Présidence de Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Jacky Deromedi,

M. Joël Guerriau.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

vigilance des entreprises et droits humains

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 119, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Didier Marie. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais appeler votre attention ce matin sur la question du respect des droits humains par les multinationales, et de la nécessité d’une réglementation internationale et européenne contraignante en la matière.

Nous nous souvenons tous du drame du Rana Plaza, en 2013, qui avait provoqué la mort d’un millier de personnes, hommes, femmes, enfants, ouvriers de l’industrie textile travaillant pour des marques de vêtements internationales, mais aussi françaises. Chaque jour, partout dans le monde, se produisent des drames qui, sans avoir l’ampleur malheureuse et la portée médiatique du Rana Plaza, sont, pour chacun d’eux, une catastrophe humaine ou environnementale.

Du 23 au 27 octobre dernier, un groupe de travail de l’ONU s’est réuni à Genève pour la troisième fois en vue de l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant sur les entreprises multinationales et les droits de l’homme. Les négociations ont confirmé la future rédaction d’un tel traité international.

Ce traité contribuerait à résorber l’asymétrie en droit entre l’employeur et le salarié et viserait, par le principe de responsabilité des entreprises, à lutter contre les esclavages modernes et à prévenir les écocides. À côté d’autres instruments présents et à venir, comme la lutte contre la corruption et les paradis fiscaux, ce traité serait une belle étape vers un nouvel âge de la mondialisation : ni fermeture ni ultralibéralisme, mais une troisième voie qui place l’humain au centre du développement.

Plus de 900 organisations de la société civile soutiennent ce processus commencé en 2014. De nombreuses entreprises, notamment européennes, déjà exemplaires, ont saisi le bénéfice d’une compétition loyale comme alternative au dumping social et environnemental. Et nous sommes 245 parlementaires français, de tous horizons politiques, à avoir appelé, le 25 octobre dernier, le Président de la République à faire « bouger l’Europe » sur ce dossier.

Alors que la loi française sur le devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre votée par le Parlement au printemps 2017, pionnière en la matière, a eu une place importante dans les discussions à l’ONU, et alors que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a annoncé à l’Assemblée nationale, le 17 octobre dernier, que « la France sera très déterminée à faire en sorte que cette proposition de traité soit activée et puisse retenir l’attention des Nations unies », pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, quel est l’engagement de la France, qui doit être sans réserve au rendez-vous de ce processus historique pour la protection des droits humains fondamentaux ? Quelles initiatives ont été prises par le Gouvernement et quelles sont celles à venir pour faire enfin aboutir ces négociations ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez raison, et votre opinion est sans doute partagée sur l’ensemble de ces travées, nul ne peut continuer à ignorer les violations des droits de l’homme qui peuvent résulter de l’activité directe ou indirecte de certaines entreprises, particulièrement dans les domaines de l’extraction, mais aussi dans l’industrie, notamment textile, dont vous avez évoqué l’un des drames.

La France, grâce au Parlement, a pris des initiatives à l’instar de cette proposition de loi déposée par M. Dominique Potier – je le dis de mémoire – et ensuite adoptée, qui a permis de commencer à traiter ce sujet au niveau national.

En outre, des enceintes internationales, vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, ont été mandatées et se sont réunies. Le groupe de travail intergouvernemental que vous avez évoqué a notamment travaillé fin octobre sur ce sujet. La France a insisté pour que, contrairement à ce qui était prévu dans le projet soumis, l’ensemble des entreprises soient prises en compte, et pas seulement les entreprises transnationales. Il est d’autant plus souhaitable d’avoir une vision plus large qu’il n’existe aucune définition juridique agréée de cette notion d’entreprises transnationales.

Malheureusement, aucun consensus n’a pu être dégagé à l’occasion de cette session : d’une part, le document préparatoire équatorien a été remis un peu tardivement sur la table et, d’autre part, son contenu était trop ambitieux pour faire converger la communauté internationale. Nous attendons impatiemment la tenue d’une quatrième session pour que les discussions se poursuivent et que l’on puisse enfin aboutir.

