M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour présenter l'amendement n° 560 rectifié.

M. Michel Vaspart. La désertification médicale connaît actuellement une aggravation inquiétante. La Cour des comptes, dans son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, présenté en septembre 2017, partage ce constat : « La concentration géographique tend à s’accroître et les écarts de densité médicale sont considérables. Des départements entiers sont “désertés” par certains spécialistes. » C’est pourquoi elle préconise l’instauration d’un conventionnement sélectif des spécialistes. Par cet amendement, nous proposons la mise en œuvre de cette recommandation.

M. le président. L'amendement n° 208 rectifié ter, présenté par M. Marie, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Cabanel, Durain, Houllegatte, Iacovelli et Lalande, Mmes Lienemann, Meunier, Monier et Rossignol, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Courteau, Carcenac et Duran et Mme Grelet-Certenais, est ainsi libellé :

Après l'article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 44

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, dans des zones définies par les agences régionales de santé, en lien avec les conseils territoriaux de santé mentionnés à l’article L. 1434-10 du code de la santé publique et en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national, le conventionnement à l’assurance maladie d’un médecin libéral peut être limité aux seuls cas où ce conventionnement intervient en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin.

II. – Les modalités d’application de l’expérimentation sont définies par décret en Conseil d’État.

III. – Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un bilan de cette expérimentation, qui porte notamment sur l’opportunité de la généralisation du dispositif.

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Puisque nous voulons être source de propositions, nous proposons par cet amendement de repli que les conditions prévues à notre amendement précédent s’appliquent à titre expérimental, pour une durée de trois ans. Nous prévoyons par ailleurs une évaluation de ce dispositif au bout de six mois pour en mesurer le bénéfice.

M. le président. L'amendement n° 391 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Kern, Mayet, Lefèvre, Chatillon et Ginesta, Mme Bruguière, MM. Courtial, Vaspart, Lafon, de Nicolaÿ et Luche, Mmes Joissains et Loisier, M. Détraigne, Mme Micouleau, MM. Huré, L. Hervé et Laugier, Mme Vullien, MM. Médevielle et Janssens, Mme Sollogoub, MM. Cornu et Mandelli, Mmes Lopez et de la Provôté, M. B. Fournier, Mmes Bonfanti-Dossat et Gatel, M. Daubresse, Mme Troendlé, MM. Pellevat, Paccaud, Canevet, Delcros, Cuypers, Chasseing, Moga, Bignon et Revet et Mme Berthet, est ainsi libellé :

Après l'article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4131-6-… – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, dans les zones, définies par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national, dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins, le conventionnement à l’assurance maladie d’un médecin libéral ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans la même zone.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de l’expérimentation.

« Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un bilan de cette expérimentation, qui porte notamment sur l’opportunité de la généralisation du dispositif. »

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Cet amendement prévoit qu’une expérimentation – le mot est important – de conventionnement sélectif puisse être menée sur une période de trois ans dans les zones dites « surdotées », c'est-à-dire les zones dans lesquelles existe un fort excédent en matière d’offre de soins. La fracture sanitaire ne cesse de s’aggraver, et les politiques incitatives mises en place depuis vingt-cinq ans ont montré leurs limites.

Les mesures proposées récemment par le Gouvernement pour lutter contre les déserts médicaux en continuant dans cette voie ne prennent pas toute la mesure du problème qui touche nos territoires. Il nous semble donc nécessaire d’aller au-delà. Aussi, cet amendement prévoit que, dans les zones surdotées, définies par les ARS en concertation avec les organisations représentatives des médecins, un nouveau médecin libéral ne pourra s’installer en étant conventionné à l’assurance maladie que lorsqu’un médecin libéral de la même zone cessera son activité. Le principe de la liberté d’installation demeure, mais le conventionnement n’est possible que de manière sélective pour les nouvelles installations.

Ce système de régulation reposant sur le conventionnement sélectif existe déjà pour la plupart des professions de santé – infirmiers, sages-femmes, orthophonistes, chirurgiens-dentistes – et a largement fait ses preuves.

