M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de l’article 52 de la loi de finances pour 2018 sur les territoires dits détendus, et plus particulièrement sur les territoires ruraux comme celui dont je suis issu, la Nièvre.

Dans ces territoires détendus, la réduction de loyer de solidarité, la RLS, pour les locataires du parc social, corrélée à une baisse du montant de l’APL calibrée de telle façon que la baisse de l’aide soit toujours inférieure à la baisse de loyer, aura un effet antipéréquateur.

Dans nos territoires dits détendus, pour des raisons tant sociales, les locataires ayant de très faibles revenus, qu’économiques – le marché tire vers le bas les loyers au regard de la concurrence entre le secteur public et le secteur privé –, l’APL n’a pas pour effet, à la différence des territoires tendus comme Paris ou la région parisienne, de tirer les loyers vers le haut.

Bien au contraire, sur nos territoires, la mise en œuvre du prélèvement sur les bailleurs sociaux les mettra en plus grande difficulté que ceux qui sont situés sur le reste du territoire.

À titre d’exemple, compte tenu de leurs politiques de loyers actuelles et d’un dispositif RLS reposant sur un montant et non un taux – cela aurait été plus équitable –, la contribution des organismes d’HLM nivernais sera plus proche de 14 % de leurs recettes annuelles que d’une moyenne nationale de 10 % de pertes environ liées à la RLS.

Ces pertes se cumuleront avec les pertes liées à la vacance de logements, une vacance importante, je le rappelle, dans nos territoires détendus, au regard du besoin de rénovation d’une grande partie du parc de logement social.

De plus, en affaiblissant les capacités d’investissement des organismes d’HLM, cet article met en grande difficulté le secteur économique local du bâtiment. En effet, les pertes en exploitation ne permettront plus aux bailleurs sociaux de dégager un autofinancement indispensable à la mise en œuvre de leurs opérations d’investissement. Selon les données de l’Union sociale pour l’habitat pour la région Bourgogne-Franche-Comté, avec cette mesure, ce seront 4 200 logements qui ne seront pas réhabilités et plus de 420 millions d’euros de travaux qui ne seront pas engagés avec, pour conséquence, 6 000 emplois détruits par an.

En définitive, si le projet de loi de finances pour 2018 n’intègre pas de modalités spécifiques aux territoires ruraux en reconnaissant leurs particularités, les organismes locaux présents sur ces territoires dits détendus seront voués à disparaître au profit d’une concentration et de regroupements dont il n’est pas démontré qu’ils auront une connaissance aussi fine des besoins locaux et qu’ils sauront participer au mieux à la réhabilitation des centres-bourgs et des centres-villes, dont l’urgence est patente.

Monsieur le ministre, est-ce la mort de nos organismes locaux sans discernement sur leur efficacité et la pertinence de leur action qui est ici visée ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, aucun des orateurs qui m’ont précédé n’a été dans la posture ni dans la caricature : ils ont présenté une argumentation en faveur de la suppression de l’article 52.

Pour ma part, j’aborderai la question sous un autre angle, celui d’un locataire HLM au moment de considérer les effets du projet de loi de finances pour 2018 sur sa situation personnelle.

Depuis le vote de la première partie, il sait déjà qu’il va voir, par la grâce d’un amendement déposé par nos collègues de la majorité sénatoriale, 140 euros de TVA environ ponctionner une partie des loyers qu’il acquitte auprès de son bailleur. Bonne nouvelle ! Ces 140 euros n’iront pas à l’entretien de l’immeuble, encore moins à l’entretien des espaces collectifs et aux services rendus aux locataires.

Et voici que l’article 52 met en question les aides personnelles au logement, qui intéressent la majorité des locataires du parc social, puisque 60 % de ceux-ci disposent de ressources inférieures à 60 % des plafonds de ressources.

Dans les faits, les populations les plus modestes, que leur revenu situe dans les 30 % les moins riches de la population, constituent une proportion deux fois plus importante des familles logées en HLM. Autant dire que la mise en place du prélèvement forfaitaire unique ne représente quasiment rien pour elles, pas plus que la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, et la réforme de la taxe d’habitation peut en laisser certains de bois… Par contre, l’article 52 les concerne tout de suite !

