M. Michel Raison. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements ont un même objet : exonérer partiellement ou totalement les médecins retraités du paiement des cotisations sociales.

La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 29 rectifié bis de Jean-Noël Cardoux, dont les dispositions, comme notre collègue l’a rappelé, correspondent à la position constante de la commission depuis plusieurs années et ont déjà été votées par le Sénat.

Je prie les auteurs des autres amendements, qui visent le même objectif, de bien vouloir les retirer, et j’invite donc nos collègues à voter cet amendement, dont je souhaite, madame la présidente, qu’il soit mis aux voix par priorité.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, les amendements nos 564 rectifié de Mme Conconne et 344 rectifié ter de Mme Ghali ont un objet différent des autres : ils visent non pas seulement les médecins retraités qui seraient mobilisés pour combattre la désertification médicale, mais tous les médecins, afin de favoriser leur implantation dans les territoires d’outre-mer ou les secteurs prioritaires de la politique de la ville.

Mme la présidente. Il me semblerait donc légitime de les mettre aux voix avant l’amendement n° 29 rectifié bis.

La commission est-elle d'accord avec cette analyse ?

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Nous sommes tout à fait d’accord, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Je suis tout à fait d'accord avec la méthode que vous proposez, madame la présidente.

Les auteurs de ces amendements, qui ont en effet deux objets différents, ne prennent pas tout à fait en compte le plan visant à renforcer l’accès territorial aux soins que le Gouvernement a présenté en octobre dernier et qui sera mis en œuvre à partir de janvier prochain.

Les amendements nos 564 rectifié et 344 rectifié ter tendent à exonérer de charges sociales et fiscales les médecins généralistes ou spécialistes qui viendraient s’installer en zone sous-dotée, que ce soit en outre-mer ou dans certains quartiers de nos villes.

Je suis défavorable à ces amendements, parce que les exonérations de charges sociales et fiscales pour les médecins sont aujourd’hui un levier pour la modération tarifaire : elles servent à favoriser l’installation de médecins qui ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires.

Il me paraît très important de rester dans cette logique d’incitation à la régulation tarifaire. Ouvrir le dispositif à l’ensemble des médecins favoriserait, par un effet d’aubaine, des médecins pratiquant des dépassements d’honoraires, ce qui, je crois, ne serait pas rendre service à la population. Gardons l’exonération pour les médecins du secteur 1.

Le problème reste néanmoins entier dans les territoires sous-dotés, en outre-mer, dans le monde rural et dans certains quartiers de nos villes. Je tiens à vous rassurer sur notre volonté de les aider.

Dans le plan visant à renforcer l’accès territorial aux soins, nous avons prévu un très grand nombre d’outils pour permettre aux territoires de s’organiser en fonction de l’offre de soins existante. Avec ce plan, nous changeons de paradigme : nous ne misons pas tout sur l’installation coûte que coûte de médecins, car, la démographie médicale étant ce qu’elle est, ce serait déshabiller Paul pour habiller Pierre – il n’y a pas aujourd’hui de territoires surdotés en médecins, cela se saurait –, mais nous voulons donner du temps médical aux territoires.

Toute la logique du plan vise à projeter des médecins, généralistes ou spécialistes, issus des hôpitaux de la région, des maisons de santé ou organisés en réseau, pour, par exemple, aider une journée ou deux par semaine une maison ou un centre de santé ou remplacer un jour par semaine un médecin qui souhaite partir en retraite.

Bref, c’est toute une philosophie d’organisation territoriale des soins. Dans ce cadre, j’ai négocié avec les syndicats médicaux et les fédérations hospitalières l’idée d’une responsabilité territoriale.

Le deuxième versant de notre plan consiste à miser sur les coopérations interprofessionnelles. Nous le savons, un certain nombre de professionnels de santé dans les territoires peuvent se voir déléguer certaines tâches, à condition qu’il y ait des protocoles et des coopérations bien construites. Nous misons donc sur l’interprofessionnalité et la multidisciplinarité avec les pharmaciens, les infirmières et les kinésithérapeutes.