En choisissant le principe de l’expérimentation, cet amendement permettra d’évaluer sa pertinence avant d’envisager sa pérennisation. Pour ce faire, six mois avant la fin de l’expérimentation, cet amendement prévoit que le Gouvernement remette un rapport au Parlement afin d’évaluer son impact.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, rapporteur. La commission est défavorable à l’ensemble des amendements, que ceux-ci portent sur le conventionnement sélectif conditionné au départ à la retraite d’un médecin ou sur l’expérimentation.

Lors de précédents débats, notamment lors de l’examen de la loi Santé et des précédentes lois de financement de la sécurité sociale, la commission s’était opposée à l’instauration d’un conventionnement sélectif, que rejette le corps médical, notamment les internes et les jeunes médecins.

La MECSS a conduit au premier semestre une mission sur les dispositifs incitatifs en faveur de l’offre de soins dans les zones sous-dotées. Le rapport de nos collègues Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny, publié en juillet 2017, avance de nombreuses propositions pour agir plus vite et plus efficacement, mais confirme la position de la commission à ce sujet : sans négociation avec les professionnels de santé concernés et sans leur assentiment, une évolution de cette nature pourrait être inefficace au regard des enjeux des zones sous-dotées. En effet, ce dispositif pourrait détourner de jeunes médecins de l’exercice en libéral, voire de l’exercice de la médecine tout court. En outre, l’instauration du principe « une installation pour un départ » dans les zones surdotées n’apporte nullement la garantie d’un rééquilibrage géographique de l’offre de soins au profit des zones sous-dotées.

Le conventionnement sélectif a été mis en place avec l’accord de la profession pour les infirmiers, dans un contexte démographique très différent de celui des médecins – ces professionnels étaient en surnombre, ce qui n’est pas le cas des médecins. Or on constate des effets de contournement, avec des installations à la lisière des zones dites « surdenses » et un impact finalement assez limité sur les zones les plus fragiles en termes d’accès aux soins. Cela a également été constaté lors de la mise en place de cette mesure en Allemagne, comme l’a souligné un rapport publié l’an dernier par le rapporteur général et Yves Daudigny.

Bien sûr, cette question de l’accès aux soins, invoquée sur toutes les travées de cet hémicycle, est cruciale et suscite des inquiétudes fortes parmi les élus. Par exemple, en région Pays de la Loire, une enquête sur la ruralité a révélé que, après l’accès au numérique, l’accès aux soins était le deuxième sujet de préoccupation des élus, même si les problèmes de démographie médicale et d’installation ne touchent pas que les zones rurales. Certaines d’entre elles se sont organisées : c’est le cas du département de la Mayenne, qui a créé un pôle de santé en milieu hyper-rural, qui fonctionne remarquablement bien – Mme la ministre s’y est d’ailleurs rendue –, avec une prise en compte de la situation de l’ensemble des professionnels de santé – médicaux et paramédicaux –, qui se sont organisés autour d’un vrai projet de santé de territoire.

Les zones périurbaines ou certains quartiers de ville sont aussi concernés, et le problème touche à la fois la médecine libérale et la médecine salariée. Actuellement, un centre de santé au Mans – qui n’est pas une ville totalement paumée en pleine campagne, elle est même plutôt proche de Paris – n’arrive pas à recruter un médecin salarié.

Le problème est donc beaucoup plus complexe, et il n’y a pas de solutions miracle. Dans le plan qu’a présenté Mme la ministre dans le cadre de sa stratégie d’accès aux soins, c’est la multitude des mesures prévues qui permettra d’apporter une solution, notamment le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles ou des centres de santé, car, dans certains territoires, l’exercice de la médecine salariée correspond le mieux à la situation. Ces maisons de santé ne doivent pas se résumer à des murs. Beaucoup d’élus construisent de beaux centres de santé en se disant que les médecins viendront, mais qui restent des coquilles vides.

M. René-Paul Savary. Il faut un exercice coordonné !

Mme Catherine Deroche, rapporteur. Il faut en effet un exercice coordonné et des projets de santé de territoire de tous les professionnels.

