Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au début du mois de novembre, notre chambre a étudié le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, avec l’objectif de tenir le cap, fixé par le Premier ministre, d’un équilibre des finances sociales à l’horizon 2020, et la volonté d’amender le texte du Gouvernement modifié par l’Assemblée nationale dans le sens d’une égale répartition de l’effort sur l’ensemble de la population, en fonction des moyens de chacun.

Le Sénat a voté la suppression de la hausse de 1,7 point de la CSG sur les pensions de retraite. Cette mesure n’est pas tenable sur le plan financier et nécessitera qu’une part de la TVA soit réaffectée au budget de la sécurité sociale, afin de compenser le manque à gagner de 4,5 milliards d’euros. Il s’agit donc d’une perte sèche pour l’État, aggravant notre situation financière nationale. Cette décision nous a mis dans l’impasse ; c’est la raison pour laquelle mon groupe s’était abstenu au moment du vote de ce texte.

Lors des débats sur l’article 7 du PLFSS pour 2018, nous avions proposé une solution intermédiaire : maintenir une hausse de la CSG sur les pensions de retraite, tout en la limitant à 1,2 point. L’Assemblée nationale aurait peut-être pu la retenir. Il s’agissait d’un compromis raisonnable ; en l’acceptant, nous aurions mis en avant la nécessité d’une participation de chacun à l’effort de redressement des comptes publics, tout en prenant en compte la fragilité financière de nos retraités.

Nous regrettons que l’on n’ait pu trouver une solution à l’amiable, telle que celle que nous proposions, entre les tenants des deux positions exposées.

En première lecture, mon groupe avait présenté une série d’amendements cohérents, en vue d’une réforme profonde de notre système de sécurité sociale : maîtrise des dépenses de sécurité sociale, mise en place d’innovations expérimentales, résorption des déserts médicaux et soutien à l’implantation des médecins en zone rurale, simplification des dispositifs devenus trop complexes, anticipation des transformations numériques de la santé, etc. Il est essentiel que nous étudiions ce texte ensemble, représentants de la droite et de la gauche, majorité et opposition, pour assurer un équilibre des comptes de la sécurité sociale d’ici à 2020.

S’agissant de la réforme du financement de la sécurité sociale, le Gouvernement envisage un effort salutaire de limitation de l’augmentation des dépenses de sécurité sociale à 2,1 % sur la prochaine année. C’est un effort d’économie courageux. Il s’agit d’une première étape sur la route d’un équilibre des comptes à l’horizon 2020, malgré les problèmes annoncés de la branche vieillesse. Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez et avez toujours notre soutien dans cette démarche.

En nouvelle lecture, les députés ont rétabli la hausse généralisée de 1,7 point de la CSG, y compris sur les pensions de retraite. C’est la raison pour laquelle mon groupe a de nouveau déposé sa proposition de compromis, que j’ai déjà évoquée, limitant l’augmentation à 1,2 point de CSG.

De manière générale, l’Assemblée nationale a détricoté une bonne partie des mesures que nous avions votées à l’article 7 : fixation du taux de cotisation de solidarité des petits exploitants agricoles, réduction du taux de cotisation vieillesse des artistes-auteurs, etc.

Mon groupe regrette que les amendements adoptés en séance par l’Assemblée nationale aient, dans leur quasi-totalité, simplement rétabli la rédaction adoptée en première lecture par cette même assemblée. Si nos collègues députés nous écoutent, telle n’est pas notre vision du débat parlementaire : la loi s’écrit par le concours conjoint de l’Assemblée nationale… et du Sénat !

La commission mixte paritaire a échoué, certes ; néanmoins, l’objet d’une nouvelle lecture est de proposer une nouvelle rédaction tâchant d’établir un équilibre entre les deux versions du texte. C’est pourquoi, d’ailleurs, nous souhaitons poursuivre l’examen du présent projet de loi jusqu’à son terme, sans nous engager dans la voie d’une motion tendant à opposer la question préalable.

Concernant les mesures de rationalisation et de simplification de la sécurité sociale, le groupe Les Indépendants – République et Territoires partage entièrement la volonté du Gouvernement de simplifier le régime de sécurité sociale français et d’y apporter une plus grande lisibilité.