La France, quant à elle, dès le 26 avril dernier, a poursuivi ses travaux avec un plan national d’action pour la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits de l’homme et aux entreprises, qui s’applique notamment aux droits des salariés.

Nous sommes également très engagés dans la mise en œuvre des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales afin qu’elles adoptent un comportement responsable et éthique.

La France, soyez-en assuré, monsieur le sénateur, est déterminée à poursuivre ses efforts sur le plan national comme sur le plan international pour porter ce sujet, d’autant que vous évoquiez une troisième voie. Il est vrai que nous sommes tous assez sensibles à la philosophie de Léon Bourgeois, qui est à la base du « solidarisme » et pose l’humain au centre de tout.

C’est un moteur de l’action de ce gouvernement. Si, pour l’instant, les choses n’ont pas encore abouti à l’échelon international, nous continuons à mettre la pression pour avancer.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Je remercie M. le secrétaire d’État de sa réponse, car les efforts que notre pays porte à l’échelle internationale sont une bonne chose. Il faut aussi se battre au niveau européen pour que la loi sur le devoir de vigilance des grandes entreprises puisse trouver un débouché, notamment avec une directive qui pourrait s’appliquer à l’ensemble des pays européens.

coût social du gel des contrats aidés des structures médico-sociales et associations relevant du secteur marchand

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, auteur de la question n° 94, adressée à Mme la ministre du travail.

Mme Annick Billon. Permettez-moi d’attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la perte, pour les territoires, des services rendus par les structures médico-sociales et les associations relevant du secteur marchand à la suite du gel des contrats aidés. Certes, une réforme du dispositif devenait nécessaire ; mais, depuis son annonce brutale, le manque de visibilité des mesures palliatives du Gouvernement suscite l’inquiétude.

En la matière, il est à craindre que les solutions attendues de la mission relative à l’innovation sociale au service de la lutte contre l’exclusion du marché du travail, confiée à Jean-Marc Borello, ne laissent de côté nombre d’employés précaires peu susceptibles de se former.

Si les études à l’encontre du dispositif ne sont pas à mettre en doute, il conviendrait de ne pas occulter l’observation des économistes selon laquelle rien ne permet d’imaginer les conséquences de leur disparition sur l’emploi.

Avec le gel des contrats aidés, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, déjà touchés par la diminution des crédits accordés aux établissements publics accueillant les personnes âgées, seront contraints de poursuivre la réduction de leurs effectifs, alors que le bien-être et la sécurité de nos aînés sont déjà très dégradés.

À titre d’exemple, l’EHPAD la Berthomière de Longeville-sur-mer s’est vu refuser le renouvellement d’une collaboratrice à un poste essentiel.

Sans solution alternative adaptée, les nouvelles modalités de subventions ouvrent également de sombres perspectives pour l’union générale des Pays de Loire, qui accompagne plus de 53 000 jeunes par an sur le territoire. Précisément, six jeunes sur dix sont considérés comme en sortie positive après trois ans. Plus de 1 300 contrats d’avenir ont été signés fin août 2017 entre jeunes et employeurs.

De même, les restrictions déstabilisent le fonctionnement des employeurs associatifs dont la réussite en matière d’insertion professionnelle n’est plus à démontrer. La fédération de Vendée de la Ligue de l’enseignement ne pourra plus gérer la continuité d’activités sociales et culturelles avec un déficit de dizaines d’emplois aidés.

Autre effet pervers, les responsables de certaines de ces structures se retournent vers les maires en désespoir de cause, pensant que ceux-ci vont pouvoir les secourir, alors même que les budgets de collectivités sont de plus en plus contraints. Le cas s’est également posé pour des associations d’accueil et de protection de femmes en détresse en Vendée, alors que la grande cause du quinquennat, l’égalité entre les hommes et les femmes, a été annoncée voilà peu.

Le maillage associatif participe à l’équilibre social de notre territoire, auquel le Sénat est fondamentalement attaché. Aussi, la commission de la culture a-t-elle lancé une mission d’information visant l’impact de la réduction des contrats aidés sur le secteur associatif.

