci lors de sa campagne présidentielle de 2016-2017, et parmi les premiers sénateurs à rejoindre le nouveau groupe La République en marche au sein de notre assemblée.

Le 2 août dernier, Nicole Bricq était encore présente dans cet hémicycle pour participer à nos débats sur les ordonnances relatives notamment au dialogue social.

Elle décrivit alors, dans ce qui devait être son ultime intervention parmi nous, le rôle essentiel du parlementaire participant à une commission mixte paritaire, dans des termes que je voudrais rappeler et que nous pourrions, je crois, tous reprendre à notre compte : « S’il est un moment privilégié dans la vie d’un parlementaire, c’est bien quand il participe à une commission mixte paritaire […]. En effet, on dispose, pour une fois, d’une entière liberté, on est mis en face de sa responsabilité. Nous savons qu’il n’y a pas de mandat impératif pour un parlementaire. Il faut choisir la voie la meilleure pour arriver à un compromis positif. » Tout est dit, me semble-t-il, sur le bicamérisme !

Tout au long de ce riche parcours politique, Nicole Bricq s’était imposée, dans chacune de ses fonctions successives, par son travail acharné et ses compétences.

À l’occasion d’un entretien donné à La République de Seine-et-Marne, en 2006, elle témoignait en ces termes des handicaps qu’elle avait dû, à ses yeux, surmonter : « J’étais une provinciale, sans réseaux, sans amitiés d’écoles et de pouvoir, je ne venais pas d’un milieu élevé. » Elle ajoutait : « Pour une femme, la politique est un dur combat, violent même et qui peut faire peur. Il faut avoir une cuirasse. Si je n’avais pas eu la politique chevillée au corps, l’opiniâtreté, je n’aurais pas réussi. » Forte personnalité au caractère bien trempé, elle se plaisait à observer que « d’un homme on dit qu’il a du caractère, d’une femme qu’elle a mauvais caractère. J’ai le mien. » (Sourires.)

Nicole Bricq fut une femme libre, passionnément engagée en politique, au service de la chose publique et de l’État.

Au nom du Sénat tout entier, par-delà les mots, la tradition, je souhaite aujourd’hui, dans notre hémicycle, rendre hommage à une parlementaire de premier plan dont l’intelligence, la compétence, la force de conviction et le caractère étaient unanimement respectés et faisaient honneur à notre assemblée.

À ses anciens collègues de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, à ses amis du groupe socialiste et républicain et du groupe La République en marche, j’exprime, au nom du Sénat tout entier, notre sympathie.

À M. Jean-Paul Planchou, à son fils Renaud, à toute sa famille et à ses proches, qui sont ici rassemblés, à un certain nombre d’anciens collègues qui ont voulu être présents aujourd’hui dans notre tribune d’honneur, je tiens, en ce moment de recueillement, à exprimer l’émotion de chacun des membres du Sénat.

Nicole Bricq est vraiment présente en cet instant dans notre hémicycle, au-delà de nos mémoires.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, cher Jean-Paul, cher Renaud, c’est avec beaucoup d’émotion que je viens vous parler, cet après-midi, au nom de l’ensemble du Gouvernement, d’une grande dame qui nous a quittés subitement un samedi d’août, Nicole Bricq.

J’ai eu la chance de bien connaître Nicole Bricq, pour avoir travaillé avec elle lorsqu’elle était ministre du commerce extérieur, puis quand elle fit le choix de rejoindre le mouvement En Marche, avec un certain nombre d’entre vous.

Cette grande dame, que je respectais tant, avait une voix et un visage singuliers.

Son visage était le symbole même de la franchise que vous lui connaissiez. Il exprimait toujours ce qu’elle pensait. Rien qu’en la regardant, il était assez facile de savoir si le dossier qu’elle avait à traiter lui convenait, si la journée était difficile ou si elle était parvenue à lever les obstacles. Son humeur n’était jamais voilée, jamais feinte.

Elle était directe. Elle allait droit au but. Elle pouvait raccrocher au téléphone avant même de dire au revoir, parce que l’essentiel avait été dit.

Son franc-parler rompait avec les habitudes et les pratiques convenues. C’était le cas ici, bien sûr, dans cette assemblée qu’elle respectait tant, mais elle ne réservait pas cette franchise au Sénat : elle avait l’habitude de dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas, aussi bien dans les enceintes officielles, les comités plus restreints que dans les réunions avec les militants ou avec ses collaborateurs. Il lui arrivait d’être dure, parfois très dure, mais cette exigence, elle se l’imposait aussi à elle-même.

De quoi, pendant tout son parcours, n’a cessé de nous parler cette grande dame qu’était Nicole Bricq ? De quoi nous parle-t-elle encore ? L’audace, c’est le premier mot qui me vient à l’esprit quand il s’agit de parler de Nicole Bricq.

L’audace d’une carrière politique qui la voit, dès les années quatre-vingt, devenir première secrétaire de la fédération de Paris au sein du parti socialiste.

L’audace, pour une femme de gauche, de faire campagne sur une terre de droite et de se faire élire députée, en 1997, dans la sixième circonscription de la Seine-et-Marne.

L’audace de porter le projet européen alors même que l’idée européenne devenait plus souvent synonyme de discorde et de défiance que d’élan et de confiance. Ce projet européen était profondément ancré en elle, et elle nous le rappelait souvent.

L’audace, encore, de devenir la première femme rapporteure générale du budget au Sénat. Nicole Bricq était une énorme travailleuse. Aucun sujet, si technique soit-il, ne la rebutait. Si cela paraissait compliqué, difficile, ardu, elle se disait : « j’y vais », et elle y allait avec une énergie, une générosité qui entraînaient tout le monde derrière elle. Sa compétence économique était considérable, alors même qu’elle était autodidacte. Elle ne se ménageait jamais. Elle n’a pas compté les kilomètres lorsqu’elle était ministre du commerce extérieur.

L’audace, enfin, de rejoindre le mouvement En Marche dès sa création. À l’époque, nous n’étions que quelques-uns à avoir ce désir fou : lutter contre le sentiment que rien n’était possible, que tout avait été tenté et qu’il était presque déjà trop tard.

C’est aussi ce moment de notre histoire collective que nous raconte le parcours de Nicole Bricq.

Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, le parti socialiste, où elle occupe ses premières responsabilités, s’adapte aux réalités de l’économie de marché. C’est une social-démocratie qui ne dit pas son nom, qui renvoie, par certains aspects, à d’autres évolutions du socialisme en Europe.

Nicole Bricq débute au CERES de Jean-Pierre Chevènement, à la gauche du parti socialiste. Elle se rapproche plus tard de Dominique Strauss-Kahn, à travers « Socialisme et démocratie », dans le but de renforcer le courant réformiste du PS.

Cette volonté réformiste l’amène à rejoindre l’aventure d’En Marche, parce qu’elle voyait que ce mouvement proposait un juste équilibre entre la liberté et la protection.

La protection sans liberté est stérile ; la liberté sans protection est intenable. Nous en sommes arrivés à ce constat après des parcours bien différents. Mais un point commun nous rassemblait au premier jour, comme il nous rassemble encore aujourd’hui, une volonté, qui ne nous a jamais lâchés, qui est toujours présente et que nous cherchons à mettre en œuvre maintenant que nous sommes parvenus aux responsabilités : faire bouger les choses en France et porter le projet européen.

Cette passion pour le monde qui vient, Nicole Bricq en était l’incarnation. Oui, elle était, avec passion, une femme d’avenir.

Très tôt, elle a été convaincue de la réalité du réchauffement climatique, de son impact, de la nécessité d’engager le combat pour préserver notre environnement et celui de nos enfants.

Ce en quoi elle croyait, elle y croyait parce qu’elle avait discuté, échangé, réfléchi. À une époque où se manifeste si souvent le goût pour le raccourci ou pour la caricature, elle nous rappelle que l’écoute, suivie de la délibération, est un art précieux, qui fonde nos modes de vie et nos choix collectifs.

Cette force, Nicole Bricq l’a également manifestée lors de son passage au ministère de l’environnement, en 2012. Elle voulait protéger, au large de la Guyane, la faune marine et l’environnement. Elle a été jusqu’à dénoncer le code minier.

Ce beau souci de l’avenir n’allait pas sans une grande liberté, liberté d’esprit et liberté d’engagement.

On le voit, il y avait à la fois, chez Nicole Bricq, son engagement et la façon dont elle s’engageait, des convictions et un style. Ce visage et cette voix doivent continuer à nous inspirer.

L’un des plus grands héritages que nous laisse cette grande dame est que le futur de la France est dans l’Europe et dans le monde, que nous ne serons pas nous-mêmes si nous sommes enfermés, frileux ou inquiets, que nous serons infidèles à notre histoire si nous perdons de vue le désir de changer les choses.

Nicole Bricq, vous le savez, était également une femme cultivée, éprise de musique classique et de poésie.

À ce propos, je pense, au moment de conclure, à un vers du grand poète Paul Éluard : « Un cœur n’est juste que s’il bat au rythme des autres cœurs. »

C’était Nicole Bricq. Elle a su nous donner le rythme, nous bousculer, nous éclairer. C’est dire combien elle nous manquera.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous invite maintenant à observer un moment de mémoire, de recueillement et de partage autour de ce que nous avons connu ici, pour certains d’entre nous, avec Nicole Bricq. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État, observent une minute de silence.)

Conformément à notre tradition, en signe d’hommage à Nicole Bricq, nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. David Assouline.)

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Ratification d'ordonnances relatives à la santé

Adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission et adoption de deux projets de loi dans les textes de la commission modifiés

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017–31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (projet n° 670 [2016-2017], texte de la commission n° 12, rapport n° 10), du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé (projet n° 670 [2016-2017], texte de la commission n° 11, rapport n° 10) et du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé (projet n° 670 [2016-2017], texte de la commission n° 13, rapport n° 10).

La procédure accélérée a été engagée sur ces trois textes adoptés par l’Assemblée nationale.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je viens présenter aujourd’hui devant votre assemblée, au nom de Mme la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, trois projets de loi de ratification d’ordonnances rédigées en application de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Contrairement à une majorité d’entre vous, je n’ai pas été directement impliquée dans les débats parlementaires ayant conduit à habiliter le précédent gouvernement à agir par voie d’ordonnances dans des délais limités et dans les domaines qui nous occupent aujourd’hui. Il me paraît néanmoins important, afin d’éclairer nos débats, de replacer dans leur contexte chacune des ordonnances faisant l’objet d’un projet de loi de ratification.

Je m’efforcerai d’être aussi claire que possible dans la présentation de chacun de ces textes, dans la description des objectifs qui leur sont associés, des conditions dans lesquelles ils ont été élaborés, ainsi que de leur contenu et de leurs enjeux propres.

L’ordonnance relative à la profession de physicien médical reconnaît cette dernière comme profession de santé, conformément à l’un des objectifs du plan cancer 2014-2019. La France compte 600 radio-physiciens.

En définissant les conditions d’exercice de la profession de physicien médical, ce projet de loi de ratification de l’ordonnance parachève un important travail de concertation mené en juin 2016 avec les représentants des physiciens médicaux et des spécialités médicales concernées – telles que l’imagerie médicale, la médecine nucléaire, la radiothérapie… – et, bien entendu, l’Autorité de sûreté nucléaire.

La reconnaissance du métier de physicien médical en tant que profession de santé contribuera à renforcer la qualité des pratiques et à sécuriser celles-ci dans le domaine de l’utilisation des rayonnements ionisants. Il est donc essentiel de donner une définition précise du rôle du physicien médical et de ses missions.

L’article 1er de l’ordonnance insère dans le livre II de la quatrième partie du code de la santé publique la profession de physicien médical au sein du même chapitre que celle de pharmacien, ces deux professions ayant en commun le contrôle de la prescription médicale – contrôle de la dose de rayonnements ionisants pour la première et de la posologie des médicaments pour la seconde. Le livre II est désormais intitulé « Professions de la pharmacie et de la physique médicale ».

Le physicien médical est défini par son expertise au sein d’une équipe pluriprofessionnelle, qui concerne toute question relative à la physique des rayonnements ou des autres agents physiques dans les applications liées à la thérapie et à l’imagerie médicale, par les grandes lignes de sa fonction, notamment la mise au point de la qualité d’image, l’optimisation de l’exposition aux rayonnements ionisants et aux autres agents physiques, mais aussi par sa mission essentielle, qui consiste à veiller à ce que les doses radioactives administrées au patient soient appropriées à l’état de santé de ce dernier et au traitement prescrit.

La déclinaison plus précise des missions et des conditions d’intervention du physicien médical est renvoyée à un décret en Conseil d’État qui sera prochainement rédigé, après concertation.

Les articles suivants traitent, selon un plan commun qui concerne toutes les professions de santé, des conditions d’exercice de la profession de physicien médical, des conditions d’enregistrement des diplômes ou encore de l’exercice illégal de la profession.

Ces différentes dispositions sont destinées à organiser et à sécuriser l’exercice de la profession et à améliorer la prise en charge des patients.

La ministre des solidarités et de la santé est, à titre personnel, pour des raisons liées à son parcours professionnel, particulièrement sensible à ce texte, qui permet de comprendre l’intérêt de la profession de physicien médical et son apport incontestable à l’amélioration de la qualité des soins.

J’en viens à l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé, dont la ratification est également prévue par le même projet de loi.

Cette ordonnance transpose en droit interne trois dispositifs nouveaux mis en place par une directive européenne de 2013 : la carte professionnelle européenne, ou CPE, l’accès partiel et le mécanisme d’alerte.

Par ailleurs, elle introduit au niveau législatif la procédure visant à sécuriser et à harmoniser la reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants européens pour les cinq métiers de l’appareillage et pour l’usage du titre de psychothérapeute.

Enfin, l’ordonnance supprime, pour répondre à la demande de la Commission européenne, la condition d’exercice de trois années imposée aux ressortissants de l’Union européenne pour l’accès, en France, à une formation de troisième cycle des études médicales ou pharmaceutiques.

La ministre des solidarités et de la santé sait et comprend les inquiétudes que la présentation de ce texte a pu susciter parmi les professionnels de santé, notamment au travers de l’introduction des dispositions relatives à l’accès partiel.

Je voudrais donc d’abord revenir sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à présenter ce texte sous cette forme et vous indiquer dans quelles conditions la mise en œuvre de ce dispositif devra s’opérer.

La directive communautaire du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles aurait dû être transposée en droit français, au plus tard, le 18 janvier 2016.

Depuis cette date, la France est exposée à deux avis motivés de la Commission européenne pour défaut de transposition. Ce manquement à ses obligations constitue la dernière étape avant une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne. Aussi comprendrez-vous, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que la marge de manœuvre du Gouvernement soit, de ce fait, extrêmement réduite.

Par ailleurs, exclure l’ensemble des professions de santé – ou certaines d’entre elles – du champ d’application de l’accès partiel n’était pas juridiquement envisageable. Un amendement adopté par votre commission des affaires sociales a procédé à cette exclusion, position que le Gouvernement ne peut soutenir. En effet, les différentes analyses juridiques conduites – notamment celle du Conseil d’État – ont confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une option envisageable au regard du droit et de la jurisprudence communautaires; sauf à prendre un risque politique et juridique important d’exposer la France à une procédure pour défaut de transposition.

Le fait que les autorités françaises n’aient pas recouru à cette « option » a suscité beaucoup d’incompréhension chez de nombreux acteurs nourrissant l’idée qu’il y aurait eu, dans ce cas particulier, une « surtransposition » de la directive. Or tel n’est pas le cas.

Pour autant, je souhaite affirmer en son nom que la ministre des solidarités et de la santé sera particulièrement vigilante aux conditions de déploiement de l’accès partiel au sein de notre système de santé.

Cette vigilance pourra justifier d’en appeler à la raison impérieuse d’intérêt général dès lors que l’autorisation d’un professionnel à accès partiel fera courir un risque à la qualité et à la sécurité des prises en charge.

Ce risque ne peut en effet être évacué dans un système où les compétences respectives des professionnels de santé sont complémentaires, articulées entre elles et parfaitement connues des professionnels eux-mêmes comme des usagers du système de santé.

La conception et la mise en œuvre du processus par lequel chaque dossier déposé par un professionnel en vue d’obtenir une autorisation d’exercice partiel seront, dans ce cadre, extrêmement rigoureuses.

En premier lieu, parce que la directive prévoit trois conditions génériques devant nécessairement être remplies : premièrement, le professionnel doit être pleinement qualifié pour exercer dans son État d’origine l’activité pour laquelle il sollicite un accès partiel ; deuxièmement, les différences entre l’activité professionnelle exercée et la profession qui pourrait correspondre en France sont si importantes que l’application de mesures de compensation de formation reviendrait à faire suivre au demandeur un cycle complet d’enseignement ; troisièmement, l’activité sollicitée en accès partiel peut objectivement être séparée d’autres activités relevant de la profession dite correspondante en France. Si l’une de ces trois conditions n’est pas remplie, l’autorisation d’exercice partiel ne pourra être délivrée.

En deuxième lieu, parce que le processus d’examen des dossiers des demandeurs fait appel à l’expression d’un avis par chaque commission compétente, ainsi que par l’ordre compétent pour les professions à ordre. Ce second avis, non prévu par la directive, a été ajouté par le Gouvernement afin de renforcer le processus d’analyse des dossiers.

En troisième lieu, enfin, parce qu’un décret en Conseil d’État va venir préciser les conditions et modalités de mise en œuvre de la procédure d’instruction. La ministre des solidarités et de la santé avait indiqué devant l’Assemblée nationale qu’elle serait extrêmement vigilante à ce que la rédaction de ce décret puisse éclairer et guider les parties prenantes dans la manière dont les dossiers devront être examinés au cas par cas.

Il en est bien ainsi du projet de décret actuellement examiné par le Conseil d’État : tout en respectant le droit à la libre circulation des ressortissants européens, il prévoit en effet que les avis que les commissions d’autorisation d’exercice et les ordres seront appelés à émettre porteront notamment, afin de garantir la qualité et la sécurité des soins, sur l’identification précise et strictement délimitée du champ d’exercice des professionnels ou des actes que ceux-ci seront autorisés à réaliser sous le régime de l’accès partiel, sur la description de l’intégration effective de ces actes dans le processus de soins et de leur incidence éventuelle sur la continuité de la prise en charge, sur la lisibilité des actes réalisés sous le régime de l’accès partiel, pour les professionnels de santé comme pour les usagères et les usagers du système de santé, et sur toute recommandation de nature à faciliter la bonne insertion du professionnel auquel l’autorisation d’exercice partiel serait accordée.

La rédaction de ce décret est sous-tendue, vous l’aurez compris, par la volonté de garantir la qualité et la sécurité des soins, ainsi que l’information des professionnels de santé et des usagères et des usagers du système de santé.

Par ailleurs, comme elle s’y était engagée devant l’Assemblée nationale, Agnès Buzyn sollicite la Commission européenne en vue d’obtenir une cartographie des professions de santé existant dans l’Union européenne.

La nouveauté induite par le déploiement du mécanisme d’accès partiel à l’exercice au sein des pays de l’Union justifie en effet que l’on puisse disposer d’un tel état des lieux permettant d’identifier, pour chaque système national de santé, les périmètres d’exercice des professionnels susceptibles de solliciter une reconnaissance d’accès partiel.

Ma collègue la ministre des solidarités et de la santé m’a demandé de vous rappeler qu’elle sera très attentive au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre de ces dispositifs.

L’ordonnance relative à l’adaptation des dispositions relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé a pour objet, quant à elle, de renforcer l’indépendance et l’impartialité des juridictions ordinales, ainsi que de faire évoluer les compétences des organes des ordres et de permettre l’application, par leurs conseils nationaux, de la législation relative aux marchés publics.

Elle intègre un certain nombre de recommandations du Conseil d’État et de sa mission permanente d’inspection des juridictions administratives, de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des affaires sociales, qui ont successivement conduit, depuis 2012, des missions d’inspection et de contrôle portant sur les ordres des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes et des masseurs-kinésithérapeutes.

La ministre des solidarités et de la santé a conscience que certaines des modifications qu’il reviendra aux ordres de mettre en œuvre affecteront leur fonctionnement habituel, mais les objectifs visés ne lui semblent pas discutables. Elle a confiance, comme l’ensemble du Gouvernement, dans la capacité d’adaptation des ordres.

Ce qui importe désormais, ce sont les objectifs communs vers lesquels les ordres doivent converger. Les phases de transition constituent, dans cette perspective, des étapes que le Gouvernement s’est attaché à faciliter en émettant des avis favorables sur plusieurs mesures d’ajustement proposées lors de la présentation du texte à l’Assemblée nationale, concernant en particulier les échéances associées au régime des incompatibilités et à la soumission des ordres au code des marchés publics.

Il s’agit d’accompagner les acteurs et de les préparer à mettre en œuvre les nouvelles dispositions prévues dans les meilleures conditions possible ; c’est le gage d’une intégration durable et réussie de ces nouvelles mesures.

De ce fait, nous serons attentifs à ce que les dispositions transitoires qu’il conviendra de prendre par décret pour mettre en œuvre ces mesures s’inspirent du même esprit, afin d’accompagner au mieux les ordres dans l’adaptation à ces réformes.

Plusieurs des amendements adoptés lors de l’examen du texte par votre commission des affaires sociales ne s’inscrivent pas précisément dans cette perspective, mais visent au contraire à remettre en cause des dispositions structurelles. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut y être favorable.

L’ordonnance se divise en trois chapitres concernant respectivement le code de la santé publique, le code de la sécurité sociale et, enfin, les dispositions transitoires et finales.

Le chapitre 1er, relatif au code de la santé publique, conforte le contrôle des ordres à l’échelon national – il traite ensuite de la politique immobilière des ordres, de la certification des comptes combinée au niveau des conseils nationaux, de l’application des principales règles des marchés publics, etc. – et renforce les notions d’impartialité et d’indépendance, tant pour les conseils que pour les chambres disciplinaires présidées par un magistrat, en traitant des incompatibilités, des limites d’âge, de la durée du mandat, des conditions de détermination et de publicité des indemnités, etc.

Le chapitre 2, qui concerne le code la sécurité sociale, applique aux sections des assurances sociales de la chambre disciplinaire les conditions d’exercice des conseillers d’État et des magistrats administratifs qui en assurent la présidence.

Enfin, le chapitre 3, regroupant les dispositions transitoires et finales, distingue les articles du code de la santé publique issus de la présente ordonnance qui entrent en vigueur au lendemain de sa publication de ceux entrant en vigueur à compter des prochains renouvellements des conseils.

L’ordonnance de mise en cohérence des textes pris en application de la loi de modernisation de notre système de santé a été voulue par le législateur, au moment du vote de la loi, pour permettre la mise en cohérence, à droit constant, des dispositions existantes connexes avec les dispositions nouvelles introduites par la loi, et supprimer des dispositions devenues obsolètes ou redondantes. Il s’agit d’une opération source de plus grande lisibilité du droit et de sécurité juridique.

Le délai d’habilitation s’étend jusqu’au 26 janvier 2018. Certaines coordinations utiles et opportunes étant d’ores et déjà disponibles, elles ont fait l’objet de cette première ordonnance que le Gouvernement vous demande aujourd’hui de bien vouloir ratifier. Il y aura, d’ici au 26 janvier 2018, une seconde ordonnance de coordination si les débats révèlent des besoins de coordination non satisfaits.

L’ordonnance dont la ratification est demandée contient deux blocs de dispositions.

Le titre Ier – articles 1er, 2, 3 et 4 – modifie les dispositions des codes de la santé publique, de la sécurité sociale et de l’éducation et celles du code général des impôts pour tirer les conséquences de la réintroduction par la loi du service public hospitalier.

La réaffirmation du service public hospitalier a pour intérêt d’offrir davantage de lisibilité aux patientes et aux patients en matière d’offre hospitalière. Le service public hospitalier a en effet été ouvert à l’ensemble des établissements de santé, indépendamment de leur statut. Il repose non plus sur une liste de missions, mais sur des obligations de service public qui s’imposent aux établissements de santé faisant le choix du service public hospitalier. Parmi ces obligations figurent notamment l’égalité et la permanence de l’accès aux soins ou encore l’accessibilité financière.

L’ordonnance précise notamment l’articulation entre les dispositions relatives au service public hospitalier et celles qui concernent l’activité libérale des praticiennes et des praticiens hospitaliers.

Le titre II – articles 5, 6, 7 et 8 – procède à des adaptations nécessaires dans des domaines plus divers. Il s’agit notamment du partage des informations au sein de l’équipe de soins, de l’hébergement des données de santé à caractère personnel, de la concertation avec les représentantes et les représentants des associations d’usagers, du développement personnel continu des professionnels de santé, de la fusion des collèges de médecins spécialistes, de la détermination de zones géographiques caractérisées par des offres de soins surdotées ou sous-dotées et enfin de la fusion des comités consultatifs nationaux des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, tel est le détail des quatre ordonnances faisant l’objet des trois projets de loi de ratification qui vous sont aujourd’hui soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Corinne Imbert, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, un très grand nombre d’ordonnances – trente-trois à ce jour – ont été publiées au titre de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016.

Nous examinons aujourd’hui les projets de loi de ratification de quatre d’entre elles, dont les dispositions sont de nature et de portée extrêmement diverses.

Deux de ces textes ont été approuvés sans modification par la commission des affaires sociales : l’ordonnance de mise en cohérence des textes et celle relative à la profession de physicien médical.

La commission a salué la reconnaissance dans la loi de cette profession de santé. Cette avancée répond à une attente forte des acteurs concernés et à une double exigence de sécurité et de qualité des prises en charge.

Par ailleurs, la commission a approuvé la ratification de l’ordonnance relative au fonctionnement des ordres des professions de santé, tout en ajustant plusieurs de ses dispositions.

Certaines mesures vont dans le bon sens, qui améliorent la transparence interne de ces instances ou renforcent les exigences d’indépendance et d’impartialité. Elles sont de nature à conforter la nécessaire confiance des professionnels de santé à leur égard.

Toutefois, la commission s’est interrogée sur la pertinence d’autres évolutions, susceptibles de faire peser sur les ordres de lourdes charges de gestion. Les soumettre à des procédures de marchés publics paraît quelque peu disproportionné, alors que des ordres se sont déjà autoresponsabilisés sur ces sujets.

La commission a également estimé inopportune la possibilité nouvelle de remplacement des pharmaciens d’officine en cas de « circonstances exceptionnelles », alors que la loi Santé avait déjà permis une avancée pour tenir compte de situations individuelles.

Sur la forme, l’articulation de l’ordonnance que nous nous apprêtons à ratifier et d’une autre, publiée deux mois plus tôt, pose quelques difficultés de lisibilité du droit. En outre, la décision de ne ratifier qu’un seul de ces textes suscite des interrogations. Peut-être pourrez-vous nous éclairer, madame la secrétaire d’État, sur la stratégie du Gouvernement concernant le calendrier de ratification des nombreuses ordonnances prises sur le fondement de la loi Santé.