Nous avons ainsi voté en faveur de la fusion de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, et de la C4S, la contribution supplémentaire à la C3S. Nous nous sommes prononcés favorablement, en outre, sur l’extension du dispositif du chèque emploi service universel, sur la réforme de l’aide aux demandeurs d’emploi créant ou reprenant une entreprise, sur le doublement du plafond des microentreprises, ou encore sur l’adossement du régime social des indépendants au régime général. Toutes ces dispositions nous semblent favorables aux entreprises.

En matière de prévention, mon groupe avait salué les mesures du Gouvernement ; nous continuons toutefois de penser qu’il est possible d’aller encore plus loin sur ce sujet. Nous avions ainsi déposé des amendements relatifs à la prévention qui n’ont finalement pas été retenus.

Nous regrettons par ailleurs que les députés aient supprimé l’article 9 bis, introduit par notre chambre, qui encourageait le cumul emploi-retraite pour les médecins retraités exerçant en zone sous-dense.

Notre orateur de groupe, le sénateur Chasseing, avait d’ailleurs fait remarquer que les deux chambres avaient voté une telle disposition, lors de l’examen de la loi Montagne, pour les zones montagneuses. Il semble donc que cette mesure fasse consensus entre nos deux chambres et soit un outil approprié pour accompagner le renforcement du tissu médical dans les zones sous-dotées.

S’agissant enfin des mesures d’adaptation de la sécurité sociale et de notre modèle de santé au monde de demain, mon groupe a été très sensible aux propositions d’expérimentations en faveur de l’innovation dans notre système de santé.

Téléconsultation, téléexpertise, téléradiologie : la médecine de demain s’invente aujourd’hui. Il y a quelque temps, à l’occasion d’une semaine de contrôle, nous avions posé la question de la rencontre de la loi et du numérique, en nous interrogeant sur l’encadrement juridique des nouvelles technologies. Cette question s’applique également à la nouvelle relation de la santé et du numérique.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon groupe souhaite que la Haute Assemblée poursuive l’examen de ce projet de loi, selon une démarche constructive et sereine. (MM. Jean-Pierre Corbisez, Martin Lévrier et Jean-Claude Requier applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous en arrivons à la nouvelle lecture de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, après un échec de la commission mixte paritaire et une deuxième délibération, avant-hier, à l’Assemblée nationale.

M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales propose d’arrêter là la discussion sur les articles restant en navette.

Le groupe du RDSE ne partage pas, sur ce point, l’avis de la commission : il préfère, chaque fois que c’est possible, que le débat entre les deux chambres ait lieu, a fortiori dans un contexte où certains remettent en cause le bicamérisme. Nous ne soutiendrons donc pas la motion tendant à opposer la question préalable.

Nous avons été nombreux, en première lecture, à saluer la qualité et la richesse de nos échanges ; le rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a par ailleurs, lors de la commission mixte paritaire, remercié le Sénat, qui a permis d’enrichir le texte d’un certain nombre d’apports. En témoigne le nombre d’articles restant en navette : 38 seulement.

Certes, j’ai bien entendu les arguments avancés par le rapporteur général du Sénat s’agissant des divergences entre les deux assemblées, principalement au sujet de l’article 7. Toutefois, des solutions ont pu être trouvées concernant les bénéficiaires de la PCH, les artistes-auteurs, ou encore les agriculteurs.

Dans sa grande majorité, mon groupe pense donc que les débats concernant les pensions de retraite et d’invalidité méritaient d’être poursuivis ; peut-être aurions-nous pu ainsi trouver un terrain d’entente, ou une voie de passage, en augmentant par exemple le plafond, afin que la hausse ne concerne pas les plus modestes.

Peut-être pourrions-nous également, à l’avenir, et comme cela a déjà été évoqué et souligné par certains, engager les discussions avec les députés avant même la première lecture, afin d’obtenir un consensus sur les sujets majeurs.

Parmi les points d’accord avec les députés, je saluerai tout de même les avancées en matière de politique de prévention et d’innovation – je citerai le passage à onze vaccins obligatoires pour les jeunes enfants, ainsi que les articles 35 et 36 sur l’expérimentation et la télémédecine, autant de points qui vont dans le bon sens.

Il en est de même pour le RSI, dont nous sommes une majorité, au sein de mon groupe, à saluer la suppression à partir du 1er janvier 2018, bien que de nombreuses incertitudes demeurent s’agissant des conditions d’application – nous serons vigilants sur ce point.