Le troisième versant du plan est le développement de la télémédecine et de la téléexpertise.

Je souhaite que vous preniez en compte l’ensemble des mesures prévues dans ce plan et que vous ne misiez pas tout sur des installations de médecins. Ce serait, à mon avis, une erreur de philosophie. D’ailleurs, depuis dix ans que l’on cherche à favoriser ces installations, on n’y arrive pas, parce que la démographie médicale est aujourd’hui telle que nous n’avons pas de médecins en réserve.

Nous devons tous être conscients que cette situation va s’aggraver dans les années qui viennent : la démographie médicale déclinera jusqu’en 2025 et ne remontera qu’ensuite. Nous devons donc nous organiser intelligemment sur le territoire, sans chercher à attirer des médecins dans certaines zones au détriment d’autres.

En ce qui concerne les médecins retraités, le plan d’accès aux soins prend tout à fait en compte le souhait de certains d’entre eux de poursuivre leur activité, au moins à temps partiel. En effet, nous avons plus que triplé le plafond du cumul emploi-retraite, en le portant de 11 000 euros à 40 000 euros. Nous savons que, d’ores et déjà, nous serons en mesure de doubler ou tripler le nombre de médecins qui, parvenus à l’âge de la retraite, souhaitent s’inscrire dans ce dispositif. Du temps médical en résultera pour les territoires.

Exonérer ces médecins de cotisations créerait un déséquilibre entre professions libérales, puisqu’ils cotisent à la retraite avec toutes les professions libérales et seraient les seuls à bénéficier d’une exonération.

Même si, sur le fond, nous visons le même objectif, je suis donc défavorable à l’amendement n° 29 rectifié bis, ainsi qu’aux amendements nos 425 rectifié bis, 558 rectifié bis et 559 rectifié. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Charles Revet. C’est une erreur !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, pour la parfaite compréhension du débat, pouvez-vous rappeler l’avis de la commission sur les amendements nos 564 rectifié et 344 rectifié ter ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements visent à instaurer une exonération fiscale. Pour la commission, il n’y a pas lieu de se prononcer sur une telle mesure dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mon avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Les réponses qui m’ont été opposées ne sont pas satisfaisantes et démontrent, hélas !, la très mauvaise connaissance que l’on a depuis l’Hexagone de nos territoires.

Aujourd’hui, comment la République peut-elle continuer de supporter que, dans une région comme le nord de la Martinique, onze communes sur quatorze ne comptent aucun médecin ? Que, pour se rendre chez un médecin dans la conurbation centre, un habitant de cette région soit contraint d’affronter parfois trois heures d’embouteillages, compte tenu du trafic extrêmement difficile dans la conurbation centre, où se concentre l’essentiel de l’activité à La Martinique ?

Je suis très déçue, parce que je suis sûre qu’une dizaine de médecins auxquels on attribuerait une telle exonération dans le cadre d’une expérimentation sur trois ans bénéficieraient beaucoup à La Martinique.

Il n’y aurait pas d’effet d’aubaine pour les médecins déjà installés, même si deux ou trois parmi eux seraient séduits par la mesure. Dans un territoire où la démographie médicale s’affole à la baisse, ce serait un moyen de faire revenir à La Martinique des médecins martiniquais installés dans l’Hexagone et qui nous feraient le bonheur de retourner au pays pour s’occuper de notre population !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Nous aurons du mal à voter ces amendements. Non que les problèmes de désertification médicale et de retards sanitaires ne soient pas avérés ; bien au contraire, nous entendons ce qui a été dit, qu’il s’agisse de l’outre-mer, de Marseille ou d’autres territoires, comme le mien : l’ancien bassin minier. Ce sont des réalités qu’il faut mettre en lumière, et les auteurs des amendements ont raison de les défendre.

À la vérité, en voulant tout régler avec des baisses massives de cotisations sociales et des exonérations pour des dizaines de milliards d’euros, le Gouvernement a ouvert la boîte de Pandore : maintenant, dès qu’un problème se pose, que ce soit la situation des agriculteurs ou la désertification médicale, on propose des exonérations.