Sur le fond, je souhaiterais attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur deux points concernant l’ordonnance de février 2017.

Le premier porte sur la limite d’âge de 71 ans révolus applicable aux candidats aux élections ordinales. Cette disposition a donné lieu à des interprétations divergentes. Une clarification de votre part permettrait de sécuriser les opérations de renouvellement qui vont s’échelonner dans les mois à venir.

Le second point concerne les effets contre-productifs des binômes d’élus visant à favoriser la parité au sein des conseils ordinaux : comment entendez-vous prendre en compte les difficultés concrètes constatées par certains ordres à l’occasion de récentes élections ?

Je terminerai – en l’évoquant plus longuement – par la plus sensible des questions, celle de l’accès partiel des ressortissants européens aux professions médicales et paramédicales, traitée par l’ordonnance transposant une directive européenne de 2013.

Ce sujet, certes technique, mérite une attention particulière de notre assemblée. Ces dispositions pourraient en effet avoir des conséquences très importantes sur l’organisation et la cohérence de notre système de santé.

La mise en place d’un accès partiel, sous l’impulsion des instances communautaires, s’explique par les différences de choix des États membres quant à l’organisation de leurs systèmes de santé, articulés autour de professions dont les contours ne se recoupent pas nécessairement d’un pays à l’autre.

Faut-il pour autant, au motif d’assurer la liberté d’établissement et la libre prestation de services des professionnels de santé européens, remettre en cause la cohérence de notre propre organisation des soins ? La commission des affaires sociales a estimé que non. Elle a, en conséquence, choisi d’abroger les dispositions relatives à l’accès partiel, en se fondant sur quatre séries de considérations.

En premier lieu, notre commission a été frappée par le degré d’impréparation entourant la mise en place d’une évolution aussi fondamentale : à l’heure où il nous est demandé de ratifier cette ordonnance, on ne dispose ainsi d’aucun d’élément d’évaluation sur le nombre de professionnels susceptibles de formuler une demande en France ou sur la nature même des professions qui pourraient être concernées. Mme la ministre des solidarités et de la santé a indiqué qu’une cartographie des professions de santé des États membres avait été demandée aux instances communautaires : cette requête intervient un peu tard, me semble-t-il…

Comment, sans connaître les professions en jeu, le Gouvernement peut-il prétendre préparer un texte d’application garantissant la sécurité de l’ensemble des situations ? Il me semble que l’on avance ici à l’aveugle et, si vous me pardonnez cette expression, que l’on mettrait la charrue devant les bœufs en autorisant un dispositif dont nous ne connaissons pas la portée concrète.

En deuxième lieu, cette mesure me semble de nature à déstabiliser en profondeur de l’organisation notre système de santé, qui n’est certes pas parfaite, mais a au moins le mérite de garantir généralement la qualité et la sécurité des soins.

Il ne s’agit pas ici de faire un procès d’intention aux professionnels formés dans d’autres pays, dont je ne remets pas en cause la compétence. C’est sur la compatibilité de l’accès partiel avec l’organisation et l’efficacité de notre système de santé que je m’interroge ici.

De ce point de vue, la reconnaissance d’un accès partiel ne pourra qu’aboutir, me semble-t-il, à une fragmentation des professions dont on peine encore à mesurer toutes les conséquences. Je me demande ainsi comment les services hospitaliers pourront fonctionner avec des équipes réunissant des professionnels n’ayant pas tous le même champ de compétences. Comment pourra-t-on contrôler qu’un professionnel exerçant en libéral n’outrepasse pas le champ de ses compétences ?

Je vous avoue également ma perplexité : à l’heure où le débat semble plutôt porter sur une élévation de la qualification des professionnels médicaux et paramédicaux dans le cadre européen LMD – licence, master, doctorat – et où l’enjeu majeur paraît plutôt résider dans le développement des coopérations interprofessionnelles, la création de « sous-professions » – j’utilise cette expression sans porter de jugement de valeur – ne pourra que renforcer la complexité de notre organisation des soins.

En troisième lieu, il est permis de redouter que les problèmes de qualité et de sécurité des soins n’affectent d’abord les patients les moins informés, et donc les populations les plus fragiles.

On pourrait même craindre, sans céder à une trop forte méfiance, que ces professionnels soient opportunément recrutés par des établissements de santé en pénurie de personnel ou par nos collectivités frappées par la désertification médicale, ce qui serait de nature à renforcer les inégalités territoriales de santé.

J’en viens enfin aux difficultés pratiques pointées lors de mes auditions.

Il s’agit tout d’abord du surcoût potentiel pour la sécurité sociale si des patients se trouvent contraints de consulter deux professionnels au lieu d’un, compte tenu de la limitation des compétences du premier.

Il s’agit ensuite de l’effet d’aubaine procuré notamment aux formateurs étrangers, alors que la formation des personnels médicaux et paramédicaux fait déjà l’objet d’un marché très disputé dans certains pays de l’Union européenne.

Quid, enfin, de la sécurité réellement garantie au patient, alors que des difficultés importantes sont d’ores et déjà constatées dans le cadre de la procédure de reconnaissance automatique, s’agissant notamment de la compétence linguistique des professionnels ou de leur niveau réel de formation ? Nous aurons l’occasion d’évoquer cette question de la maîtrise de la langue lors de la discussion d’amendements déposés par plusieurs de nos collègues.

La commission des affaires sociales, je tiens à le souligner, a bien pris la mesure à la fois des obligations communautaires pesant sur la France, de l’analyse juridique du Conseil d’État, des garanties apportées par le Gouvernement au dispositif, ainsi que de la menace d’éventuelles sanctions européennes en cas de défaut de transposition ; elle ne saurait être taxée d’irresponsabilité sur ce dernier point.

Au contraire, il nous a semblé qu’il relevait de notre responsabilité de ne pas faire passer la satisfaction d’une obligation d’ordre juridique avant l’intérêt des patients. J’ai d’ailleurs pu observer, au cours des auditions que j’ai conduites, que l’ensemble de ces observations était largement, sinon unanimement, partagé par les acteurs du monde de la santé. Les professionnels de santé se prononcent d’une seule voix en faveur du retrait de cette mesure.

Il est à cet égard révélateur que les arguments invoqués par le Gouvernement à l’appui de la ratification de cette ordonnance ne portent que sur les obligations communautaires de la France, et non sur l’intérêt intrinsèque de la procédure d’accès partiel pour l’évolution de notre système de santé. Il me paraît dès lors inacceptable de sacrifier, contre l’avis de tous les acteurs de la santé, la qualité des soins à des considérations essentiellement juridiques.

L’Allemagne a fait un autre choix en matière de transposition, en n’ouvrant pas l’accès partiel à l’ensemble des professions de santé. Même si, comme vous l’avez rappelé, elle pourrait de ce fait se trouver exposée à des sanctions européennes, cela montre qu’une nouvelle négociation est encore possible, et même souhaitable, et que le Gouvernement devrait avant tout œuvrer à trouver une solution acceptable par tous au niveau européen.

Telles sont, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, les principales observations et conclusions de la commission des affaires sociales sur ces textes, qu’elle demande au Sénat d’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe République et Territoires / Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, les trois projets de loi de ratification que nous examinons aujourd’hui en discussion commune découlent de différentes dispositions habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances contenues dans la loi de modernisation de notre système de santé de 2016. Elles répondent à des objectifs et des enjeux qui leur sont propres.

Le groupe La République en marche votera sans réserve le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 12 janvier 2017 relative à la mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé, qui a été adopté sans modification en commission des affaires sociales. Les neuf articles de l’ordonnance opèrent diverses coordinations, principalement au sein du code de la santé publique, du code de la sécurité sociale, du code général des impôts, et n’appellent pas de remarques particulières.

S’agissant du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, notre groupe soutient pleinement l’objectif de faire évoluer les compétences des organes des ordres concernés, de consolider leurs règles de gestion interne et, enfin, de renforcer l’indépendance et l’impartialité des juridictions ordinales.

Certes, la mesure visant à rendre applicables aux conseils nationaux les grands principes des marchés publics va modifier en profondeur leur fonctionnement. On comprend donc que certaines réticences s’expriment. Pour autant, l’objectif n’est pas discutable, puisqu’il tend à rendre applicables les principes de liberté d’accès à la commande, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Aussi, le groupe La République en marche ne peut soutenir la position de la commission, qui a supprimé les dispositions prévues en matière de marchés publics.

L’approche de l’Assemblée nationale, qui a allongé la période de transition jusqu’au 1er janvier 2020, au lieu du 1er janvier 2019, nous semble préférable, car elle permet à la fois de répondre aux recommandations de la Cour des comptes et de laisser aux ordres le temps nécessaire pour s’adapter. C’est pourquoi, en l’état du texte, nous nous abstiendrons sur ce second projet de loi.

Enfin, le dernier projet de loi procède, quant à lui, à la ratification de deux ordonnances distinctes du 19 janvier 2017 : la ratification de l’ordonnance relative à la profession de physicien médical en son article 1er ; la ratification de l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé en son article 2.

La première consacre la profession de physicien médical en tant que profession de santé, définit le cadre général de la profession et les missions du physicien, le tout au terme d’un fructueux travail de concertation avec les représentants des physiciens médicaux et des spécialités médicales concernées.

Cette avancée, qui répond à l’un des objectifs du plan cancer 2014-2019, permet également d’offrir une suite constructive aux recommandations du Comité national de suivi des mesures nationales pour la radiothérapie après l’accident survenu à d’Épinal en 2005.

Ce texte contribuera à renforcer la qualité des prestations et à améliorer les pratiques dans le domaine de l’utilisation des rayonnements ionisants, tout en sécurisant l’exercice de la profession.

Le groupe La République en marche votera donc l’article 1er du projet de loi, qui s’inscrit dans le prolongement de l’amélioration de la qualité des soins de notre système de santé.

J’en viens à l’article 2 et à l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

L’ordonnance procède à la transposition dans notre droit de la directive 2013-55 du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013, et en particulier de trois dispositifs : la carte professionnelle européenne, l’accès partiel et le mécanisme d’alerte.

La transposition proposée suscite des inquiétudes chez les professionnels de santé, dont nos travaux en commission se sont largement fait l’écho. L’inquiétude porte en particulier sur l’accès partiel aux professions de notre système de santé, qui risque d’entraîner une fragmentation des professions de santé, voire une mise en cause de la qualité et la sécurité des soins.

Madame la secrétaire d’État, vous avez exposé le contexte et les raisons juridiques qui conduisent aujourd’hui le Gouvernement à procéder sans plus attendre à cette transposition pour l’ensemble des professions de santé sans exemptions, même partielles.

Le groupe La République en marche vous apporte son soutien dans le choix responsable de ne pas exposer la France à une procédure pour défaut de transposition, alors qu’elle a déjà reçu deux avis motivés de la Commission européenne.

Rappelons par ailleurs que des garanties existent pour contenir les risques et inquiétudes, à travers les trois conditions cumulatives posées par la directive transposée.

Tout d’abord, le professionnel doit être pleinement qualifié pour exercer dans son État d’origine l’activité pour laquelle il sollicite un accès partiel.

Ensuite, si les différences entre l’activité professionnelle exercée dans l’État d’origine et la profession qui pourrait lui correspondre en France sont importantes, il faudra appliquer des mesures de compensation de formation, qui reviendront à faire suivre au demandeur un cycle complet d’enseignements.

Enfin, l’activité sollicitée en accès partiel doit pouvoir être objectivement séparée d’autres activités relevant de la profession correspondante en France.

Si l’une de ces trois conditions n’est pas remplie, l’autorisation d’exercice partiel ne pourra être délivrée. Nous serons donc particulièrement attentifs aux mesures réglementaires qui seront adoptées sur la base de cette ordonnance et à leur mise en œuvre concrète.

Compte tenu des amendements adoptés en commission, qui, à notre avis, exposent la France à des poursuites, nous nous abstiendrons sur le vote de l’article 2 de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d’avoir une pensée pour Laurence Cohen, touchée par un deuil familial.

Le Sénat est appelé ce jour à ratifier quatre ordonnances prévues par la loi de modernisation de notre système de santé. Le groupe CRC avait voté contre cette loi, dont il ne partage pas la philosophie générale ; il serait d’ailleurs intéressant d’en faire un bilan, notamment sur l’une de ses principales dispositions : les groupements hospitaliers de territoire.

Au lendemain d’une journée de grève dans la fonction publique qui a rassemblé plusieurs centaines de milliers de manifestants, je souhaiterais rendre hommage au personnel de la fonction publique hospitalière. Ces hommes et ces femmes se battent au quotidien pour soigner les patients dans des conditions de travail de plus en plus dégradées, avec des rémunérations bien en dessous de leurs qualifications et des horaires à rallonge.

L’hôpital est aujourd’hui au bord de la crise de nerfs, avec le non-remplacement des départs en retraite causé par des années d’austérité financière, qui ont été imposées par les gouvernements successifs.

Notre groupe est le seul à s’être opposé de manière constante à ces régressions, car il a toujours estimé que l’humain devait primer la finance et non l’inverse. De la même manière, nous nous sommes toujours opposés à l’utilisation des ordonnances, qui retirent aux parlementaires leur pouvoir de législateur.

Concernant l’ordonnance sur l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, je rappelle l’opposition de principe de notre groupe aux ordres professionnels. Ce sont pour nous des organisations corporatistes défendant les intérêts particuliers d’une catégorie professionnelle, contrairement aux syndicats, lesquels défendent les intérêts professionnels de l’ensemble des travailleurs sans distinction.

Par ailleurs, les évolutions proposées ne règlent pas les véritables dysfonctionnements constatés dans les ordres professionnels, qui sont dépourvus de système démocratique et de véritables instances représentatives du personnel. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi.

L’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance relative à la mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé me permet d’illustrer nos critiques sur le recours abusif aux ordonnances.

L’article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé prévoit d’« assurer la cohérence des textes au regard des dispositions de la présente loi et à abroger les dispositions devenues sans objet ». Une phrase vague, à laquelle il semble difficile de s’opposer… Pourtant, derrière cette formule, le gouvernement de l’époque a essayé de mettre un terme à un imbroglio juridique. Il était en effet interdit aux professionnels du secteur privé d’exercer une activité libérale à l’hôpital public, tandis que les praticiens hospitaliers du public pouvaient continuer à facturer des dépassements d’honoraires.

Le texte de l’ordonnance explicite donc l’articulation entre le principe de l’interdiction des dépassements d’honoraires au sein du service public hospitalier et le maintien d’une dérogation possible dans le cadre de l’activité libérale des praticiens statutaires à temps plein.

Alors que près d’un quart des Français renoncent à leurs soins ou les reportent dans l’année, principalement en raison des dépassements d’honoraires, nous proposons de supprimer la possibilité pour les professionnels de santé exerçant dans les établissements publics d’avoir recours à de telles pratiques.

Enfin, concernant le dernier projet de loi de ratification des ordonnances relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé et à la profession de physicien médical, nous sommes satisfaits de la suppression par la commission de l’accès partiel aux activités médicales ou paramédicales.

Nous continuons néanmoins à refuser la libéralisation des professions réglementées imposée par l’Union européenne, dans une logique de nivellement par le bas et de remise en cause des qualifications.

Nous demandons aussi à reconnaître la maîtrise de la langue comme faisant partie du champ des compétences des orthophonistes. Afin de garantir aux patients souffrant de troubles du langage des soins de qualité, il est indispensable que les orthophonistes maîtrisent eux-mêmes la langue française ; c’est le sens de l’amendement que nous avons déposé.

Enfin, la création de la profession de physicien médical comme profession de santé à part entière est une bonne nouvelle, et ce d’autant que leur nombre est encore largement insuffisant au regard des besoins de notre pays.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce dernier projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous commençons cette nouvelle session parlementaire avec trois projets de loi de ratification d’ordonnances qui, sous des aspects très techniques, abordent des sujets particulièrement importants.

Je tiens tout d'abord à remercier Mme la rapporteur Corinne Imbert de son excellent travail, très complet, très documenté, et qui plus est effectué au cœur de l’été !

Je ne reviendrai pas sur le premier projet de loi ratifiant une ordonnance de mise en cohérence des textes au regard de la loi de modernisation de notre système de santé, qui n’appelle pas de commentaire particulier.

Ce n’est pas le cas du deuxième projet de loi, en tout cas en ce qui concerne l’ordonnance ouvrant l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales. Je partage, comme l’ensemble de mes collègues du groupe Union Centriste, les réticences de Mme la rapporteur sur cette disposition. Cette dernière fait en effet peser des risques inconsidérés sur l’organisation de notre système de santé, mais aussi, et surtout, sur la qualité des soins et la sécurité des patients.

L’uniformisation des règles en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne participe à son renforcement, c’est indéniable. Les professions de santé ne doivent pas y échapper. Elles doivent en revanche faire l’objet d’une attention particulière, comme du reste toute règlementation les concernant, pour les raisons de sécurité des patients que je viens d’évoquer.

Comme l’a rappelé Mme la rapporteur, plusieurs professions médicales bénéficient déjà d’une reconnaissance automatique, laquelle permet d’exercer dans un pays différent de celui où s’est déroulée la formation. C’est le cas pour les médecins, infirmiers, dentistes, sages-femmes ou pharmaciens, pour lesquels les exigences minimales en matière de formation ont été harmonisées à l’échelon européen.

Cette mesure est essentielle pour notre propre système de santé, dont le fonctionnement est assuré en partie par ces professionnels de santé venus d’autres pays européens. Elle permet notamment de participer à l’accès aux soins et de lutter contre les déserts médicaux.

Je suis en revanche nettement moins favorable à l’accès partiel, ouvert par cette ordonnance et la directive qu’elle transpose, aux professionnels ne pouvant bénéficier de la procédure de reconnaissance automatique. Je ne reviendrai pas sur le fonctionnement de ce dispositif, qui a déjà été expliqué. Le principe dégagé par la Cour de justice de l’Union européenne se comprend en soi, mais, comme je le disais, il ne peut être adapté de manière absolue aux professions médicales.

En dépit de ses difficultés, notre système de santé est organisé et solide. Il ne peut enregistrer l’arrivée de professionnels en partie seulement compétents sans présenter de risques pour la sécurité des patients, vous en conviendrez, mes chers collègues.

À l’heure où l’on parle d’une amélioration des parcours de santé et de pertinence des soins, peut-on envisager d’ajouter des difficultés supplémentaires ? Je ne crois pas cela opportun. Nous avons effectivement des besoins en matière d’accès aux soins, afin de lutter contre les déserts médicaux. L’accès partiel pourrait être envisagé par certains comme une solution. Je pense, quant à moi, qu’il faut des médecins, des infirmières, des dentistes pleinement formés et compétents.

Avec les autres membres de mon groupe, je m’opposerai donc à cette disposition, en votant la version du texte adopté par la commission des affaires sociales. J’ai d’ailleurs noté dans votre rapport, madame la rapporteur, que l’Allemagne avait refusé cet accès partiel. Cette décision nous expose aux sanctions de l’Union européenne. Ne pourrait-on donc envisager, madame la secrétaire d’État, d’engager avec les Allemands une procédure commune de modification de la directive européenne, afin de tenir compte des remarques qui viennent de tous bords ?

Le troisième et dernier projet de loi a trait à la ratification d’une ordonnance sur les ordres des professions de santé. Il me semble utile que les règles applicables à ces structures soient quelque peu revues, afin d’en garantir la fiabilité. À ce titre, les recommandations du Conseil d’État, de l’Inspection générale des affaires sociales et de la Cour des comptes sont bienvenues ; nous les retrouvons dans ce texte. Elles concernent naturellement la nécessaire transparence, mais aussi les exigences d’indépendance et d’impartialité des instances disciplinaires.

Ces acteurs sont utiles dans la définition et l’organisation de notre système de santé. Il est par conséquent souhaitable et normal qu’ils soient soumis à des règles communes garantissant leur bon fonctionnement. Nous voterons donc ce troisième projet de loi, tel qu’il a été amendé par la commission des affaires sociales.

Le Gouvernement n’est pas responsable, sur le fond, des textes qui nous sont présentés aujourd’hui. On le sait, ses premières réformes en matière de santé nous seront proposées à l’occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le groupe Union Centriste fera preuve, à cette occasion, de la même analyse qui préside à sa prise de position sur ces trois projets de loi : maintenir la cohérence de notre système de santé ; en corriger les imperfections, évidemment ; le tout sans l’alourdir de règles inutilement complexes ou au contraire l’alléger imprudemment.

Dans l’immédiat, nous voterons ces trois projets de loi tels qu’ils ont été amendés par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur trois projets de loi de ratification d’ordonnances rédigées en application de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, votée sur l’initiative de la précédente ministre de la santé, Marisol Touraine, que nous avions soutenue dans sa démarche. L’attitude de mon groupe s’inscrit aujourd’hui dans le prolongement de ce positionnement.

L’ordonnance de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé permet d’harmoniser, à droit constant, les dispositions en vigueur. Elle répond aux exigences élémentaires de sécurité juridique.

J’insiste sur son titre Ier, qui modifie les dispositions de quatre codes pour tenir compte de la réintroduction par la loi du service public hospitalier. La référence aux missions de service public instituées par la loi Hôpital, patients, santé et territoires, ou HPST, de juillet 2009 est supprimée. Des obligations de service public s’imposent désormais aux établissements de santé ayant fait le choix du service public hospitalier. Il en résultera davantage de lisibilité pour les patients dans l’offre hospitalière.

L’ordonnance relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé renforce l’indépendance et l’impartialité des juridictions ordinales, fait évoluer les compétences des organes des ordres et permet l’application par leurs conseils nationaux de la législation relative aux marchés publics.

Certaines des modifications qu’il leur reviendra de mettre en œuvre affecteront le fonctionnement habituel des ordres, mais les objectifs ne me semblent pas discutables.

L’ordonnance relative à la profession de physicien médical, qui concerne quelque 650 personnes, reconnaît la profession de physicien médical comme profession de santé. Malgré le niveau de qualification très élevé qu’elle requiert, cette profession n’était toujours pas reconnue comme telle.

Répondant à l’un des objectifs du plan cancer 2014-2019, la reconnaissance du métier de physicien médical contribuera non seulement à sécuriser les pratiques, mais aussi à souligner son apport incontestable à l’amélioration de la qualité des soins. Cette ordonnance, je veux le souligner, fait suite à un important travail de concertation mené depuis juin 2016 avec les représentants des physiciens médicaux et des spécialités médicales concernées.

J’en viens à l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Elle transpose en droit interne trois dispositifs mis en place par une directive européenne de 2013 : la carte professionnelle européenne, le mécanisme d’alerte et l’accès partiel.

Les deux premières constituent une avancée en matière de coopération entre États membres, sur laquelle il n’est pas nécessaire de s’appesantir.

L’examen de l’exercice partiel, sur lequel reviendra plus précisément, avec tout le talent qu’on lui connaît, notre collègue Jean-Louis Tourenne, soulève plus d’interrogations ou d’inquiétudes. Certes, nos voisins allemands n’ont pas transposé la directive à la lettre près, mais vous avez affirmé, madame la secrétaire d’État, qu’exempter tout ou partie des professions de santé du champ d’application n’était ni souhaitable ni concevable au regard du droit et de la jurisprudence européens.

Je veux rappeler que l’accès partiel ne serait pas applicable aux professionnels qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles : les médecins, les infirmiers, les dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens. Il est donc difficile de penser que la mise en place de ce dispositif déstabiliserait l’ensemble de notre système de santé.

Je veux également souligner les trois conditions génériques prévues par la directive et devant être remplies pour mettre en œuvre un processus de dépôt et d’examen de dossier en vue d’obtenir une autorisation d’exercice partiel. Il sera nécessaire de revenir sur ce dispositif, qui a été supprimé du texte par la commission des affaires sociales du Sénat, et qui aurait dû être transposé dans le droit français au plus tard le 18 janvier 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord féliciter Corinne Imbert de son rapport clair et documenté sur ces trois projets textes.

Le premier projet de loi ratifie une ordonnance procédant à diverses coordinations avec les dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé, coordinations qui n’appellent pas d’observations.

Le deuxième prévoit la ratification de deux autres ordonnances.

La première ordonnance est relative à la profession de physicien médical, dont environ 650 praticiens exercent en libéral, dans le milieu hospitalier et dans les centres de lutte contre le cancer. Leur rôle dans la sécurité est de premier plan – nous nous souvenons des problèmes graves survenus à Épinal et à Toulouse. Il s’agit donc de renforcer les dispositions relatives aux physiciens médicaux, de mieux définir leurs rôles et leurs missions, de clarifier leurs responsabilités au sein d’une équipe pluridisciplinaire.

L’ordonnance intègre la profession dans le code de la santé publique, en donne une définition et en prévoit les conditions d’exercice. Nous y sommes donc favorables.

La seconde ordonnance, retirée par la commission des affaires sociales, est relative à l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales. Je souhaiterais en dire quelques mots, car il s’agit d’un problème persistant dans nos relations avec l’Europe, qu’il faudra un jour régler.

Il existe, au sein des pays de l’Union européenne, une procédure de reconnaissance automatique des qualifications professionnelles permettant à certains professionnels d’exercer dans un autre pays. La liste des diplômes est fixée par une directive de 2005, qui concerne les médecins, les dentistes, les sages-femmes, les pharmaciens, les infirmiers de soins généraux.

Pour les professionnels ne bénéficiant pas de cette procédure automatique, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que l’État d’accueil devait les autoriser à exercer en limitant les tâches pour lesquelles ils sont compétents. Il s’agit donc d’un nouveau dispositif d’accès partiel aux professions de santé.

Il faut signaler que les États de l’Union européenne ont fait des choix divers en matière d’organisation de leurs systèmes de santé et que les professions ne se recoupent pas nécessairement d’un pays à l’autre. J’ajoute que notre pays, cela a été dit, est en retard de presque de deux ans dans la satisfaction de ses obligations européennes et encourt donc de possibles sanctions en cas de non-transposition de cette mesure.

Il y a des professions où l’accès partiel est possible, vous l’avez dit, madame la rapporteur, comme celle de pédicure-podologue.

Par ailleurs, certaines mesures de ce projet de loi vont dans le bon sens pour rassurer les patients. C’est le cas de la mise en place d’une carte professionnelle européenne, par exemple. Je pense aussi aux conditions nécessaires pour bénéficier d’un accès partiel professionnel : pleine qualification de l’activité dans son pays ; maîtrise de la langue ; examen au cas par cas des demandes auprès de l’État ; avis de l’ordre dont relève la profession, même s’il n’est que consultatif ; refus pour des raisons d’intérêt général. Selon la direction générale de l’offre de soins, la DGOS, une commission de spécialistes examinerait même le dossier du demandeur.