Me référant à la « sacralisation » de contrats aidés du secteur non marchand sous l’impulsion du Président de la République, je vous saurais gré de nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, si un moratoire d’un an serait envisageable pour les structures médico-sociales et les associations relevant du secteur marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, votre question me rappelle quelques souvenirs avec la commission des affaires sociales, notamment cette loi Travail dont j’avais été corapporteur. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Muriel Pénicaud, malheureusement retenue ce matin, qui aurait souhaité pouvoir vous répondre elle-même et m’a chargé de la remplacer.

Nous sommes tous, sur nos territoires, très attachés à l’action, que vous avez évoquée, des associations d’aide ou de soins à domicile, sans lesquelles un certain nombre de personnes ne pourraient rester chez elles. C’est pour nous un axe prioritaire.

Le Gouvernement a effectivement fait le choix d’orienter sa politique d’insertion durable vers les publics qui sont le plus éloignés de l’emploi, et pour les insérer dans le secteur marchand. Ainsi, les contrats aidés programmés en 2018 pour un montant de 1,45 milliard d’euros seront prioritairement recentrés sur le secteur non marchand. Cela est d’autant plus important que, avec la reprise, des opportunités peuvent voir le jour.

Les contrats aidés pourront être mobilisés par des employeurs qui mèneront une véritable politique d’accompagnement ciblé et de formation, car elle donne plus d’atouts, de capacités aux bénéficiaires pour s’insérer durablement dans l’emploi.

C’est le sens du grand plan d’investissements Compétences qui prévoit un montant de 15 milliards d’euros sur ce volet « formation ». En outre, vous l’avez indiqué, une mission a été confiée à Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, qui est une entreprise exemplaire en matière d’économie sociale et solidaire, dont l’objet est justement d’apporter des solutions d’insertion innovantes. C’est à l’occasion de la présentation des conclusions de cette mission que pourront être explorées un certain nombre de mesures pour l’avenir.

Je veux d’ores et déjà rappeler que le secteur médico-social et les associations bénéficieront de l’action du Gouvernement en faveur de la baisse du coût du travail, puisque le crédit d’impôt de taxe sur les salaires s’élèvera à 600 millions d’euros en 2018 et que les baisses de charges atteindront 1,4 milliard d’euros en 2019.

Les équilibres financiers sont parfois précaires dans ce type d’associations. Il faut tout faire pour que leur activité et donc leur pérennité ne soient pas remises en cause. C’est un attachement que nous partageons avec vous, madame la sénatrice.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Monsieur le secrétaire d’État, ce que je déplore le plus, c’est la méthode employée. En réalité, on nous annonce la suppression des contrats aidés au sein des associations et, aujourd’hui, celles-ci se retournent à juste titre vers les collectivités, qui n’ont pas les moyens d’assumer.

L’État a imposé une obligation au niveau de l’éducation nationale pour la mise en place des temps d’activités périscolaires, les TAP. Pour ce faire, l’intervention de nombre d’associations leur a permis d’embaucher des jeunes sous contrats aidés. Et maintenant, on leur supprime ces contrats, alors que certaines missions doivent être assurées, non par les associations, mais par le service public.

Concernant les assistants de vie scolaire, M. Blanquer et Mme Cluzel ont annoncé hier plus de formation, plus d’accompagnants. Beaucoup d’annonces… Je souhaite qu’elles se traduisent maintenant dans les faits, sur le terrain, car les associations sont dans l’attente de ces mesures. En effet, pour reprendre l’exemple de la protection des femmes qui subissent des violences, ce sont bien souvent les associations qui font le travail !

aide au maintien de l'agriculture biologique

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 123, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, vous annonciez le 20 septembre dernier la fin des aides au maintien de l’agriculture biologique, précisant qu’il revenait désormais « au marché de soutenir le maintien à ce type d’agriculture. Nous aurions pu croire à une annonce du porte-parole de la FNSEA !

