Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 17 juillet dernier, le Gouvernement s’est engagé dans une dynamique positive en faveur de la ruralité lors de la première Conférence nationale des territoires. Cinq mois plus tard, nous regrettons que les crédits dédiés à l’aménagement du territoire dans la mission examinée aujourd’hui ne traduisent pas fidèlement cette ambition.

Comme l’a souligné Bernard Delcros, rapporteur spécial, le transfert des contrats de ruralité hors du programme 112 vers la dotation de soutien à l’investissement local est un premier signal négatif. Davantage qu’un simple ajustement technique, ce choix ne s’accompagne d’aucune garantie quant aux crédits d’engagement dédiés aux contrats de ruralité pour 2018.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a donc exprimé de réelles inquiétudes quant à l’avenir de cet outil, pourtant apprécié par les acteurs locaux lors de sa première année de mise en service. Il s’agit en effet d’un instrument pertinent pour soutenir des projets transversaux de développement local qui contribue à la reconnaissance des problématiques spécifiques de la ruralité, à l’instar des contrats de ville pour certains territoires urbains.

Nous avons par ailleurs relevé que plusieurs éléments constants du programme 112 continueront de diminuer en 2018. La commission a particulièrement souligné la nécessité de maintenir à un niveau suffisant les crédits de la prime d’aménagement du territoire compte tenu de son utilité pour soutenir l’activité économique dans certains territoires en difficulté.

Elle s’est également interrogée sur la compatibilité entre le projet de création d’une agence nationale de la cohésion des territoires et une nouvelle baisse des ressources du Commissariat général à l’égalité des territoires. Amplifiée par la diminution des ressources du CEREMA, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, cette situation nous semble peu favorable à un véritable renforcement de l’ingénierie mise à disposition des collectivités, ingénierie que nous appelons de nos vœux. Nous avons toutefois salué l’effort décidé en faveur du développement des maisons de services au public, compte tenu de l’importante contribution de cette politique au maintien d’une offre de services publics de qualité et de proximité dans les territoires.

La commission a par ailleurs relevé la création d’une nouvelle action au sein du programme 162, dédiée à la revitalisation du littoral occitan. Si les crédits demeurent très limités pour 2018, l’intervention de l’État contribue à une mise en cohérence et à une dynamisation de la contribution des autres partenaires du plan en cause.

Au final, ce budget étant en retrait par rapport à celui de l’année précédente et dépourvu d’éléments forts pour 2018, la commission a considéré qu’il n’était pas à la hauteur des difficultés et des besoins identifiés, en particulier dans les territoires fragiles. Rien ne prouve aujourd’hui que la fracture territoriale diminuera.

Pour ces différentes raisons, et dans l’attente de propositions concrètes, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits relatifs à la cohésion des territoires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Decool. (M. Daniel Chasseing applaudit.)

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » correspond à une politique importante, du fait de la transversalité des sujets évoqués et des actions menées. Toutefois, son budget reste mineur en termes financiers. Il ne représente en effet que 3 % des crédits de la politique d’aménagement du territoire, soit 7,7 milliards d’euros en 2018.

À l’heure où les disparités entre les territoires s’aggravent, permettez-moi de commencer mon intervention en déplorant le manque d’intérêt des pouvoirs publics pour cette question, pourtant essentielle au développement équilibré de notre pays. Si nous n’investissons pas aujourd’hui dans un projet de cohésion globale de nos territoires, la France perdra demain son équilibre.

À l’heure actuelle, deux programmes concourent à la politique de cohésion des territoires. Le programme 162, « Interventions territoriales de l’État » est le premier d’entre eux. Il comporte notamment les crédits du Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, le FACÉ. En 2018, les crédits de ce programme seront en baisse de 4,5 % et ne s’élèveront qu’à 360 millions d’euros. Ce n’est pas une décision anodine. Mon groupe s’inquiète, au moment où le Gouvernement encourage une révolution énergétique à grande vitesse, qu’il réduise parallèlement les crédits accordés à l’extension et au renforcement des réseaux de distribution d’électricité dans nos campagnes.