Pour ce qui concerne le tiers payant généralisé, je partage, à titre personnel – telle n’est pas la position majoritaire de mon groupe –, la position de la ministre des solidarités et de la santé : la réforme, en l’état, n’était pas applicable ; un report me semble être la meilleure solution.

Quant aux déserts médicaux, je regrette vraiment que l’Assemblée nationale n’ait pas conservé la proposition du Sénat consistant à exonérer partiellement de cotisations vieillesse les médecins retraités exerçant en zone sous-dense. Il s’agissait, selon moi, d’une solution facilitatrice, d’une incitation à la poursuite de l’exercice médical. Au vu de la désertification médicale frappant tous nos territoires, nous déplorons la décision de rejeter cette proposition.

S’agissant des dispositifs médicaux à domicile, nous regrettons également la réintroduction par l’Assemblée nationale d’un alinéa de l’article 41, supprimé par le Sénat en première lecture, qui prévoit de plafonner le nombre de prestations et d’appareillages fournis aux patients à domicile, et dont l’adoption pourrait avoir pour conséquence de priver de soins certains demandeurs utilisant ces prestations, dès lors que le plafond sera atteint.

Je reste enfin perplexe quant à l’intérêt d’une fiscalité spécifique sur les boissons sucrées et édulcorées. Comme l’a rappelé mon collègue Guillaume Arnell lors de son explication de vote en première lecture, cette taxe comportementale risque de frapper en premier lieu les populations défavorisées. Nous préférerions et espérons encore une ambitieuse politique d’éducation à la santé.

Mon groupe tient, par mon intermédiaire, à rappeler son soutien à la volonté du Gouvernement de réduire le déficit de la sécurité sociale à 2,2 milliards d’euros. De la même façon, nous soutenons la décision de Mme la ministre des solidarités et de la santé d’ériger la prévention en axe central de la nouvelle stratégie nationale de santé, qui sera arrêtée d’ici à la fin de l’année.

Je rappelle, pour finir, la proposition qui a été faite par le groupe du RDSE en première lecture concernant la généralisation de la vaccination contre le papillomavirus – la ministre a évoqué la possibilité d’un débat sur ce point. Mon groupe y est très favorable et sera attentif aux propositions du Gouvernement dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites ; je vais tâcher, dans la mesure du possible, d’éviter les redites.

Au fil de la navette, un certain nombre de nos propositions ont été retenues, d’autres non. J’ai écouté les propos tenus hier soir, à l’Assemblée nationale, par le rapporteur général de la commission des affaires sociales : ils témoignent de sa volonté de nous satisfaire, mais également du caractère relativement contraint de son action ! J’ai pu constater que le cadre des avancées qu’il pouvait proposer est assez limité !

Bien sûr, il est tout à fait légitime que nous restions sur nos positions – elles ont été largement exprimées. Des conceptions différentes s’opposent, concernant notamment l’augmentation du taux de la CSG de 1,7 point et le pouvoir d’achat des retraités. Une réforme des retraites est annoncée pour l’année 2018 ; nous aurons l’occasion d’en reparler, de discuter, de faire en sorte qu’il soit possible d’élaborer quelque chose. Soyons attentifs, par conséquent, à ne pas envoyer un mauvais signal aux personnes âgées, et gardons-nous de nous en prendre à leur pouvoir d’achat. Veillons à ce que l’action publique, en la matière, ne soit pas interprétée dans un sens péjoratif ; une telle interprétation limiterait les possibilités d’avancer dans la réflexion sur les retraites.

Un certain nombre de modifications ont été décidées s’agissant de l’UNEDIC. Sur ce sujet aussi, monsieur le secrétaire d’État, vous vous apprêtez à engager une nouvelle réforme, pour ce qui concerne notamment la prise en compte des cotisations salariales. La réforme de l’assurance chômage méritera une attention toute particulière. On peut se poser des questions quant à la gestion paritaire de l’assurance chômage, compte tenu des quelques points évoqués dans le cadre de l’examen de ce PLFSS.

On voit donc bien qu’il existe un certain nombre de conceptions divergentes. C’est le cas, également – cela a été rappelé ce matin –, à propos de l’article 26, sur la politique familiale.