C’est un très mauvais signal envoyé à un secteur dynamique de notre économie, dont les bienfaits pour l’environnement ne sont pas à démontrer.

Cette annonce est contradictoire avec votre volonté de parvenir à 8 % de surface agricole utilisable exploitée en bio à l’horizon 2020. Vous me répondrez que cet argent est intégralement transféré aux aides à la conversion. Mais ces aides ne couvrent qu’une période de cinq ans, alors qu’il faut en moyenne six à sept ans pour qu’une nouvelle exploitation bio se stabilise et devienne rentable. C’était tout l’objet des aides aux maintiens que vous supprimez.

Cela est d’autant plus incompréhensible que les aides au maintien de l’agriculture conventionnelle sont conservées. Elles concentrent 96 % des aides à l’agriculture. De surcroît, ce financement de l’État permettait de débloquer l’aide européenne du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, avec un mécanisme particulièrement avantageux, puisque chaque euro dépensé par Paris correspondait à 3 euros dépensés par Bruxelles. Ainsi, ce ne sont pas 6 à 8 millions d’euros d’aides au maintien que ne verront pas les jeunes exploitations biologiques, mais potentiellement quatre fois plus.

En effet, avec ce désengagement de l’État, vous confiez aux seules régions, et aux agences de l’eau, déjà exsangues, la responsabilité d’apporter l’intégralité de la contribution publique nationale au FEADER.

Même dans les régions en pointe sur le bio, cet effort financier semble impossible. Dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes, c’est une catastrophe qui s’annonce. La région ne contribuait pas au FEADER et ne compensera certainement pas le désengagement de l’État. Ainsi, c’est une perte sèche de plusieurs millions d’euros pour la deuxième région qui compte le plus d’exploitations bio dans le pays.

Monsieur le ministre, le Président de la République a annoncé, dans le cadre des États généraux de l’alimentation, la mise en place d’une enveloppe de 200 millions d’euros pour financer la transition agricole. Quels en sont les objectifs ? À quelles interprofessions ces sommes seront-elles confiées ? Avec quel pluralisme syndical ? Et enfin, quelle proportion sera allouée directement à l’agriculture biologique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, vous laissant la responsabilité de votre propos introductif, je veux vous répondre précisément, et essentiellement sur le fond, comme il se doit.

Les aides à l’agriculture biologique sont des dispositifs du second pilier de la politique agricole commune, la PAC, qui permettent d’accompagner les agriculteurs dans la transition vers des systèmes agricoles conciliant performance économique, sociale, environnementale.

L’État mobilise des moyens particulièrement importants pour le financement de ces dispositifs. Ainsi, le budget total sur 2014-2020 pour les aides au bio a été multiplié par trois par rapport à la programmation 2007-2013.

Ces soutiens à l’agriculture biologique ont été particulièrement efficaces et ont permis un fort développement, vous le savez, de ce mode de production ces dernières années, avec 1,5 million d’hectares en bio, 32 000 exploitations et 15 000 transformateurs et distributeurs recensés en 2016.

Le soutien doit maintenant porter en priorité sur la conversion à l’agriculture biologique, afin que la production française soit au rendez-vous de la forte demande des consommateurs. L’enjeu est aussi de relever le défi de proposer 50 % d’alimentation biologique ou sous signes officiels de qualité dans la restauration collective, conformément aux engagements du Président de la République.

Pour autant, l’aide au maintien n’est pas supprimée – en quelle langue dois-je le dire… – ; ce dispositif pourra continuer à être mobilisé par les régions, en fonction des enjeux spécifiques à chaque territoire.

À compter de 2018, l’État va ainsi recentrer son intervention sur l’accompagnement des conversions, afin de répondre à la forte dynamique observée ces dernières années. Au final, il y aura ainsi davantage de crédits disponibles consacrés à l’agriculture biologique.

L’État continuera bien évidemment de financer les engagements en maintien souscrits avant 2018 jusqu’à leur terme, ces aides étant attribuées pour une durée de cinq ans. Les autres financeurs, en particulier les collectivités et les agences de l’eau, pourront continuer à financer de nouveaux engagements en maintien.