Ce qu’il faut, c’est se poser les vraies questions : celles des politiques publiques. En matière d’agriculture, le ministre a dit que cela viendrait ; on l’entendra après. Pour ce qui est des politiques publiques en matière de santé publique, je n’ai rien entendu de la bouche de Mme la ministre.

Devant la désertification particulièrement accentuée qui frappe aujourd’hui certains territoires, il faut se demander pourquoi les médecins ne s’y installent pas. Que recherche un médecin lorsqu’il s’installe ? Être à proximité d’un hôpital, pouvoir travailler en groupe et consulter des confrères auprès de lui, être près de spécialistes, disposer de structures telles que les maisons et les centres de santé.

Or, pendant des années et des années, les politiques publiques ont conduit à de nombreuses destructions. Ainsi, on a supprimé les hôpitaux de proximité, de sorte que, dans certains territoires, il n’y a plus de grand hôpital. Songez qu’il n’y a pas de CHU dans le bassin minier ! C’est pour cela que les médecins ne s’y installent pas ; ils s’installent en revanche à côté de Lille, où il y a un CHRU.

C’est donc un service public territorialisé de santé qu’il faut reconstruire, en mettant en symbiose les médecins libéraux, les hôpitaux de proximité, des grands hôpitaux et des structures telles que les centres de santé, qu’il faut encourager, parce que nombre de médecins sont prêts à s’engager dans une médecine salariée – tous ne souhaitent pas ouvrir un cabinet, et il faut prendre en compte ces évolutions.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Dominique Watrin. C’est pour cela que nous sommes frustrés par ces amendements : les problèmes soulevés sont réels, mais les solutions proposées ne sont pas conformes aux exigences de politique publique qu’il faut mettre en place ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Pourquoi les médecins ne s’installent-ils plus dans certaines zones ? Pour plusieurs raisons.

Le mode d’exercice libéral a beaucoup changé : le temps où les médecins travaillaient sept jours sur sept, répondaient la nuit, prenaient des gardes, ne prenaient pas de week-end, etc., ce temps est révolu. Les comportements des médecins changent ; ceux-ci veulent mener, si je puis dire, une vie normale, et c’est bien normal.

Les déserts médicaux n’existent pas seulement dans les zones rurales. On en trouve aussi, comme l’a fait observer notre collègue Samia Ghali, dans les zones hyperurbaines que je qualifierai de difficiles, les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où la logique est différente.

Certains ont prétendu que l’on réglerait le problème de la démographie médicale en desserrant largement le numerus clausus. Seulement voilà, il n’est pas possible de le faire massivement, parce que les hôpitaux et les universités ne pourraient pas accueillir en masse des étudiants supplémentaires.

En ce qui concerne l’effet de l’exonération de charges, je rejoins Mme la ministre. Le secteur 1, c’est-à-dire remboursé, bénéficie déjà d’un certain nombre d’exonérations. Pour le coup, ce serait vraiment ouvrir la boîte de Pandore, pour reprendre l’expression qui a été employée, que d’adopter les amendements proposés.

Madame la ministre, vous avez présenté, avec le Premier ministre, un plan d’accès territorial aux soins. Donnons-lui la chance de réussir ! Ce plan, que je n’ai pas le temps de détailler, comporte un certain nombre de mesures intéressantes, qui jouent sur les changements de comportements médicaux et la modernisation et la médecine en ligne, qu’il s’agisse de la télésurveillance, de la téléconsultation ou de la téléexpertise.

Les modes de rémunération eux aussi seront sans doute à revoir. Des mesures à cet égard figurent, si je ne m’abuse, à l’article 35 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Donnons sa chance à ce plan et, le moment venu, prenons le temps de l’évaluer ! Peut-être faudra-t-il ensuite prendre d’autres trains de mesures. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.

M. Jacques Genest. Je suis bien entendu très favorable aux amendements de MM. Leroux, Raison et Cardoux. Ces dispositions ne résoudront pas le problème, mais elles nous permettraient au moins de soigner les gens pendant un certain temps.