L’article 4 de l’ordonnance prévoit aussi, en cas de différences trop importantes entre l’activité professionnelle dans l’État d’origine et la profession dans l’État d’accueil, une obligation d’enseignement et de formation dans l’État d’accueil pour le demandeur. Cette mesure aura un coût.

Nous reconnaissons, madame la secrétaire d’État, qu’il s’agit là de garanties indéniables. Néanmoins, nous ne disposons d’aucun élément d’évaluation ni sur le nombre de professionnels ni sur la nature exacte des professions concernées.

De plus, l’accès partiel ne pourra aboutir qu’à une fragmentation des professions, ce qui entraînera une situation difficile pour les patients.

Je rappelle, à nouveau, que les médecins, les infirmiers de soins généraux, les dentistes et les sages-femmes ne sont pas concernés par cette ordonnance, au contraire, selon le rapport, des masseurs balnéothérapeutes, des kinésithérapeutes et des infirmiers spécialistes. Certains professionnels considèrent même que cette loi pourrait constituer une dérogation aux professions concernées par la reconnaissance automatique.

Qu’en est-il exactement, madame la secrétaire d’État, alors que la procédure de reconnaissance automatique connaît déjà des difficultés liées à la langue, et parfois au niveau réel de formation et d’expérience ?

Nous souhaitons donc davantage d’informations sur le projet de loi concernant l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales. Les professionnels de santé et nous-mêmes souhaitons notamment savoir quelles professions exactes sont envisagées.

Bien sûr, nous connaissons le problème juridique existant, qui aurait dû être réglé il y a longtemps. Mais ne pourrait-on pas demander un délai pour la transposition de la directive ? Nous pourrions disposer ainsi de plus d’informations sur ce sujet et identifier clairement les professions de santé concernées. C’est nécessaire pour les patients comme pour les professionnels.

Le troisième projet de loi prévoit de ratifier l’ordonnance du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé. Il a pour objet d’appliquer aux conseils nationaux les procédures d’adoption des marchés publics, de renforcer l’échelon national pour un règlement intérieur, d’imposer une publication de rapport d’activité et la certification des comptes, d’assurer l’incompatibilité entre les fonctions ordinales et syndicales.

L’Assemblée nationale a complété le projet de loi de cinq articles, en introduisant l’article 2, qui concerne les indemnités du président, les articles 3 et 3 bis, qui introduisent des dispositions de coordinations et ont trait à l’âge limite des magistrats, l’article 4, qui dispose que les incompatibilités s’appliqueront au renouvellement des instances, et l’article 5, qui prévoit le report en 2020 au lieu de 2019 de l’entrée en vigueur des dispositions. Tout cela ne nous pose pas de problème.

En conclusion, nous sommes évidemment favorables au projet de loi ratifiant l’ordonnance du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes, au projet de loi ratifiant l’ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical – l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales a été retiré par la commission –, ainsi qu’au projet de loi ratifiant l’ordonnance du 27 avril 2017 relative au fonctionnement des ordres des professions de santé.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les projets de loi de ratification que nous examinons aujourd’hui concernent quatre ordonnances prises en application de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Comme l’a si bien exposé Mme la rapporteur Corinne Imbert, que je félicite pour la clarté de son rapport malgré la complexité de la matière, la première ordonnance, relative à la mise en cohérence des textes, ne pose aucun souci particulier. Il est donc inutile de la commenter outre mesure.

La deuxième ordonnance, relative à la profession de physicien médical, est particulièrement intéressante. En nous plongeant dans l’examen de ces projets de loi, nous sommes nombreux à avoir découvert cette profession, qui ne compte aujourd’hui qu’environ 650 praticiens.

Les substances radioactives utilisées à des fins thérapeutiques sont indiscutablement des outils à manier avec précaution. Ce n’est pas anodin de reconnaître les compétences particulières des physiciens médicaux en la matière, car ils contribuent aussi à la protection des manipulateurs et, surtout, garantissent l’intégrité des patients. Cela devrait permettre d’éviter ainsi des accidents que nous avons eu à déplorer par le passé en raison de surexpositions.

Cette ordonnance, qui fait l’objet d’un consensus dans l’univers médical, vise à clarifier les compétences du physicien médical et à définir son cadre juridique d’exercice. Elle n’appelle donc pas non plus de commentaire particulier de ma part. Aussi, comme pour le premier texte, le groupe du RDSE votera en faveur de son adoption.

J’en viens maintenant au cœur du débat. Une ordonnance concentre les discussions : celle qui concerne l’accès partiel à certaines activités médicales et paramédicales. J’entends les arguments de ceux qui y sont défavorables, comme vous, madame la rapporteur. Je veux en rappeler brièvement quelques-uns.

Le premier concerne l’impréparation de notre pays à sa mise en place, car nous ne connaissons exactement ni le nombre de professionnels qui pourraient faire une demande en France ni le type d’activités concernées

Le deuxième a trait aux conséquences sur notre système de santé. Seront-elles de nature à bouleverser fondamentalement l’organisation des soins ?

Le troisième concerne les garanties quant à la qualité des soins fournie.

Enfin, le dernier est lié au risque d’accroître encore plus l’inégalité de la qualité des soins, notamment dans les territoires où les structures sont déjà les plus déficitaires en professionnels de santé ou les plus en difficulté.

Ces arguments ainsi posés nous conduisent, certes, à nous interroger. Mais, au fond, ils s’articulent autour d’une même question : cette réforme ne va-t-elle pas s’effectuer au détriment du système de soins et de la complexification de son organisation ?

Nous considérons effectivement, madame la secrétaire d’État, que ces aspects de la problématique étudiée aujourd’hui ne sont pas tous éclaircis.

Pourtant, nous ne partons pas avec un a priori négatif sur ce texte, puisque si nous avons écouté les arguments de ceux qui se montrent sceptiques, voire pessimistes, nous entendons également les arguments de ceux qui y sont favorables.

Comme cela a été rappelé, ce projet de loi transpose une directive communautaire que nous aurions dû intégrer dans notre droit national au plus tard au mois de janvier 2016.

La première remarque que je formule, c’est qu’on ne peut pas jouer un rôle moteur dans l’Union européenne et fortement contribuer à en fixer les règles de fonctionnement sans se les appliquer. Nous avons déjà plus d’un an et demi de retard. C’est vrai que ce n’est pas acceptable.

Seconde remarque – je l’affirme avec force et sans ambiguïté – nous avons besoin de l’Europe ! Et nous devons, comme les autres États membres, suivre les règles. Mais ce dont nous avons besoin, c’est d’une Europe qui simplifie, qui harmonise, qui protège et qui aligne par le haut les exigences en termes de qualifications, d’encadrement, de compétences requises. Nous ne voulons surtout pas d’une Europe qui nivèle par le bas.

Le texte répond seulement en partie à cette crainte, en prévoyant la possibilité de fragmenter les compétences pour en autoriser certaines et en refuser d’autres. Mais cette réponse partielle n’est pas suffisante pour le RDSE, qui sera extrêmement vigilant quant aux explications que vous fournirez, madame la secrétaire d’État, en réponse aux interrogations de Mme la rapporteur et des autres collègues, afin de déterminer en son âme et conscience son vote sur cette ordonnance.

Enfin, la dernière ordonnance, relative au fonctionnement des ordres des professions de santé, est pour nous nécessaire en ce qu’elle améliore la transparence, l’indépendance et l’impartialité des conseils nationaux.

Je sais que la mise en place des procédures induites par la transparence, comme les procédures des marchés publics, est lourde et occasionne des surcoûts, mais elles sont indispensables à nos yeux.

Je note d’ailleurs que l’Assemblée nationale a complété le projet de loi de plusieurs articles, notamment un article 5, qui recule l’entrée en vigueur de ces dispositions de 2019 à 2020, justement pour laisser à ces ordres la possibilité de mieux se préparer à la mise en place de ces réformes.

En tout cas, il n’est pas envisageable pour le groupe du RDSE de revenir en arrière et de supprimer ces mesures, qui tendent vers plus de transparence. C’est ce que souhaitent très clairement la majorité de nos concitoyens, et ce dans tous les domaines de la vie publique. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ces trois projets de loi proposent la ratification de quatre ordonnances qui résultent de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Je rappelle que nous avions protesté contre le nombre inhabituel d’habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances lors de l’examen de cette loi. En effet, dix articles visaient plus d’une centaine d’habilitations dans des domaines très variés.

Dans la mesure où plusieurs de ces sujets ne présentaient pas un caractère purement technique, la majorité sénatoriale avait fait le choix d’en supprimer une grande partie. Il nous avait semblé indispensable que le Parlement puisse les examiner dans le cadre classique de la procédure législative.

Il s’agissait notamment des conditions de création et d’organisation des centres de santé et des maisons de santé, de l’organisation de la transfusion sanguine, de l’accès aux soins de premier recours, du droit applicable aux recherches biomédicales, des règles relatives aux ordres des professions de santé, dont nous avons à débattre aujourd’hui. Tous ces sujets, si divers qu’ils soient, méritaient à nos yeux un vrai débat au sein des assemblées parlementaires.

J’en viens au projet de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

La coordination porte notamment sur la suppression de la référence aux « missions de service public » instaurées par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Nous n’étions pas opposés à la mise en place du service public hospitalier, mais nous l’avions complétée par le maintien de la possibilité donnée aux établissements privés d’exercer des missions de service public à tarifs opposables.

L’Assemblée nationale avait rétabli, sans surprise, leur exclusion totale, à nos yeux injustifiée. Elle est d’autant plus injustifiée que cette ordonnance rétablit pour les établissements publics la possibilité de pratiquer des dépassements d’honoraires pour les praticiens à plein temps.

C’est une rupture d’égalité entre les établissements qui pourront être labellisés « secteur public » malgré la possibilité d’avoir recours aux dépassements d’honoraires pour leurs praticiens et ceux qui ne le pourront pas.

Nous sommes très attachés à la mixité de notre modèle hospitalier. Il existe des complémentarités indéniables entre les établissements publics et privés. Malheureusement, pendant ces cinq dernières années, les mesures prises n’ont pas créé les conditions de cette complémentarité, bien au contraire ! Et à vouloir opposer les deux secteurs, ce sont les patients qui sont pénalisés. Nous espérons que cette logique sera abandonnée dans les mois qui viennent.

Pour le reste du contenu de l’ordonnance, même si nous continuons à le regretter pour certains points, la loi a été adoptée, et les mises en cohérence ne peuvent que l’être aussi.

J’en viens au projet de loi ratifiant l’ordonnance relative au fonctionnement des ordres des professions de santé. Force est de constater que la rédaction de cette ordonnance s’est faite sans concertation avec les professionnels concernés, comme l’a souligné notre collègue Corinne Imbert dans son rapport. Nous reconnaissons que cette situation n’est pas de votre fait, madame la secrétaire d’État. Mais vous auriez pu envisager la ratification de ces ordonnances sans les scinder.

En effet, nous devons nous prononcer sur l’une des deux ordonnances publiées cette année. Pourquoi n’avons-nous pas à nous prononcer sur les deux ? Il est surprenant de proposer l’une des deux ordonnances à ratification alors qu’il s’agit d’une réforme globale. Comme le souligne notre rapporteur : « L’articulation entre les deux textes est néanmoins complexe puisque leurs contenus s’enchevêtrent sur plusieurs points ».

Le travail du Parlement ne gagne pas en intelligibilité. Pis encore, les professionnels des sept ordres concernés n’ont pas de lisibilité sur les intentions du Gouvernement.

Mme la rapporteur s’est attachée à compléter le texte déjà modifié par nos collègues députés, afin d’éviter de faire peser des charges excessives sur le fonctionnement et l’organisation des ordres. Nous soutiendrons sans réserve ses modifications.

Enfin, le troisième projet de loi de ratification aborde des sujets totalement distincts à travers deux articles.

Le premier est relatif à la reconnaissance de la profession de physicien médical comme profession de santé. Il s’agit de mieux définir leur responsabilité dans la prise en charge du patient au sein de l’équipe de soins et de reconnaître leur rôle dans la qualité et la sécurité de cette prise en charge.

Il est utile de souligner que cette mesure est formulée dans le plan cancer 2014-2019 et dans les recommandations énoncées par le Comité national de suivi des mesures nationales pour la radiothérapie après les incidents d’Épinal et de Toulouse. Ces évolutions étant pleinement soutenues par les professionnels concernés, nous ne pouvons que soutenir l’article 1er de ce projet de loi.

Le deuxième article a pour objet la ratification de l’ordonnance qui assure la transposition en droit français de la directive 2013/55/UE du Parlement et du Conseil du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et qui introduit notamment la reconnaissance de l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales. Nous abordons le sujet le plus sensible sur lequel nous devons nous prononcer aujourd’hui.

Nous ne remettons pas en cause la totalité de cette ordonnance. Nous approuvons par exemple la mise en place d’une carte professionnelle européenne ou encore l’instauration d’un mécanisme d’alerte à l’échelle communautaire dont l’objectif est de garantir la sécurité des patients.

En revanche, nous n’approuvons pas l’application d’un accès partiel qui permettrait aux professionnels de santé européens qualifiés dans leur pays d’origine d’exercer en France, sous certaines conditions et seulement pour une partie du champ d’exercices s’il existe des différences importantes entre leurs pays et la France.

La mise en place d’un tel mécanisme ne nous satisfait pas, pour plusieurs raisons. Nous constatons un manque d’évaluation du dispositif. Quels métiers seront concernés ? Quel est le nombre de professionnels susceptibles de venir dans notre pays ? Quelles conséquences sur l’organisation de notre système de soin ?

Toutes ces questions sont sans réponse et nous amènent à penser que nous allons ouvrir la voie à une déqualification des professionnels de santé, à la mise en place d’un service de santé low cost. Finalement, nous pensons qu’il existe un risque majeur pour l’organisation de notre système de santé et de toute évidence pour la qualité des soins aux patients.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas nous contenter d’un argument juridique sur cette question. La sécurité des patients doit être notre seule priorité.

Madame la secrétaire d’État, comme d’autres collègues, nous vous demandons de vous retourner vers l’Union européenne et de négocier. Nous ne pouvons pas mettre en place un tel système alors que nos plus proches voisins européens ont fait un choix différent – je fais référence à l’Allemagne, qui a interdit l’accès partiel, sauf exception.

Le texte de la directive prévoit lui-même que tout État membre peut « refuser l’accès partiel » aux professions de santé dès lors qu’elles ont « des implications en matière de santé publique ou de sécurité des patients ».

Sur proposition de notre collègue rapporteur, la commission des affaires sociale a supprimé les dispositions introduisant un accès partiel aux professions de santé, au regard des risques pesant sur la cohérence, la qualité et la sécurité de notre système de soins.

Nous voterons naturellement ce projet de loi, tel qu’il a été modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ainsi que l’a indiqué Yves Daudigny voilà quelques instants, je m’attacherai uniquement à évoquer la partie de l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles des étrangers communautaires dans le domaine de la santé.

Nous avons à ratifier, ou non, une ordonnance de transcription dans notre droit d’une directive européenne. Son caractère comminatoire ne saurait pour autant nous priver du droit d’en débattre et de nous opposer sur tout ou partie de son contenu dès lors que nous apparaissent des raisons essentielles de le faire. Mais y en a-t-il ? Telle est la question…

Deux remarques préalables me paraissent devoir être formulées. La directive européenne date de 2013. Elle modifiait une directive de 2005. Elle est entrée en vigueur en 2014. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé prévoyait la transcription par une ordonnance, ce qui a l’heur de déplaire, à bon droit souvent, aux parlementaires que nous sommes. Elle aurait dû figurer dans notre droit depuis le 18 janvier 2016. Nous n’avons donc que trop tardé.

La finalité même de la construction d’un espace européen est de permettre la libre circulation des hommes, des professionnels, des entreprises et des biens, ainsi que la liberté d’installation. Semer des obstacles injustifiés reviendrait à contester une construction bien lente et difficile, mais qui nous est chère.

Aussi, dans l’ordonnance qui nous intéresse aujourd’hui, rien ne devrait normalement soulever d’opposition, puisqu’il s’agit d’autoriser l’exercice de professions médicales et paramédicales par des ressortissants de l’Union, sous réserve de vérification des titres, formations et compétences.

Ainsi s’applique sans difficulté le droit d’exercer en France pour les personnes ayant obtenu dans leur pays la qualification d’infirmier, de sage-femme, de médecin, de dentiste et de pharmacien.

Elles « bénéficient d’un régime de reconnaissance automatique des diplômes, puisque les exigences minimales de formation ont été harmonisées au niveau communautaire », selon les termes du rapport, au demeurant excellent – dans un premier temps, j’avais écrit « remarquable », mais je me suis dit que c’était un peu disproportionné ! (Sourires.) – de notre collègue et rapporteur Corinne Imbert.

Le vent ne se lève alors que lorsqu’il s’agit de l’accès partiel à l’exercice d’une profession médicale et, surtout, paramédicale. Et un certain nombre d’objections, parfois déconcertantes, sont alors égrenées au nom de la vertu, s’apparentant à une instruction uniquement à charge.

Le premier argument est le manque de formation des professionnels concernés, objection contradictoire quand, dans la même présentation, on affirme que l’exigence et la vérification des qualifications constituent l’une des conditions sine qua non de l’autorisation.

Un deuxième argument laisse entendre que la frontière entre les pratiques serait difficile à déterminer et que des débordements pourraient être – au conditionnel – monnaie courante. Pourtant, il est parfaitement précisé que l’autorisation ne peut intéresser que des activités objectivement séparables.

Une troisième garantie forte est apportée : l’examen au cas par cas permettra, toujours selon le rapport, de discerner ce qui peut le cas échéant porter atteinte à l’intérêt général en matière de santé publique.

On conviendra donc que la directive, avec son caractère peu contraignant et donc peu inquiétant, laisse à chaque pays un large pouvoir d’appréciation. Cela vaut-il, par un éventuel et inopportun refus de la ratification, d’encourir des sanctions de l’Union européenne et, surtout, de donner un mauvais exemple ?

Aussi, l’idée que nous nous faisons d’une Europe ouverte à la libre circulation des hommes et des biens, alors que des garanties fortes nous sont apportées, nous invite à suivre la proposition du Gouvernement en application de la directive et de la loi de modernisation du système de santé.

Sauf à imaginer, ce que je ne fais pas, des réflexes corporatistes de défense qui siéraient mal à la Haute Assemblée, le texte du Gouvernement devrait, je le crois, être approuvé, et la proposition de la commission rejetée !

Au cours de la guerre froide,…

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Elle est finie depuis 1989 !

M. Jean-Louis Tourenne. … les Américains dépensaient des sommes astronomiques en renseignement pour savoir ce que préparaient les Soviétiques, avant de s’apercevoir qu’il suffisait d’écouter ce que ces derniers disaient pour connaître leurs intentions. (Sourires.) Pour ma part, je vous ai largement entendus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Belle démonstration !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il m’apparaît important de vous apporter quelques éléments d’éclairage sur les problèmes qui ont été soulevés.

En ce qui concerne le calendrier de ratification des ordonnances de la loi de modernisation de notre système de santé, je puis concevoir qu’il y ait une incompréhension sur la dissociation des ordonnances relatives aux ordres.

L’ordonnance soumise à votre ratification a notamment pour objectifs de faire évoluer les compétences des organes des ordres, de permettre l’application aux conseils nationaux des ordres de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et de réviser la composition de leurs instances disciplinaires.

Intégrant un certain nombre de recommandations issues du Conseil d'État, de la mission d’inspection des juridictions administratives et de la Cour des comptes, modifiant des dispositions relatives au fonctionnement des ordres auxquelles ceux-ci peuvent se montrer attachés et élaborés dans un délai contraint par la durée de l’habilitation, cette ordonnance a suscité de leur part des réactions et contestations, y compris contentieuses.

Aussi, face à la charge de travail prévisible des assemblées en début de mandature, le Secrétariat général du Gouvernement a privilégié la ratification rapide de cette ordonnance.

Par ailleurs, vous m’avez demandé une clarification orale sur l’interprétation qu’il convient de donner à la limite d’âge de 71 ans révolus applicable aux candidates et aux candidats aux élections ordinales. Compte tenu des différentes interprétations qui ont effectivement été données à l’adjectif « révolu », il m’apparaît qu’une clarification orale ne peut pas suffire à sécuriser les futures opérations électorales des ordres qui intégreront la nouvelle limite d’âge. Cette clarification sera donc apportée après l’analyse juridique définitive du Conseil d'État, interrogé sur le sujet. Nous ne manquerons pas de la communiquer aux ordres dès lors qu’elle aura été portée à notre connaissance.

La mesure relative aux binômes d’élus constitués pour favoriser la parité est principalement issue de l’ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des ordres professionnels.

Historiquement, et traditionnellement, comme nombre d’assemblées élues, les conseils des ordres médicaux et paramédicaux élus au scrutin uninominal sont demeurés – à l’exception d’un ordre au cœur de métier très spécifique, à savoir les sages-femmes – à domination très largement masculine. Ainsi, alors même que les professions de santé elles-mêmes se féminisaient, les femmes ne constituaient qu’une minorité dans leurs instances représentatives.

Afin de garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités dans les ordres des professions de santé, le législateur a opté pour le scrutin binominal. Chaque candidat aux ordres devra se présenter en binôme, c'est-à-dire conjointement à un candidat ou une candidate de l’autre sexe. Il n’a pas été pour cela nécessaire de doubler le nombre de représentants ; il a suffi d’aménager la composition de chaque conseil.

Ce n’est pas utopique. Cette réforme étendue aux élections des ordres des professions de santé est dans la continuité de l’occasion historique qui nous a été donnée de montrer la possibilité de concilier le scrutin majoritaire et la parité – parité que nous nous devons de considérer comme une avancée de la représentativité et de la démocratie.

Si cette avancée est une première – elle sera mise en œuvre cette année pour les ordres professionnels –, elle pourra nécessiter après les élections une évaluation du dispositif et, peut-être, quelques aménagements techniques à la marge pour éviter des effets contre-productifs, comme il a pu être constaté, par exemple chez les masseurs-kinésithérapeutes salariés, où des femmes peinant à trouver des binômes hommes n’avaient pu se présenter.

Pour le ministère de la santé comme, bien évidemment, pour moi-même, il n’est pas envisageable que les ordres professionnels de santé connaissent une régression des femmes dans l’arène de la représentation professionnelle et ordinale. Au demeurant, on observe que partout où la parité est une obligation, la place des femmes avance et que, quand ce n’est pas le cas, c’est beaucoup plus difficile et beaucoup plus lent !

Enfin, la ministre de la santé et moi-même sommes déjà intervenues sur l’ouverture de la possibilité de reconnaître un accès partiel à un professionnel de santé communautaire ; je l’ai ainsi évoquée lors de mon intervention liminaire. Nous reviendrons sur ce problème à l’occasion de la présentation du projet de loi relatif à la ratification de l’ordonnance concernée.

M. le président. La discussion générale commune est close.

 
 
 

Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé
Article unique (fin)

Article unique

(Non modifié)

L’ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé est ratifiée.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Le 3° du II de l’article L. 6154-2 du code de la santé publique est complété par les mots : « et ne constituent pas des dépassements d’honoraires. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Au nom de la « mise en cohérence des textes », l’ordonnance tente de mettre un terme à un imbroglio juridique qui alimentait depuis plusieurs mois les praticiens hospitaliers.

À la suite de l’interdiction, par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, des dépassements d’honoraires dans le cadre du service public hospitalier, les praticiens hospitaliers du secteur privé ont critiqué l’autorisation maintenue par les praticiens du secteur public à pratiquer une activité libérale à l’hôpital.

L’ordonnance explicite donc l’articulation entre le principe de l’interdiction des dépassements d’honoraires au sein du service public hospitalier et le maintien d’une dérogation possible dans le cadre de l’activité libérale des praticiens statutaires à temps plein.

Alors que près d’un quart des Françaises et des Français renoncent ou reportent leurs soins dans l’année, principalement en raison des dépassements d’honoraires, la pratique de tels dépassements par des médecins à l’hôpital doit, selon nous, être interdite, quel que soit leur statut.

Actuellement, moins de 5 % des médecins exerçant dans les établissements hospitaliers pratiquent des dépassements d’honoraires. Une telle interdiction aurait donc un effet limité sur l’ensemble des praticiens.

Ce serait une mesure de justice sociale pour les patients les plus précaires et de lisibilité pour les patients, qui ont du mal à distinguer selon que le médecin exerce son activité en libéral ou dans le secteur public.

Afin de garantir une rémunération des médecins hospitaliers et de l’ensemble des personnels de l’hôpital public, il est nécessaire de mener une politique audacieuse de revalorisation de leur rémunération, notamment du point d’indice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteur. L’ordonnance de mise en cohérence des textes au regard de la loi Santé se contente d’expliciter le maintien possible d’une dérogation à l’interdiction de dépassement d’honoraires au sein du service public hospitalier dans le cadre d’une activité libérale. Cette possibilité ne paraît pas contradictoire avec le cadre établi par la loi Santé dès lors qu’elle intervient dans des conditions précises, notamment, comme le prévoit l’article L. 61-54-2, en garantissant une information des patients et la neutralité de leur orientation.

Elle interroge toutefois, comme l’a souligné ma collègue Catherine Deroche, sur la différence de traitement entre les établissements publics et privés à ce sujet. Dans la mesure où les modalités d’application de ces dispositions sont renvoyées au pouvoir réglementaire, je souhaite interroger le Gouvernement sur la manière dont il entend mettre en œuvre cette possibilité de dépassement d’honoraires.

La commission souhaite donc entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Cette ordonnance ne procède à aucune modification substantielle de la loi. Elle vient au contraire en apporter une clarification. Elle ne fait que suivre l’intention qui a été exprimée par le législateur. En effet, vous le savez, la loi de modernisation de notre système de santé a réintroduit dans notre législation la notion de service public hospitalier, et ce afin de donner davantage de lisibilité aux patientes et aux patients dans l’offre hospitalière.

Le service public hospitalier a ainsi été ouvert à l’ensemble des établissements de santé, indépendamment de leur statut. Il repose non plus sur une liste de missions, mais sur des obligations de service public qui s’imposent aux établissements de santé faisant le choix du SPH.

Parmi ces obligations figure notamment l’accessibilité financière, donc l’obligation de proposer à chaque patiente et à chaque patient une prise en charge sans dépassement d’honoraires.

Cette obligation n’est, en aucune manière, remise en cause par cette ordonnance. Elle n’est toutefois pas incompatible avec la possibilité pour les praticiens hospitaliers, dans le respect bien sûr des conditions posées par la loi, de pratiquer les dépassements d’honoraires dans le cadre de leur activité privée.