En complément de ces aides, le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique est prorogé et revalorisé, afin d’assurer un soutien simple, pérenne et uniforme sur l’ensemble du territoire.

Le Fonds Avenir Bio est par ailleurs maintenu, qui permet aussi de soutenir des projets de structuration des filières bio, avec un important effet de levier.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, l’État restera attentif à la dynamique de développement de l’agriculture biologique dans les prochains mois et les prochaines années.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Je suis d’accord sur le constat que vous faites au début de votre intervention, monsieur le ministre. Permettez-moi en revanche d’émettre quelques doutes sur votre développement, puisque vous confirmez que les aides sont bien attribuées sur une durée de cinq ans.

M. Stéphane Travert, ministre. Oui !

M. Guillaume Gontard. Or, pour ce type d’agriculture, le soutien doit être beaucoup plus long.

Ensuite, vous fléchez les aides sur les régions, ce qui risque d’entraîner une vraie distorsion entre elles, car certaines ne souhaiteront pas ou ne pourront pas abonder les crédits et se substituer à l’État.

S’agissant de l’agriculture bio, qui est le fond du problème, c’est aujourd’hui la Journée mondiale des sols : il faut revoir notre manière de penser notre lien avec la terre. Le glyphosate et de nombreux produits néfastes dont on a parlé sont en train de tuer nos sols, juste pour les enrichir. Nous sommes dans un cercle qui ne fonctionne plus.

Il y a urgence en la matière, à la fois pour les consommateurs, mais également et surtout pour les agriculteurs, car, au bout de la chaîne, c’est eux qui subissent directement les conséquences, à la fois financièrement, car ils s’endettent, mais aussi sur le plan de la santé.

Il est temps d’agir. J’ai entendu vos propos, monsieur le ministre, mais je vous encourage vivement à aller encore plus loin. C’est la seule solution !

conséquences de la sécheresse sur la viticulture gardoise

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Bories, auteur de la question n° 111, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Mme Pascale Bories. Monsieur le ministre, la sécheresse que subissent de nombreux départements français, et tout particulièrement le Gard, est sans précédent. Nous ne sommes qu’au début d’un phénomène qui aura indéniablement des répercussions sociales fortes.

Avec mes collègues au Sénat et à l’Assemblée nationale, nous avons déjà pu vous présenter les dégâts en cours à ce sujet, sans avoir, hélas ! pour l’instant de réponse satisfaisante.

En effet, avec vingt-cinq jours d’avance, la récolte a été la plus faible depuis 1945. La baisse de rendement atteint de 25 % à 30 % dans le département, avec des pics à plus de 40 % pour les Côtes du Rhône gardoises, le secteur dont je suis élue locale.

Mais la sécheresse entraîne d’autres effets dont l’ampleur n’est pas encore totalement saisissable. On assiste à une mortalité sans précédent des ceps, plus particulièrement des plantiers et, dans certains secteurs proches de la mer, à des remontées de sel inquiétantes.

Aussi, les agriculteurs vont subir une baisse tendancielle, sur plusieurs annuités, de la production de vin non compensée par la hausse des prix. Les vins de pays, comme les vignobles classés en AOC, à l’instar des côtes-du-rhône, du lirac, du tavel ou encore des costières-de-nîmes, vont souffrir de cette crise.

La souffrance est grande chez ces agriculteurs.

À cela s’ajoutent l’importation illégale de vins étrangers et la concurrence déloyale de certains pays européens qui ne respectent en rien les mêmes règles que nos viticulteurs, une distorsion devenue encore plus criante avec la décision de votre gouvernement d’anticiper l’interdiction du glyphosate.

Nous ne pouvons rester sans rien faire.

Les collectivités territoriales et les partenaires sociaux doivent pouvoir aider cette agriculture, qui est au cœur de l’identité de la France.