Le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » subit, quant à lui, une baisse encore plus drastique de ses moyens, les autorisations d’engagement étant réduites de 58 %, à 191 millions d’euros. Cette diminution résulte essentiellement, cela a été dit par le rapporteur pour avis, du retrait du programme des contrats de ruralité. La force de la France, c’est pourtant la diversité de ses territoires.

Les contrats de ruralité sont unanimement salués comme des outils pluriannuels de développement de notre territoire. Ainsi, 786 intercommunalités sont déjà engagées dans environ 500 contrats de cette nature, les objectifs étant d’améliorer l’accès aux soins, de revitaliser les centres-bourgs, ou encore d’accroître l’attractivité territoriale. Nous partageons l’inquiétude de nombre de nos collègues concernant l’isolement de ces contrats à l’extérieur du programme 112.

Quelques avancées notables au sein de ce même programme méritent cependant d’être saluées : le maintien de la prime d’aménagement du territoire, un des derniers régimes d’aide directe aux entreprises autorisés par l’Union européenne, le régime réformé des zones de revitalisation rurale, en faveur duquel mon groupe s’est déjà prononcé lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et au cours de précédentes discussions sur le présent projet de loi de finances, ou encore la dynamique d’innovation portée par les pôles d’attractivité.

Toutes ces initiatives contribuent à recréer de l’emploi dans nos territoires et doivent être accompagnées par un maillage territorial resserré. C’est pourquoi mon groupe félicite le Gouvernement de sa décision d’augmenter de 3 millions d’euros les crédits accordés aux maisons de services au public. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement visant à évaluer le manque de services publics ou parapublics dans les zones rurales et les quartiers défavorisés.

Mon groupe s’inquiète en revanche de la mesure antisociale prévue à l’article 52 du projet de loi de finances, à savoir la réduction de 1,5 milliard d’euros des aides personnalisées au logement. La progressivité de cette réduction entre 2018 et 2020, votée par l’Assemblée nationale, atténue temporairement la saignée des ménages modestes, mais cette seule mesure nous conduit à rejeter les crédits de cette mission.

Pour finir, je dirai un mot, si vous me le permettez, sur la couverture numérique du territoire. La couverture mobile et internet de nos territoires est essentielle à leur attractivité. Le Gouvernement a fixé des objectifs ambitieux dans le courant du mois de septembre : bon haut débit pour tous dès 2020, très haut débit pour tous dès 2022 et couverture mobile de qualité généralisée d’ici à 2020. Nous soutenons ces objectifs, mais nous ne croyons pas que le niveau actuel des crédits de cette mission permettra de mettre en œuvre de telles ambitions.

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, parce qu’il regrette le manque d’attention portée à la question de l’aménagement du territoire dans ce budget et qu’il s’inquiète de la baisse drastique des APL, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre les crédits de cette mission.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, porter la mission « Cohésion des territoires », laquelle subit la plus forte baisse de crédits au sein du projet de loi de finances pour 2018, et mener de front la réforme du logement dont nous avons tant besoin, compte tenu de la situation urgente dans laquelle se trouvent 4 millions de nos concitoyens mal logés, n’est pas un exercice aisé. Je le conçois volontiers, monsieur le ministre. Cette tâche est d’autant plus complexe et sensible que nous touchons en l’espèce à l’un des besoins les plus fondamentaux : le droit de chacun de vivre dignement dans un logement décent.

Nous partons du constat que la politique du logement est inefficiente et coûteuse pour nos finances publiques puisque 40 milliards d’euros y sont consacrés chaque année, soit 2 % du produit intérieur brut de la France.

Le programme 109, « Aide à l’accès au logement » concentre 82 % des crédits de la mission pour un montant de 13,6 milliards d’euros. Sur le principe, nous sommes nombreux à considérer que les aides de cette nature méritent d’être réformées, afin de renforcer leur efficacité.

Toutefois, nous aurions souhaité que la baisse des aides au logement prévue à l’article 52 intervienne de manière plus équitable, dans le cadre d’une réforme globale, indépendamment des considérations purement budgétaires, puisque cette mesure permet de réaliser une économie de 1,5 milliard d’euros.