L’universalité des prestations familiales est progressivement ébranlée par la mise en place de prestations sociales corrélées au revenu des personnes. Cette dynamique avait été amorcée pendant le quinquennat précédent ; elle semble se confirmer. Pour ma part, j’aurais souhaité une évolution un peu plus moderne de notre politique familiale.

C’est la raison pour laquelle je propose notamment – en ce sens, j’ai rédigé, d’une part, une proposition de loi, qui n’a encore été ni déposée ni examinée, et présenté, d’autre part, un amendement qui a été rejeté – qu’une partie de l’allocation de rentrée scolaire prenne la forme de titres dédiés, et non d’une rémunération comme c’est le cas aujourd’hui, afin que cette prestation soit vraiment recentrée sur sa vocation, à savoir aider les familles à assumer les charges de rentrée scolaire. Monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à étudier cette proposition.

S’agissant de la partie plus directement sanitaire et médico-sociale du projet de loi, qui est tout à fait importante, Mme la ministre des solidarités et de la santé, en termes d’approche, a tout compris. Lors des débats que nous avons menés, nous avons eu l’occasion de montrer que nous pouvions trouver des terrains d’entente sur un certain nombre de mesures de santé publique et de prévention, de telles mesures étant traditionnellement insuffisantes dans notre pays.

Je pense aux dispositions tout à fait intéressantes qui nous ont été soumises en matière de lutte contre le tabagisme, dossier particulièrement important, de vaccination généralisée – un effort d’accompagnement reste à faire si nous voulons la réussite de ce dispositif ; or il faut qu’il réussisse, et nous devons donc soutenir, informer et associer les médecins traitants –, de consultations de prévention destinées aux jeunes femmes.

Quant à la non-obligation du tiers payant, nous la soutenons également. Le jour où le système fonctionnera, nul besoin de le rendre obligatoire : il sera naturellement utilisé par les médecins. La vocation de ces derniers est de soigner et de faire de la prévention ; il faut donc trouver un système de rémunération simple, de façon que tout le monde s’y retrouve. L’approche adoptée sur ce point me semble tout à fait pragmatique, et pas du tout dogmatique ; cela mérite d’être souligné.

En matière d’innovation – j’y reviendrai –, le projet de loi contient des dispositions qui sont aussi très intéressantes.

Dans le domaine médico-social, nous avons fait une proposition, qui aurait mérité d’être retenue : la fongibilité entre les deux allocations personnalisées d’autonomie, l’APA I et l’APA II, qui sont l’une et l’autre gérées par la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Un signal positif très intéressant eût ainsi été envoyé en direction des départements, leurs budgets étant directement concernés : l’ensemble de ces sommes, au lieu de remonter, aurait été naturellement dédié au financement de la dépendance des personnes âgées. Monsieur le secrétaire d’État, en l’occurrence, vous me semblez avoir raté un petit virage, un virage de modernité, qui aurait pu être accepté par tout le monde. Je vous invite fortement, dans les mois qui viennent, à y réfléchir, et à affiner la mesure proposée.

Sur le plan sanitaire, il a beaucoup été question de la désertification – je n’y reviens pas. Je me contente de relever deux points particuliers dont je regrette qu’ils n’aient pas été pris en compte.

Premier point : Alain Milon est l’auteur d’un rapport proposant de réformer la prise en charge de l’investissement dans les hôpitaux. Nous avons réussi, au niveau des collèges, avec les conseils départementaux, des lycées, avec les régions, des universités, avec l’État, à instaurer la prise en charge par la collectivité concernée des investissements liés à la construction et à la rénovation des bâtiments, et non des seules dépenses de fonctionnement stricto sensu.

Pourquoi ne pas imaginer le même système pour les hôpitaux, de façon que les crédits de l’assurance maladie soient réellement dédiés aux soins – c’est leur vocation –, l’investissement étant pris en charge au titre du budget de l’État ? Cette mesure nouvelle, qui me paraît relever du bon sens, pourrait être très largement acceptée, sur l’ensemble des travées de notre assemblée.