Afin de lever toute ambiguïté, l’ordonnance vise à préciser l’articulation entre les dispositions sur le service public hospitalier et celles qui sont relatives à l’activité libérale des praticiens hospitaliers. Ces derniers ne peuvent réaliser des dépassements d’honoraires que dans des conditions bien précises et sous réserve que les patientes et les patients puissent bénéficier d’une alternative de soins sans dépassement d’honoraires.

L’activité libérale des praticiens hospitaliers est par ailleurs très encadrée. Le praticien doit au préalable signer avec le directeur de l’établissement un contrat d’activité libérale, soumis à l’approbation du directeur général de l’agence régionale de santé. Le directeur ou la directrice de l’établissement a la possibilité de s’appuyer sur les nécessités du service public pour refuser la signature d’un contrat d’activité libérale qui ferait obstacle à ce service. Ainsi, contrairement à la situation qui est connue dans les établissements privés, ce régime n’est pas un droit absolu des praticiens.

Cette possibilité de réaliser une faible partie de son activité à titre libéral contribue également à maintenir l’attractivité des centres hospitaliers publics, notamment des CHU, pour les professionnels de santé, et ainsi à garantir le maintien d’une offre d’excellence dans le service public hospitalier.

Enfin et surtout, cette activité reste très marginale dans l’activité dispensée au sein des établissements publics ; elle ne concerne qu’un nombre faible de praticiens et de praticiennes. En 2014, seuls 10 % des praticiens hospitaliers exerçant à temps plein étaient autorisés à exercer une activité libérale.

Parmi eux, 2 041 praticiens hospitaliers à temps plein exerçaient en secteur 2, soit environ 4 % de l’ensemble des médecins hospitaliers.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
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M. le président. Nous passons à l’examen, dans le texte de la commission, du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé
Article 2

Article 1er

(Non modifié)

L’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical est ratifiée.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article additionnel après l'article 2 (début)

Article 2

I. – (Non modifié) L’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé est ratifiée.

II (nouveau). – La section 3 du chapitre II du titre préliminaire du livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique est abrogée.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – À l’article L. 1132-6-1 du code de la santé publique, les références : « de l’article L. 4002-1 et des articles L. 4002-3 à L. 4002-7 » sont remplacés par les références : « des articles L. 4002-1 et L. 4002-7 ».

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Corinne Imbert, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 2, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nous y renonçons, monsieur le président !

M. le président. Je mets donc aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article additionnel après l'article 2 (fin)

Article additionnel après l'article 2

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Perrin, Raison, Laufoaulu, Le Gleut et Chevrollier, Mme Di Folco, MM. Pierre, de Legge, Chaize, Mandelli, D. Laurent, Grosperrin, Ginesta et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Mouiller et H. Leroy, Mme Micouleau, MM. de Nicolaÿ, Pellevat, Meurant, Paccaud, Daubresse, Bouchet, Gremillet, Lefèvre, Kennel et Mayet, Mme Chauvin, M. Rapin, Mmes Morhet-Richaud et Gruny, MM. Gilles, Genest, Darnaud, Houpert, Longuet et Piednoir et Mmes Deromedi et Canayer, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 4341-8 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 4341-8. – Les connaissances linguistiques font partie des qualifications professionnelles de la profession d’orthophoniste et sont contrôlées au moment de l’examen de ces qualifications professionnelles par un outil d’évaluation des compétences linguistiques approprié aux professions de santé. L’orthophoniste doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession. »

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. L'article L. 4341-8 du code de la santé publique dispose que l'orthophoniste, lors de la délivrance de l'autorisation d'exercice ou de la déclaration de prestation de services, doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession.

Or la profession d'orthophoniste déplore une évaluation non effective de la maîtrise de la langue. Cet amendement vise donc à préciser que cette évaluation s'effectue au moment de l’examen de ces qualifications professionnelles et sera réalisée selon un outil qui pourrait s'apparenter au cadre européen commun de référence pour les langues, appliqué aux professions de santé.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 2 rectifié est présenté par M. Botrel, Mmes S. Robert et Blondin et M. Fichet.

L'amendement n° 3 est présenté par Mme Cohen, M. Watrin, Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L'amendement n° 4 est présenté par Mme Rossignol.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L.4341-8 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 4341-8. – Les connaissances linguistiques font partie des qualifications professionnelles de la profession d’orthophoniste et sont contrôlées au moment de l’examen de ces qualifications professionnelles. L’orthophoniste doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession. »

La parole est à M. Yannick Botrel, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié.

M. Yannick Botrel. Le présent amendement tend à prévoir une modification du code de la santé publique, afin de garantir que la profession d’orthophoniste soit exercée en France par des professionnels maîtrisant la langue française.

Son adoption permettra de s’assurer de la maîtrise du français par l’orthophoniste demandeur d’une reconnaissance de ses qualifications, et de garantir ainsi la protection des patients et la qualité des soins dispensés. En effet, la Commission européenne a elle-même reconnu la maîtrise de la langue comme compétence des orthophonistes ; il serait donc nécessaire que celle-ci apparaisse dans la transposition de la directive.

Si la directive afférente prévoit que « les autorités compétentes devraient avoir la possibilité d’effectuer des contrôles du niveau linguistique après la reconnaissance des qualifications professionnelles », la Commission européenne confirme dans ses documents d’accompagnement à la mise en œuvre de la directive – code de conduite et guide de l’utilisateur – « qu’il existe toutefois une exception à cette règle lorsque les connaissances linguistiques font partie de la qualification » ; sont cités en exemple les orthophonistes ou les professeurs enseignant la langue du pays d'accueil.

Il n'y a donc pas d'impossibilité de mise en œuvre d'une telle disposition, qui sécurisera davantage la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Dominique Watrin. Je ne reprendrai pas l’ensemble des arguments qui ont été développés.

L’objectif de ces amendements est de garantir aux patients souffrant de troubles du langage en France des soins de qualité. Il nous paraît à tous indispensable que les connaissances linguistiques soient intégrées dans les qualifications professionnelles nécessaires et qu’elles soient vérifiées.

Or l’adoption de l’ordonnance en l’état rendrait impossible un contrôle a priori. On m’a répondu ce matin en commission que ce n’était pas vrai. J’ai donc relu attentivement le code de la santé publique, qui est peu clair – c’est le moins que l’on puisse dire ! Je le cite : « L’orthophoniste, lors de la délivrance de l’autorisation d’exercice ou de la déclaration de prestation de services, doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession », ce qui ne règle pas la question de savoir si le contrôle se fait a priori ou a posteriori.

Surtout, le texte de l’ordonnance elle-même est clair et sans ambiguïté : « Le contrôle de la maîtrise de la langue doit être proportionné à l’activité à exercer et réalisé une fois la qualification professionnelle reconnue ». Il s’agit donc bien d’un contrôle a posteriori, contrairement à ce que l’on m’a affirmé ce matin…

Vouloir à tout prix transposer une directive européenne sans se soucier des conséquences serait une erreur et même une faute : c’est contraire à l’intérêt même des patients ! Il est nécessaire que les orthophonistes maîtrisent la langue française, sur un sujet relatif au langage.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons de voter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l'amendement n° 4.

Mme Laurence Rossignol. Ces quatre amendements convergents révèlent qu’il y a ici a minima un malentendu, au pire une incohérence juridique et une incertitude grave. Les orthophonistes sont donc inquiets quant à la transposition de cette directive.

J’ai entendu les arguments qui ont été développés, d’abord par la ministre de la santé à l’Assemblée nationale, puis ce matin en commission. Ils visent à rassurer les orthophonistes, mais réussirez-vous les uns est les autres à les convaincre ?

Il me paraît indispensable, pour lever ces malentendus, incohérences ou incertitudes juridiques d’obtenir une explication extrêmement sécurisée sur cette question de contrôle a priori ou a posteriori des connaissances linguistiques exigées pour l’exercice d’une profession comme celle d’orthophoniste. En effet, chacun comprend bien que la nature même d’un tel métier exige une connaissance parfaite de la langue des enfants suivis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteur. Cette question fait partie de celles qui m’ont largement occupée pendant les auditions. J’ai en effet été interpellée par les constatations concordantes de plusieurs professions de santé quant à la réalité de l’évaluation des compétences linguistiques des professionnels de santé européens souhaitant exercer en France.

Il semble que cette évaluation soit faite de manière très différente d’une profession à l’autre, et même, au sein d’une même profession, d’une commission départementale ordinale à une autre ! La Cour des comptes a d’ailleurs signalé cet inquiétant phénomène à propos de l’ordre des chirurgiens-dentistes, en soulignant que les commissions des départements les moins bien dotées en professionnels médicaux pouvaient se montrer plus souples.

La question est pourtant d’une importance cruciale pour la qualité des soins dispensés aux patients.

Pour autant, il me semble que les amendements déposés ne permettront pas de répondre à cette préoccupation. Je comprends, à la lecture de l’objet de ces différents amendements, que l’inquiétude – notre collègue Dominique Watrin l’a très bien exprimée – porte sur le fait que le contrôle de la maîtrise de la langue puisse intervenir a posteriori par rapport à l’autorisation d’exercice accordée à un professionnel non français.

Je pense cependant que la rédaction proposée par l’article 3 du projet de loi - vous avez cité le texte, mon cher collègue - prévoit bien que le contrôle des compétences linguistiques intervient certes une fois la qualification professionnelle reconnue – vérification du diplôme –, mais au moment de la délivrance de l’autorisation d’exercice - celle-ci étant subordonnée au contrôle effectif des compétences linguistiques. On fait donc le distinguo entre la vérification de la qualification professionnelle et l’autorisation d’exercice, qui est bien distincte.

Mme la secrétaire d’État pourra cependant nous éclairer utilement sur ce point en confirmant ou non cette interprétation.

La question du contrôle des qualifications linguistiques n’en reste pas moins posée. Elle ne devrait pas être réglée dans le cadre de la loi, qui prévoit déjà le principe d’une évaluation linguistique, mais au stade de son application.

Le principal problème est en fait celui de l’harmonisation de ce contrôle. Pour cela, les professionnels de santé devraient à mon avis disposer d’un outil d’évaluation de référence qui aujourd'hui fait défaut. Il pourrait d’ailleurs être adapté à chaque profession autour d’un tronc commun. Il faudrait, en somme, que l’on dispose d’un test sur le modèle du Test of English for International Communication, le TOEIC, avec un volet portant aussi sur la langue médicale. Il appartient au Gouvernement de mettre en place un tel outil.

La commission demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. La maîtrise de la langue française fait déjà partie des qualifications professionnelles, et elle est nécessaire à l’exercice du métier d’orthophoniste.

À ce titre, les commissions d’autorisation d’exercice opèrent d’ores et déjà ce contrôle en procédant à une audition des candidates et des candidats quand elles l’estiment nécessaire.

Le Gouvernement n’est donc pas favorable à ces amendements, qui sont satisfaits.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Au regard des explications données par la commission et des précisions apportées par le Gouvernement, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié, 3 et 4.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

(Le projet de loi est adopté.)

Article additionnel après l'article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé
 

M. le président. Nous passons à l’examen, dans le texte de la commission, du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé.

projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Non modifié)

L’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé est ratifiée.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé
Article 3

Article 2

(Non modifié)

I. – Le troisième alinéa du II de l’article L. 4122-3, le deuxième alinéa du II de l’article L. 4124-7, le troisième alinéa des articles L. 4234-3 et L. 4234-4 et le sixième alinéa de l’article L. 4234-8 du code de la santé publique sont complétés par les mots : « , après consultation de l’ordre ».

II. – Le septième alinéa de l’article L. 145-6, le huitième alinéa de l’article L. 145-6-2, le dixième alinéa de l’article L. 145-7, le septième alinéa de l’article L. 145-7-1 et le huitième alinéa de l’article L. 145-7-4 du code de la sécurité sociale sont complétés par les mots : « , après consultation de l’ordre ».

III. – Les onzième et vingt et unième alinéas de l’article 12 de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé sont complétés par les mots : « , après consultation de l’ordre ».

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Après le mot :

publique

insérer les mots :

, dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé,

II. – Alinéa 2

Après le mot :

sociale

insérer les mots :

, dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 précitée,

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Corinne Imbert, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé
Article 3 bis A (nouveau)

Article 3

I. – Le titre III du livre II de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Les quatrième à dernier alinéas de l’article L. 4231-7 sont ainsi rédigés :

» Le conseil national gère les biens de l’ordre, définit sa politique immobilière et contrôle sa mise en œuvre. Il peut créer ou subventionner des œuvres intéressant la profession pharmaceutique ainsi que les œuvres d'entraide.

» Le conseil national contrôle la gestion des conseils centraux et régionaux de l'ordre des pharmaciens. Il peut demander tout document qui lui semble nécessaire à ce contrôle.

» Ces modalités de contrôle sont fixées dans le règlement budgétaire et comptable de l'ordre édicté par le conseil national, après avis des conseils centraux, applicable à l'ensemble des instances ordinales.

» Un commissaire aux comptes certifie annuellement les comptes de l'ordre des pharmaciens.

» Le conseil national s'assure également de la mise en œuvre par les conseils centraux et régionaux de leurs missions légales et peut demander tout document qui lui semble nécessaire à ce contrôle. » ;

bis La première phrase du premier alinéa de l’article L. 4234-4 est complétée par les mots : « pour une durée de six ans renouvelable » ;

2° Au troisième alinéa de l’article L. 4234-8, après la dernière occurrence du mot : « État », sont insérés les mots : « pour une durée de six ans renouvelable ».

II (nouveau). – Le 3° de l’article 10 de l’ordonnance n° 2017-192 du 16 février 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives aux ordres des professions de santé et le 3° de l’article 4 de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé sont abrogés.

III (nouveau). – Le 1° du I du présent article entre en vigueur à compter du prochain renouvellement du Conseil national de l'ordre des pharmaciens suivant la publication de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… - L’article L. 4142-4 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La chambre disciplinaire interrégionale de première instance de Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse comporte, pour les quatre membres titulaires et quatre membres suppléants élus parmi les membres du conseil régional, trois membres titulaires et trois membres suppléants élus par les membres titulaires du conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur parmi ses membres, et un membre titulaire et un membre suppléant élus par les membres titulaires du conseil régional de Corse parmi ses membres. »

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Comme les médecins, les chirurgiens-dentistes souhaitent assurer une représentation des praticiens exerçant en Corse au sein de la chambre disciplinaire interrégionale de première instance de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse, en leur réservant un siège sur les quatre de cette instance.

Tel est l’objet de l’amendement soumis à votre approbation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteur. Les trois amendements du Gouvernement sur ce texte ont été déposés tardivement hier soir. Je n’en ai pris connaissance que ce matin. La commission n’a donc pas eu les moyens de les expertiser.

Néanmoins, la clef de répartition des sièges au sein de cette chambre interrégionale Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse vise à garantir une représentation équilibrée ; cela semble être une précision raisonnable, même si l’on peut se demander pourquoi elle vaut pour cette seule chambre interrégionale. L’exception corse, sans doute ?… (Sourires.)

L’Ordre national des chirurgiens-dentistes, que nous avons consulté, ne s’opposant pas à cet amendement, la commission s’en remettra à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 3 bis B (nouveau)

Article 3 bis A (nouveau)

Les troisième à cinquième alinéas de l’article L. 5125-21 du code de la santé publique sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au deuxième alinéa, ce délai d'un an peut être renouvelé une fois par décision du directeur général de l'agence régionale de santé lorsque l'absence du pharmacien titulaire se justifie par son état de santé. » – (Adopté.)

Article 3 bis A (nouveau)
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Article 3 bis C (nouveau)

Article 3 bis B (nouveau)

I. – Le troisième alinéa du IV de l’article L. 4122-3, le dernier alinéa du III de l’article L. 4124-7 et le dernier alinéa de l’article L. 4234-3 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, sont supprimés.

II. – Le cinquième alinéa de l’article L. 145-6, le septième alinéa de l’article L. 145-6-2, le troisième alinéa de l’article L. 145-7 et le cinquième alinéa de l’article L. 145-7-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 précitée, sont supprimés.

III. – Les huitième et dix-huitième alinéas de l’article 12 de l'ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 précitée sont supprimés. – (Adopté.)

Article 3 bis B (nouveau)
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Article 3 bis

Article 3 bis C (nouveau)

Au troisième alinéa des articles L. 4321-15 et L. 4322-8 du code de la santé publique, après les mots : « parmi les », sont insérés les mots : « membres et ».

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le mot :

publique

insérer les mots :

dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Corinne Imbert, rapporteur. Cet amendement vise à apporter une précision rédactionnelle, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis C, modifié.

(L'article 3 bis C est adopté.)

Article 3 bis C (nouveau)
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Article 4 (Texte non modifié par la commission)

Article 3 bis

I. – (Non modifié) La quatrième patrie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° La seconde phrase du deuxième alinéa du II de l’article L. 4122-3 est ainsi rédigée :

« L’âge limite pour exercer les fonctions de président ou de président suppléant de la chambre disciplinaire nationale est de 77 ans révolus. » ;

2° La dernière phrase du premier alinéa du II de l’article L. 4124-7 et le deuxième alinéa de l’article L. 4234-4 sont ainsi rédigés :

« L’âge limite pour exercer les fonctions de président ou de président suppléant d’une chambre disciplinaire est de 77 ans révolus. » ;

3° Le deuxième alinéa de l’article L. 4234-3 est ainsi rédigé :

« L’âge limite pour exercer les fonctions de président ou de président suppléant d’une chambre de discipline est de 77 ans révolus. » ;

4° Le quatrième alinéa de l’article L. 4234-8 est ainsi rédigé :

« L’âge limite pour exercer les fonctions de président ou de président suppléant de la chambre de discipline du conseil national est de 77 ans révolus. »

II. – Le chapitre V du titre IV du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa des articles L. 145-6 et L. 145-7-1 est ainsi rédigé :

« L’âge limite pour exercer les fonctions de président ou de président suppléant d’une section des assurances sociales d’une chambre disciplinaire de première instance est de 77 ans révolus. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 145-6-2 est ainsi rédigé :

« L’âge limite pour exercer les fonctions de président ou de président suppléant est de 77 ans révolus. » ;

3° Le dernier alinéa des articles L. 145-7 et L. 145-7-4 est ainsi rédigé :

« L’âge limite pour exercer les fonctions de président ou de président suppléant d’une section des assurances sociales d’un conseil national est de 77 ans révolus. »

III. – Les cinquième et quinzième alinéas de l’article 12 de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé sont ainsi rédigés :

« L’âge limite pour exercer les fonctions de président ou de président suppléant d’une section des assurances sociales d’une chambre disciplinaire est de 77 ans révolus. » – (Adopté.)

Article 3 bis
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Article 4 bis (nouveau)

Article 4

(Non modifié)

Le I de l’article 14 de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « relatives », sont insérés les mots : « au régime des incompatibilités des membres élus ainsi qu’ » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « et au régime des incompatibilités » sont supprimés ;

3° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions relatives aux incompatibilités concernant les présidents des chambres disciplinaires nationales, des chambres de discipline nationales et des sections des assurances sociales de ces chambres sont applicables au 1er janvier 2018. »

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au II de l’article 14 de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, après les mots : « ainsi que », sont insérés les mots : « le 2° , le 3° et le treizième alinéa de l’article L. 4231-4 et ».

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. L’ordonnance du 16 février 2017 a modifié dans son article 10 la composition du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, à l’article L. 4231-4 du code de la santé publique.

Les deux représentants du ministère de la santé sont désormais désignés par le directeur général de l'offre de soins et par le directeur général de la santé et assistent à toutes les délibérations avec voix consultative.

L’article 19 de la même ordonnance a fixé l’entrée en vigueur de la nouvelle composition du CNOP à compter du prochain renouvellement du conseil de l'ordre suivant sa publication, ce qui est tardif. Il est donc opportun de permettre une présence effective et immédiate de l’administration au regard des attentes formulées par l’ordre des pharmaciens lui-même, demandeur d’échanges, de consultations et d’informations.

Il vous est donc proposé d’établir une date d’entrée en vigueur immédiate pour la disposition regardant spécifiquement les représentants de l’administration au sein du CNOP à compter de la publication du présent projet de loi de ratification de l’ordonnance du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteur. Les dispositions fixant la composition du Conseil national de l’ordre des pharmaciens ont été successivement modifiées par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, puis par l’ordonnance du 16 février 2017, pour rétablir la présence de représentants du ministère de la santé avec voix consultative, à l’exclusion des séances disciplinaires.

Les dispositions transitoires prévues par l’ordonnance de février 2017 conduiraient à ce que cette nouvelle composition entre en vigueur à compter du prochain renouvellement de ce conseil, qui doit intervenir en juin 2018. Le Gouvernement souhaite anticiper cette mise en œuvre. Cette mesure me paraît, là aussi, raisonnable.

La commission s’en remettra à la sagesse du Sénat, d’autant que l’Ordre national des pharmaciens n’a pas émis d’opposition et qu’un dispositif similaire existe pour l’Ordre des médecins.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4 (Texte non modifié par la commission)
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Article 4 ter (nouveau)

Article 4 bis (nouveau)

L’article L. 4122-2-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° Au début du second alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le conseil national ». – (Adopté.)

Article 4 bis (nouveau)
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Article 5

Article 4 ter (nouveau)

L’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives aux professions de santé est ainsi modifiée :

1° Les deuxième à quatrième alinéas du 3° de l’article 1er sont supprimés ;

2° Les deuxième à quatrième alinéas du 4° de l’article 4 sont supprimés ;

3° Au second alinéa du c du 2° de l’article 7, les mots : « Les articles L. 4122-2-1 et L. 4122-2-2 sont applicables » sont remplacés par les mots : « L’article L. 4122-2-2 est applicable » ;

4° Au a du 6° des articles 8 et 9, les mots : « sont insérées les références : “ L. 4122-2-1, L. 4122-2-2, ” » sont remplacés par les mots : « est insérée la référence : “ L. 4122-2-2, ” » ;

5° Au troisième alinéa du I de l’article 14, les mots : « ainsi que les articles L. 4122-2-1 et L. 4231-8 » sont supprimés. – (Adopté.)

Article 4 ter (nouveau)
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Article additionnel après l'article 5 (début)

Article 5

(Non modifié)

À la fin du troisième alinéa du I de l’article 14 de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, l’année : « 2019 » est remplacée par l’année : « 2020 ». – (Adopté.)

Article 5
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Article additionnel après l'article 5 (fin)

Article additionnel après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 145-7-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 précitée, les mots : « praticiens-conseils membres de l’ordre » sont remplacés par les mots : « membres de ces ordres ».

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteur. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé.

(Le projet de loi est adopté.)

Article additionnel après l'article 5 (début)
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M. le président. Mes chers collègues, avant que nous n’abordions le point suivant de l’ordre du jour, je vais suspendre la séance.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

4

Avenir de l’Union européenne

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’avenir de l’Union européenne, en application de l’article 50–1 de la Constitution.

Nous accueillons avec plaisir M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères et Mme la ministre chargée des affaires européennes. Pour le premier débat de ce nouveau triennat, je souhaite le meilleur dans leurs travaux à M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi qu’à M. le président de la commission des affaires européennes.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de la commission des affaires étrangères, de la commission des affaires européennes et de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, l’Europe est le cadre primordial et naturel dans lequel nos valeurs et nos intérêts doivent être portés à l’heure de la mondialisation ; elle est le cœur d’un projet majeur pour la France. Le Président de la République a fait de l’ambition européenne renouvelée une priorité de son mandat pour la France.

C’est ce qu’il a exprimé avec force d’abord à Athènes, puis à la Sorbonne le 26 septembre dernier, en affirmant les deux convictions qui ont guidé son action et celle du Gouvernement depuis le premier jour.

La première est que, dans un monde en proie aux crises et à des bouleversements sans précédent depuis la fin de la guerre froide, seule l’Europe nous permettra d’exercer pleinement notre souveraineté, de conserver la maîtrise de notre destin.

La seconde est que le projet européen ne peut réussir si nous ne comblons pas le fossé qui n’a eu de cesse, depuis quelques années, de se creuser entre les peuples et les institutions européennes, au risque de voir le populisme et un nationalisme dévoyé submerger notre démocratie…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … et celle de nos partenaires.

Oui, l’Europe est le déterminant majeur d’une politique globale. Pour que la France fasse entendre sa voix, il nous faut un cap clair ; le Président l’a fixé, et vous avez entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, ses nombreuses propositions pour l’Europe.

Celles-ci s’articulent – je veux le souligner devant vous – autour de deux horizons temporels : l’échéance de 2019, d’abord, date à laquelle seront organisées les prochaines élections européennes – il faut nous y préparer, et cela nous donne le temps de convaincre nos partenaires –, celle de 2024 ensuite, qui sera l’horizon de la nouvelle Commission résultant de ces élections – nous devons avoir pour objectif de lui proposer un mandat ambitieux, porté par la volonté de refonder l’Europe. L’ensemble du Gouvernement est mobilisé derrière le Président de la République au service de ces objectifs.

Mais pour préparer au mieux ces rendez-vous, il nous faut aussi une conscience lucide de la situation dans laquelle se trouve l’Europe aujourd’hui. En la matière, et alors que la défiance s’est installée dans une partie des peuples européens, rien ne serait pire que le déni de réalité.

L’Europe est aujourd’hui perçue comme trop lointaine, trop technocratique. Incapable de rendre intelligibles ses décisions comme ses instruments de légitimité démocratique, elle suscite une forme d’indifférence résignée, dont a encore témoigné le faible taux de participation aux dernières élections européennes.

Pour autant, nos concitoyens n’ignorent pas l’Europe. En vérité, elle est revenue au centre de l’attention, mais trop souvent d’une manière négative. Avec les crises qui ont frappé le continent ces dix dernières années, elle a été tantôt pointée du doigt en cas d’échec, tantôt laissée dans l’ombre lorsqu’elle apportait des solutions. Je ne crois pas que nous ayons assez dit ce que l’Union européenne rendait possible et ce qu’elle apportait concrètement à nos concitoyens.

En outre, depuis quinze ans, des forces centrifuges traversent le continent. Elles ont atteint leur paroxysme avec la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, il y a un peu plus d’un an. C’est la décision souveraine du peuple britannique, et nous la respectons, même si elle représente une mauvaise nouvelle pour l’Europe.

Depuis le 19 juin, la négociation est enclenchée, sous la conduite de Michel Barnier, qui a reçu un mandat clair des 27 États membres et de la Commission européenne, sur la base des orientations arrêtées à l’unanimité par le Conseil européen en mai et juin derniers.