Si j’entends l’argument selon lequel les APL auraient un effet inflationniste, bien que celui-ci soit difficile à évaluer avec exactitude, leur baisse prévue dans le présent projet de loi aura avant tout des effets sur le logement social, c’est-à-dire le secteur où les loyers sont contrôlés. Or c’est dans le secteur privé que les loyers demeurent excessifs. Je rappelle en outre que la moitié des personnes vivant sous le seuil de pauvreté réside dans le parc privé et paie des loyers de 40 % à 50 % plus élevés, comme l’a souligné la Cour des comptes en février dernier.

J’en viens aux effets de l’article 52 sur la capacité de financement des bailleurs sociaux, dont la situation financière globale est certes confortable. Le problème est que cet article frappe indistinctement leur capacité d’autofinancement, alors qu’ils ne font pas tous partie des structures ayant rentabilisé leur patrimoine sans pour autant avoir investi dans la construction ou l’amélioration du parc social.

Frappés par la réduction de loyer de solidarité, ils devront par ailleurs contribuer au doublement du nouveau programme national de renouvellement urbain. Nous espérons que le dispositif de péréquation et le mouvement de restructuration permettront de résoudre ces difficultés.

Le Sénat devrait parvenir à proposer une solution intermédiaire, après l’adoption en première partie de la hausse de la TVA sur la construction et la réhabilitation des logements sociaux.

D’autres leviers seront bienvenus. Je pense à la prise en compte des revenus de l’année en cours pour les bénéficiaires des APL, laquelle devrait s’appliquer en 2019, ou encore à la réflexion sur une meilleure application du supplément de loyer de solidarité.

Au-delà de la polémique, il est essentiel de s’interroger sur le modèle du logement social, qui devrait être réservé en priorité aux ménages modestes et défavorisés. Or le taux de rotation reste faible, ce qui exclut de fait ces derniers.

Il convient, en parallèle, d’accélérer le développement de l’offre de logements à des prix accessibles dans les zones tendues pour mettre fin au cercle vicieux dans lequel la dépense publique ne cesse d’augmenter pour répondre imparfaitement aux dysfonctionnements du marché immobilier.

L’accession à la propriété doit faire l’objet d’une plus grande attention. Il faut faire en sorte que plus de locataires deviennent propriétaires au lieu de concentrer uniquement les efforts sur l’investissement locatif. Il ne me semble pas en effet que la majorité de nos concitoyens aspirent à rester locataires toute leur vie.

Les ménages modestes doivent pouvoir acquérir leur logement. D’après le rapport de la commission des finances, le taux de propriétaires parmi les 25-44 ans a diminué de 53 % entre 1973 et 2013, alors qu’il a augmenté dans les mêmes proportions chez les ménages aisés. Le groupe du RDSE soutiendra ainsi le rétablissement des APL-accession.

M. Guillaume Arnell. Par ailleurs, j’évoquerai brièvement, en raison du peu de temps qui m’est imparti pour évoquer une si vaste mission, l’augmentation des crédits relatifs à l’hébergement d’urgence, programme qui était frappé par une sous-budgétisation chronique.

Je tiens donc à saluer l’objectif très ambitieux du Gouvernement qui vise à ce que plus personne ne dorme dans la rue.

Monsieur le ministre, je sais avec quelle fermeté vous défendez l’égalité des territoires, alors que de fortes disparités demeurent. Or, lorsque les territoires sont isolés, la cohésion prend une tout autre dimension : l’abandon n’est pas qu’un simple sentiment. Tous les territoires doivent bénéficier de cette solidarité, a fortiori ceux qui, comme Saint-Martin, la Guyane ou Mayotte, subissent de plein fouet des handicaps structurels. J’espère que vous nous apporterez des précisions sur la stratégie du Gouvernement en matière d’aménagement du territoire.

Les quelques interrogations et réserves, monsieur le ministre, que nous avons exprimées n’altèrent en rien l’admiration et le respect que nous vous portons et ne remettent nullement en cause la confiance que nous avons en vos qualités d’écoute, de discernement et en votre pouvoir de persuasion. (Sourires.) Ainsi, dans sa grande majorité, le groupe du RDSE porte un regard bienveillant sur le travail de concertation que vous engagez et fera confiance à votre sens de l’équité. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les objectifs de la réflexion sur le logement aujourd’hui sont de réduire la dépense publique, …

M. Marc-Philippe Daubresse. Pas n’importe comment !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Curieuse façon de présenter les choses !