Je pense que la désertification médicale est l’un des problèmes les plus importants de la société française actuelle. Depuis trente ou trente-cinq ans, les gouvernements ont été incapables de le résoudre. Résultat, dans quelques années, 80 % à 85 % du territoire ne seront plus couverts par des médecins, qu’il s’agisse des territoires ruraux, que je connais bien, ou des territoires de banlieue, que je connais moins.

Madame la ministre, le problème des gens qui souffrent de maladies et ne peuvent pas se faire soigner, ce n’est pas de savoir si l’on doit ou non exonérer les médecins, c’est de se faire soigner… Permettez-moi d’enregistrer votre très beau discours BCBG : ainsi, je pourrai le diffuser à tous les gens qui souffrent et meurent parce qu’ils n’ont pas de médecins ! (Protestations sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je demande à M. Genest de présenter ses excuses à Mme la ministre pour cette attaque personnelle tout à fait inconvenante.

Madame la présidente, je demande une suspension de séance de dix minutes ; je la demanderai tant que M. le sénateur ne se sera pas excusé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest.

M. Jacques Genest. Je présente mes excuses à Mme la ministre, que je n’ai pas voulu attaquer personnellement.

Nous qui, dans le milieu rural, ne pouvons pas nous faire soigner, nous avons envie de trouver des solutions. Mon intention, madame la ministre, était de souligner la gravité de ce problème dans nos territoires, pas du tout de vous fâcher, d’autant que je vous considère comme une bonne ministre. (M. le président de la commission des affaires sociales rit.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre, M. Genest s’étant excusé, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de suspendre la séance.

Madame la ministre, je vous donnerai la parole quand tous les orateurs auront pris la parole pour explication de vote, afin de ne pas entretenir des rebonds permanents. Je puis comprendre que vous vous sentiez concernée, mais vous pourrez répondre tout à l’heure.

M. Gérald Darmanin, ministre. Il me semble que la suspension de séance est de droit quand le Gouvernement la demande. Je vous demande, madame la présidente, de suspendre la séance ! (M. Jean-François Husson s’exclame.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre, la suspension de séance n’est pas de droit. Toutefois, par égard pour le Gouvernement, je suis disposée à vous l’accorder, même si je suis ennuyée d’interrompre la discussion en cours… (Exclamations sur de nombreuses travées.)

Mme Laurence Rossignol. S’agit-il d’une suspension punitive ? Allons !

M. Jean-François Husson. Pourquoi suspendre, puisque notre collègue s’est excusé ? Continuons !

Mme la présidente. Mes chers collègues, puisque nous ne sommes pas d'accord, je consulte le Sénat sur la suspension de séance immédiate demandée par M. le ministre.

(La suspension de séance n’est pas décidée.)

Mme la présidente. Nous poursuivons donc l’examen de ces amendements en discussion commune.

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Pour revenir à l’objet de la discussion, à savoir la désertification médicale, je crois que c’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir régulièrement au fil de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Un plan a été présenté par le Premier ministre pour lutter contre ce phénomène. Personne dans cet hémicycle ne peut sérieusement prétendre qu’il y a une mesure qui porterait remède à la situation actuelle, une situation qui vient de loin.

Je me souviens d’une époque pas si lointaine – j’étais alors jeune médecin – où l’on restreignait le nombre de médecins pour limiter les dépenses, où l’on incitait les praticiens à cesser d’exercer leur profession à 53 ans en les payant grassement et où l’Ordre des médecins demandait que l’on réduise le numerus clausus, qui, de fait, a alors été fixé à un niveau très bas.

Actuellement, le numerus clausus est au contraire à un niveau très élevé, puisqu’il a été porté à 8 000 étudiants. Un nombre important d’étudiants sortent donc des facultés de médecine. Seulement quand ils sortent, ils ne veulent pas exercer leur activité dans certains territoires ni exercer certaines professions comme celle de médecin généraliste. C’est ce que nous constatons lorsqu’ils sont en formation dans nos cabinets en ville : ils changent alors souvent d’avis et regardent d’un autre œil des métiers que, en réalité, ils ne connaissaient pas.