Car voilà un article qui, au nom de l’équilibre des comptes publics et du juste partage des efforts, vient demander à des familles très majoritairement modestes, probablement d’ailleurs dispensées du paiement de l’impôt sur le revenu et de tout ou partie de leur taxe d’habitation, d’apporter rien de moins que 720 euros par an au titre de la baisse de l’allocation, soit 1,7 milliard d’euros par an pour le secteur… Le tout en échange d’une baisse quasi artificielle des loyers, dont la conséquence principale sera d’assécher les fonds propres des organismes bailleurs.

Résumons ! Nous avons, d’un côté, une opération de baisse des allocations, une baisse des loyers dans le secteur social conventionné, qui mettra en voisinage des familles allocataires à taux d’effort constant et des familles non allocataires à taux d’effort allégé, et, de l’autre, des organismes bailleurs qui n’auront plus les moyens d’entretenir correctement leur patrimoine ni, surtout, d’autofinancer sur leurs fonds propres quelque opération de réhabilitation de logements ou de construction neuve que ce soit.

Quoi qu’il arrive, le Gouvernement met le secteur du logement social dans la plus grande difficulté quant à sa participation réelle au nouveau programme national de renouvellement urbain.

L’article 52 pose le problème récurrent de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, puisque la baisse des loyers accompagnant celle des allocations profitera autant aux allocataires qu’aux autres. De plus, il crée des conditions de financement des organismes de logement social extrêmement périlleuses pour ces organismes eux-mêmes, mais aussi pour le secteur d’activité du bâtiment – on a parlé de fonds de roulement ; parlons clair : le logement social, c’est des « fonds de roulement » pour le BTP – comme pour les finances locales. Beaucoup ici ont oublié…

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Pascal Savoldelli. Je conclus, madame la présidente.

Beaucoup ici ont oublié, disais-je, que nos collectivités sont appelées à donner leur garantie aux organismes bailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.

Mme Monique Lubin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je prendrai aussi quelques exemples concrets pour illustrer l’une des conséquences néfastes du fameux article 52 sur le logement social.

Dans mon département, l’office public départemental de l’habitat perçoit 46,2 millions d’euros de recettes qui ne sont constituées, comme vous le savez, que des loyers payés par les locataires. La capacité d’autofinancement est de 4,1 millions d’euros et la baisse des loyers estimée, à la suite des mesures qui seront prises, s’élèvera à 4,5 millions d’euros. Vous voyez où je veux en venir… La capacité d’autofinancement sera entièrement effacée par le niveau de la baisse des loyers.

Dès lors, comment trouverons-nous les financements nécessaires au lancement de nouveaux programmes ? Comment poursuivrons-nous l’amélioration de l’existant ? Comment répondrons-nous aux milliers de foyers inscrits sur nos listes d’attente ? Ce ne sont pas des mots ni des propos de tribune prétendument alarmistes ; ce sont des faits, uniquement des faits ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, un budget, c’est un choix politique. Baisser les APL à hauteur de 1,5 milliard d’euros et faire payer l’essentiel par le mouvement HLM, donc les locataires et les collectivités – des personnes ou des territoires en situation de difficulté –, alors que l’on pouvait trouver des recettes, même dans le secteur du logement ! Et 1,5 milliard, c’est la moitié de la baisse de l’ISF !

Tout d’abord, je vous rappelle que j’ai déposé un amendement visant à ponctionner très faiblement les transactions immobilières de plus de 10 000 euros par mètre carré. Mes chers collègues, 10 000 euros par mètre carré, c’est hyper-minoritaire, vous le voyez bien ! Mais cela représente des recettes à hauteur de 400 millions d’euros, des recettes que nous n’avons pas voulu avoir.

En revanche, on a doublé la valorisation des stock-options, et on a doublé l’amélioration des aides fiscales pour les impatriés des multinationales.

Oui, ce sont des choix. Et 1,5 milliard d’euros en touchant l’APL et le logement social, c’est un mauvais choix républicain pour le pays et pour son activité, avec un impact sur le bâtiment.

Non, les APL ne sont pas inflationnistes ! Elles l’ont été dans les années 1995 à 2000 ; mais elles ne le sont plus aujourd’hui. Les APL inflationnistes sont dans le secteur privé. Or, sur les 18 milliards, on tape justement sur les 8 milliards des HLM, donc du secteur régulé, qui ne peuvent pas être inflationnistes.