M. François Patriat. Monsieur le rapporteur spécial, vous parlez tous les jours d’économies !

Il s’agit donc de réduire une dépense publique dont l’usage est aujourd’hui contesté, et ce sans léser les locataires et sans entraîner un effondrement de la construction.

M. François Patriat. Il s’agit également de conduire une grande réforme du secteur.

Cette mission et ses articles rattachés ont suscité, je l’ai entendu, de nombreuses interrogations, l’article 52 ayant été au centre de l’attention médiatique et parlementaire.

En ces temps de discussion et de négociation, le Gouvernement a fait preuve d’ouverture et d’écoute, tout en présentant une ligne claire et exigeante sur ce sujet à la fois technique et important pour le quotidien des Français.

Quelles sont les bases de ce débat ?

La politique du logement en France représente 42 milliards d’euros d’investissements pour l’État, soit un montant élevé. En conséquence, l’État est dans son bon droit lorsqu’il décide de rectifier les manques de cette politique. En bref, comment dépenser mieux en dépensant moins ?

Tout d’abord, l’inflation des loyers est complètement déconnectée des autres déterminants économiques, notamment le niveau des salaires. Les loyers ont ainsi augmenté de 2,8 % par an dans le secteur social, ce taux étant d’ailleurs encore plus élevé que celui du secteur privé.

Ensuite, le taux d’effort des ménages connaît lui aussi une progression alarmante. On constate un décrochage entre les dépenses réelles et les aides au logement.

Enfin, le mal-logement, au centre des activités de la Fondation Abbé Pierre, repose sur des critères simples et forts : l’absence de logement, la qualité et la stabilité du logement. Au total, la France compte 4 millions de mal-logés ! Cette réalité doit nous pousser à agir. C’est ce chantier qu’entame aujourd’hui le Gouvernement.

Mes chers collègues, il faut bien avoir en tête la volonté du Gouvernement que partage la majorité présidentielle : elle est bien de défendre le modèle du logement social français. Et pour ce faire, il faut améliorer ce modèle, le rendre plus efficace pour les locataires et pour les organismes. Il y a beaucoup à faire. Je pense que nous pouvons être fiers de la réflexion engagée par le Gouvernement.

Permettez-moi de rappeler la philosophie de cette réforme : il s’agit bien de permettre une baisse des loyers. Je sais que c’est une préoccupation que vous partagez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, et M. Longuet l’a évoquée en commission.

Comment le Gouvernement entend-il parvenir à cette baisse ? Par la péréquation et par la progressivité. Prenons un exemple concret. Pour une personne qui bénéficie d’une APL d’un montant de 40 euros, la réduction de loyer de solidarité conduit à un gain net de 10 euros par mois, soit plus de 100 euros par an. Voilà encore une mesure en faveur du pouvoir d’achat prise par la majorité !

Par ailleurs, le groupe La République En Marche est bien conscient des craintes qu’expriment les bailleurs sociaux. Nous avons en effet auditionné l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, ainsi que plusieurs représentants d’organismes ayant un rayon d’action plus local, afin d’entendre et de comprendre l’ensemble des acteurs de la filière.

Tout le monde aura noté les avancées lors du débat parlementaire : une stabilisation du taux du livret A qui entraînera un gain de 700 millions d’euros, mais aussi des facilités de prêts. Au total, c’est un paquet financier inédit pour le logement social, qui ne bénéficie pas des taux extrêmement faibles que l’on connaît.

Le Gouvernement a aussi acté une diminution des dépenses sur trois ans, quand un an était initialement prévu : les loyers diminueront de 800 millions d’euros en 2018, de 1,2 milliard d’euros en 2019 et de 1,5 milliard d’euros par an à l’horizon 2020.