Il était utile d’apporter ces précisions pour rappeler que, au-delà de toutes les mesures et solutions proposées par nos collègues – je pense notamment à MM. Amiel et Watrin –, il est nécessaire d’intervenir dès la formation initiale. Cela étant, ce n’est pas parce qu’il n’existe pas de disposition permettant de résoudre l’intégralité des problèmes qu’il ne faut pas mettre en œuvre des mesures fragmentaires.

Je souscris aux propos de Mme la ministre sur la nécessité de s’en tenir à des incitations pour les seuls médecins qui respectent les tarifs conventionnels.

Toutefois, Mme Ghali propose au travers de son amendement que l’État fixe par décret les conditions d’application des exonérations qu’elle prévoit. Par conséquent, madame la ministre, vous auriez tout loisir de réserver ces exonérations aux professionnels de santé qui exercent en secteur conventionnel et respectent les tarifs opposables. Je vous invite à ne pas fermer la porte à des mesures qui sont certes très sectorielles et limitées, mais qui peuvent avoir un intérêt dans certains territoires.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 29 rectifié bis de M. Cardoux, il me semble que les médecins qui voudraient continuer à exercer, alors qu’ils ont atteint l’âge de la retraite, ont d’autres préoccupations que financières.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Jomier. Par ailleurs, certains salariés continuent à cotiser, sans que cela majore leurs droits à la retraite.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je souhaite intervenir en tant qu’ancien membre de la commission des affaires sociales.

Sur ce sujet extrêmement sensible, je tiens à dire que je respecte totalement les positions défendues par les auteurs des amendements – je suis d’ailleurs cosignataire d’un certain nombre d’entre eux. L’ensemble du territoire mérite une attention particulière, et il ne faut négliger ni ce qui se passe en métropole ni ce qui se passe en outre-mer.

Malheureusement, cela fait des années que l’on parle de démographie médicale, que l’on évoque ces médecins qui ne trouvent pas de successeurs lorsqu’ils prennent leur retraite. Cette situation pose problème pour la sécurité des personnes, même si l’ensemble des personnels des hôpitaux de proximité font le maximum.

Les maisons de santé posent également de grosses difficultés. Elles représentent un coût pour l’État et les collectivités territoriales, une forme d’engagement financier. Il faut donc les faire vivre. Or on s’aperçoit que certaines maisons de santé pourtant très récentes ne parviennent pas à attirer des médecins. Nous sommes tous concernés par ce problème, car c’est d’argent public qu’il s’agit.

Il faut essayer de trouver des solutions, même si, je le répète, cela fait des années que l’on parle de ce problème. D’un côté, on connaît l’aridité des chiffres, ceux des finances publiques et du budget de la sécurité sociale, mais, de l’autre, quand on prend du recul, il faut également tenir compte de la sécurité des personnes.

En conclusion, je me rallierai à l’avis du rapporteur général.

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.

M. Maurice Antiste. Je soutiens évidemment les amendements nos 564 rectifié et 344 rectifié ter.

Madame la ministre, vous ignorez complètement la situation de nos territoires. De quel droit le petit Foyalais, autrement dit l’habitant de Fort-de-France, aurait-il accès à une offre médicale hors norme à moins de cinquante mètres à la ronde, quand celui de Grand’Rivière n’a pas accès à la même offre médicale ? Il nous arrive pourtant souvent de parler d’égalité et de fraternité !

Si vous avez vraiment peur d’ouvrir la boîte de Pandore, je vous propose de faire de ces petits territoires une zone d’expérimentation, donc d’adopter sans aucune gêne l’un ou l’autre de ces deux amendements. Il s’agirait d’un signal très fort envoyé aux habitants des zones de désertification médicale, qui se sentiraient enfin pris en compte.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. La question de l’implantation des médecins dans des zones rurales ou urbaines se trouve à la croisée d’au moins quatre problématiques différentes.