Je vous rappelle les principes qui fondent la position des 27 : garanties réciproques pour les citoyens directement concernés par le Brexit ; respect par le Royaume-Uni de ses obligations administratives, financières et juridiques souscrites en qualité d’État membre ; prise en compte de la spécificité de la frontière irlandaise. S’y ajoute, sur le marché intérieur, le rappel du caractère indivisible des quatre libertés de circulation, des capitaux, des biens, des services et des personnes.

Je tiens également à préciser, mais vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’aucune négociation, ni sur les conditions du retrait ni sur les contours de l’accord futur, ne saurait être menée à titre bilatéral – il importe de le rappeler.

Dans cette crise, l’Union européenne fait la preuve de son unité et de sa cohésion. Il ne s’agit pas, pour autant, d’adopter une approche punitive à l’égard du Royaume-Uni, lequel restera, après son retrait, un partenaire et un allié essentiel de la France, tout particulièrement dans le domaine de la défense, en vertu des accords de Lancaster House, qui sont toujours en vigueur et dont l’application est garantie dans le cadre de notre relation bilatérale.

Mais, par ailleurs, nous ne devons avoir aucune naïveté dans la négociation en cours : chacun défend ses intérêts. Notre intérêt collectif est de mettre fin dès que possible à l’incertitude que fait planer le Brexit, et de le faire en deux temps : d’abord en négociant les conditions du retrait et, seulement ensuite, en instaurant le cadre juridique de nos futures relations.

Pour l’heure, après les premières sessions de négociations, force est de constater que le compte n’y est pas, s’agissant des différents principes que j’ai rappelés et qui conditionnent pour nous un retrait acceptable du Royaume-Uni. Le discours de Theresa May à Florence, voilà quelques jours, a certes donné des signaux d’ouverture ; la quatrième session a permis quelques progrès, mais ceux-ci restent insuffisants. La cinquième session est en cours. Mais le prochain Conseil européen, qui se tiendra dans quelques jours, ne pourra sans doute pas décider d’ouvrir les discussions de la deuxième phase avec le Royaume-Uni.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le vote britannique, hier, la défiance, ces derniers temps, d’un nombre important de nos concitoyens et, aujourd’hui même, la crise qui secoue la Catalogne, tout cela nous commande d’agir. Nous ne pouvons plus nous permettre de continuer à faire l’Europe comme par le passé. Il faut revoir en profondeur nos priorités politiques, nos pratiques institutionnelles et les moyens qui sont consacrés à chaque objectif. Un sursaut, une véritable refondation, pour reprendre l’expression du Président de la République, sont indispensables.

Je veux dire aussi que ceux qui dénoncent aujourd’hui la construction européenne entretiennent nos concitoyens dans une représentation chimérique de la souveraineté. La souveraineté de repli qu’ils leur proposent est un leurre ; elle ne peut mener la France qu’à l’isolement et à une exposition plus grande encore aux désordres du monde.

C’est une communauté de destin qui nous unit aux peuples d’Europe. Dire cela, ce n’est pas faire l’aveu d’une fatalité, c’est affirmer à la fois une histoire partagée et une vision stratégique et volontariste de la place de la France dans le monde.

Je suis aujourd’hui en charge de la conduite de la diplomatie de notre pays. Je peux vous le dire, mesdames, messieurs les sénateurs : jamais, depuis la fin de la guerre froide, les divergences, les tensions et le niveau de conflictualité n’ont été aussi élevés. Dans un monde pourtant de plus en plus interdépendant, la compétition est à son paroxysme, la coopération entre nations de moins en moins évidente, la multilatéralité en voie d’affaiblissement : les crises se sont multipliées dans le voisinage immédiat de l’Europe ; des stratégies de puissance s’affirment de façon de plus en plus agressive ; la concurrence économique, les tensions commerciales et les inégalités qu’engendre la mondialisation s’accroissent.

Dans ce contexte, la seule réponse qui vaille est à la fois nationale et européenne – les deux dimensions sont aujourd’hui inséparables. Si la France veut garantir sa sécurité, si elle veut défendre ses intérêts et affirmer ses valeurs, bref, si la France veut compter dans le concert des nations et continuer d’écrire par elle-même son histoire, alors sa souveraineté passe par son effort propre et aussi par l’Europe, mais une Europe réformée, capable de s’affirmer elle-même comme une puissance souveraine. Pour faire entendre sa voix, l’Union doit donc intégrer – j’y insiste – une culture du rapport de force qui lui a trop souvent fait défaut.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette Europe souveraine repose elle-même sur trois conditions : l’unité de l’Europe, d’abord, la protection de ses citoyens et de ses intérêts, ensuite, ce que j’appelle, enfin, la capacité de projection de l’Union européenne, c’est-à-dire sa capacité à agir comme un acteur global, à peser réellement sur les dossiers internationaux et à diffuser son modèle et ses valeurs.

La première condition de l’Europe souveraine, c’est le renforcement de son unité. Mais ce travail d’unification est voué à l’échec s’il ne prend pas réellement en compte les aspirations des peuples, dépositaires de la souveraineté européenne. Le peuple français, les peuples d’Europe doivent être de véritables acteurs de cette refondation si nous voulons qu’une authentique démocratie européenne existe.

C’est la raison pour laquelle la France propose l’organisation de « conventions démocratiques » dans tous les États membres qui souhaiteront participer à cette initiative. Il s’agit de redonner la parole aux citoyens et de débattre sur le fond, au plus près du terrain, des priorités de l’Union pour les années à venir. Au premier semestre 2018, chaque État membre qui le souhaite pourra déployer, selon les modalités qui lui paraissent les plus adaptées, une série de débats et d’échanges dont les conclusions seront mises en commun pour préparer l’échéance de 2019 et refonder l’Europe en répondant mieux aux attentes des citoyens, lesquels auront, cette fois, été consultés en amont.

La ministre chargée des affaires européennes, Nathalie Loiseau, est mobilisée pour donner corps à ce projet de la façon la plus large possible, avec les acteurs politiques, les acteurs sociaux, les acteurs syndicaux, la société civile, pour qu’une vraie mobilisation puisse se mettre en œuvre.

Renforcer l’espace démocratique européen, le mettre en mouvement, l’animer par un projet dépassant les seules formations politiques nationales, c’est aussi le sens de la proposition du Président de la République visant à créer une circonscription européenne. Les députés européens seraient élus sur la base de listes transnationales, selon un principe simple : rassembler des candidats de même sensibilité politique mais de nationalités différentes. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. C’est le fédéralisme !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cette circonscription transnationale sera l’occasion toute particulière d’une réponse européenne au Brexit.

L’unité de l’Europe est bien sûr une réalité politique ; c’est aussi une réalité économique – je vais y revenir. Mais la base, le socle sur lequel tous ces projets peuvent se construire, c’est le lien sensible, le vivre ensemble, en un mot, la conscience qu’ont nos concitoyens d’être des Européens. Fortifier cette conscience, en particulier dans notre jeunesse, par l’enseignement, par les échanges universitaires et par les échanges d’apprentis, c’est garantir l’avenir de l’idée européenne, cet universel qui se dit en plusieurs langues, cette civilisation que chacune de nos cultures nationales exprime d’une façon propre, singulière.

Il y a là, également, un enjeu d’égalité. Notre jeunesse n’a jamais été aussi mobile, aussi ouverte sur le monde, et en premier lieu sur les pays européens. Assurer une égalité d’accès à l’horizon européen : c’est aussi de cette manière que nous conjuguerons l’unité de l’Europe et l’exigence démocratique.

Les objectifs qui ont été affichés par le Président de la République sont ambitieux. Ceux qui veulent aller plus loin, plus vite, doivent pouvoir le faire sans en être empêchés. Les coopérations seront ouvertes à tous, avec pour seul critère le niveau d’ambition partagée. Le Président de la République a d’ailleurs proposé de réunir au sein d’un « groupe de la refondation européenne » tous les États membres qui partagent cette vision, afin de définir les mesures qui traduiront concrètement cette ambition à l’horizon 2024.

À cet égard, je dois dire que l’accueil réservé par nos partenaires à nos propositions – lesquelles sont en lien avec celles portées par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker –, lors du sommet des chefs d’État ou de gouvernement de Tallinn, montre que cet exercice collectif de refondation a toutes les chances d’aboutir. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui est aujourd’hui même à Paris, présentera dans les prochaines semaines une feuille de route en ce sens.

Pour avancer, l’Allemagne sera notre partenaire majeur. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la République fédérale est entrée dans une période de négociation du contrat de coalition sous l’égide d’Angela Merkel. Je tiens d’ailleurs à souligner la qualité des relations qui se sont nouées depuis plusieurs années entre les ministres allemands et les membres du Gouvernement.

Cette base politique et relationnelle est essentielle pour porter le projet européen, d’autant plus que les élections allemandes, et notamment le score très élevé de l’extrême droite, ont révélé que le scepticisme voire le rejet de l’Europe étaient également un risque outre-Rhin. La meilleure réponse à ce risque sera apportée par l’action conjointe d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron pour permettre à l’Europe de progresser en puissance et de relever les grands défis qui nous font face, et ce dans la solidarité.

Nous avons si souvent été le moteur de l’Europe par le passé ; nous le serons de nouveau demain. Le Président de la République a souhaité l’élaboration d’un nouveau traité de l’Élysée. Ce pourrait être le creuset du futur projet européen.

L’unité de l’Europe doit aussi se manifester face à la crise migratoire. Ce drame exige la solidarité des pays européens : solidarité s’agissant de l’accueil et du droit d’asile, mais solidarité, aussi, dans l’aide à apporter aux pays de départ et de transit, afin d’éviter que celles et ceux qui font l’objet de tentations de la part des passeurs ne risquent leur vie pour rejoindre l’Europe.

C’est dans ce but que le Président de la République a réuni à Paris, le 28 août dernier, ses homologues allemand, espagnol, tchadien, nigérien, ainsi que la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini.

C’est aussi le sens des mesures concrètes que le Président a exposées dans son discours de la Sorbonne – je pense à la mise en place d’un véritable office européen de l’asile pour harmoniser les procédures, ou encore à la création d’une police aux frontières européenne.

Sur ce sujet comme sur d’autres, l’exigence de solidarité européenne repose sur un équilibre, une réciprocité, entre les droits et les obligations. La cohésion entre les États, la cohérence et la légitimité du projet européen passent par là.

L’unité de l’Europe passe également par une convergence sociale et fiscale accrue. Jacques Delors a coutume de dire que « le modèle économique européen doit se fonder sur trois principes : la concurrence qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit ».

Force est de reconnaître que l’Union européenne a davantage avancé sur le premier volet que sur les deux autres. Or il est fondamental de préserver un équilibre pour que les États membres convergent économiquement et socialement, et le fassent vers le haut. C’est ce que nous demandent nos concitoyens.

Je pense notamment au travail détaché ; je sais que ce sujet mobilise l’attention et le travail du Parlement. La directive actuelle n’est satisfaisante pour personne : ni pour les travailleurs français, qui font face à une concurrence déloyale, ni pour les travailleurs étrangers, dont les conditions de vie et de travail sont souvent insuffisamment protectrices, ni pour leurs pays d’origine, qui souffrent d’une insuffisance de main-d’œuvre qualifiée.

L’ensemble des ministres concernés par ce dossier est mobilisé, avec une méthode claire : parler à tous, écouter nos partenaires, notamment les pays d’Europe centrale et orientale, afin de dégager des convergences avec le plus grand nombre d’entre eux.

J’ajoute que la convergence sociale passe aussi par la définition d’un socle minimal des droits sociaux européens. Parvenir à cet objectif est indispensable ; cela fait partie de la refondation, et le Premier ministre participera à Göteborg, dans les jours qui viennent, à une rencontre dont l’objectif est que nous avancions sur ce sujet.

Cette convergence des niveaux de développement est aussi le but du Fonds de cohésion, qui bénéficie aux États membres les plus éloignés du niveau moyen de développement en Europe. Il s’agit d’un outil puissant et nécessaire pour minimiser les disparités entre les régions, ce qui profite en même temps à la croissance collective.

Ce même objectif de minimiser les disparités au sein de l’Union guide l’affectation des fonds structurels. La France bénéficie, sur la période 2014–2020, de 27 milliards d’euros au titre des différents fonds. Les élus que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, savent l’importance de ce soutien européen à notre politique de cohésion économique, sociale et territoriale.

Sur le terrain économique, la condition de l’unité européenne est bien sûr le marché unique, avec, aujourd’hui, un objectif : progresser sur l’Union économique et monétaire, en poursuivant l’établissement de l’Union des marchés de capitaux, afin de stimuler la croissance en favorisant l’investissement et l’innovation. De même, les discussions doivent se poursuivre sur l’achèvement de l’Union bancaire, avec la mise en place d’un système européen de garantie des dépôts.

Plus généralement, nous devons faire de l’Europe une véritable puissance économique et monétaire, et c’est pour cette raison que le Gouvernement porte une ambition forte pour la zone euro. Nous souhaitons ainsi la renforcer, pour qu’elle puisse en particulier mieux garantir ses membres contre les crises financières lorsque c’est nécessaire. La proposition du Président de la République de créer un budget de la zone euro constitue un objectif pragmatique au service de cette ambition.

Le renforcement de la zone euro nécessitera également d’inventer une gouvernance adaptée, avec un ministre commun et un contrôle parlementaire au niveau européen, devant lequel ledit ministre devra rendre compte de son action. Mais, plus encore qu’une gouvernance, il sera nécessaire de définir les grandes orientations économiques et politiques de la zone euro, pour permettre à celle-ci de s’affirmer comme une puissance économique mondiale capable de défendre les intérêts des États membres.

Cette exigence de protection, c’est le deuxième élément qui définit aujourd’hui notre ambition d’une Europe souveraine.

Le souci de protection est inhérent au projet européen, y compris dans ses politiques les plus anciennes et les plus emblématiques. En effet, quelles étaient les préoccupations des Européens lorsqu’ils instituèrent la politique agricole commune ? C’étaient la protection du revenu des agriculteurs, la sécurité alimentaire, la protection des consommateurs. À ces objectifs historiques se sont ajoutés la protection de l’environnement et le développement rural. Et nous devons, dans le cadre d’une PAC rénovée, nous assurer que ces objectifs essentiels seront encore mieux atteints, afin que notre agriculture assure un niveau de vie décent aux producteurs et que les consommateurs puissent accéder à des produits agricoles de qualité à un juste prix.

M. Didier Guillaume. C’est indispensable !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Par ailleurs, s’agissant de protection, la création du Fonds européen d’aide aux plus démunis a permis à la France de recevoir, sur la période 2014–2020, 500 millions d’euros pour la fourniture d’aide alimentaire aux plus démunis. Cela représente, pour les associations qui agissent dans ce domaine, un quart de leurs frais de fonctionnement et d’intervention.

Mais, dans le cadre d’une mondialisation aujourd’hui perturbée par la concurrence entre grands blocs économiques et par les tentations isolationnistes, une Europe qui protège, c’est aussi une Europe qui cesse d’être naïve dans le domaine commercial. Dans ce domaine, nous progressons, et je veux ici saluer la décision du Conseil européen de se doter d’une nouvelle méthode de calcul des distorsions de marché résultant de l’intervention de l’État dans les pays tiers. S’agissant de la lutte contre la concurrence commerciale déloyale, nous veillerons à ce que la Commission fasse plein usage de ce nouvel instrument anti-dumping, en vue de défendre l’industrie européenne.

Plus largement, nous devons refonder la politique commerciale européenne : les négociations commerciales ne peuvent plus être menées portes fermées. Elles doivent être transparentes ; elles ne peuvent plus concerner seulement les tarifs et les tonnages ; elles doivent pleinement garantir le respect des normes sanitaires et environnementales et contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique.

Je le dis devant votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs : les accords de demain devront être plus complets que ne l’est le CETA, l’Accord économique et commercial global. Comprenons-nous bien : cet accord reste un bon accord, par les ouvertures de marchés qu’il autorise, et parce qu’il prévoit un véritable mécanisme juridictionnel de règlement des différends sur les investissements. Mais doit lui être adjoint un instrument complémentaire, dans le domaine climatique en particulier. C’est la voie choisie par le Gouvernement. En outre, le Parlement sera informé à chaque étape préparatoire de la ratification du CETA.

D’ailleurs, les négociations engagées en vue d’autres accords devront être menées dans la plus grande transparence. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a aussi proposé que soit rapidement mis en place un « procureur commercial » au niveau européen, chargé d’assurer la protection de nos intérêts face aux pratiques commerciales litigieuses qui sont en permanence à l’œuvre dans les échanges internationaux.

Parce qu’une puissance doit définir ses intérêts stratégiques, la souveraineté de l’Europe passe également par la sauvegarde de ses intérêts économiques majeurs. Comme vous le savez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a présenté, à la suite de son discours sur l’état de l’Union, une proposition visant à établir un cadre pour la surveillance des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques au sein de l’Union. Aujourd’hui, certains États membres, comme la France, sont dotés, en la matière, de dispositifs performants ; d’autres disposent de mécanismes qui le sont moins ; certains États en sont tout simplement dépourvus. Une coordination européenne est indispensable dans le cadre du marché unique.

L’Europe de la protection s’entend également sur le terrain de la défense et de la sécurité. Je l’ai rappelé : les crises internationales affectent nos intérêts dans des zones toujours plus proches de l’Europe. La Syrie, la Libye, le Sahel, l’Ukraine sont à proximité ou à nos portes, avec des effets directs sur l’ensemble des pays européens. Ces crises engendrent la menace terroriste ; elles font craquer les frontières de Schengen ou vaciller l’architecture de sécurité européenne. Cette situation exige que nous soyons collectivement capables de définir nos intérêts fondamentaux de sécurité.

La France, en raison de ses capacités et de son engagement, doit être à l’initiative, s’agissant, en premier lieu, de la manière dont nous définissons nos propres intérêts nationaux en relation avec la souveraineté de l’espace européen.

Avec l’Allemagne, nous avons aussi un partenaire de plus en plus conscient des menaces diverses qui pèsent sur l’Europe, à l’est comme sur son flanc sud – on l’a vu ces dernières années en Afrique – : nous pouvons donc, sur ce terrain, avancer avec elle.

La définition d’une doctrine stratégique commune européenne, c’est la condition sine qua non de la mise en œuvre de l’autonomie stratégique européenne : c’est en effet à partir d’une conception partagée de ces intérêts communs que nous pourrons définir les capacités, le budget et la culture de sécurité commune qui donneront corps à cette dimension fondamentale de la souveraineté européenne.

Concrètement, s’agissant de l’Europe de la défense, vous le savez, deux avancées majeures ont été récemment enregistrées.

D’abord, il y a le projet d’une coopération structurée permanente, la CSP. Sur la base d’une contribution proposée voilà un an par la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et soutenue par la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Finlande et la République tchèque, une liste précise de critères à remplir pour participer à la CSP a été établie et approuvée, assortie d’un mécanisme de vérification permettant de garantir que ces critères ambitieux sont respectés par les États membres désireux de participer à cette coopération.

Les États de la CSP s’engagent à fournir un effort particulier en termes de développement de leur capacité de défense, mais aussi de mise à disposition d’unités de combat pour des missions communes. Il appartient désormais aux États membres qui le souhaitent de notifier leur volonté de participer à la CSP et de démontrer qu’ils respectent les critères que nous avons fixés collectivement, et ce avant la fin de l’année.

Le deuxième aspect des avancées dans le domaine de la défense est la proposition par la Commission de créer un programme européen pour le développement de l’industrie de défense qui doit financer des investissements nationaux dans la recherche, le développement de prototypes et l’acquisition d’équipements et de technologies.

Il s’agit d’une avancée considérable. Les négociations sur ce programme, que l’on appelle le Fonds européen de défense, sont en cours. Il serait souhaitable qu’elles aboutissent avant la fin du premier semestre 2018. L’enjeu sera ensuite de le doter de financements suffisants. Les perspectives devront être négociées dans le cadre financier pluriannuel prévu à cet effet. Ces financements pourront atteindre 500 millions d’euros par an. On le voit, c’est un saut qualitatif tout à fait significatif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a exposé les principales clefs d’une Europe souveraine à construire : outre la sécurité, il a cité la maîtrise des flux migratoires, la stabilisation de son voisinage, la confirmation d’une transition écologique efficace et équitable, l’affirmation en tant que puissance d’innovation, en particulier numérique, et la puissance économique et monétaire.

Sur toutes ces politiques structurantes, le Président a fait des propositions opérationnelles ; vous les avez entendues. Il a proposé sur chaque point, à la fois, une vision et des projets concrets. Dans chacun des domaines, l’objectif est de construire une Europe capable d’agir comme une puissance globale. C’est la troisième dimension de l’Europe souveraine : sa capacité de projection.

Je pense notamment à l’action que nous devons mener à l’échelle européenne s’agissant de la régulation de la mondialisation et des inégalités qu’elles engendrent. Le sentiment d’être laissés pour compte est partagé par une part croissante des citoyens européens ; l’espérance du progrès social qui a animé nos sociétés est mal en point. Cette perception, qui oscille entre le désenchantement et la colère, affecte profondément notre vie démocratique. Elle met au défi les responsables politiques de proposer un chemin qui fait le pari de l’optimisme, du progrès et de l’ouverture, plutôt que de l’isolement, du repli et du déclin.

Ce que nos citoyens réclament, c’est non pas le projet irréaliste d’une sortie de la mondialisation, mais une mondialisation organisée selon des règles justes et équitables. L’Europe est un acteur économique de premier plan, de même niveau que la Chine ou les États-Unis. Elle a donc des arguments à faire valoir dans les instances internationales pour agir en faveur de cette régulation que nos peuples réclament, sous réserve qu’elle soit unie et déterminée.

De même, elle doit agir pour le développement économique et humain, tout particulièrement en Afrique. De ce point de vue, l’Alliance pour le Sahel lancée cet été avec l’Allemagne et l’Union européenne a valeur d’exemple. Cet effort sera poursuivi avec la proposition du Président de la République de reprendre les travaux relatifs à la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières, dont le produit serait intégralement affecté au développement.

C’est aussi le cas s’agissant de la lutte contre le réchauffement climatique et pour l’environnement. Dans ce domaine, l’Europe doit être exemplaire, pour convaincre à l’échelle mondiale. C’est le sens de la proposition de travailler à un juste prix du carbone et à l’instauration d’une taxe aux frontières extérieures de l’Union afin de compenser le différentiel d’ambition environnementale pour les entreprises les plus exposées à la concurrence internationale. Par ailleurs, la méthode d’action pour assurer un consensus des États autour de l’Accord de Paris en dépit de la décision américaine de retrait prouve, là encore, que la voix de la France porte lorsqu’elle est bien coordonnée avec nos partenaires européens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’Europe, ce sont des valeurs, celles de la démocratie, des droits et des libertés publiques, de la paix et de la coopération.

Dans un monde en proie aux incertitudes, la volonté d’ouverture à laquelle le Président de la République invite l’Europe répond à une exigence de responsabilité. L’unité, la protection, ce sont les conditions pour que l’Europe puisse se projeter et contribuer efficacement à la stabilité de l’ordre international, pour que les normes qu’elle incarne soient un modèle crédible à l’échelle du monde.

Pour la génération qui naît aujourd’hui à la conscience politique, l’idée européenne passe pour une évidence. Nous pouvons nous en réjouir, bien sûr, tant ce sentiment illustre les soixante-dix ans de silence des armes que le projet européen a rendu possible entre nos États, grâce à une construction « bâtie sur l’idée de réconciliation et qui reste la meilleure garantie de paix », comme le rappelait sans cesse Simone Veil.

Mais si nous voulons bâtir l’avenir de l’Europe, nous devons aussi nous rappeler que les créations humaines en apparence les plus assurées peuvent être balayées par les fracas de l’histoire, voire par la folie des hommes.

La valeur de la construction européenne, cette création politique unique, mesurons-la non seulement en termes de succès économiques mais aussi en la ramenant à son origine, celle des drames du siècle passé et de la volonté qui permit de les dépasser. Chacune des générations de notre pays peut rattacher la naissance de sa conscience européenne à un événement marquant, à un projet fédérateur : je pense aux ruines de la guerre dont notre pays s’est relevé et aux premiers efforts de réconciliation avec l’Allemagne dans une Europe divisée par la guerre froide ; je pense à la liesse lors de la chute du mur de Berlin ou à l’émotion immense de voir Helmut Kohl et François Mitterrand main dans la main devant l’ossuaire de Douaumont ; je pense au projet et à la concrétisation de la monnaie unique.

Quel sera pour notre jeunesse, elle qui incarne l’avenir de l’idée européenne, elle qui devra en assumer demain la responsabilité, l’événement, le projet à partir duquel elle fera sien l’idéal européen ? C’est la question à laquelle nous devons répondre collectivement par notre détermination et notre action.

L’horizon de notre souveraineté est européen. C’est en construisant avec l’ensemble des États membres de l’Union une Europe souveraine que nous assumerons nos responsabilités à l’égard du peuple français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre Louault ainsi que Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)

M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.

Dans le débat, la parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République en marche.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, madame la ministre chargée des affaires européennes, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous dire mon immense satisfaction quant à la tenue ici de ce débat sur l’avenir de l’Union européenne.

Des débats en séance publique sur l’Europe, nous en avons assez régulièrement, mais ils ne rassemblent en général guère plus d’une vingtaine de sénateurs, bien loin de l’affluence d’aujourd’hui.

Ces débats ont habituellement lieu à la veille de chaque sommet européen, en présence du secrétaire d’État aux affaires européennes.

Sur le fond, nous égrenons à cette occasion un ordre du jour prévisionnel pléthorique, renvoyant à une multitude de points assez hétérogènes qui ressemble plus à une liste à la Prévert qu’à un véritable panorama de l’état de l’Union.

C’est donc une excellente chose que nous ayons enfin un débat générique sur l’avenir de l’Europe et je trouverais, monsieur le ministre, particulièrement pertinent, si vous l’acceptiez, d’annualiser cet important rendez-vous.

En militant de l’Europe que je suis depuis plus de trente-cinq ans, je ne vous cache pas non plus la joie que me procure votre présence à ce débat ainsi que le nouvel intitulé de votre ministère : ministère de l’Europe et des affaires étrangères ! Excusez-moi de la trivialité de mon langage, mais cela a tout de même plus de « gueule » et surtout plus de sens que « ministère des affaires étrangères et du développement international » – un intitulé pas si ancien que cela et qui dénote une époque où l’on avait l’Europe discrète, pour ne pas dire l’Europe honteuse, dans ce pays.

Ce nouvel intitulé du Quai d’Orsay n’est pas qu’un symbole, il est le fruit de la volonté d’un Président français qui, contrairement à ses plus récents prédécesseurs, a la matrice et la fibre européennes viscéralement ancrées en lui. (M. Roger Karoutchi rit.)