Par ailleurs, il faut développer les stages dans les maisons de santé, afin de donner aux étudiants le goût de l’exercice libéral, faire en sorte, au cours des formations, dans les instituts de formation en soins infirmiers ou ailleurs, que les professionnels de santé, toutes tendances confondues, travaillent ensemble dès le départ pour les préparer à l’exercice pluriprofessionnel.

Je veux également citer le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles universitaires – la région Pays de la Loire va soutenir une expérimentation avec la faculté de Nantes, où des projets de recherche en soins primaires seront menés dans de multiples maisons de santé, permettant ainsi à la faculté et au CHU de venir au contact du territoire.

C’est la conjonction de toutes ces mesures qui peuvent avoir un effet incitatif sur les jeunes médecins à l’issue de leurs études – sur 100 médecins diplômés, 25 ne sont pas inscrits à l’Ordre et disparaissent ainsi des radars, si je puis dire. Il faut les inciter très tôt, donc, et leur montrer ce qu’est l’exercice de cette profession. Cela passe également par le partage des tâches et des actes.

Ce qu’il faut, c’est que les médecins puissent exercer dans des conditions qui sont celles qu’ils attendent, que le territoire soit suffisamment accueillant pour le travail du conjoint. Les médecins ayant un peu peur d’exercer seuls, il est également nécessaire qu’ils exercent dans un cadre multiprofessionnel. C’est donc toute une dynamique nouvelle qu’il faut créer dans l’offre de soins, et l’article 35, à cet égard, va nous y aider.

Pour en revenir aux amendements, des mesures comme celles-ci, qui peuvent paraître séduisantes – dans nos départements, les maires nous disent en effet : « Il n’y a pas de médecins. Obligez-les à venir sur nos territoires ! » –, seraient à mon avis contre-productives.

Concernant les zonages, je pose la question : où sont les zones de surdensité médicale ? Autant certaines professions, c’est vrai, étaient un peu surdotées, nécessitant une régulation de l’offre, concernant la médecine, ce serait, je le répète, totalement contre-productif, cela susciterait des installations à la frange desdites zones et, surtout, conduirait à un détournement de l’exercice libéral. Incitons d’abord les jeunes à s’engager dans la voie de la médecine générale, alors que, au terme de leurs très longues études, ils ont plutôt tendance à s’orienter vers la médecine spécialisée.

Encore une fois, ces propositions sont de fausses bonnes idées, d’où l’avis défavorable.

M. le président. Madame la rapporteur, je précise que je vous ai accordé un temps de parole trois fois plus long que prévu, puisque vous exprimiez l’avis de la commission sur quatre amendements identiques, suivis de deux autres amendements.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Mme la rapporteur a tout dit. Mais, moi, j’ai une question à vous poser, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque la Chambre haute représente les territoires : lequel d’entre vous considère qu’il est dans une zone surdotée en médecins ? Qu’il lève la main !…

Dans les dix années qui viennent, la situation va s’aggraver. Nous avons tous en tête l’exemple d’une ou de deux villes où, peut-être, on pourrait considérer qu’il y a un trop-plein de médecins. Mais, pour ne prendre que ce cas, nous savons que Paris n’est pas une zone surdotée aujourd’hui : il faut attendre six mois pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmo. C’est donc une fausse bonne idée, puisqu’il n’y a pas de zones surdotées.

Par ailleurs, et Mme Deroche l’a rappelé, on connaît les phénomènes de contournement. Vous êtes bien placés pour connaître les densités de médecins dans les territoires, et je pense que pas un seul parmi vous considère qu’il est dans une zone surdotée.

Quand on mesure la difficulté à définir le périmètre des zones sous-dotées, je ne vous parle même pas de ce qu’il en serait pour les zones surdotées. C’est une fausse bonne idée, je le répète, et le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je partage tout à fait l’avis de Mme la ministre. Faisons attention : si l’on veut encourager les étudiants à se diriger vers la médecine générale, il ne faut pas leur envoyer des signes négatifs. Auquel cas, ils choisiront aussitôt une autre filière.