La première concerne l’attractivité générale du territoire. Lorsque certaines zones ne parviennent pas à attirer des fonctionnaires, des ingénieurs ou des techniciens, pourquoi les professions médicales s’y implanteraient-elles facilement ?

La deuxième est liée à l’attractivité de l’activité libérale. Chaque année, il faut regarder l’activité choisie par les nouveaux diplômés à la sortie de leurs études, puis leur parcours au bout d’un, de trois ou de dix ans. De fait, on s’aperçoit que, en début de carrière, la part d’activité salariée est importante, quand la part libérale est très faible.

La troisième touche à l’attractivité de la médecine libérale. Chaque année, là encore, il faut étudier le classement des épreuves classantes nationales après la sixième année d’étude. On constate que la spécialité « médecine générale » est très peu choisie et figure très loin au classement.

La quatrième porte sur les aspirations des jeunes médecins à la fois dans leur pratique professionnelle et dans leur mode de vie.

Madame la ministre, je souhaiterais que vous apportiez des précisions sur le cumul emploi-retraite. Dans cet hémicycle, j’ai soutenu une mesure tendant à supprimer les cotisations vieillesse pour les médecins qui continuent à exercer au-delà de l’âge de la retraite. J’ai d’ailleurs le souvenir que cette disposition avait été adoptée à l’unanimité, ou presque, par le Sénat, malgré l’avis défavorable du gouvernement de l’époque. Malheureusement, cette disposition avait ensuite été rejetée par l’Assemblée nationale.

J’ai écouté vos propos sur le cumul emploi-retraite avec attention : le cas échéant, je serais prêt à changer de position si ce dispositif était plus attrayant pour les médecins qui veulent prolonger leur activité lorsqu’ils arrivent à l’âge de la retraite.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Le Sénat a bien voulu adopter mon amendement sur le cumul emploi-retraite dans le cadre de la dernière loi Montagne, avant que l’Assemblée nationale ne le vote également par la suite. Cette mesure ne concernait cependant que les zones de montagne, si bien que l’on peut considérer la proposition de MM. Raison et Cardoux comme une extension du dispositif, à laquelle je suis bien sûr tout à fait favorable.

En ce qui concerne la désertification médicale, la situation professionnelle des conjoints peut poser problème. Bien souvent, les deux époux travaillent, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.

Je considère pour ma part qu’il est tout à fait possible et souhaitable de relever le numerus clausus : celui-ci ne serait plus l’aboutissement d’une épreuve classante nationale si l’on décidait de créer un internat par faculté, un internat de six mois chez un médecin généraliste, comme à l’hôpital. À cet égard, il conviendrait peut-être de mieux considérer et de mieux rémunérer les maîtres de stage.

Sur la question du salariat, la proposition de Mme la ministre me paraît aller dans le bon sens, car beaucoup de jeunes préfèrent être salariés de nos jours.

Il faut cependant que l’évolution envisagée soit coconstruite avec les élus : on pourrait très bien imaginer que les médecins salariés qui le souhaitent puissent travailler à l’hôpital, en clinique – j’ai moi-même rencontré les responsables d’une clinique qui y seraient favorables –, ou encore dans une maison de santé. Cette proposition pourrait être mise en œuvre avec l’appui des communautés de communes ou des communautés d’agglomération.

Je suis également favorable aux mesures sur la télémédecine et les aides à l’installation. Pour parler des emplois partagés, on pourrait imaginer qu’ils le soient entre un hôpital et une maison de santé, par exemple, surtout quand celle-ci manque de médecins ou connaît des difficultés.

Il faut également inciter les spécialistes à aller exercer dans des maisons de santé : pourquoi ne pas proposer de l’aide à un spécialiste qui exerce en zone hyperdense en contrepartie de son engagement de travailler dans une maison de santé pour deux jours ou une consultation par semaine ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Chasseing. J’en termine, en souhaitant que nous parvenions à juguler les déserts médicaux grâce aux actions innovantes préconisées dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.