Mais la première grande audace d’Emmanuel Macron, ce fut d’avoir osé mettre l’Europe au cœur de sa campagne présidentielle, et ce à un moment où notre pays, comme notre continent, était traversé par une succession de crises majeures.

Son audace originelle fut donc d’avoir osé présenter l’Europe non plus comme une contrainte, mais comme un véritable atout pour notre pays ! Et sa force politique aujourd’hui, en tant que Président en exercice, c’est de ne cesser de parler d’Europe, de parler à l’Europe et pour l’Europe.

De fait, la persévérance européenne du Président n’est pas discutable et son discours de la Sorbonne du 26 septembre dernier ne saurait être lu comme une fulgurance d’un jour qui remiserait la question européenne au rang des dossiers à ne ressortir qu’à la veille des prochaines échéances européennes.

Non, ce discours, pour important qu’il soit – et il l’est ! –, s’inscrit dans une série d’interventions majeures d’Emmanuel Macron, avant et après son élection, sur la centralité de l’enjeu européen pour notre pays.

À celles et à ceux qui s’étonnent de sa volonté pragmatique, exprimée à la Sorbonne, d’aller de l’avant, quitte à avancer d’abord avec un groupe d’États volontaires pour déverrouiller le blocage institué par la règle de l’unanimité, sur les défis aujourd’hui les plus capitaux que nous devons affronter, je renvoie à la lecture de son discours du 18 avril 2016 à Bruges devant le Collège d’Europe, alors qu’il était encore ministre et qu’il venait tout juste de lancer le mouvement En Marche !

À celles et à ceux qui s’étonnent de voir l’importance primordiale qu’il accorde à la construction d’une défense et d’une véritable politique de sécurité commune, je renvoie au grand meeting d’Emmanuel Macron du 19 avril dernier à Nantes (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.), à quatre jours du premier tour de l’élection présidentielle, où nous étions, monsieur le ministre, tous deux présents.

M. Roger Karoutchi. M. le ministre préfère ne pas s’en souvenir !

M. André Gattolin. Merci, cher ami Karoutchi !

Enfin, à celles et à ceux qui s’étonnent de son propos à la Sorbonne sur la souveraineté européenne et sur la reconquête de notre souveraineté nationale « dans et par l’Europe », en même temps que de son affirmation de l’urgence démocratique à mettre en place – dès le premier semestre 2018 – des conventions démocratiques visant à définir avec tous les citoyens d’Europe le cap à donner à l’Union pour les années à venir, nous renvoyons au discours qu’il a prononcé le 7 septembre dernier, à Athènes. (Exclamations sur plusieurs travées.)

Mme Éliane Assassi. Qu’est-ce qu’il a parlé !

M. André Gattolin. À Athènes, où il a également affirmé son souhait de voir instaurer des listes transnationales dès les prochaines élections européennes de 2019.

L’idée en soi n’est pas nouvelle,…

M. Roger Karoutchi. Ah ça, oui !

M. André Gattolin. … et le Parlement européen avait échoué à l’imposer à l’occasion des élections européennes de 2014.

Les vieilles formations politiques nationales, même grimées en pseudo-partis européens, ont la vie dure, en particulier en France où la question européenne semble être une chose trop sérieuse pour être abandonnée à des élus qui pensent « Europe » et agissent véritablement en Européens.

Mais le fait que cette proposition soit aujourd’hui portée par le président de l’un des principaux État membres de l’Union rend assez difficile sa mise à l’écart d’un simple revers de main. (M. Roger Karoutchi sourit.)

Il n’y aura pas, mes chers collègues, d’Europe puissante, souveraine et démocratique si nous ne sommes pas capables de faire émerger non pas une classe politique européenne, mais une représentation politique de « classe européenne » dans l’ensemble des États membres.

Un des plus grands succès de l’Union au cours des dernières décennies a été et demeure sans conteste le programme Erasmus. Eh bien, mes chers collègues, il est grand temps d’instaurer un Erasmus de la représentation politique en Europe. (M. Roger Karoutchi rit.)

Être député européen ne saurait se réduire à une commutation Paris-Bruxelles ou Paris-Strasbourg…

M. André Gattolin. Si vous étiez membre de la commission des affaires européennes, vous le sauriez, mon cher ami !

De même, être parlementaire national, avec toutes les prérogatives de contrôle et de transposition des directives européennes dont nous disposons, supposerait qu’une part significative d’entre nous accepte d’être détachée pour une durée d’au moins trois mois au cours de leur mandat, soit dans un autre parlement national de l’Union, soit au sein du Parlement européen.

De cette appréhension très concrète d’une autre culture politique de l’Union, notre représentation nationale gagnerait, je le crois, en agilité européenne et donc en influence réelle sur la manière dont l’Europe, notre Europe, se construit.

En conclusion, ce n’est donc pas, mes chers collègues, à un « enlèvement d’Europe », comme cela a été écrit, mais bien à un « élèvement » de la France par l’Europe et pour l’Europe auquel le Président Macron nous convie.

Nous aurions tort, je crois, de ne pas relever le défi qui nous est lancé ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Mme Éliane Assassi. La droite va être d’accord !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, le 7 septembre, devant le Parthénon, symbole éternel de la sagesse grecque, sur la Pnyx, colline de l’exercice de la démocratie athénienne, premier gouvernement du peuple par le peuple, le Président Macron a posé cette question : « Qu’avons-nous fait, nous, de la démocratie ? »

Soixante ans après le traité de Rome, le bilan est en effet amer. Partout en Europe, les droits de l’homme régressent, alors qu’ils étaient considérés par les traités non seulement comme le fondement des institutions européennes, mais aussi comme le principe régulateur des relations avec nos voisins.

Au sein de l’Union, des droits fondamentaux sont bafoués, qu’il s’agisse de l’indépendance de la justice, de la liberté de la presse, des libertés académiques, des droits des syndicats, des minorités ou de ceux des femmes.

Alors qu’en juin dernier notre communauté nationale s’est retrouvée unie pour célébrer l’œuvre accomplie et le message délivré par Simone Veil, grande figure européenne qui fait notre fierté, l’accès libre des femmes au droit à l’intervention volontaire de grossesse est menacé dans plusieurs des États membres et de plus en plus entravé dans notre pays même.

Comment ne pas s’indigner en pensant à l’opprobre jeté à la face de celles et ceux qui ont choisi d’offrir le don d’amour à une personne du même sexe ?

Que dire de la honte qui nous accable en pensant au triste sort que nous avons réservé à nos sœurs et à nos frères en humanité fuyant la terrible guerre qui ravage, à nos portes, la Syrie, pays avec lequel nous partageons pourtant une frontière ?

La semaine dernière, l’Europe a offert au reste de l’humanité le spectacle affligeant du sang versé pour empêcher des citoyennes et des citoyens de voter. La Commission européenne justifie son lourd silence complice par son obligation de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État membre. Elle a été beaucoup moins neutre quand il s’est agi d’imposer au gouvernement grec de baisser les pensions de ses retraités les plus pauvres.

M. Pierre Ouzoulias. La solvabilité de la dette passe avant la défense du droit de vote !

Pourquoi continuer d’ignorer, dans le continent le plus riche de la planète, la misère croissante de celles et ceux qui sont privés de travail, qui n’ont plus de toit, qui ne peuvent plus se soigner et qui viennent chaque jour grossir les files des soupes populaires, comme aux heures les plus sombres de notre histoire européenne ?

Allons-nous effacer encore longtemps de nos consciences humaines la pitoyable existence de celles et ceux qui travaillent le jour et dorment la nuit dans leur voiture ?

En Allemagne, dans ce pays érigé en modèle pour une Europe que vous appelez de vos vœux, 22 % des salariés ont un salaire mensuel inférieur à 980 euros. Pis, près de 5 millions d’actifs vivent avec moins de 450 euros par mois. Cette misère sociale, cette incapacité croissante des salariés à vivre dignement des fruits de leur dur labeur attisent les braises de l’extrémisme et poussent les électeurs vers des partis antidémocratiques, racistes et xénophobes. Pour la première fois depuis la fin de la guerre, 94 députés nazis vont siéger sous la coupole du Reichstag. Entendez ce coup de tonnerre d’un orage à venir qui pourrait être bien plus terrible !

Aujourd’hui, vous nous proposez d’appliquer à la France ces vieilles recettes en instaurant un gouvernement économique de la zone euro totalement soumis aux critères de l’ordolibéralisme allemand. Vous voulez priver notre Parlement de ses prérogatives budgétaires pour les confier au gouvernement des techniciens parce que vous jugez qu’en cette matière il est toujours plus efficace de donner le pouvoir à des personnes qui ne le détiennent pas du peuple.

Quelle est la puissance des dogmes qui vous aveuglent et vous empêchent de reconnaître que la précarité, sous le joug de laquelle vous assujettissez des pans toujours plus importants de nos sociétés, nous conduit à l’abîme ? Comment ne pas comprendre que les peuples refuseront maintenant d’être dépossédés de leur souveraineté au profit d’instances non élues qu’ils jugent responsables de la dégradation de leur condition matérielle ?

Oui, nous pensons avec vous qu’il faut refonder l’Europe, mais, par pitié, sur d’autres bases et avec d’autres principes que ceux qui, aujourd’hui, condamnent l’idée européenne dans son essence même.

Offrez aux peuples l’utopie mobilisatrice d’une République universelle, démocratique et sociale, un grand rassemblement des femmes et des hommes libérés de la peur du lendemain, rassurés sur leurs conditions d’existence et disponibles pour travailler ensemble à l’avènement d’une nouvelle République !

Retrouvez l’esprit qui anima jadis la démocratie athénienne, pour laquelle l’exercice du métier de citoyen imposait d’abord de vivre bien ensemble.

Je conclurai par ces fortes paroles de Victor Hugo, notre collègue, qui siégeait à la gauche de cet hémicycle, à la place aujourd’hui occupée par Mme Assassi.

En 1860, depuis son exil, refusant la soumission à la dictature de celui qu’il appelait « Napoléon le Petit », il déclarait : « Ô mes frères en humanité ; c’est l’heure de la joie et de l’embrassement. Mettons de côté toute nuance exclusive, tout dissentiment politique, petit en ce moment ; à cette minute sainte où nous sommes, fixons uniquement nos yeux sur cette œuvre sacrée, sur ce but solennel, sur cette vaste aurore : les nations affranchies, et confondons toutes nos âmes dans ce cri formidable digne du genre humain : vive la liberté ! » (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, débattre de l’avenir de l’Union européenne, c’est débattre de notre propre avenir, de celui de tous les Français, c’est donner une vision et un espoir pour les générations à venir. C’est, pour reprendre la formule que vous avez utilisée, monsieur le ministre, « quantifier la conscience de nos concitoyens d’être Européens ». C’est aussi retrouver l’esprit qui a guidé les Pères fondateurs de notre Union.

Lors de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à proposer une refondation de l’Union européenne. Force est de constater que, depuis son élection, le Président de la République ne s’est pas ménagé sur ce dossier, et je souhaite saluer sa détermination ainsi que le contenu des deux discours ambitieux qu’il a prononcés, début septembre à Athènes et il y a deux semaines à la Sorbonne. Le Président de la République a posé les bases de son engagement et de son ambition pour l’Europe.

Pour retrouver le souffle originel de l’Europe, deux piliers solides me paraissent importants à mettre en exergue : une Europe plus démocratique devrait permettre de renouer le lien avec les citoyens européens ; une Europe plus protectrice doit assurer un rôle concret aux institutions de l’Union.

Dans un premier temps, il apparaît une volonté de recréer une « Europe souveraine, unie et démocratique », comme énoncé dans le discours de la Sorbonne. Cette refondation démocratique ne pourra se faire qu’en associant l’ensemble des citoyens à la réflexion et aux décisions à prendre. Nous ne pouvons plus « jouer » avec l’opinion publique, comme cela a été souvent le cas lors des décennies écoulées, en particulier après différents référendums plus ou moins concluants.

Le Président de la République a proposé que soient organisées des conventions démocratiques en 2018 dans l’ensemble des États membres qui le souhaitent, afin d’écouter et de faire débattre les Européens entre eux. La reconstruction doit partir des peuples. C’est le meilleur moyen de donner l’envie d’Europe. C’est aussi une bonne manière d’intégrer des idées nouvelles soutenues par les citoyens.

Je pense que les parlements nationaux auront également toute leur place dans ces conventions. Il sera d’ailleurs important que notre commission des affaires européennes – n’est-ce pas, monsieur le président Bizet ? – contribue à ces débats. Nous savons, monsieur le président du Sénat, pouvoir bénéficier de votre soutien.

Nous avions produit l’année dernière un important rapport avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, intitulé Relancer l’Europe : retrouver l’esprit de Rome. Il pourrait servir de base à une réflexion qui s’inscrit dans le cadre des propositions du Président de la République.

Redonner du sens à la démocratie européenne, c’est aussi redonner une légitimité au Parlement européen. La proposition de listes transnationales aux prochaines élections européennes va dans le bon sens : elle améliore le sentiment d’appartenance à une communauté de citoyens européens, la possibilité de partager un projet.

Cela devrait peut-être également passer par un rééquilibrage des pouvoirs entre les différentes institutions communautaires, avec un Parlement plus représentatif, plus démocratique. Vous connaissez aussi l’importance de la question des moyens, du montant du budget européen, de la possibilité de disposer d’un budget de la zone euro.

Étant donné l’état de l’opinion publique, et ce depuis de nombreuses années, il y a urgence à lancer ces débats. Les deux années à venir seront, je l’espère, celles de la reconstruction démocratique. Notre pays en sera acteur ; il est revenu dans le débat, il a retrouvé « une volonté d’Europe », « une exigence de responsabilité », pour reprendre les mots de M. le ministre.

Dans un second temps, et au-delà de la refondation démocratique de l’Union, il nous faut lui redonner du sens, à la mesure de sa dimension et à la mesure des attentes des citoyens, et j’entends, à cet égard, que tout n’est pas qu’économie sur ces sujets. Pour cela, l’axe principal sur lequel je souhaite m’attarder est celui d’une Europe qui protège. La protection peut couvrir des champs naturellement divers.

Une Europe qui protège, c’est une Europe qui tend vers une convergence des droits sociaux, des droits des salariés et de la fiscalité.

À cet égard, l’initiative lancée par la France sur la révision de la directive dite « travailleurs détachés » est un marqueur fort, et elle est assez différente de ce qui a été dit par l’orateur qui m’a précédé. Aujourd’hui, la situation n’est convenable ni pour les salariés ni pour les entreprises, tant sont déséquilibrées les conditions de travail et de protection sociale.

Dans ce domaine, nous devons également nous lancer – c’est aussi une réponse à l’intervention précédente – dans une refonte des bases de la fiscalité des entreprises. La convergence fiscale doit être recherchée pour limiter le dumping entre les différents États membres. Elle doit également nous permettre de nous protéger des stratégies à caractère d’optimisation fiscale et anticoncurrentiel de certaines multinationales ; vous aurez reconnu la problématique propre aux « GAFA ».

Une Europe qui protège, c’est une Europe favorable au développement économique, à la recherche et à l’innovation technologique, mais c’est aussi une Europe suffisamment unie et puissante pour adopter des règles justes vis-à-vis de ce type d’entreprises, qui ne peuvent pas se développer au détriment des citoyens ou au détriment de plus petites sociétés.

Enfin, une Europe qui protège, c’est aussi une Europe qui assume des choix clairs en matière de sécurité et de défense.

Depuis plus de deux ans, toute l’Europe est la cible d’attentats, sans cesse plus meurtriers. Une réponse concertée et une protection forte au niveau de l’Union sont indispensables.

En matière de défense, l’Europe pourrait aussi se doter d’une force commune d’intervention et d’un budget de défense commun, tel que l’a proposé le Président de la République et tel que vous l’avez évoqué dans votre intervention, monsieur le ministre.

N’oublions pas non plus la dimension du renseignement dans la lutte contre le terrorisme : celui-ci se coordonne, s’organise au niveau européen.

Pour conclure, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui à cette tribune soutient totalement les démarches entreprises par le Président de la République pour refonder l’Europe et lui redonner tout son sens.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, nous avons le sentiment que la France retrouve une place de leader, une parole dans la construction européenne, et ce dans un partenariat de bon aloi avec nos voisins allemands.

Oui, mes chers collègues, nous avons besoin d’Europe, et surtout d’une Europe forte qui puisse jouer un rôle de pivot et de stabilisateur. Nous ne partageons pas la vision, même si elle est bien sûr respectable, de mon prédécesseur à cette tribune, car il ne faut pas exploiter toutes les facettes d’une volonté de catastrophe ou de déclinisme. Pour être plus explicite encore, je dirai que nous sommes fiers de siéger dans cet hémicycle devant le drapeau tricolore, mais également devant le drapeau de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe La République en marche et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, il y a quelques années encore, un débat sur « l’avenir de l’Union européenne » aurait paru incongru aux parlementaires que nous sommes tant la nécessité de la construction européenne ne faisait pas débat.

Nous nous accordions sur la réalité de cet avenir, sur le besoin de cet avenir et presque sur les modalités de cet avenir. Est-ce toujours le cas ? La question se pose et ce débat doit permettre d’y répondre. Monsieur le ministre, madame la ministre, avec le Gouvernement, vous devrez apporter ces réponses au peuple français.

Cette sérénité, cette confiance dans le projet européen nous ont fait oublier la nécessité de l’expliquer et, surtout, de le penser, voire de le repenser.

Aujourd’hui, l’Union européenne vit une crise majeure, une crise comme elle n’en a jamais connu auparavant qui peut avoir deux issues : la fin de l’idée européenne et de l’Europe telle que la battirent nos prédécesseurs – ce serait un désastre politique et humain –, ou alors le redémarrage d’une Europe de prospérité et de solidarité.

Nous devons avoir la volonté chevillée au corps de réinventer le rêve européen. Oui, monsieur le ministre, il faut un sursaut, un cap clair pour une véritable refondation de l’Europe.

Au moment où l’euroscepticisme gagne les rangs des Français, et plus largement des citoyens européens, où l’Union traverse des crises en donnant l’impression d’une totale non-maîtrise des événements, où les peuples d’Europe sont de plus en plus méfiants vis-à-vis du projet européen, ce type de débat est utile et devrait être plus courant.

Monsieur le ministre, je veux d’emblée vous assurer de notre soutien pour tout ce qui ira dans le sens d’un renforcement de l’Union, d’un approfondissement du projet européen et, surtout, d’une dynamique démocratique européenne.

Nous vous soutiendrons parce que notre pays en a besoin et parce que vous aurez besoin de la force du Parlement pour exprimer une position claire de la France sur la scène européenne. Nous croyons que c’est dans l’accomplissement d’un projet européen que les peuples d’Europe seront mieux protégés, en termes tant de sécurité physique que de garanties sociales.

Toutefois, sachez que notre exigence et notre vigilance seront fortes et constantes.

Nous croyons dans le projet européen, parce que nous reconnaissons ce qu’il a apporté aux peuples européens depuis soixante ans. Mais aussi parce que nous avons la volonté de corriger les erreurs qui ont pu émailler sa construction.

Contrairement à ceux qui ont baissé les bras, nous pensons l’Europe comme un enjeu politique primordial. Faire table rase serait une facilité et une erreur historique.

Quel reniement, quelle démission intellectuelle, quel déshonneur pour ceux qui veulent aujourd’hui faire disparaître les symboles européens comme le drapeau ! C’est absolument inacceptable ! Le Président de la République a annoncé qu’au prochain Conseil européen la France ferait une déclaration solennelle pour reconnaître le statut de l’hymne et du drapeau européens. Nous y sommes totalement favorables, car la politique et la construction européennes est aussi affaire de symboles.

Construire est bien évidemment plus complexe, plus long, plus difficile que de renier, mais bien plus utile aux peuples. C’est vers cette nouvelle construction européenne que nous souhaitons nous diriger.

À ce titre, je souhaite vous alerter sur deux dangers qui pèsent sur ce projet.

Le premier danger est celui de l’éclatement : il a déjà commencé. Les tenants de l’explosion ou de l’implosion du projet européen sont nombreux. Notre mobilisation, votre action doivent être totales contre ce risque. Nous devons y répondre en affirmant notre volonté d’une Europe intégrée et unie.

Le phénomène britannique n’est pas isolé. Dans notre pays, la dernière élection présidentielle a montré que la remise en cause de l’Union était de plus en plus forte. Sous deux formes différentes, à l’extrême droite et à l’extrême gauche, les opposants à l’Europe, les eurosceptiques, ont fait plus de 40 %.

En Allemagne, l’extrême droite est entrée au Parlement. En Hongrie ou en Pologne, les opposants au projet européen sont même au pouvoir.

La menace d’éclatement de l’Union européenne n’est pas uniquement virtuelle. Si une partie des Britanniques regrettent déjà leur sortie, personne ne peut dire ce qu’un référendum du même type donnerait aujourd’hui dans un autre pays. Ce mouvement pourrait devenir une lame de fond contre toute espèce de solidarité.

C’est d’ailleurs bien cette volonté « de ne pas payer pour les autres » qui a présidé pendant des années au traitement du dossier grec, jusqu’à ce que la menace du Grexit fasse évoluer les positions.

La France a été à la pointe et a joué un rôle déterminant dans le règlement de la crise grecque. La France compte et doit continuer à compter dans le concert des nations. Ce danger de l’éclatement doit donc nous rappeler au principe de solidarité au sein de l’Union. La construction purement économique a trop écarté ce besoin de solidarité entre les peuples, alors que nos sociétés sont devenues de plus en plus interdépendantes.

Ce paradoxe doit être résolu dans cette nouvelle phase du projet européen.

Certes, il faut aller dans le sens d’une union monétaire renforcée, d’un budget efficace aux ressources propres, de l’harmonisation des politiques, notamment fiscales, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. Mais il est absolument indispensable d’aller vers une convergence sociale avec l’adoption d’un socle européen des droits sociaux, sous peine d’un retour en arrière de l’idée européenne par une grande majorité de citoyens européens.

La solidarité européenne, c’est aussi le partage de l’effort de sécurité. La France, d’autant plus avec le départ du Royaume-Uni, ne peut plus assumer seule, ou presque seule, la protection de tout un continent.

Le contexte terroriste et le besoin du renforcement militaire de notre pays ont montré l’urgence d’une plus grande unité militaire en Europe, et je parle devant l’expert que vous êtes, monsieur le ministre. Les propositions du Président de la République en la matière sont fortes. Espérons que le projet européen de défense puisse enfin voir le jour.

Le second écueil auquel nous serons vigilants est celui de la déconnexion du projet européen.

La perte d’espoir dans l’Europe ne vient pas de nulle part. Parmi les erreurs du passé, que j’évoquais il y a quelques instants, c’est bien l’éloignement des citoyens de ce qu’on appelle la technostructure qui a été la plus terrible.

De la directive Bolkestein à celle qui concerne les travailleurs détachés, de la politique agricole commune à Schengen, les Français sont souvent inquiets ou interrogatifs.

L’éloignement a attisé l’exaspération, pendant que la crise montrait d’autres failles du projet européen, notamment l’absence d’Europe sociale.

Il n’est plus temps de se satisfaire d’accords entre gouvernements, mais de satisfaire les attentes légitimes des citoyens. Ne refaisons pas les erreurs du passé. N’éloignons pas plus l’Europe des citoyens. Ne construisons pas de nouvelles instances sans lien démocratique. N’empilons pas les institutions comme on sait parfois si bien le faire.

Au contraire, monsieur le ministre, nous vous demandons de penser constamment tout nouveau projet, toute nouvelle institution européenne avec la volonté de mettre plus de démocratie dans l’Europe.

Le Parlement européen doit ainsi obtenir davantage de pouvoirs, parce qu’il représente la volonté citoyenne, celle du peuple, et la démocratie. C’est bien le lien entre décision et démocratie qu’il faut renforcer quand nous parlons de projet démocratique, bien avant les débats légitimes sur les modalités d’élection.

Nous veillerons à ce que vous preniez ce chemin d’une Europe plus démocratique. Là encore, vous aurez sûrement des opposants. Certains vous expliqueront que ce ne sont que des mots qui ne produiront aucun effet. Mais croyez-nous, la démocratie n’est pas qu’un mot, elle est un projet en elle-même, et l’Europe a besoin de ce projet démocratique, qui seul la rapprochera des citoyens.

Démocratie et solidarité : ce sont les deux principes que je voulais apporter, au nom de mon groupe, à ce débat sur l’avenir de l’Union européenne.

Parce que l’Europe doit s’affirmer comme une puissance souveraine – vous l’avez dit, monsieur le ministre –, notre projet européen a besoin d’une boussole, d’une identité, et ces principes peuvent y contribuer.

L’ancrage des symboles européens dans notre pays participera aussi à la progression du sentiment européen. Vous nous trouverez pour contribuer avec vous au débat. Vous nous trouverez aussi à vos côtés contre tous ceux qui veulent démanteler l’Europe, contre ceux qui prônent le repli et la suppression des symboles.

Au populisme sans limites, répondez par un projet démocratique. À la folie démagogique des extrêmes, répondez par l’aspiration à plus de solidarité.

Parce que la France a toujours été du côté des bâtisseurs de notre espace commun, parce que la France a un rôle éminent à jouer dans la nouvelle phase qui s’ouvre, parce que la France et l’Allemagne demeureront un moteur solide au milieu des autres nations, parce qu’un nouveau traité de l’Élysée sera vraisemblablement nécessaire, assumons ensemble, monsieur le ministre, notre volonté européenne inébranlable, assumons d’être les fers de lance de sa reconstruction, assumons notre histoire.

Quelles que soient les difficultés – il y en aura ! –, quels que soient le travail immense à accomplir – il faudra le faire – et les obstacles à lever, assumons de demeurer des travailleurs infatigables pour continuer à bâtir cette belle idée européenne et pour que demain nous puissions tous ensemble dire encore : Vive l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe La République en marche. – MM. Pierre Louault, Jean-François Longeot et Franck Menonville applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe République et Territoires / Les Indépendants.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, le 25 mars dernier se déroulaient les célébrations du soixantième anniversaire du traité de Rome, un événement propice à dresser le bilan de la construction communautaire. De fait, si le projet européen a connu une progression incontestable – élargissements successifs, mise en place d’une citoyenneté européenne, espace Schengen, création de l’euro, programmes éducatifs –, de nombreux périls le menacent : le Brexit, la montée des populismes, la crise migratoire.

Mais l’Union européenne est une force pour la France et nous devons sortir des clichés sur l’Europe.

De nombreux responsables politiques dénoncent « Bruxelles », oubliant que les États membres gardent un rôle déterminant dans les prises de décision de l’Union. À titre d’exemple, ils dénoncent l’échec de Schengen tout en ayant refusé, pendant des années, de confier pleinement aux institutions communautaires le contrôle aux frontières et de donner un budget crédible pour assurer cette mission.