Je souhaite signaler un second point particulier, qui a trait à une innovation tout à fait importante. Des molécules nouvelles sont aujourd’hui découvertes pour soigner les troubles de la neurodégénérescence ; il est dommage que nous ne soyons pas en pointe sur l’utilisation de ces molécules. J’ai proposé la création d’une utilisation testimoniale éclairée et surveillée des médicaments. Cette proposition mérite d’être affinée ; j’ai relu le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale, et je sais que Mme la ministre est intéressée. Monsieur le secrétaire d’État, soyez mon porte-parole auprès d’elle ! Je souhaite que nous avancions dans ce sens. Je ne suis pas un acharné ; je me contente de traduire une volonté largement partagée par un grand nombre de biotechs et de patients, qui s’impatientent.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. René-Paul Savary. Aucune raison administrative ne saurait justifier la longueur du délai qui sépare la découverte d’une molécule sur la paillasse des laboratoires ou des biotechs et la mise à disposition des médicaments, à l’intention des malades, sur les étagères des pharmacies. Là-dessus, nous avons un vrai rôle à jouer !

Une action nouvelle, très intéressante, est en train d’émerger ; si la France ne s’en saisit pas, d’autres, ailleurs, le feront. Un véritable fait sociétal, qu’il me semblait naturel d’inscrire dans le PLFSS, est en jeu. Et si nous parvenons à gagner quelques années sur les dix ou quinze nécessaires à la découverte de nouvelles molécules améliorant le traitement des troubles de type Alzheimer, qui dénaturent la vie de près de 1 million de personnes, les économies, pour la société, pourraient être supérieures à 400 milliards d’euros.

Des mesures sociétales doivent donc être prises contre le développement de ces troubles, qui peuvent toucher n’importe qui, et doivent retenir l’attention de Mme la ministre. Mais je ne doute pas qu’elle sera à nos côtés, avec toute sa détermination, pour avancer dans ce domaine.

Je conclus sur une note positive : monsieur le secrétaire d’État, nos conceptions sont différentes ; il importe néanmoins que nous avancions ensemble sur un même chemin, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar.

Mme Nassimah Dindar. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons adopté, en première lecture, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat, après plusieurs jours de discussions très riches, toutes travées confondues, dans cet hémicycle.

La moitié des articles avait été adoptée conforme, l’autre avec modification ; deux d’entre eux avaient été supprimés.

Nous avions également ajouté 16 articles et introduit près de 200 amendements provenant de toutes les travées et de la commission.

Nos échanges ont été riches, nourris, précis, sur des sujets parfois très techniques – mon collègue René-Paul Savary vient d’en évoquer un ; ils se sont déroulés dans un climat serein et dans un esprit constructif. Tout le monde a reconnu l’effort de dialogue de Mme la Ministre, et je veux une nouvelle fois l’en remercier, en notre nom à tous.

Ces remerciements s’adressent également à nos rapporteurs, qui ont su guider, par leurs précisions techniques, nos réflexions sur l’ensemble des thématiques abordées dans le cadre de ce texte.

Évidemment, personne ne s’attendait à ce que la commission mixte paritaire aboutisse – nous l’aurions bien voulu ! –, en dépit du climat que je viens de décrire. La modification de l’article 7 et la suppression de l’article 26 ont empêché le consensus de se former, ce qui peut se comprendre : deux visions différentes se sont affrontées.

Le Gouvernement, soutenu en grande partie par sa majorité à l’Assemblée nationale, a souhaité financer un surcroît de pouvoir d’achat à destination des actifs par une hausse de la CSG. C’est l’objet de l’article 7 de ce PLFSS.

Nous comprenons cette logique, même s’il nous semble qu’un effort supplémentaire de pédagogie aurait été salutaire, notamment auprès des retraités. Le Sénat a entendu les craintes de ces derniers et rejeté la hausse de la CSG applicable aux pensions de retraite, en démontrant qu’elle n’était pas essentielle à l’équilibre de la réforme – nous avons bien compris, néanmoins, que les retraités dont les pensions sont inférieures à 2 500 euros n’auraient pas à débourser davantage qu’ils ne le faisaient jusqu’ici. (M. Martin Lévrier manifeste son approbation.)

Malgré tout, nous trouvons cette hausse injustifiée pour les retraités, qui ne bénéficieront pas tout de suite de la baisse de la taxe d’habitation – nous avons eu l’occasion de l’expliquer. Il aurait sans doute été possible de trouver une solution intermédiaire, par exemple en lissant cette augmentation sur deux ou trois ans.