Ce n’est même pas pour lutter contre la hausse des loyers. D’ailleurs, bien d’autres mesures seraient à prendre, mais c’est là un autre débat.

On veut baisser les dépenses en matière de logement, mais les aides au logement ne représentent que 0,9 % du PIB depuis 1996. Ce qui a dérapé dans les dépenses, ce n’est pas l’APL ! Ce sont les aides fiscales, toute une autre série d’aides qui méritent d’être évaluées.

Oui, pas d’immobilisme ! Oui, il faut repenser une autre politique du logement ! Sans doute y a-t-il de la déperdition ici ou là ? Mais c’est un débat que l’on engage sur un texte relatif au logement. On ne le traite pas comme cela en donnant un mauvais coup pile-poil sur le seul secteur régulé, en lien avec les collectivités territoriales et dont le caractère social est le plus marqué.

Oui, monsieur Patriat, je me préoccupe du loyer de nos concitoyens ! Mais je me préoccupe surtout de la quittance de loyer de nos concitoyens. Car il n’y aura quasiment pas de gain de loyer. En revanche, vous privez les organismes d’HLM de moyens pour réussir à améliorer la performance énergétique, ce qui serait de nature à faire baisser les quittances de tous les locataires et nous permettrait de relever le défi de la COP21. C’est un mauvais coup que vous portez là ! Il n’est pas bon économiquement, il est injuste socialement et il est inégalitaire dans les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Daniel Dubois applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, sur l’article.

Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je consacrerai moi aussi mon propos à l’APL-accession, que le Gouvernement envisage de supprimer au travers de l’article 52.

Avec l’APL-accession, 450 000 ménages modestes ont pu acquérir leur logement, pour une enveloppe de 800 millions d’euros par an. L’étude toute récente du Crédit foncier rappelle que ces ménages ont acheté pour 33 % d’entre eux dans le neuf et 77 % dans l’ancien, et ces acquisitions ont concerné majoritairement les zones détendues.

L’APL-accession permet donc l’accès à la propriété de ménages aux revenus modestes, particulièrement dans les centres-bourgs et parfois dans des zones où il n’y a pas d’offre locative adaptée pour ces familles.

Dans de nombreux cas, le projet d’acquisition n’aurait pu être possible sans le soutien de l’APL-accession, qui intervient comme un réel déclencheur, même s’il est moindre que celui du prêt à taux zéro.

Par ailleurs, l’APL-accession est souvent nécessaire pour conforter un prêt aidé. Pour les ménages du premier quartile bénéficiant d’un prêt à taux zéro, elle permet de réduire d’un quart les mensualités de remboursement. En termes d’économies budgétaires, l’intérêt de la suppression de cette aide est nul : sans APL-accession, les ménages se maintiennent dans le parc locatif et continuent donc de bénéficier de l’APL locative.

La suppression voulue par le Gouvernement est bien contre-productive, car elle aura pour effet de bloquer la mobilité des ménages les plus modestes, sans créer, pour autant, d’économies importantes pour l’État.

Elle n’est pas non plus cohérente avec les objectifs énoncés par le Président de la République, à savoir rendre 40 000 locataires de logements sociaux propriétaires de leur habitation. Comment voulez-vous rendre 40 000 ménages propriétaires sans aides, alors que, pour la plupart d’entre eux, ils n’en ont pas les moyens ?

Enfin, en soutenant ces ménages, on soutient l’activité du bâtiment, qui se serait sans doute effondrée dans certains territoires sans les aides publiques.

Vouloir supprimer l’APL-accession est donc une grave erreur, car cela aura des répercussions à long terme, non seulement sur les familles, mais aussi sur l’activité économique de nos départements. Et je doute que le Gouvernement les ait bien mesurées avant de prendre une telle décision ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, sur l’article.

Mme Sabine Van Heghe. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le mouvement HLM est profondément déstabilisé par la soudaineté et la brutalité des mesures non concertées de ponction directe sur les recettes des organismes annoncées par l’État.

La mobilisation de l’ensemble des acteurs du logement est forte pour protester contre les conséquences désastreuses de cette politique sur le développement de l’habitat social, les politiques locales de l’habitat et l’emploi local.