Nous devons être unis pour être souverains. Selon la trajectoire prévisionnelle actuelle, tous les dix ans un pays européen sortira du G8. Pour conserver une puissance politique majeure et maîtriser notre destin, nous devons présenter un front fort et uni. Les souverainistes français se trompent de combat en faisant de l’Union européenne un adversaire, alors qu’il s’agit d’un formidable levier de reconquête de notre souveraineté menacée par nos dettes ou par notre dépendance à certaines matières premières.

Nous avons besoin d’une Europe puissance : une Europe qui maîtrise ses frontières, qui soit plus cohérente économiquement et socialement afin d’éviter des concurrences déloyales entre les États membres ; une Europe qui protège son marché intérieur face à des produits qui ne respectent pas les normes que nous imposons à nos entreprises, à nos agriculteurs ; enfin, une Europe qui doit faire confiance aux territoires en respectant pleinement le principe de subsidiarité.

Sur certains sujets, l’échelon européen est adéquat ; sur d’autres, ce sont les États ou les collectivités locales qui sont plus efficaces. Reconnaissons cette réalité.

Le discours du Président de la République sur la question européenne va dans le bon sens. Il est volontaire, évoque plusieurs pistes de réflexion intéressantes en termes de souveraineté, d’unité et de démocratie. Le Gouvernement semble vouloir prendre à bras-le-corps le sujet européen trop souvent laissé aux extrémistes de tous bords et nous saluons cette volonté au sein du groupe République et Territoires / Les Indépendants.

Nous partageons par exemple pleinement le projet du Président de la République et du Gouvernement de donner des outils à l’Union européenne afin de garantir la sécurité à la fois en termes de lutte contre le terrorisme, de défense et de protection civile.

Nous partageons sa détermination à prendre en compte la question migratoire, toujours d’actualité.

Nous approuvons l’idée de faire de l’Union le leader mondial du développement durable.

Bien sûr, nous serons extrêmement vigilants sur l’application de ces orientations, leurs déclinaisons en propositions afin que ces mots soient réellement suivis de faits.

L’Union européenne ne peut se suffire de mots, il faut des actes.

L’idée européenne doit être partagée par le plus grand nombre. Les citoyens doivent se réapproprier la construction européenne. Je profite de ce débat pour soutenir l’idée des « conventions démocratiques sur la refondation de l’Union européenne », que le Président de la République a évoquée lors de son discours à Athènes. Nous devons reconnaître la défiance que certains citoyens français et européens ressentent face à la construction européenne ; même si l’image de cette dernière s’améliore auprès de nos concitoyens, nous ne pouvons ni ignorer ni nier cette réalité.

Il est indispensable de communiquer, d’échanger et d’agir pour redonner du souffle et de l’énergie au projet européen. Trop souvent dans le passé, les responsables politiques ont construit l’Europe sans les citoyens. Cela a créé de la défiance, de la méfiance. Cela a entraîné le « non » au référendum sur le traité constitutionnel en 2005.

Pourtant, l’Union européenne a engendré de belles réussites, notamment pour la jeunesse.

Cette année, le programme Erasmus fête ses trente ans. Le programme d’échange universitaire européen, rebaptisé Erasmus + en 2014, est l’un des plus grands et incontestables succès européens. Depuis 1987, année de sa création, plus de trois millions d’étudiants ont bénéficié du programme. Aujourd’hui, ils sont environ 270 000 à partir chaque année, confirmant la réussite d’Erasmus +, qui intègre désormais un volet professionnel, mais qui reste encore, à mon sens, trop peu utilisé. Il serait utile que nous abordions cette question lors du débat sur l’apprentissage.

En conclusion, l’Europe est une nécessité.

Les enjeux n’ont jamais été aussi forts et c’est la raison pour laquelle il faut associer plus largement encore les Français. Plus que jamais, les Européens doivent se retrouver pour défendre leurs valeurs et renforcer notre économie. Plus que jamais, les Européens doivent reprendre leur destin en main pour ne pas devenir, selon les mots de l’ancien commissaire européen Michel Barnier, un continent « sous influence ou sous-traitant ».

Le Parlement prendra évidemment toute sa place dans les débats à venir, notamment bien sûr via la commission des affaires européennes. Notre groupe République et Territoires / Les Indépendants s’investira également, tant cette question est au cœur de notre ADN.

Mes chers collègues, l’Union européenne est une chance pour la France. Nous n’avons pas le droit de la gâcher ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République en marche. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)

(M. David Assouline remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, quelle Europe pour demain ? Si l’on songe aujourd’hui à ce qui se joue en Espagne, on pourrait se dire que c’est un obstacle de plus au grand projet européen.

Le réveil identitaire qui agite cet État membre, un voisin, un ami de la France, travaille aussi, nous le savons, d’autres pays. L’entrée massive au Bundestag de l’AfD aux dernières élections allemandes a une nouvelle fois démontré le poids croissant des mouvements nationalistes, populistes et eurosceptiques au sein de plusieurs États membres, la France n’échappant pas à cette tendance. C’est un défi politique qui s’ajoute à de nombreux autres, quand il n’en est pas une conséquence.

Crise de la dette, crise migratoire, terrorisme : l’Europe est sur tous les fronts, avec – il faut le souligner – des résultats. Certains prêtent beaucoup de maux à l’Union européenne sans se demander ce que serait chacun des pays européens seul, isolé, face à la puissance démographique et industrielle de la Chine, face à l’hégémonie financière américaine, ou encore, à terme, face aux grands ensembles régionaux qui s’organisent aussi bien en Asie qu’en Amérique du Sud.

En effet, dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, l’addition des forces est une nécessité et une condition de la survie économique de la plupart des États membres de l’Union européenne, contrairement à ce que certains aimeraient faire croire.

Que serait devenue la Grèce sans tous les mécanismes de sauvetage et de régulation mis en œuvre depuis 2010 ? Quel serait l’état de nos frontières sans FRONTEX, l’accord avec Ankara ou bien d’autres instruments venus depuis 2015 contenir un mouvement migratoire avec lequel il faudra vivre ?

Naturellement, beaucoup reste à faire, mais, quelle que soit l’ampleur de la tâche, nous ne devons pas attendre d’être au pied du mur pour agir. Trop souvent, certains des outils que j’ai cités sont intervenus dans l’urgence. Parfois même, c’est l’émotion qui a accéléré une politique, comme ce fut le cas pour la politique migratoire parce qu’un corps innocent échoué sur une plage avait heurté les consciences. C’est regrettable !

En attendant, malgré ses insuffisances, ses retards, l’Union européenne doit demeurer notre indéfectible horizon. La déclaration de Bratislava le concède : « L’Europe n’est pas parfaite, mais c’est le meilleur instrument dont nous disposons pour relever les nouveaux défis ». Le 26 septembre dernier, à la Sorbonne, le Président de la République a rappelé que l’Europe était « une idée portée depuis des siècles par des pionniers, des optimistes, des visionnaires et que sans cesse il nous appartient de nous réapproprier ».

Oui, mes chers collègues, les Pères fondateurs ont inventé l’Europe, nous avons aujourd’hui le devoir de la réinventer. Le Président de la République a livré sa vision de l’Europe, une vision fondée sur le concept de souveraineté européenne et, pour ma part, en tant que président d’un groupe profondément européen, je ne peux que me réjouir de cet élan, et ce d’autant plus qu’il a été plutôt bien accueilli par nos partenaires.

Le Président a décliné cette nécessaire souveraineté en matière de défense, de contrôle des frontières, de politique étrangère, de transition écologique, de mutation numérique et, bien sûr, de puissance économique et industrielle.

Rien ne m’effraie dans la plupart des propositions avancées – au contraire ! – et certaines d’entre elles, assez concrètes, figurent déjà dans les discussions qui animent régulièrement le Conseil européen. D’autres convergent aussi avec le scénario 5 « Faire beaucoup plus ensemble », formalisé dans le Livre blanc sur l’Europe présenté au début de l’année par Jean-Claude Juncker.

Mais, pour qu’une vision pour plus d’Europe aboutisse, il faut que chacun des États membres se retrouve sur l’essentiel, que les valeurs que nous partageons soient clairement approuvées. La première d’entre elles, c’est la solidarité, et ce n’est pas une tâche facile que de l’encourager davantage. Elle a été souvent mise à rude épreuve au cours de ces dernières années, le Brexit en est un exemple.

Il faudra donc faire preuve d’une mobilisation sans bornes pour rappeler que la solidarité doit être au cœur du fonctionnement de l’Europe, car, sans celle-ci, rien ne peut avancer, aucune convergence fiscale, sociale ou environnementale ne peut aboutir sans un minimum de bonnes volontés partagées. Mais comment forcer cette solidarité quand elle fait défaut ? La réponse doit passer par une réforme des institutions. Cette question ne doit pas être taboue. Donnons-nous une chance de rendre le fonctionnement des institutions européennes plus transparent et plus démocratique. Ainsi, ses décisions seront mieux acceptées et les résistances mieux surmontées, en tout cas souhaitons-le !

Mes chers collègues, Maurice Faure, qui était mon mentor en politique, m’a confié un jour avoir négocié et signé le traité de Rome contre le Quai d’Orsay…

M. Jean-Claude Requier. … et imposé à l’administration sa vision politique. Mais cette Europe n’était pas l’Europe des normes, des règlements et des directives, qui ne fait plus rêver personne.

Madame la ministre, pour cette reconquête, vous aurez à vos côtés les membres du RDSE afin de vous aider à faire avancer un nouveau projet européen, lui donner plus d’ambition, plus de sens et plus de souffle. (Applaudissements sur des travées du groupe La République en marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, il y a encore peu de temps, le fait même d’évoquer l’avenir de l’Union européenne pouvait apparaître comme la marque d’un optimisme forcené, tant celle-ci semblait à bout de souffle. Depuis plus de dix ans, elle a en effet vu se succéder les « annus horribilis », chacune charriant son lot de crises nouvelles.

Certaines, plus violentes que les autres, ont fait vaciller sur ses fondations notre édifice commun et ont transformé les dirigeants européens en pompiers, contraints de combattre les incendies qui menaçaient les uns après les autres de tout emporter.

Même si le feu couve toujours sous la cendre, le tumulte de ces années noires semble aujourd’hui, pour un temps au moins, derrière nous et il est à nouveau permis d’envisager un avenir pour l’Union européenne.

Au travers de ses discours d’Athènes et de la Sorbonne, c’est ce à quoi s’est employé le Président de la République. Après un quinquennat marqué malheureusement par un effacement fort de la France sur la scène européenne, cette expression était plus que nécessaire pour replacer notre pays au centre du jeu. De fait, sur ce point au moins, M. Emmanuel Macron a réussi son pari puisque les propositions françaises alimentent largement le débat sur ce qu’il est désormais convenu d’appeler la refondation de l’Europe.

Cela signifie-t-il pour autant dire que le cadre proposé par le chef de l’État fasse consensus ? À l’évidence, la réponse est « non ». Les constats qu’il fait sont pourtant bien souvent lucides.

Oui, face aux grands défis contemporains, l’Europe est le cadre naturel de notre action collective. Oui, trop longtemps la construction européenne s’est faite à l’abri des peuples, sans qu’ils aient réellement de prise sur elle. Oui, les élargissements qu’a connus l’Europe ont accru sa diversité, rendant inévitable une plus grande différenciation dans notre coopération.

Cependant, même si nous partageons un certain nombre de ses préconisations, le projet présenté par le Président de la République laisse perplexe. En premier lieu, parce que même s’il s’en défend, il s’agit bel et bien d’un mouvement vers une Europe fédérale qui nous est proposé, pour une avant-garde dont la France aurait, semble-t-il, vocation à prendre la tête.

Sinon, comment comprendre les innombrables références faites à la « souveraineté européenne », cette souveraineté qualifiée de « réelle » qui semble renvoyer au rang de fiction la souveraineté nationale ?

Si au soir du 7 mai dernier, les Français ont clairement rejeté la voie menant au démantèlement de l’Union européenne, ils n’ont pas pour autant plébiscité cette Europe fédérale qui apparaît comme l’horizon tracé par le Président de la République.

Certes, nous sommes tous conscients de l’existence d’une seule et même civilisation rassemblant les peuples européens dans une identité qui leur est propre, et qui les distingue du reste du monde. Mais chercher à forcer leur destin fédéral, c’est perdre de vue que leur évidente proximité n’efface pas leur diversité.

Ce n’est pas en multipliant les instances supranationales que l’Europe sera nécessairement plus efficace ou mieux acceptée. Son salut ne réside pas forcément dans la mutualisation systématique, elle réside plutôt dans ce que nous appelons une articulation intelligente des principes de solidarité et de responsabilité au service d’objectifs communs.

Bien plus que d’un projet institutionnel fédéral, c’est avant tout d’un projet politique de civilisation dont notre continent a aujourd’hui besoin. C’est même plus que jamais sa principale raison d’être face aux mutations et aux convulsions du monde contemporain.

Pour cela, il est tout d’abord indispensable d’ancrer l’Europe dans un territoire reflétant son histoire et son identité. Des frontières stables et cohérentes sont une condition essentielle pour que les Européens prennent davantage conscience d’eux-mêmes. L’incertitude géographique, devenue symbole de « l’indéfinition » politique, ne leur permet pas d’appréhender la nature de leur projet commun. De la mer Baltique à la mer Égée, nous croyons que les frontières de l’Union doivent être stables.

En conséquence, nous devons avoir le courage de clarifier dès maintenant la nature de notre relation avec nos voisins.

Cela impose en particulier d’être clair quant à la poursuite, ou non, du processus d’adhésion de la Turquie, dont Jean-Claude Juncker lui-même estimait récemment qu’elle s’éloignait de l’Europe à pas de géant. Nous devons en tenir compte. Plusieurs États membres ont d’ores et déjà réclamé cette clarification, il faut désormais passer aux actes.

La deuxième priorité réside dans la nécessité de trouver une plus juste articulation entre construction européenne et expression des démocraties nationales. Car le fait national, celui des peuples et des États, reste, selon nous, le creuset fondamental de la souveraineté, de la légitimité politique et, donc, de l’exercice de la démocratie.

Naturellement, madame la ministre, personne ne s’oppose à l’organisation, en 2018, de conventions démocratiques, qui peuvent s’avérer fort utiles, mais il faut avant tout, je crois, renforcer le rôle des parlements nationaux. Rapprocher l’Europe des citoyens restera un vœu pieux si les parlements ne sont pas en mesure d’agir concrètement sur le débat et sur le processus législatifs.

Dès lors, il me semble difficile de soutenir le principe d’une élection d’une moitié, disait-on – aujourd’hui, on n’évoque plus cette proportion –, du Parlement européen à partir de listes transnationales, sauf à vouloir éloigner encore plus les élus de leurs électeurs.

Au contraire, un pouvoir d’initiative devrait être donné aux parlements nationaux pour leur permettre de contribuer positivement à l’élaboration des législations européennes. Ce droit d’initiative devrait d’ailleurs aller de pair avec l’instauration d’un droit de veto leur conférant la capacité, certes sous certaines conditions, de stopper l’examen d’une proposition législative qui ne leur conviendrait pas.

Nous devons également nous interroger sur la répartition des compétences entre l’Union et les États membres. L’Union européenne doit définir sa valeur ajoutée par rapport à l’action de ceux-ci. En particulier, cela passe nécessairement par un réexamen en profondeur du champ des compétences partagées, car il faut savoir et pouvoir mieux expliquer qui fait quoi en Europe.

Sans attendre la conclusion de ce travail, l’Union doit se concentrer sur un socle commun constitué de ses compétences exclusives, du marché unique et des secteurs fondamentaux pour sa compétitivité et sa stabilité futures, comme la défense, les frontières extérieures, la recherche, le numérique, l’énergie, les grandes infrastructures de transport et de communication, ou encore, bien sûr, la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales.

Nous avons en effet laissé se développer une Europe de l’accessoire. Il faut s’en détourner, car l’Union a été faite non pas pour régenter les détails de notre vie quotidienne, mais pour permettre d’élaborer collectivement des réponses aux enjeux d’envergure continentale. La simplification législative à l’œuvre dans la plupart des États membres doit devenir la norme.

Enfin, articuler Europe et nations, c’est s’intéresser à notre méthode d’intégration elle-même. Les transferts de souveraineté à vingt-sept paraissent être aujourd’hui une impasse qui doit céder le pas à l’exercice en commun de compétences par un cercle restreint de pays volontaires, capables et responsables.

Notre objectif n’est pas la constitution d’un hypothétique « noyau dur », qui serait en pointe dans tous les domaines ; d’ailleurs, la France n’a pas automatiquement vocation à prétendre faire chaque fois partie du peloton de tête des plus allants. Il ne s’agit pas non plus de déconstruire l’acquis communautaire en proposant une « Europe à la carte » sur tous les sujets, sans quoi on finirait par être une Europe à vingt-sept vitesses.

Il s’agit plutôt d’accepter que la différenciation est désormais le chemin le plus praticable pour toute nouvelle initiative d’importance. Or les coopérations renforcées sont souvent trop difficiles à rassembler, et les règles applicables en la matière sont assurément faites pour ne pas marcher. Leur procédure d’activation doit donc être considérablement assouplie.

Le troisième chemin à arpenter pour bâtir l’Europe du XXIe siècle est celui de la protection ; on en a déjà beaucoup parlé. L’Union européenne n’aura de sens aux yeux des citoyens que si elle est se montre capable de mieux les protéger.

Premier axe de la protection : les frontières. L’exigence de contrôle de notre espace n’a jamais été aussi forte ; nous devons par conséquent assurer la pleine maîtrise de nos frontières extérieures.

La montée en puissance du corps européen de gardes-côtes et de gardes-frontières est à ce titre indispensable. Je reste toutefois attaché au fait que son intervention demeure conditionnée à l’accord des États membres concernés ; je ne souscris donc pas à l’idée de créer une police européenne des frontières, dont l’intitulé laisse à penser qu’elle pourrait agir de manière indépendante sur les territoires nationaux.

Le développement des hotspots devra par ailleurs être accéléré et, surtout, les personnes ne bénéficiant pas du droit d’asile devront être systématiquement éloignées. Cela sous-entend néanmoins que les pays d’origine acceptent de reprendre ces dernières sur leur territoire. C’est la raison pour laquelle la coopération avec les pays tiers, notamment l’aide financière qui leur est octroyée, devrait être conditionnée à la signature et à l’application effective d’accords de réadmission.

Deuxième axe de la protection : la défense. Les Européens hésitent encore à regarder en face la réalité d’un monde qui n’est plus seulement instable, mais encore dangereux. Ils doivent pourtant d’urgence recouvrer l’autonomie stratégique qu’ils ont déléguée aux États-Unis.

Cela ne signifie pas la constitution d’une armée européenne, dont les conditions de création ne seront peut-être jamais réunies, non plus que la fin de notre alliance avec les États-Unis. Notre ambition doit être, selon nous, de rééquilibrer la coopération euroatlantique en rapprochant en Europe nos visions stratégiques globales et en renforçant le niveau et la cohérence de nos moyens financiers, capacitaires, industriels et opérationnels.

Les récentes initiatives en la matière vont assurément dans le bon sens. Elles pourraient être utilement complétées par un « semestre européen de la défense » destiné à améliorer notre coordination stratégique, à assurer la montée en puissance de nos engagements financiers et à entamer un développement concerté de nos capacités.

Néanmoins, il faut également consolider notre politique industrielle de défense. À ce titre, nous devons développer des programmes communs d’armement pour améliorer l’interopérabilité des armées, accroître le volume de la commande publique et inciter les industriels à procéder aux rapprochements nécessaires pour y répondre.

Cela nécessite d’ouvrir davantage les marchés de défense au niveau national, mais pour donner un sens à cette ouverture, il est nécessaire d’appliquer à ces marchés particuliers la préférence communautaire, abandonnée dans les autres domaines du marché intérieur.

Troisième axe de la protection : le renforcement de la zone euro. Depuis le déclenchement de la crise, la zone euro s’est dotée de règles plus robustes et de nouveaux outils pour assurer sa viabilité et sa résilience, mais les traces laissées par la crise sont encore profondes et ont miné la confiance entre les États membres.

Les solutions qui appellent à un nouveau partage des risques, comme l’émission commune de dettes publiques ou la création d’un budget de la zone euro destiné à organiser une union de transfert ou à amortir les chocs, via, par exemple, une assurance chômage européenne, ne peuvent recueillir notre assentiment ni d’ailleurs celui de nombre de nos partenaires. C’est avant tout dans les États membres que se joue l’avenir de la zone euro, car c’est de leur responsabilité individuelle que dépend sa cohérence.

Nous devons au contraire nous concentrer sur la réduction des risques. Néanmoins, cela passe effectivement par le renforcement du cadre de gouvernance ; nous sommes d’accord sur le fait qu’il est nécessaire de créer une fonction de coordinateur de la zone euro, mais, selon nous, elle consisterait avant tout à assurer une meilleure coordination des politiques économiques et une surveillance budgétaire renforcée.

Il est parallèlement nécessaire de progresser sur la voie de la convergence fiscale et sociale, cela a été dit précédemment. S’ils sont l’expression des choix collectifs souverains faits par les peuples européens, les différentiels de fiscalité et d’orientations de politique sociale mènent à des pratiques de dumping qui minent l’efficacité du marché unique et de la zone euro, ainsi que la confiance entre Européens.

La convergence doit donc s’esquisser sans attendre. En premier lieu, la solidarité qui prévaut dans la zone euro au travers du mécanisme européen de stabilité ne peut aller sans responsabilité en matière fiscale. On ne peut imaginer qu’un pays puisse bénéficier de la garantie de ses partenaires tout en poursuivant une politique de concurrence fiscale qui, en réduisant la croissance dans les autres pays de la zone euro, contribue à y creuser les déficits et à en dégrader le marché du travail.

Sans procéder à une uniformisation complète, cette convergence pourrait s’appuyer sur un rapprochement du fonctionnement global des systèmes nationaux et, surtout, sur un dispositif de serpent fiscal et social encadrant, à tout le moins, certains taux d’imposition ou le niveau de certaines prestations sociales.

Le développement d’une collaboration étroite avec l’Allemagne serait effectivement un bon point de départ. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel avaient ouvert la voie en 2012, avec un livre vert sur les points de convergence franco-allemande sur la fiscalité des entreprises. Cette dynamique doit être relancée.

Quatrième axe de la protection : la défense de nos intérêts dans la mondialisation. Nous souhaitons mettre en place des mécanismes raisonnés de protection de notre économie. L’Europe offre à ses partenaires, qui sont également ses concurrents, un accès quasi total à ses marchés, alors qu’eux-mêmes n’ont aucune hésitation à protéger les leurs. Dans le pire des cas, certains d’entre eux pratiquent une concurrence ouvertement déloyale dans laquelle le dumping, voire la contrefaçon, est érigé en modèle économique. C’est inacceptable !

Notre continent doit démontrer qu’il est désormais prêt à défendre sans complexe ses intérêts. La conclusion des accords commerciaux devrait en premier lieu être réellement soumise au principe de réciprocité. Pour protéger son modèle, l’Europe devrait par ailleurs mettre en place des taxes anti-dumping contre les biens, services et capitaux ne respectant pas les normes internationales de base et adopter des sanctions fermes à l’encontre des pays contrefaisant massivement des produits européens.

Affirmer l’identité de l’Europe, mieux articuler action européenne et démocraties nationales et apporter plus de protection aux Européens, voilà, madame la ministre, mes chers collègues, brossées à grands traits, quelques pistes d’évolution qui nous permettront de redonner du sens à notre coopération et d’emporter assurément l’adhésion de ses citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe République et Territoires / Les Indépendants, du RDSE et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République en marche, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite de cette occasion de débattre avec le Gouvernement de l’avenir de l’Union européenne. Le Sénat avait en quelque sorte pris les devants, il y a déjà quelque temps : à la demande du président Gérard Larcher, Jean-Pierre Raffarin et moi-même avions créé un groupe de suivi du Brexit et de la refondation de l’Union européenne, groupe commun aux commissions des affaires européennes et des affaires étrangères. Retrouver l’esprit de Rome, tel était l’intitulé partiel du rapport qui en est issu et tel est le défi qu’il nous incombe désormais de relever.

Au terme de huit mois de travaux, à quels constats sommes-nous arrivés ? La construction européenne est un grand projet, mais l’Europe est confrontée à de graves crises internes. La décision britannique a constitué un choc. C’est un non-sens géostratégique – gardons-nous d’ailleurs d’encourager les autres forces centrifuges à l’œuvre ! Je profite de cette occasion pour saluer le travail de notre ancien collègue Michel Barnier, qui, avec beaucoup de fermeté et de rationalité au regard de l’incohérence et de l’inconstance britanniques, mène l’ensemble des négociations.

Nous voulons une séparation ordonnée d’avec le Royaume-Uni et la construction d’une relation solide pour l’avenir, mais un échec des négociations est toujours possible. L’Union doit maintenir sa position, qui est claire : pas de passage à la seconde phase sur les relations futures avant la résolution des trois questions clefs que constituent la situation des citoyens européens installés au Royaume-Uni, le règlement financier et la question de l’Irlande, M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères l’a rappelé tout à l’heure.

L’Europe paie aussi son impuissance face à la crise économique et financière, aux attaques terroristes et au choc migratoire.

Pour relever ces défis, une vision et un leadership font défaut. Les États membres ont refusé de s’approprier véritablement le projet européen, avec une fâcheuse propension à reporter sur l’Union la responsabilité de tous les maux pour s’en attribuer les seules réussites. Nous en avons payé le prix fort, avec une dérive bureaucratique doublée d’un déficit démocratique, qui a alimenté la montée des populismes. La défiance a donc remplacé la confiance.

Il n’y a en réalité qu’une alternative : soit le sursaut européen, soit, malheureusement, la sortie de l’histoire. Le Brexit doit précisément donner le signal du sursaut. L’Europe ne doit pas seulement être une « Europe espace », centrée sur le marché intérieur, mais doit être plutôt une « Europe puissance », assumant sa dimension politique. Le projet européen doit être refondé sur une vision assumée, portée par les États-nations, à partir de quelques priorités pour lesquelles la plus-value européenne est clairement identifiée par les peuples.

L’Europe doit se réaffirmer comme puissance. Elle doit exercer ses responsabilités en matière de défense, dans la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure et consolider sa réponse à la crise migratoire. C’est une attente forte des peuples européens ; il faut y répondre. Première puissance commerciale, avec la force de son marché unique – on aurait tort de l’oublier –, l’Union doit se faire respecter dans les négociations commerciales internationales, notre collègue André Reichardt l’a rappelé à l’instant.