Ayant exercé en médecine de groupe en milieu rural, je peux vous dire que, grâce à certaines propositions, on arrive finalement à faire revenir les jeunes. Personnellement, j’ai l’impression que les choses s’améliorent, et elles s’amélioreront encore si l’on offre davantage de souplesse. Les propositions qui sont faites à travers le plan Santé me paraissent tout à fait innovantes ; il faut donc leur donner leur chance.

Hier, j’ai réagi sur le projet de médecin généraliste ambulatoire ou nomade, remplaçant, mais finalement, pourquoi pas ? Effectivement, pourquoi ne pas tenter cette approche complètement différente, sachant que le médecin de famille – et nous sommes un certain nombre à avoir exercé ce type de médecine extraordinaire – n’existera plus ?

Si l’on veut contraindre les personnes à s’installer, il faut les prévenir quand elles commencent leurs études, et non pas à leur terme, dix ans après. Ou alors autant ouvrir un peu plus le numerus clausus et le problème sera réglé. Nous faisons tous le constat qu’il n’y a pas assez de médecins. Si, voilà dix ou quinze ans, nous l’avions ouvert un peu plus, nous ne ferions pas face à ces difficultés.

Ce que je crois, c’est qu’il faut un peu plus de médecins, même s’il n’y en a jamais eu autant, parce qu’il faut bien suivre le vieillissement de la population. On n’y échappera pas, et cela irait de pair avec la liberté complète d’installation. Les médecins qui véritablement cherchent du travail, à qui les patients font confiance, trouveront à s’installer. Quand on forme des ingénieurs ou d’autres professionnels, scientifiques ou littéraires, à des diplômes de doctorat ou postdoctoraux, on ne les oblige pas s’installer quelque part – même s’il est vrai que leurs obligations de service public sont moindres. Pour attirer des candidats vers une profession, il me paraît plus important de favoriser son attractivité plutôt que de recourir à la coercition. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il vaudrait mieux retirer ces amendements, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Je profite de cette discussion pour vous faire part d’un témoignage.

En tant qu’élu d’une commune située dans une zone un peu compliquée, j’ai eu l’occasion de travailler à la mise en place d’une maison de santé pour faire venir quatre jeunes médecins. Au-delà de ce qu’a dit Mme la rapporteur sur le projet de santé, sur la mutualisation, je voudrais insister, même si je ne suis pas moi-même médecin, sur deux faits qui m’ont beaucoup marqué.

D’une part, je pense à la relation avec l’hôpital. Il était essentiel que ces jeunes médecins aient un lien privilégié avec l’hôpital de proximité. Dans notre projet de santé, nous y avons beaucoup travaillé. L’implication du directeur de cet hôpital a fait basculer la décision de ces jeunes médecins, à qui s’offrait tout un panel de choix.

D’autre part, nous avons passé beaucoup de temps à parler non pas de médecine, de santé, mais de l’attractivité du territoire, de la commune et de l’environnement familial ; nous avons passé beaucoup de temps à parler d’emploi, notamment pour les conjoints ; nous avons passé beaucoup de temps à parler des services publics communaux, des solutions de garde pour les enfants, de leur scolarisation. Au terme de ces dialogues, c’est l’ensemble de ces arguments qui ont fait basculer le choix de ces médecins.

Les élus locaux, même s’ils ne sont pas des spécialistes en matière de santé, ont un vrai rôle à jouer. Un projet de maison de santé ou de pôle santé, c’est avant tout un projet de santé, mais c’est aussi tout un environnement à prendre en compte pour créer les conditions favorables à l’installation dans des territoires qui, à première vue, ne disposent pas de grands atouts – proximité de la mer, d’une grande ville. C’est l’énergie collective qui a permis la création de cette maison de santé, qui fonctionne très bien aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Nous sommes tous d’accord sur le constat et nous recherchons tous des solutions pour essayer de régler le problème. Il est très important de souligner qu’on trouve des déserts médicaux dans tous les territoires, alors que, souvent, on a tendance à penser qu’il n’y en a qu’en zone rurale. Mme la ministre a cité le cas de Paris, mais cette problématique vaut pour un certain nombre de quartiers situés dans toute l’Île-de-France.