Monsieur le secrétaire d’État, vous faites un choix et vous l’assumez ; personne ne peut reprocher au Président de la République d’appliquer son programme. Nous espérons désormais que le pouvoir d’achat des retraités sera préservé.

S’agissant de l’article 26 sur la prestation d’accueil du jeune enfant, le débat est plus compliqué sur le fond, mais assez simple, en réalité, sur la forme.

Sur le fond, nous avons souhaité défendre le caractère universel des allocations familiales, universalité qui caractérise notre politique familiale depuis sa création. Il était également question d’améliorer la lisibilité. Mon groupe a évidemment défendu le droit, pour les familles monoparentales, et en particulier pour les femmes seules élevant des enfants, de bénéficier de facilités et de prestations plus élevées. Mais la politique familiale doit bel et bien traduire, selon nous, la volonté d’accompagner toutes les familles dans l’éducation de leurs enfants, et ne constitue pas seulement une politique de lutte contre la pauvreté.

Sur la forme – ce point a été bien expliqué par ma collègue Élisabeth Doineau –, nous avons estimé qu’il n’était pas opportun de proposer une telle mesure avant que ne soit menée une réflexion d’ensemble sur la direction que Mme la ministre entend donner à notre politique familiale.

Sur ces deux marqueurs forts de ce PLFSS, l’échec des discussions était donc assez prévisible.

Ce qui se comprend moins, en revanche, c’est l’absence de reprise de mesures qui nous semblaient pourtant aller dans le bon sens. Je pense à toutes les discussions que nous avons eues ici à propos de la petite retraite agricole : les propositions de l’Assemblée nationale, en la matière, n’ont rien amélioré.

Je pense également à la baisse des cotisations maladie des agriculteurs. Cette diminution, demandée par l’ensemble des sénateurs, applaudie par l’ensemble des groupes politiques, n’a pas été acceptée par les députés.

Certaines mesures auraient permis d’améliorer l’organisation et l’accès aux soins.

Comme l’un de mes collègues l’a rappelé, l’extension de l’exonération de charges sociales aux EPCI organisant un service d’aide et d’accompagnement à domicile aurait permis de reconnaître pleinement le rôle de ces établissements en la matière.

De même – ce point a été évoqué par mes prédécesseurs –, le cumul emploi-retraite des médecins en zones sous-denses aurait permis de pallier certaines carences, en matière d’accès aux soins, dans ces territoires particulièrement touchés par la désertification médicale.

Mon intervention ne se veut pas pour autant un réquisitoire à l’encontre de ce premier PLFSS. La navette parlementaire a malgré tout permis de conserver des mesures issues des travaux du Sénat, concernant les expérimentations ou la télémédecine, par exemple, ou encore en matière de fiscalité comportementale.

Comme plusieurs collègues, j’exprime à cette tribune une forme de déception, naturelle vu les circonstances.

Nous souhaitons néanmoins que le climat de dialogue et de confiance qui s’était instauré marque nos travaux tout au long de ce quinquennat.

Monsieur le secrétaire d’État, vous direz à Mme la ministre des solidarités et de la santé et à ses équipes que, selon nous, certains chantiers mériteraient d’être améliorés. Je pense à l’accès aux soins et à la pérennisation de notre système de retraite, un projet de loi devant être discuté sur ce dernier point. Je pense aussi à la grande concertation devant être lancée à propos de la politique familiale.

J’ai eu l’occasion de le dire hier, dans le cadre de l’examen de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2018, nous souhaitons qu’une réforme globale de la prise en charge du handicap et de la dépendance soit conduite, et qu’une simplification des prestations soit engagée dès l’année prochaine, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

La prise en charge de ces publics vulnérables par différents dispositifs peut être simplifiée et gagner en lisibilité ; les bénéficiaires et les services qui les accompagnent ne s’y retrouvent pas tous. Nous saurons vous accompagner dans cette démarche fondée essentiellement sur l’analyse des pratiques de terrain et le dialogue.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 sera l’occasion de faire un premier bilan des actions que vous avez engagées. Nous aurons alors plus de temps pour instaurer un dialogue plus en amont, comme cela a été évoqué en commission mixte paritaire.

D’ici là, nous estimons qu’il n’est plus nécessaire de poursuivre la discussion sur ce texte.

Mon groupe soutiendra donc la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des affaires sociales, que son président défendra dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)