Les pertes de recettes pour les bailleurs sociaux dans la région des Hauts-de-France sont estimées à 233 millions d’euros par an, ce qui les conduirait inéluctablement à stopper leurs investissements : 1,4 milliard d’euros de travaux en moins, 13 500 logements rénovés en moins et 19 200 emplois directs et indirects menacés dans la région des Hauts-de-France.

Sera particulièrement touché dans mon département du Pas-de-Calais le patrimoine minier : des logements mis à disposition des mineurs et de leurs familles au temps de l’exploitation charbonnière et repris aujourd’hui par un bailleur qui n’a de cesse de les rénover et de les rendre plus confortables pour les proposer à nos populations.

Il en est de même pour le premier bailleur social de mon département, Pas-de-Calais habitat, dont la politique de rénovation et de construction de logements sera fortement ralentie, mettant en péril la qualité de l’offre locative et l’emploi induit dont a cruellement besoin notre territoire.

Ce n’est pas au logement social et à l’APL, cœur de la solidarité nationale, de contribuer, en première ligne, à cet effort. Vous attaquez, une fois de plus, les classes moyennes et populaires, alors même que vous supprimez l’impôt sur la fortune.

Des compensations sont, certes, en discussion, mais il est à craindre que ces compromis ne soient ni satisfaisants ni efficaces et qu’ils ne permettent pas d’atteindre les objectifs du Gouvernement : choc de l’offre, moins de sans-abri, moins de frais de gestion.

C’est pourquoi nous souhaitons la suppression pure et simple de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.

M. Victorin Lurel. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’économie générale de l’article 52 : nous sommes presque tous d’accord ici pour dire qu’il n’est pas bon tel qu’il est rédigé. S’il devait être maintenu en l’état, il ne rencontrerait pas l’agrément des différents groupes de la Haute Assemblée.

C’est la raison pour laquelle de nombreux collègues ont déposé des amendements, notamment en commission des finances, pour tenter de manière transpartisane de le faire évoluer. C’est en ce sens que le groupe socialiste et républicain a déposé un certain nombre d’amendements, qui ont eu le bonheur d’être acceptés de manière consensuelle.

L’article 52, sans revenir sur tous les propos qui ont été tenus précédemment, a aussi le grand tort d’avoir totalement oublié les outre-mer. Je le rappelle à mes collègues, même si c’est éloigné, et si cela est inscrit dans le droit commun, les APL ne s’appliquent pas dans les outre-mer. Et pourtant, cet article les intègre dans le dispositif de mutualisation financière. Cela signifie que les populations les plus défavorisées – je ne mentionne pas les indicateurs socio-économiques – vont participer à l’effort de ceux qui sont déjà un peu mieux lotis.

Par ailleurs, nous allons devoir payer une taxe sur le surloyer, le supplément de loyer de solidarité, le SLS, alors que nous n’en avons pas le bénéfice. Vous le savez, le SLS alimente le Fonds national des aides à la pierre, mais nous n’en bénéficions pas. C’est là une double peine. C’est pour cette raison que nous demandons que l’article soit modifié.

Enfin, la taxe qui porterait sur les ventes de logements HLM nous pose aussi problème. C’est pourquoi nous nous sommes tous accordés pour la remplacer par une taxe sur les plus-values. Je m’associe à ma collègue Nassimah Dindar, ce serait mesure d’équilibre et de sagesse que d’extraire de l’assiette le supplément de loyer de solidarité, car nous avons toujours les fameuses taxes sur les plus-values. Il y a une urgence mobilisatrice, irais-je même jusqu’à dire, à modifier l’article 52. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, sur l’article.

M. Daniel Dubois. Je suis tout à fait d’accord avec les orateurs précédents s’agissant des conséquences dramatiques qui surviendraient si aucun compromis n’était trouvé sur l’article 52 ; je n’insisterai donc pas sur ce point.

Je m’étonne de l’obsession du Gouvernement sur le coût du logement pour l’État : il ne voit cette politique que comme une charge, en niant que la construction de logements est aussi une source d’apports ! Elle apporte en termes d’investissement, de croissance et d’emploi ; elle apporte aussi en termes d’aménagement du territoire ; elle apporte, enfin, en termes de fiscalité.