Même si je comprends que mes collègues cherchent des solutions, ce qu’ils proposent me laisse dubitative. Pourquoi ? Parce qu’il est tout de même un peu curieux d’envisager de déconventionner un médecin, sachant que cette mesure touchera le patient. On dit qu’il ne faut pas toucher à la liberté d’exercice du médecin. Cet hémicycle ne compte pas que des médecins ou des représentants d’autres professions médicales ; il compte également des enseignants, qui pourraient parler eux aussi de leurs contraintes. Or si les médecins ne sont plus conventionnés, cela signifie que le patient, qui choisit librement son médecin, en subira les conséquences en n’étant plus remboursé. Et je ne vois pas ce qui le justifierait ! Voilà ce qui me laisse dubitative, sans compter les raisons que Catherine Deroche a invoquées longuement, mais elle a eu trois fois plus de temps que moi pour le faire… (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. J’ai apprécié les propos de Mme Deroche et ceux de Mme la ministre.

Pour ma part, je suis dans un territoire où il y a des médecins. Le problème, c’est l’organisation des lieux. Trois médecins ont quitté une ville de 7 000 habitants pour rejoindre ma commune de 3 400 habitants. Ils n’avaient pas besoin de partir, ils étaient à 1 kilomètre.

Dans tous les territoires, les élus font des efforts pour trouver des établissements, pour créer le lien avec l’hôpital à proximité. Mais, là où il y a un manque, c’est dans les relations entre les médecins : ils ne discutent pas entre eux, ils ne se projettent pas entre eux. Sur un territoire qui compte 30 médecins à 30 kilomètres à la ronde, ceux-ci, même s’ils sont libéraux, ont le devoir de s’organiser. Entre les hôpitaux, les médecins spécialistes, par exemple pour l’organisation des gardes, il faut désigner un référent qui soit le lien entre eux.

Il faut passer outre les ego des uns et des autres. C’est en menant cette politique, en construisant ces liens que l’on fera disparaître les déserts médicaux. Il ne faut pas compter seulement sur les élus ; les médecins doivent aussi faire des efforts.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’entends depuis des années ressasser les mêmes idées, qui, prises individuellement, sont toutes bonnes. J’ai apprécié que Mme la ministre présente un plan qui soit en quelque sorte un bouquet de toutes ces idées, qui marchent bien à tel endroit, moins bien dans le département voisin.

Je fais une suggestion à laquelle vous avez peut-être vous-même déjà songé, madame la ministre : qu’il y ait dans chaque ARS un monsieur ou une dame « désert médical » chargé de ce management de projets. Quand, dans une entreprise, un problème majeur se pose ou quand une idée se fait jour, la gestion ne peut pas se faire individuellement. Chaque maire, chaque président de syndicat, chaque président de communauté essaye de trouver la solution, mais il ne dispose pas d’un référent qui possède les clefs, qui puisse lui indiquer quelle serait la bonne pratique à adopter. Il se retrouve donc isolé.

Je le répète, madame la ministre, je suggère que chaque ARS compte un manager de projets chargé d’animer le territoire pour proposer à chaque élu la ou les solutions qui lui paraissent les meilleures.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.

M. Michel Vaspart. Je n’ai pas fait le calcul exact, mais plus de 120 ou 130 sénateurs ont cosigné ces différents amendements, dont 80 ou 90 de notre sensibilité. Ce faisant, ils ont exprimé une réalité et manifesté un souhait de la Haute Assemblée. J’estime ne pas avoir l’autorité pour retirer quelque amendement que ce soit.

Je ne vais pas raconter ma vie, mais, mon épouse étant médecin, je côtoie un peu le milieu médical. Lorsqu’on en parle dans nos territoires, il apparaît que, isolément, beaucoup de praticiens ne sont pas du tout hostiles à l’idée de ne pas autoriser l’installation de médecins conventionnés dans des secteurs surdotés.