Enfin, le Gouvernement avait envisagé un mécanisme via la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, mais les organismes ont mis en avant leur préférence pour une hausse du taux de la TVA sur la construction et la rénovation. Une augmentation de ce taux de 5,5 % à 10 % rapporterait 700 millions d’euros. Le Sénat a voté en faveur de cette hausse de TVA. C’est un premier pas, mais il faut aller jusqu’au bout et ne pas en rester à cette demi-mesure.

Quant à l’article 52, il est l’exemple d’un texte construit en bonne intelligence et avec méthode. Il a rassemblé toutes les parties prenantes, le Parlement ayant pris une bonne part à ce succès collectif. Je rends notamment hommage au Premier ministre, ainsi qu’au ministre et au secrétaire d’État ici présents. Ils ont mené cette concertation depuis l’été, en rencontrant les bailleurs sociaux. Ils sont largement responsables de ce compromis, qui devrait aboutir dans les jours qui viennent.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je pense qu’il faut que le Sénat adopte le texte tel qu’il résulte de ces négociations et rejette les amendements proposés par la commission des affaires économiques et par la commission des finances.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Carrément !

Un sénateur du groupe Les Républicains. Allons-y gaiement !

M. François Patriat. Dans les deux cas, on en restera au statu quo : soit il n’y aura pas de baisse des loyers, soit elle sera insignifiante.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n’est pas vrai !

M. François Patriat. Nous en sommes tous d’accord, et l’idée est désormais acceptée : le secteur HLM doit se réorganiser. Le parc est actuellement géré par 732 organismes, ce qui ne favorise pas l’optimisation de la construction, de l’occupation et de la mobilité.

Je pourrais citer plusieurs indicateurs assez parlants, comme l’ancienneté moyenne des locataires du parc social, qui est de treize ans contre sept ans dans le parc privé, ou encore l’insuffisance de petits logements, autrement dit l’inadéquation entre la demande et l’offre, et enfin, une liste d’attente sur laquelle figurent près de 1,5 million de demandeurs.

Dans tous les cas, le débat sur le logement n’est pas achevé, celui sur l’organisation du secteur locatif social non plus.

L’objectif du Gouvernement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, est bien une meilleure utilisation de l’argent public. Alors que la France est l’un des pays qui dépensent le plus au monde pour sa politique du logement, nous ne pouvons plus continuer ainsi, en estimant que tout va bien, comme certains d’entre vous, mes chers collègues, ont tendance à le croire.

Une réforme d’ampleur aura lieu. Un projet de loi sur le logement sera déposé au début de l’année 2018. Il sera l’occasion d’un véritable débat sur une transformation profonde du secteur.

À cet égard, je salue votre action, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, et vous assure de notre confiance. Nous soutiendrons la position d’origine du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cœur de l’été, que certains ont qualifié de « meurtrier », le ton était donné, annonciateur des choix budgétaires de la majorité : annulation de crédits pour la politique de la ville et du logement et baisse des APL de cinq euros. Ces deux décisions reflètent bien les deux volets de la politique du logement de ce gouvernement : une externalisation de ses financements et une politique au rabot guidée par l’objectif de réduire les dépenses publiques.

Cette politique refuse, en quelque sorte, de répondre à la crise du logement, qui pourtant s’aggrave. La France compte ainsi plus de 4 millions de mal-logés et plus de 15 millions de personnes souffrant à des degrés divers du mal-logement. En outre, 1,9 million de personnes sont dans l’attente d’un logement social.

Pour toutes les personnes vivant ces situations personnelles douloureuses, le coup de rabot de cinq euros sera extrêmement difficile à assumer. Nous soutenons donc le collectif Vive l’APL, qui fédère tous les opposants à cette décision inique.

Loin d’être révolutionnaire, ce budget pousse la logique de désengagement à son paroxysme et risque d’accroître les difficultés sociales en portant atteinte au modèle économique du logement social dans notre pays, alors qu’il devrait jouer un rôle en faveur du droit au logement, de l’exigence de performance sociale, énergétique et écologique, de l’innovation architecturale.