Tout cela a-t-il été chiffré ? Non, bien sûr, puisqu’on ne nous donne jamais de chiffres et qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée. Comme il n’y a pas eu d’étude d’impact, il ne faut pas s’étonner que nous n’ayons que des chiffres négatifs et aucun positif ! (Mmes Catherine Morin-Desailly et Élisabeth Doineau applaudissent.) Quant à obtenir des chiffres auprès de Bercy, je crois que certains s’y sont essayés ; c’est quasiment impossible…

Donc, l’Union sociale de l’habitat nous en a communiqué quelques-uns, que je vais, si vous le permettez, vous livrer.

La construction d’un logement HLM représente environ 140 000 euros de travaux, 30 000 euros en rénovation moyenne. En ponctionnant 1,5 milliard d’euros sur les HLM, notre pays va se priver d’environ 10 milliards d’euros de travaux ! Je ne pense pas que ce soit le moment…

On estime le nombre d’emplois directs et indirects dans le bâtiment à treize équivalents temps plein par million d’euros investi, et vingt en rénovation. Une réduction des travaux de 10 milliards d’euros, ce sont 140 000 emplois menacés. Sans compter la perte de recettes fiscales, d’environ 600 millions d’euros.

Je puis comprendre la volonté de réforme du Gouvernement ; à titre personnel, je n’y suis pas hostile.

Mais, enfin, pas comme cela ! Pas en s’attaquant, au détour du projet de loi de finances et, je le répète, sans étude d’impact, au loyer, qui, on ne le répétera jamais assez, est la pierre angulaire du système HLM.

C’est pourquoi le Sénat a cherché une solution de compromis, qui permette de réaliser l’économie budgétaire demandée par le Gouvernement sans toucher au loyer et, en conséquence, sans déstabiliser le secteur HLM.

J’espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement entendra cette démarche. Qu’il sache que nous sommes disponibles pour participer à un grand débat sur le logement et préparer avec lui une réforme du secteur (Mme Valérie Létard acquiesce.) qui, nous en sommes d’accord, pourrait fonctionner de manière un peu plus efficiente.

Reste que, en l’état actuel des choses, et comme, je pense, la totalité des membres du groupe Union centriste, je ne voterai pas l’article 52 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l’article.

M. Martial Bourquin. L’article 52 a pour conséquence directe de baisser les APL dans le parc public et de mettre en place ce qu’on appelle pudiquement une compensation : en fait, une réduction de loyer appliquée par les bailleurs.

La méthode du Gouvernement pose problème, vraiment. Monsieur le ministre, appelez les choses par leur nom : ne parlez pas de réforme, mais de coupes claires ! Où est la réforme ? On retire 1,7 milliard d’euros aux HLM, voilà tout !

La baisse des APL dans le parc public est imposée brutalement et appliquée sans concertation ni évaluation de son impact sur l’activité du logement social.

J’ai rencontré voilà quelques jours les représentants du secteur ; j’ai rencontré aussi ceux de la Fédération française du bâtiment, qui s’inquiètent vivement de cette coupe budgétaire.

Sur quels critères la mesure est-elle prise ? On parle d’un effet inflationniste des aides au logement, de l’inefficacité de la politique du logement social : il y aurait des marges non réinvesties…

Rappelons tout de même que les taux de loyers appliqués dans le logement social sont réglementés et plafonnés, que le parc public accueille un ménage sur deux en dessous du seuil de pauvreté, que près de 150 000 logements sociaux ont été programmés en 2017 et que les organismes réinvestissent leurs marges dans ces opérations.

Le logement social, ce sont 17 milliards d’euros de travaux, qui ont rapporté à l’État 800 millions d’euros de TVA. C’est autant d’activité et d’emploi dans le secteur du bâtiment !

Monsieur le ministre, votre mesure est beaucoup trop lourde pour les organismes HLM, dont l’autofinancement va baisser considérablement et dont la capacité à produire des logements neufs sera aussi très affectée. Plus de 50 % des organismes HLM pourraient se retrouver rapidement dans une grave difficulté financière !

Quant aux collectivités territoriales, qui cautionnent les emprunts, elles se demanderont si, dans ces conditions, elles doivent continuer à le faire.