Madame la ministre, même si personne n’a levé la main tout à l’heure, il existe des endroits où l’on compte un nombre important de médecins. Il est donc un peu incompréhensible de continuer à ne pas vouloir privilégier les secteurs qui ne sont pas surdotés par rapport aux secteurs surdotés, s’agissant de médecins conventionnés et d’actes pris en charge en totalité.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. En tant qu’enseignant je voudrais parler de l’université. Des rapprochements intéressants peuvent être faits entre les deux secteurs.

Nous manquons de façon criante d’enseignants, à tous les niveaux. Or le Gouvernement va instaurer, par le biais de la sélection – vous ne l’appelez pas ainsi, mais cela revient au même – un numerus clausus, qui n’existait pas à l’université.

Par ailleurs, le taux d’échec en première année de médecine – ma fille fait des études médicales, je connais donc bien le sujet – est aujourd'hui de 90 %. Ce taux ne semble poser aucun problème et ne gêner personne, alors qu’on nous explique qu’un taux d’échec de 60 % en licence est inadmissible et, qui plus est, que nous manquons de médecins.

Je trouve donc particulièrement illogique de gérer la pénurie à la fois d’enseignants et de médecins par des politiques malthusiennes, et je ne comprends pas que l’on puisse continuer à restreindre l’accès aux études de médecine et aux études générales.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je m’exprime en tant que cosignataire de l’un des amendements en discussion.

Je suis tout à fait d’accord avec les propos tenus par Mme Deroche, MM. Savary et Mouiller sur la coconstruction.

Aujourd’hui, 25 % des médecins ne s’installent pas ou ne remplacent pas leurs confrères. Au moment où j’ai cosigné l’amendement n° 391 rectifié bis, je ne pensais pas qu’il représenterait une contrainte énorme pour les médecins, puisque ce sont les ARS qui définissent les zones surdotées et que c’est uniquement dans ces zones, et à titre expérimental, que nous souhaitons voir si la petite coercition que nous proposons pourra déboucher sur une amélioration.

En tout cas, l’article 35 offrira selon moi des solutions.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des propos qui ont été tenus, parce que je suis d’accord avec tout ce qui a été dit. Finalement, chacun d’entre vous a un peu raison.

M. Gérard Dériot. Quel bon président ! (Sourires.)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Attendez, mon cher collègue, je vais tout de même revenir sur deux ou trois sujets… (Nouveaux sourires.)

Comme je l’ai entendu dire avant-hier et ce matin, ce sont évidemment l’attractivité et l’aménagement des territoires qui incitent les médecins à venir s’installer.

Je m’adresse avant tout aux auteurs des différents amendements : imaginez ce que pourraient ressentir des étudiants qui sortent de la faculté de médecine si des amendements de ce genre étaient adoptés par le Sénat ou par l’Assemblée nationale. Mettez-vous à leur place, mes chers collègues !

Pour vous aider à vous représenter leur réaction, prenons l’exemple d’un amendement déposé par l’un de nos collègues représentant un territoire sous-doté en entreprises. L’amendement en question viserait à interdire aux chefs d’entreprise de s’installer dans des zones surdotées, en Île-de-France ou dans les Hauts-de-Seine, par exemple. Afin que les entreprises ne s’installent pas là où il y en a déjà beaucoup, le dispositif prévoirait de rétablir l’ISF et les cotisations sociales pour ces entreprises et de doubler leurs impôts.

M. Loïc Hervé. C’est de la caricature !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. C’est exactement ce que vous prévoyez de mettre en œuvre pour les médecins ! Imaginez votre propre réaction face à un tel amendement et dites-vous bien que les médecins ou les étudiants en médecine auraient la même.

Dans ces conditions, convenez que vos amendements, s’ils étaient adoptés, les empêcheraient peut-être d’aller vers la médecine et les inciteraient à faire autre chose.