M. François Patriat. Vous êtes donc pour une hausse des loyers ?

Mme Cécile Cukierman. Non, monsieur Patriat ! Vous savez très bien que la réduction des APL sera répercutée sur les locataires, qui paieront en fait beaucoup plus, car on est en train de dégrader le logement social. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) In fine, avec toutes les propositions du Gouvernement, ce sont eux qui trinqueront ! Monsieur Patriat, nous ne sommes pas d’accord, mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !

Nous déplorons que les aides à la pierre diminuent cette année encore. Les crédits engagés en 2017 ont été revus à la baisse. Alors qu’ils devaient initialement s’élever à 180 millions d’euros pour le FNAP, le Fonds national des aides à la pierre, seuls 80 millions d’euros ont été réellement versés. Pour l’année prochaine, 50 millions d’euros seulement sont prévus. C’est ridiculement bas, alors que le montant de ces aides était de 500 millions d’euros en 2012. Conjugué à la baisse des dotations, ce désengagement de l’État ne peut avoir qu’un effet très négatif sur la construction publique de logements à loyers abordables.

Le FNAP, dont nous avons dit à plusieurs reprises qu’il serait l’outil du désengagement de l’État, est dorénavant financé à titre principal par les bailleurs sociaux, à hauteur de 86 % de son budget. Ce sont donc les locataires qui le financent. La boucle est bouclée !

Enfin, les aides à la pierre spécifiques destinées aux maires bâtisseurs sont purement et simplement supprimées, alors qu’elles ont représenté 179 millions d’euros entre 2015 et 2017.

Les bailleurs sont sommés de financer non seulement le FNAP, mais aussi le plan de rénovation urbaine à hauteur de 2 milliards d’euros supplémentaires, selon les dernières annonces concernant le doublement du NPNRU. Leur taux de cotisation à la CGLLS a été augmenté pour leur permettre de financer le FNAP. Ils sont aussi censés compenser la baisse des loyers dans le secteur public concomitante à la baisse des APL à hauteur de 1,5 milliard d’euros, comme le prévoit l’article 52. Enfin, ils seront très certainement taxés sur la vente des logements sociaux. Et je ne parlerai pas de l’augmentation de la TVA votée lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances.

Toutes ces mesures concourent à faire des bailleurs, du 1 % logement et des collectivités les principaux contributeurs au financement du logement public. Contrairement à ce qu’a déclaré le Président de la République, le secteur HLM n’a pas de bas de laine. Cette politique risque donc très clairement de menacer l’emploi dans le secteur du BTP. Ainsi, selon les comptes de l’USH, 146 000 emplois seraient menacés à l’échelle de notre pays.

Ces mesures risquent également de menacer l’équilibre de certaines opérations, voire de conduire à la faillite un certain nombre de bailleurs, sans parler des collectivités qui en sont aujourd’hui les garantes. Selon l’USH, cela signifierait 54 000 logements en moins et la non-réhabilitation de 103 000 logements.

À l’inverse, le secteur dit libre n’est nullement affecté par ce projet de loi de finances, qui ne prévoit pas d’enrayer la spéculation foncière et immobilière ayant entraîné des niveaux de loyers toujours plus inabordables. Quant aux niches fiscales, elles restent à un niveau anormalement élevé. Il serait bon de les recentrer, afin qu’elles gagnent réellement en efficacité.

Le projet de loi sur le logement qui est annoncé pour le printemps prochain risque d’aggraver encore la situation en remettant en cause la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et en instaurant une précarité très forte des baux locatifs.

La cohésion territoriale ne passant pas uniquement par une réforme du logement, nous devons concevoir et promouvoir un développement qui ne stigmatise pas les territoires à faible démographie. Il faut au contraire en faire des exemples en matière de développement durable, de cohésion sociale, de vivre ensemble, de culture et d’éducation. Le développement équilibré de nos territoires ne se fera pas sans une complémentarité entre l’urbain et le rural, et ce sans hiérarchie ni condescendance. La ruralité est un socle de savoir-faire, de savoir-être et d’initiatives porteuses. Ainsi, le renforcement des coopérations entre tous les territoires sera le fondement d’un futur favorisant la transition écologique, économique et sociale.

Malgré les différentes évolutions qui pourraient avoir lieu cet après-midi, nous ne voterons pas les crédits de la mission tels qu’ils nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)