Mes chers collègues, la décision du Gouvernement est une menace grave et inacceptable pour le modèle économique du logement social. Le groupe socialiste et républicain y est fortement opposé. Nous demandons la suppression de l’article 52 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Avant que nous n’entamions l’examen des amendements, ceux qui visent à supprimer l’article 52 et ceux qui tendent à le réécrire, je voudrais poser à M. le ministre et à M. le secrétaire d’État une question. De leur réponse dépendra, à mon avis, la suite des débats.

Mais avant de vous poser cette question, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais rappeler d’où nous venons et où nous en sommes.

Je comprends l’exaspération de nos collègues, dans la mesure où le projet initial du Gouvernement était d’une brutalité sans nom : 1,5 milliard d’euros de baisse des APL, qui équivalaient à 1,7 milliard d’euros de baisse de l’autofinancement des bailleurs, le tout en 2018. C’était absolument inacceptable.

Depuis lors, il y a tout de même eu un peu de changement. À l’Assemblée nationale, l’idée a germé que l’étalement de la mesure sur trois ans pouvait être une piste ; le Gouvernement a fini par l’accepter. L’idée de la TVA, consistant à couper la poire en deux – 600 ou 700 millions d’euros sur la TVA, environ 800 millions d’euros sur la baisse des loyers – a été mise sur la table. C’est ainsi que le texte nous est parvenu.

Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, nous avons obtenu satisfaction en ce qui concerne la TVA. Ceux qui étaient en séance le mardi après-midi de la semaine dernière se souviennent de l’épisode, un peu particulier, mais au terme duquel le Gouvernement a dit : d’accord. Nous avons donc 700 millions d’euros.

Les mesures de TVA sont compensées par des prêts de haut de bilan et des prêts à taux préférentiel ; une enveloppe de 4 milliards d’euros est prévue. Reste donc à trouver 800 millions d’euros. Tel est l’enjeu de ce débat.

Faut-il réduire les loyers, comme le souhaite le Gouvernement ? Faut-il que la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, intervienne pour tout, auquel cas il n’y aurait pas un euro de baisse de la dépense publique ? La solution est-elle à mi-chemin, comme je l’ai proposé au nom de la commission des finances ?

Ce qui bloque, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous n’avez pas répondu à la question que j’annonçais il y a quelques instants. Il est vrai que je ne vous l’ai pas posée à la tribune… La voici donc : oui ou non, le Gouvernement accepte-t-il d’abandonner la progressivité pour monter à 1,5 milliard d’euros ?

On a bien compris que, en 2018, on serait sur 800 millions d’euros. J’ai même entendu dire que le Gouvernement accepterait que, en 2019, on soit sur la même somme. À présent, nous vous demandons : puisqu’un texte est prévu pour le printemps et que même les bailleurs sont d’accord pour se lancer dans la réforme structurelle, pourquoi ne vous donnez-vous pas le temps de voir ce que devient ce texte et comment la réforme structurelle est engagée ? C’est là un vrai problème politique.

Si vous choisissiez d’agir ainsi, nous pourrions rouvrir le débat à l’automne 2019 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Vous auriez désamorcé la bombe politique que vous avez malencontreusement amorcée. Et, au Sénat, nous pourrions avancer pour trouver la solution que nous appelons de nos vœux, en liaison avec la commission des affaires économiques.

Seulement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, si vous ne nous dites pas : d’accord, on abandonne la progressivité, on prend les 800 millions d’euros sur 2018 et 2019 et on se revoit après l’engagement de la réforme structurelle, je crains que nous n’en sortions pas !

À ce moment-là, toutes les heures que nous avons passées pour essayer de trouver un compromis, Dominique Estrosi Sassone, Sophie Primas, Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann – si je puis la citer sans la compromettre… –, moi-même et d’autres encore, auront été passées en pure perte, ce qui serait dommage… En effet, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je pense que, au Sénat, nous étions en mesure de vous sortir de l’impasse dans laquelle vous vous êtes engagés.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il faut abandonner l’idée de progressivité, avec une clause de revoyure. Et si vous nous dites oui, c’est oui définitivement – ce qui signifie que l’Assemblée nationale ne fait pas ce qu’elle veut… Nous avons besoin de votre réponse pour poursuivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)