Au-delà du fonds spécifique de 30 millions d’euros ou la mise en place de l’arrêté de catastrophe naturelle annoncé, nous demandons des décisions fortes pour pouvoir mieux travailler, comme un soutien aux caves et coopératives à partir d’un seuil de perte, une prise en charge des pertes de fond sur plantiers, ou encore un étiquetage clair et lisible de la provenance sur le vin en vrac. Trop souvent, la France va plus loin que ce qui est recommandé par les directives, ce qui alourdit les coûts de production de nos agriculteurs.

Le débat de l’irrigation doit être enfin posé.

Mon département bénéficie de l’eau du canal du Bas-Rhône. Néanmoins, tout le Gard n’a pas accès à cette irrigation, et la question se pose pour d’autres départements.

Nous devons élargir les possibilités d’irrigation et créer un schéma régional, voire national pour accroître le potentiel en eau grâce, notamment, à la création de retenues ou l’utilisation des eaux usées traitées, comme cela est autorisé dans d’autres pays européens.

Les étés seront de plus en plus chauds. Monsieur le ministre, je vous demande donc de prévoir de nouvelles mesures pour ces agriculteurs et d’entamer une réflexion sur le long terme pour prévenir ces phénomènes de sécheresse.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice, je connais bien la situation que vous vivez dans le Gard, après tous ces mois sans eau de pluie pour irriguer vos vignes. J’ai rencontré une délégation de viticulteurs gardois la semaine dernière, lors du Sitevi, le salon des techniques de la vigne et du vin, à l’occasion duquel ils m’ont rappelé la détresse qui était la leur ; je l’ai parfaitement entendue.

Au cours de l’année 2017, la filière viticole a été sévèrement touchée par de nombreux phénomènes climatiques. C’est notamment le cas dans votre département. Les estimations nationales anticipent une récolte de vin pour 2017 de 36,8 millions d’hectolitres, soit un niveau inférieur de 19 % à celui de 2016. Le volume prévisionnel de la récolte 2017 s’élève à 2,67 millions d’hectolitres, soit une baisse significative de 22,7 % par rapport à la campagne précédente.

Dans ce contexte d’aléas multiples, des mesures conjoncturelles ont d’ores et déjà été déployées par les services de l’État pour accompagner les exploitations viticoles qui ont été sévèrement touchées au cours de cette campagne par les phénomènes climatiques.

Je citerai le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ; la prise en charge des cotisations sociales pour un montant de 30 millions d’euros ; la mise en place de mesures d’allégement des charges financières ouvertes jusqu’au 31 décembre 2017 et accessibles aux viticulteurs.

Par ailleurs, j’ai souhaité récemment la mise en place de cellules pour identifier les problèmes spécifiques. Ces cellules identifieront et étudieront, de manière confidentielle, les différentes situations pour orienter les exploitants vers les dispositifs les plus adaptés.

Face à la multiplication des crises qui touchent le secteur agricole, et singulièrement viticole, mes services ont engagé des travaux pour développer une approche globale de la gestion des risques. Cette approche globale devra viser à adapter les outils à la gestion des aléas, et notamment s’intéresser aux propositions formulées pour la constitution d’une épargne de précaution ou l’amélioration de la dotation pour aléas.

Enfin, l’agriculture est l’un des secteurs particulièrement exposés aux modifications hydrologiques. Nous avons précisé, lors d’une communication, le 9 août dernier, des orientations précises en matière de gestion durable de l’eau autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource, pour faire émerger dans l’ensemble des territoires des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux.

Cela passe par la réalisation, là où c’est utile, là où c’est durable, de projets de stockage hivernal de l’eau, pour réduire les prélèvements en période sèche et éviter l’augmentation des prélèvements estivaux dans les zones qui sont menacées par les changements climatiques.

Ces orientations feront l’objet de déclinaisons opérationnelles dans les mois à venir.

Vous constaterez avec moi, madame la sénatrice, que toutes ces aides ponctuelles, les allégements de charges, l’épargne de précaution, la dotation pour aléa et la gestion de l’eau, font partie d’une stratégie complète au service de la viticulture et au service de votre département.