L’Europe doit définir des priorités économiques. À l’image d’Airbus ou d’Ariane hier, elle doit lancer de nouvelles actions pour la croissance et l’emploi ; le numérique et l’énergie sont des priorités. L’Europe doit aussi aller vers la convergence fiscale. La politique de la concurrence doit être mise au service de la reconquête industrielle et de l’emploi et non plus constituer une entrave à l’émergence de champions européens. L’Union européenne doit parachever la gouvernance de l’euro avec un contrôle démocratique effectif impliquant pleinement les parlements nationaux.

Il s’agit également de renforcer la cohésion européenne, en progressant vers la convergence sociale – le dossier des travailleurs détachés en souligne l’impérieuse nécessité – et en modernisant la politique de cohésion. Cette politique est nécessaire aux pays d’Europe centrale et orientale qui ont rejoint l’Union, mais nos obligations en la matière n’ont d’égale que leur propre obligation à respecter les valeurs de l’Union.

Je veux aussi insister sur l’enjeu crucial de la prochaine réforme de la politique agricole commune. Nous y avons travaillé avec la commission des affaires économiques et, dans la résolution qui en est issue, le Sénat « rappelle la légitimité d’une politique agricole commune forte, simple et lisible » et il affirme l’importance de la PAC pour « la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire » de l’Europe tout entière.

Cette Europe recentrée doit respecter pleinement la subsidiarité ; elle doit être plus lisible et plus proche des citoyens ; elle doit faire toute leur place aux parlements nationaux. Le fonctionnement institutionnel doit être revu, au travers notamment d’une diminution du nombre de commissaires. L’Europe a également besoin de simplification et de transparence ; cela doit être une priorité permanente.

Cette nouvelle ambition doit être portée par le moteur franco-allemand, lui seul peut réveiller l’Europe. L’Allemagne cherche des partenaires fiables et forts. Partenaire, la France l’est depuis le premier jour ; fiable et forte, elle pourrait l’être davantage si elle assumait et entreprenait les réformes qui sont sans cesse pensées, mais toujours repoussées. La relation franco-allemande ne doit pas être exclusive ; elle n’en est pas moins décisive. Une feuille de route franco-allemande tournée vers les enjeux du XXIe siècle, tels que la numérisation de notre économie, donnera une impulsion nouvelle au projet européen.

Le pragmatisme conduit aussi à encourager le recours aux coopérations renforcées entre les États membres volontaires pour avancer. Nous n’y avons recouru que trop peu souvent, je dois le déplorer ; or, chaque fois que nous l’avons fait, nous avons eu du succès. L’avant-dernier en date, la coopération renforcée sur le brevet communautaire, a été un véritable succès pour la dynamisation de l’économie européenne.

L’Union européenne doit enfin redevenir le projet partagé des citoyens européens. Mobilisons les jeunes autour de ce projet ! Le programme Erasmus constitue une formidable réussite : plus de trois millions d’étudiants en ont bénéficié, Colette Mélot l’a rappelé tout à l’heure. Il faut maintenant aller plus loin et mettre en place un programme Erasmus pour les apprentis. Autant de sujets et de dossiers qui nous attendent… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du RDSE, du groupe République et Territoires / Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République en marche – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le président de la commission des finances applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri, en disant : “L’Europe ! L’Europe ! L’Europe !” mais ça n’aboutit à rien […] ; il faut prendre les choses comme elles sont. » (Sourires sur diverses travées.) Cette célèbre saillie du général de Gaulle nous rappelle à la réalité.

La vision de l’Union européenne que nous a livrée le Président de la République dessine à l’évidence un bel idéal, un idéal élevé, qui ne peut que résonner dans le cœur des Européens convaincus que nous sommes bien évidemment tous, mais qui nous semble parfois éloigné, très éloigné, de la réalité que nous vivons. La sécurité et la défense en fournissent un bel exemple.

Dieu sait si nous profitons pourtant d’un exceptionnel alignement des planètes : l’opinion, dans la crainte d’une montée du terrorisme à nos frontières, est en attente d’initiatives fortes – cela n’a pas toujours été le cas –, la Commission européenne a pris des positions inédites dans le domaine de la défense et la nouvelle administration américaine s’est déclarée en faveur d’un pilier européen robuste de l’Alliance atlantique qui se prendrait en main ; tout cela irait donc plutôt dans le bon sens. Prenons garde néanmoins de ne pas susciter d’attentes trop élevées, qui seraient forcément déçues.

Alors même que le danger est à nos portes – nous le savons bien –, la défense de l’Europe, c’est-à-dire la défense du continent européen assumée collectivement par les Européens, n’est pas pour demain, ni même, disons-le tout net, pour après-demain.

Cela ne doit bien sûr pas empêcher la France d’être un moteur, car, je le répète, il y a aujourd’hui une conjonction astrale jamais observée jusqu’à présent ; il convient d’en profiter. La France est évidemment le pays membre de l’Union européenne le mieux à même de porter la vision politique d’une Europe de la défense, nous qui avons la première armée en Europe, qui avons cette culture de l’indépendance stratégique et qui avons toujours pensé la politique européenne de défense comme un complément de l’OTAN.

Des avancées importantes sont là aujourd’hui, avec la coopération structurée permanente et le Fonds européen de défense.

La coopération structurée permanente, issue du traité de Lisbonne, a fait des progrès auxquels la France et l’Allemagne sont loin d’être étrangères. Le conseil franco-allemand de défense et de sécurité du 13 juillet dernier laisse espérer des résultats opérationnels avant la fin de cette année, dans une démarche inclusive que le Sénat a toujours soutenue.

De même, le Fonds européen de défense se met en place, avec notamment le volet « recherche », depuis avril 2017, et le lancement de l’action préparatoire, et avec le volet « capacités », amorcé par l’annonce de la création en juin dernier d’un programme européen de développement de l’industrie de défense.

Il s’agit d’un programme pilote pour la période 2019-2020 qui vise à soutenir les programmes capacitaires collaboratifs à hauteur de 500 millions d’euros par an pour les deux premières années, avec la possibilité de monter à un milliard d’euros pour les années suivantes. Nombre d’obstacles demeurent pour sa concrétisation au cours de la période 2017-2021 ; il faudra bien sûr passer les élections européennes de juin 2019, il sera nécessaire que se mette en place une nouvelle commission européenne reprenant à son compte cette belle ambition dans le cadre d’un budget qui sera, on peut l’imaginer, en contraction, et il faudra aussi trouver une majorité qualifiée au Parlement européen sur des sujets qui ne vont pas de soi pour de nombreux députés européens.

L’Europe de la défense doit également reposer sur un pilier capacitaire, c’est-à-dire sur des projets concrets d’équipement, menés en coopération industrielle et financière avec nos partenaires membres de l’Union. Ces projets ont bien sûr vocation à recevoir le soutien du nouveau Fonds européen de défense, en cours de mise en place.

L’enjeu est non seulement de rendre crédible l’avenir de notre défense commune, mais aussi d’entretenir et de développer notre base industrielle et technologique en la matière, gage à la fois d’autonomie stratégique et de développement économique.

Il serait bien que les Européens prennent par exemple l’habitude de concevoir, de développer et d’acheter des équipements militaires issus de l’industrie européenne.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Ce serait mieux, en effet !

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. L’exemple récent d’un marché d’hélicoptères en Pologne montre qu’il y a encore quelques marges de progression en la matière…

M. André Reichardt. Très bien !

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. De ce point de vue, je donne acte au Gouvernement des récentes initiatives importantes prises par la coopération franco-allemande, en particulier pour le programme Eurodrone, pour le prochain standard de l’hélicoptère Tigre, pour les nouvelles générations de système de combat terrestre et de patrouille maritime, ou encore pour l’espace et pour la cyberdéfense. Il faut également saluer ici la consolidation du secteur de l’armement terrestre avec le groupe KNDS.

Les initiatives décidées le mois dernier avec l’Italie, notamment dans les domaines des missiles ou du spatial, constituent un autre bon signal. On demeure toutefois en attente des résultats que pourra produire l’accord de principe, trouvé à l’occasion du déblocage du dossier STX, sur la perspective d’un partenariat structurant dans le secteur naval entre Naval Group et Fincantieri ; nombre de défis industriels et stratégiques restent à l’évidence à relever, madame la ministre.

Tout cela n’est pas rien, mais nous sommes encore bien loin de pouvoir doter l’Union européenne, d’après les mots du Président de la République, « d’une force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir » !

En effet, en vérité, chacun le sait bien, la politique d’emploi des forces de la France, notamment sa capacité de projection en opérations au-delà de ses frontières, est une singularité au sein de l’Union. Pourtant, au Sahel, c’est bien la sécurité des Européens dans leur intégralité, au flanc sud de l’Union, que nous, Français, assurons !

Le seul État membre qui partageait notre culture stratégique, le Royaume-Uni, est en passe de nous quitter. Je veux dire ici notre souhait que le partenariat fort qui nous lie dans la défense, avec les accords de Lancaster House, soit poursuivi et approfondi. La France a une responsabilité particulière pour arrimer les Britanniques à la sécurité du continent européen. Les propositions du gouvernement de Mme Theresa May sur le partenariat « sans condition » avec l’Union européenne en matière de sécurité et de défense sont très encourageantes, mais quel paradoxe, mes chers collègues : les Britanniques vont garder l’Europe politique, qu’ils ont tant décriée quand ils étaient au sein de l’Union, alors qu’ils vont quitter le marché unique…

Madame la ministre, pour conclure sur une note positive, je voudrais me féliciter que la refondation du projet européen soit au cœur des priorités du Président de la République et du Gouvernement.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très juste !

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Le groupe de suivi du Sénat sur le Brexit, que Jean Bizet vient d’évoquer, a diagnostiqué le fort risque déconstructeur pour l’Union européenne de la sortie du Royaume-Uni. La diffraction de l’Europe est un non-sens géostratégique total à l’heure des pays-continents et aura des conséquences lourdes si on ne relance pas le projet européen.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous rejoint sur ce point : la priorité, c’est évidemment l’avenir de l’Union à vingt-sept. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe République et Territoires / Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe La République en marche et du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en septembre dernier, le Président de la République et le président de la Commission européenne ont chacun lancé un appel en faveur d’une Union européenne plus forte. Or une Union plus forte, ainsi que l’a exprimé M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, passe par une Europe qui soit une véritable puissance économique et financière ; une Union plus forte suppose une Union économique, monétaire et financière plus forte.

Le Brexit nous pousse à faire de l’Europe continentale un centre financier majeur pouvant s’appuyer sur une union des marchés de capitaux. La France doit tirer son épingle du jeu dans la réorganisation en cours, et il est positif que le Gouvernement ne remette pas en cause les mesures prises par le gouvernement précédent pour améliorer la compétitivité de la place de Paris, et qu’il reprenne même dans le projet de loi de finances des mesures proposées par la commission des finances du Sénat et par son rapporteur général, notre collègue M. de Montgolfier.

L’avenir de l’Union suppose également de consolider la zone euro. De nombreuses mesures ont été adoptées ces dix dernières années pour répondre aux situations d’urgence rencontrées lors de la crise.

Aujourd’hui, le débat sur l’avenir de la zone euro est intense, mais surtout institutionnel. Les propositions ne manquent pas : ministre des finances de la zone euro, budget propre, Fonds monétaire européen, Trésor de la zone euro, Parlement de la zone euro… Il s’agit là de sujets importants et qui soulèvent des questions juridiques, comme l’ont illustré les auditions que nous avons organisées sur ce thème en juillet dernier.

Toutefois, ce débat institutionnel ne doit pas nous éloigner de la question essentielle : la zone euro serait-elle aujourd’hui en mesure de faire face à une nouvelle crise d’une ampleur comparable ou supérieure à celle de 2008 ? Et, parmi les réformes proposées, lesquelles sont les mieux à même de protéger les citoyens européens ?

L’architecture et le fonctionnement de la zone euro demeurent vulnérables. Si les mesures de la Banque centrale européenne sont efficaces, les gouvernements ne pourront pas se reposer indéfiniment sur son action.

La décision du peuple britannique de sortir de l’Union européenne et les négociations sur le Brexit ne doivent pas nous conduire à remettre à plus tard la réforme de la zone euro. Au contraire, il s’agit d’une raison supplémentaire pour avancer rapidement.

À cet égard, quatre ensembles de mesures revêtent une importance particulière pour l’avenir de l’Union économique et monétaire.

Premièrement, avec l’Union bancaire et la prise en charge des risques rencontrés par les systèmes bancaires nationaux, nous vivons un test grandeur nature de la capacité des États à gérer ensemble les risques en partageant leur souveraineté. Le test n’est pas encore concluant puisque les discussions sur le mécanisme européen de garantie des dépôts bancaires et le Fonds de résolution unique sont bloquées, et vous nous direz si vous pensez que la nouvelle feuille de route présentée par la Commission européenne sera de nature à faire avancer les choses.

Deuxièmement, le mécanisme européen de stabilité doit être renforcé pour répondre aux crises pouvant affecter la stabilité de la zone euro. Toutefois, il ne pourra pas devenir un véritable fonds monétaire européen, prêteur en dernier ressort des États membres, sans une réflexion préalable sur son contrôle démocratique par les parlements nationaux.

Troisièmement, il manque aujourd’hui un mécanisme de stabilisation budgétaire en cas de choc macroéconomique affectant la zone euro, notamment dans des circonstances où la politique monétaire atteindrait ses limites. Que ce mécanisme prenne la forme d’un budget d’investissement de la zone euro ou d’une ligne budgétaire dédiée à la zone euro au sein du budget de l’Union, sa mise en œuvre aura des conséquences sur nos systèmes fiscaux, en partageant des ressources ou en en levant de nouvelles. Là encore, nous touchons à l’essence de la souveraineté des États.

À ce sujet, la proposition du président de la Commission européenne d’introduire le vote à la majorité qualifiée en matière de fiscalité soulève une question cruciale : alors que la concurrence fiscale s’attise, quels États seraient prêts à renoncer à leur droit de veto sur la fiscalité ? La réussite de plusieurs chantiers ambitieux initiés par la Commission européenne dépend de la réponse à cette question.

Enfin, la définition d’une politique économique européenne et un pilotage cohérent au niveau de la zone euro supposent une plus grande convergence des économies des États membres.

Les règles de surveillance budgétaire sont particulièrement complexes et sujettes à interprétation. Le débat actuel sur la flexibilité du pacte de stabilité et de croissance en est un exemple éloquent. A minima, une clarification des règles de surveillance budgétaire et de leurs objectifs serait donc la bienvenue.

S’agissant des réformes structurelles, les recommandations adressées chaque année aux États membres par leurs pairs réunis au sein du Conseil ne deviennent pas des éléments des débats publics nationaux.

La procédure est « hors sol » : elle manque probablement d’ancrages démocratiques, là encore, dans les institutions nationales.

Madame la ministre, mes chers collègues, en définitive, la mise en œuvre des mesures nécessaires pour rendre la zone euro plus solide suppose une volonté politique forte et une confiance mutuelle entre États membres. Pour reprendre les mots de Jean Monnet, « il n’y a pas d’idées prématurées, il y a des moments opportuns qu’il faut savoir attendre. » Près de dix ans après le déclenchement de la crise économique et financière et alors que le Conseil européen est appelé à statuer sur l’avenir de l’Union d’ici à mars 2019, le moment est certainement venu d’agir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République en marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de ce débat, qui a permis une expression à la fois complète et marquée presque toujours de cette sagesse qui caractérise vos travaux.

J’appuie la suggestion du sénateur Gattolin de faire de ce débat un rendez-vous annuel, et je sais pouvoir parler aussi au nom de Jean-Yves Le Drian.

Je vais revenir sur certains des sujets que vous avez soulevés, mais je crains de ne pouvoir tout traiter dans le temps qui m’est imparti. Je resterai évidemment à la disposition des membres du Sénat, comme je le suis depuis ma nomination, et tout particulièrement – quoique sans exclusive – de ceux de la commission des affaires européennes, dont je veux saluer ici l’implication et le travail.

Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre vous ont exprimé, sur l’Union européenne comme elle fonctionne ou comme les autorités françaises souhaiteraient qu’elle soit refondée, des encouragements, parfois des critiques. Soyez-en remerciés dans les deux cas, car certaines critiques sont, à l’évidence, légitimes. Oui, l’Union européenne aujourd’hui est parfois trop bureaucratique et trop peu démocratique, M. Guillaume a raison. Ces critiques doivent être entendues et prises en compte dans les efforts que nous déployons pour une refondation ambitieuse de l’Europe.

En revanche, je veux réaffirmer avec force que le Gouvernement a fait le choix de porter, comme l’a fait le Président de la République, une ambition forte pour l’Europe, car c’est en refondant l’Europe que nous retrouverons, en la partageant, notre pleine souveraineté. C’est à l’échelle de l’Europe que nous serons les mieux armés pour relever les défis des migrations, des mutations technologiques, du dérèglement climatique, du terrorisme, que nous pourrons pleinement protéger nos industries et nos emplois de ceux qui faussent les règles du jeu du commerce international, qu’il s’agisse des biens ou des investissements.

C’est par une convergence renforcée par le haut de nos économies, notamment, mais pas seulement, au sein de la zone euro, dont vous avez justement appelé de vos vœux la nécessaire réforme, monsieur le président Éblé, que nous tirerons pleinement profit du marché unique. Soyez assurés que nous défendrons l’agenda de protection que nous avons exposé à nos partenaires.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour modifier la directive sur les travailleurs détachés et la partie du règlement sur la sécurité sociale qui en traite. Les négociations sont en cours pour empêcher les fraudes et le dumping social. Nous sommes aujourd'hui en situation d’empêcher l’adoption de textes insuffisamment ambitieux. Nous travaillons maintenant à rassembler une majorité qualifiée, monsieur Bonnecarrère, puisque l’unanimité, qui est sans doute hors d’atteinte, n’est pas nécessaire. Les ministres du travail essaieront de parvenir à un accord au Conseil du 23 octobre. Soyez en tous cas assurés de la détermination du Gouvernement : j’ai évoqué ces sujets en Pologne la semaine dernière ; je le ferai de nouveau dès demain en Hongrie.

M. Jean-Yves Le Drian vous a présenté les lignes de force du discours du Président de la République à la Sorbonne le 26 septembre dernier. Une dynamique s’est mise en place, un « élan », comme l’a qualifiée M. Requier. L’appel lancé par le Président de la République a eu un écho très important dans les opinions publiques, comme auprès des membres du Conseil européen qu’il a rencontrés le 28 septembre. Nous devons le faire vivre et en conserver l’ambition : rien ne serait pire que de nous contenter d’un catalogue de mesures qui tendrait à se réduire progressivement. C’est pour cela qu’il était essentiel qu’à Tallinn les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur la nécessité de refonder l’Europe, ce qu’ils ont fait.

C’est pour cela que nous devions démontrer que ce n’était pas une préoccupation française, mais une cause européenne : le fait que le président du Conseil européen, M. Tusk, ait été mandaté pour présenter, dans les prochains jours, une feuille de route européenne qui a vocation à partager notre vision est fondamental et répond à ceux qui essayaient d’opposer notre approche et l’approche communautaire. Donald Tusk était d'ailleurs à Paris ce midi pour en débattre avec le Président de la République.

Vous avez évoqué, monsieur Gattolin, une « méthode Macron », fondée à la fois sur la volonté et parfois sur l’audace. C’est indiscutable, mais cette méthode fait aussi toute sa place au dialogue avec tous nos partenaires, et bien entendu d’abord avec l’Allemagne. Oui, nos objectifs sont ambitieux, y compris dans le domaine de la défense, monsieur le président Cambon, et oui, sans doute, ils ne pourront pas tous être atteints tout de suite à vingt-sept. Ceux qui veulent aller plus loin, plus vite, doivent pouvoir le faire sans en être empêchés. Mais les travaux que nous préparons sont ouverts à tous, avec pour seul critère un niveau d’ambition partagée. Tous les États qui adhèrent à cette volonté pourront participer au « groupe de la refondation européenne», avec, bien entendu, les institutions européennes.

D’ici à l’été 2018, ce groupe travaillera pour préciser et proposer les mesures qui traduiront concrètement cette ambition. Il devra notamment déterminer, pour chaque politique et sans tabou, compte tenu des percées qu’un nombre significatif d’États envisagent, s’il est possible d’avancer à vingt-sept, si un changement de traité est nécessaire, M. Requier a raison de le souligner, si, à traité constant, une coopération renforcée peut être utilisée, ou la coopération structurée permanente dans le domaine de la défense, ou s’il faut envisager des coopérations intergouvernementales dans un premier temps.

Tous ces instruments existent et ont été utilisés, vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le président Bizet, comme pour Schengen ou encore pour le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Nous voulons le faire dans un esprit résolument européen, en donnant envie à tous nos partenaires d’avancer. Résumer notre démarche à une progression vers une Europe fédérale, monsieur Reichardt, ne me paraît pas faire totalement justice à la qualité et à l’originalité du projet que nous portons.

En parallèle, nous devons aussi préserver le fondement de ce que nous partagerons toujours à vingt-huit, demain à vingt-sept, je pense bien entendu au marché unique, mais aussi à l’État de droit, monsieur Ouzoulias. Dans une Europe refondée, nous devrons nous assurer de disposer d’instruments plus efficaces pour garantir son respect au sein de l’Union européenne elle-même, en veillant à ce que la cohésion de notre union soit autant une cohésion démocratique, qu’économique ou budgétaire.

Je souhaite revenir sur les conventions démocratiques dont de nombreux orateurs ont, à juste titre, souligné l’importance, je pense à M. Gattolin, Mme Mélot, M. Bonnecarrère – pardon à ceux que j’oublie –, car ces conventions joueront un rôle essentiel pour que la refondation de l’Europe que nous appelons de nos vœux puisse voir le jour.

Soyons clairs, nous ne pourrions atteindre nos objectifs, et plusieurs d’entre vous ont relevé qu’ils étaient ambitieux, s’ils ne suscitaient que l’indifférence des Européens et d’abord, en ce qui nous concerne, des Français. Il serait absurde de vouloir refonder l’Europe sans eux ou en se contentant de leur demander d’exprimer un avis par une procédure simpliste de « oui ou non », à l’issue d’un long processus de négociation. Au contraire, nous voulons donner la parole aux Français et, partout, aux Européens ; les écouter et leur offrir l’occasion de dire là où l’Europe répond à leurs attentes, là où elle les déçoit, là où elle manque d’ambition et ce qu’ils voudraient qu’elle puisse faire pour eux, parfois là où elle devrait intervenir moins.

M. Jean-Yves Le Drian vous a présenté les grandes lignes du dispositif : des débats publics, physiquement comme en ligne, dans les institutions, mais aussi dans les universités, les lieux de culture, les entreprises, les associations et avec tous ceux, des amoureux transis de l’Europe aux opposants les plus déterminés, qui voudront s’exprimer, car l’Europe nous concerne tous. J’insiste sur la nécessité de donner la parole à tous nos concitoyens et pas uniquement aux habitants de Paris et des grandes villes. Nous voulons entendre les Français au plus près des territoires, en mobilisant les acteurs de terrain : élus, en particulier de cette assemblée, élus locaux, chefs d’entreprise, responsables syndicaux, membres du secteur associatif. Nous voulons faire tout cela au cours du premier semestre 2018, avec les pays qui le souhaiteront, en trouvant le bon équilibre entre le partage de principes et de moyens d’action communs et une dose nécessaire de flexibilité pour chaque État membre.

Vous avez évoqué, messieurs les présidents Cambon et Bizet, l’importance du Brexit, et je salue le rôle joué par le groupe de suivi mis en place par vos deux commissions.

S’agissant particulièrement des questions de défense, M. Jean-Yves Le Drian a souligné notre détermination à poursuivre nos relations étroites avec le Royaume-Uni, notamment dans le cadre auquel nous sommes très attachés des traités de Lancaster House. Mais il a rappelé aussi la nécessité de respecter strictement les principes que nous nous sommes donnés à vingt-sept, particulièrement l’unité du canal de négociation – j’en profite pour saluer, comme l’a fait le président Bizet, le travail difficile que réalise Michel Barnier – et la nécessité que des « progrès satisfaisants » soient enregistrés sur les trois sujets prioritaires définis par le Conseil européen – droits des citoyens, frontières, règlement financier –, avant d’élargir le champ des discussions et d’évoquer nos relations futures ou, ce qui est lié, une éventuelle période transitoire.

Le discours de Mme May à Florence a présenté des avancées sur ce dernier aspect, mais elles ne se sont pas encore traduites par des progrès dans la négociation des trois priorités, notamment sur le règlement financier. J’ajoute que cela ne veut pas dire qu’à titre national nous restions inertes, bien au contraire, car de nombreux secteurs sont sensibles. Vous avez évoqué la défense, il y en a beaucoup d’autres : la pêche, par exemple. Nous nous préparons donc et nous serons prêts le jour où la négociation du futur accord s’engagera.

Je voudrais maintenant répondre brièvement à quelques-unes des interventions qui ont concerné des sujets plus sectoriels.

Mme Mélot et le président Bizet ont cité Erasmus. Oui, Erasmus est l’un des succès européens les plus marquants parce qu’il a changé la vie quotidienne des jeunes Européens, pour l’instant essentiellement des étudiants. Nous voulons en effet aller plus loin : Erasmus doit être généralisé pour les étudiants, mais aussi pour les apprentis, qui sont encore trop peu nombreux à en bénéficier. Plus largement, nous voulons qu’en 2024 la moitié d’une classe d’âge d’Européens ait passé au moins six mois dans un autre pays que le sien avant ses vingt-cinq ans. Cela passe aussi par un « processus de la Sorbonne » pour que les jeunes puissent passer d’un système d’enseignement secondaire à un autre. Sur l’Erasmus des représentations nationales, M. Gattolin me permettra de ne pas me prononcer et de respecter ainsi scrupuleusement la séparation des pouvoirs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier du grand honneur que vous m’avez fait en me donnant cette opportunité de m’adresser à vous cet après-midi, ici, devant le drapeau tricolore et devant le drapeau européen.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. Le Gouvernement sait pouvoir compter sur le Sénat et sur les sénateurs pour donner corps, au quotidien et au plus près des territoires, à ce débat indispensable sur l’Europe.

Je veux enfin vous dire toute la fierté que je ressens, en tant que ministre et en tant qu’Européenne convaincue, à constater que la France porte de nouveau le débat sur l’Europe et qu’elle est de nouveau au cœur du débat européen. Notre place n’est nulle part ailleurs ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République en marche, du groupe socialiste et républicain, du RDSE, du groupe République et Territoires / Les Indépendants, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’avenir de l’Union européenne.

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 17 octobre 2017 :

À quatorze heures trente :

Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (n° 578, 2016-2017) ;

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 22, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 23, 2017-2018).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq : suite éventuelle de l’ordre du jour de l’après-midi.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD