M. Jean-Louis Tourenne. L’ordonnance rendra possible la négociation d’accords sans les syndicats dans les entreprises de moins de 50 salariés et permettra à l’employeur d’obtenir la validation d’un accord par référendum, en négligeant le rapport de sujétion inhérent à la relation de travail entre le chef d’entreprise et les salariés.

Nous proposons donc de redonner leur place légitime aux syndicats dans les TPE, en supprimant le référendum et en restaurant le mandatement, dont nous pensons qu’il constitue une réponse adaptée dans les petites entreprises et qu’il permet le respect du droit des salariés.

M. le président. L’amendement n° 77, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 2232-21 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La validité des accords ou des avenants de révision conclus en application du présent article est soumise à l’approbation de la commission paritaire de branche. La commission paritaire de branche contrôle que l’accord collectif n’enfreint pas les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles applicables.

« Si cette condition n’est pas remplie, l’accord est réputé non écrit. » ;

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Nous proposons d’introduire la validation obligatoire de la commission de validation des accords collectifs pour les accords conclus par des élus non mandatés. Cela permettra de répondre à une double inquiétude quant au renforcement du rôle régulateur de la branche, d’une part, et à la remontée effective des informations de terrain au niveau de la branche, d’autre part.

Cet amendement répond pleinement à l’objectif affiché par le Gouvernement de conserver à la branche « un rôle essentiel pour réguler les conditions de concurrence et définir des garanties économiques et sociales ».

Il s’agit en fait de s’assurer que des accords n’ont pas été conclus par des moyens détournés et qu’ils sont en parfaite conformité avec la loi.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Bignon, Capus, Fouché, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Mélot, MM. Wattebled, Luche et Cigolotti, Mme F. Gerbaud, M. Delcros, Mme C. Fournier et M. Longeot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 2232-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les votes ont lieu habituellement à main levée. Le vote est à bulletin secret si un salarié en fait la demande. » ;

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. L’article 8 de l’ordonnance n° 2017-1385 vise à faciliter la négociation au sein des entreprises de moins de 20 salariés dépourvues de délégué syndical, ce qui représente l’immense majorité des cas. Toutefois, ni cet article ni son décret d’application ne mentionnent les modalités du vote par référendum. Le présent amendement vise à remédier à cette lacune.

M. le président. L’amendement n° 79, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’article L. 2232-23 est abrogé ;

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Il s’agit d’un amendement de conséquence relatif aux entreprises de 11 à 20 salariés.

On incite les employeurs à contourner les syndicats en leur ouvrant la possibilité de proposer unilatéralement un accord, qui sera validé s’il est ratifié par au moins deux tiers des salariés. Après avoir affaibli la voix des salariés dans les très petites entreprises, on fait de même pour les petites entreprises.

Les quelques mesures censées renforcer la présence syndicale dans les petites entreprises ne sont pas convaincantes. Les accords instituant les commissions paritaires régionales interprofessionnelles n’ont pas fait l’objet d’une évaluation loyale et sincère pour leur donner leur chance.

M. le président. L’amendement n° 80, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

…° Le I de article L. 2232-23-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « compris entre onze et moins de » sont remplacés par les mots : « inférieur à » ;

b) Le 1° est ainsi modifié :

- le mot : « Soit » est supprimé ;

- est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel sont informées par l’employeur de sa décision d’engager des négociations. » ;

c) Au 2°, le mot : « Soit » est remplacé par les mots : « À défaut de salarié mandaté conformément au paragraphe précédent » ;

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Il s’agit d’un autre amendement de conséquence, concernant cette fois les entreprises de moins de 50 salariés.

L’article 2 tend à permettre de contourner la représentation syndicale dans les entreprises de 11 à 50 salariés. En effet, la négociation peut avoir lieu avec des salariés mandatés ou des élus au choix de l’employeur, sans préférence pour l’une ou l’autre de ces modalités. De plus, le texte ne prévoit aucune obligation d’avertir les organisations syndicales de l’existence d’une volonté de négocier, en violation du principe de participation et de négociation loyale.

Nous proposons donc de redonner aux syndicats et aux salariés mandatés la priorité pour négocier. À défaut de salarié mandaté, nous ouvrons la possibilité de négocier à un ou des membres de la délégation du personnel du CSE. En outre, nous rétablissons l’obligation, pour l’employeur, d’informer les syndicats qu’il souhaite engager des négociations.

M. le président. L’amendement n° 81, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa du I de l’article L. 2232-23-1, les mots : « compris entre onze et moins de » sont remplacés par les mots : « inférieur à » ;

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Les deux premiers paragraphes de l’article 8 de l’ordonnance n° 2017-1385 vont bien au-delà de ce qu’autorisait l’habilitation. Par une décision en date du 7 septembre 2017, le Conseil constitutionnel a reconnu que cette consultation des salariés était conforme à la Constitution parce qu’il s’agissait de valider un accord conclu. En d’autres termes, le Conseil constitutionnel n’a pas autorisé le recours au référendum pour valider un accord proposé de façon unilatérale par l’employeur.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer la possibilité de recourir au référendum dans les entreprises de moins de 50 salariés.

M. le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° bis Les articles L. 2232-21 à L. 2232-23-1 sont abrogés ;

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. L’article 8 de l’ordonnance relative à la négociation collective prévoit que, dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur pourra, de manière unilatérale, soumettre à référendum ses décisions portant sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective.

Le danger que présente cette mesure est flagrant : le référendum que vous voulez inscrire dans la loi n’est en aucun cas une forme de consultation démocratique. Les salariés seront en effet placés devant un choix binaire : accepter ou refuser les propositions qui leur sont soumises, sans pouvoir proposer une autre solution.

Il existe évidemment un autre risque : que le refus soit immédiatement sanctionné, dans une forme de chantage à l’emploi tout à fait inacceptable.

La logique référendaire est la négation même du dialogue social. C’est même la raison d’être de ce type de dispositif que de court-circuiter le dialogue social pour imposer la volonté patronale.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette prétendue nouvelle modalité de négociation et de lui substituer une procédure de mandatement dans les entreprises de moins de 50 salariés dépourvues de délégué syndical.

M. le président. L’amendement n° 179, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par neuf alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 2232-23-1 est ainsi modifié :

a) Le dernier alinéa du I est supprimé ;

b) Au premier alinéa du II, après le mot : « exprimés », sont insérés les mots : « en faveur des membres du comité social et économique » ;

c) Après le premier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’appréciation de la condition de majorité prévue au premier alinéa, lorsqu’un accord est conclu par un ou des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique central, il est tenu compte, pour chacun des membres titulaires de la délégation, d’un poids égal au rapport entre le nombre de suffrages exprimés dans l’établissement en faveur de ce membre et du nombre total des suffrages exprimés dans chaque établissement en faveur des membres titulaires composant ladite délégation. »

…° L’article L. 2232-25 est ainsi modifié :

a) Au troisième alinéa, après le mot : « exprimés », sont insérés les mots : « en faveur des membres du comité social et économique » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Pour l’appréciation de la condition de majorité prévue au troisième alinéa, lorsqu’un accord est conclu par un ou des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique central, il est tenu compte, pour chacun des membres titulaires de la délégation, d’un poids égal au rapport entre le nombre de suffrages exprimés dans l’établissement en faveur de ce membre et du nombre total des suffrages exprimés dans chaque établissement en faveur des membres titulaires composant ladite délégation. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement répond à un double objectif : modifier l’insertion dans le code du travail des apports de la commission sur les règles de validité des accords collectifs signés par les élus du personnel dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, afin de tenir compte de la sixième ordonnance « travail » du 20 décembre 2017, et corriger certaines erreurs de rédaction de cette ordonnance. Il s’agit donc d’un amendement de coordination juridique.

M. le président. L’amendement n° 78, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :

1° ter L’article L. 2232-22 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2232-22. – En l’absence de représentant élu du personnel mandaté en application de l’article L. 2232-21, les représentants élus titulaires du comité social et économique ou à l’instance mentionnée à l’article L. 2391-1 ou, à défaut, les délégués titulaires du personnel qui n’ont pas été expressément mandatés par une organisation mentionnée à l’article L. 2232-21 peuvent négocier, conclure et réviser des accords collectifs de travail.

« Cette négociation ne porte que sur les accords collectifs de travail relatifs à des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, à l’exception des accords collectifs mentionnés à l’article L. 1233-21.

« La validité des accords ou des avenants de révision conclus en application du présent article est subordonnée à leur signature par des membres titulaires élus au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou, à défaut, par des délégués du personnel titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Si cette condition n’est pas remplie, l’accord ou l’avenant de révision est réputé non écrit.

« Les accords conclus en application du présent article sont transmis pour information à la commission paritaire de branche. L’accomplissement de cette formalité n’est pas un préalable au dépôt et à l’entrée en vigueur des accords.

« À défaut de stipulations différentes d’un accord de branche, la commission paritaire de branche comprend un représentant titulaire et un représentant suppléant de chaque organisation syndicale de salariés représentative dans la branche et un nombre égal de représentants des organisations professionnelles d’employeurs. » ;

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à revenir à la rédaction antérieure de l’article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission n’a pas examiné le sous-amendement n° 198 du Gouvernement, qui vise la création des articles L. 2232-21 et L. 2232-22-1 du code du travail, afin d’autoriser les entreprises dont l’effectif est inférieur à 20, voire à 11 salariés, et qui sont ainsi dépourvues de délégué syndical, à bénéficier de l’actuel assouplissement des règles de mandatement.

Ce sous-amendement est utile ; son adoption permettra aux salariés de dénoncer et de modifier les accords antérieurs, indépendamment de leur mode de conclusion. À titre personnel, j’y suis donc favorable.

La commission est favorable à l’amendement n° 17 rectifié ter de Mme Gruny.

L’amendement n° 75, comme plusieurs autres amendements, tend à contester la réforme du mandatement. Aussi, je souhaite rappeler précisément la position de la commission sur ce sujet.

La commission soutient les mesures proposées par le Gouvernement, car celles-ci visent à favoriser la conclusion d’accords dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical.

À cet égard, je rappelle que seulement 4 % des entreprises de 11 à 49 salariés disposent d’un délégué syndical. Comme on ne peut pas forcer un salarié à devenir délégué syndical, que le mandatement a montré depuis longtemps ses limites et que le statu quo n’est plus acceptable, il fallait bien proposer de nouvelles règles.

Dans les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégué syndical, et dans celles qui emploient moins de 20 salariés et qui sont également dépourvues d’élus du personnel, l’employeur peut désormais conclure directement avec les salariés un accord collectif qu’il a préparé, portant sur l’un des thèmes ouverts à la négociation dans le code du travail, si les deux tiers du personnel l’acceptent.

Dans les entreprises de 11 à 50 salariés dépourvues de délégué syndical, mais dotées d’élus du personnel, l’employeur qui souhaite conclure un accord a dorénavant le choix entre trois possibilités mises sur un pied d’égalité : il peut le signer soit avec des élus non mandatés, soit avec des élus mandatés, soit avec des salariés non élus, mais mandatés.

Les règles ont donc été considérablement assouplies pour les entreprises employant moins de 50 salariés et dépourvues de délégué syndical. À nos yeux, il s’agit d’une avancée majeure par rapport aux règles antérieures. D’ailleurs, le Sénat, lors de l’examen de la loi Travail, avait déjà proposé une réforme similaire.

La commission approuve donc cette réforme, qui permettra de développer le dialogue social dans les petites entreprises, souvent oubliées du législateur, et qui pourrait susciter des vocations parmi les salariés pour rejoindre des syndicats, si ceux-ci changent leur stratégie et s’adaptent à cette nouvelle donne.

En conséquence, la commission est défavorable à l’amendement n° 75.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 76, qui vise à redonner une forme de monopole aux élus mandatés pour conclure des accords dans les entreprises sans délégué syndical. Nous avons tous constaté l’échec des règles antérieures. Aussi, nous devons essayer d’autres voies pour augmenter le nombre d’accords conclus dans les petites entreprises.

L’amendement n° 77, également présenté par M. Tourenne, tend à introduire l’approbation obligatoire des projets d’accords négociés dans les entreprises dépourvues de délégué syndical par la commission paritaire de branche. L’obligation d’obtenir l’aval de la commission paritaire de branche serait, selon la commission, un frein à la conclusion des accords collectifs dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Chasseing, m’apparaissait satisfait par l’article 1er du décret du 26 décembre 2017, qui dispose, au travers de l’article R. 2232-10, que « le caractère personnel et secret de la consultation est garanti ».

Cela dit, la proposition de notre collègue me semble intéressante et plus opérationnelle que le décret. J’avais proposé en commission un avis de sagesse, sous réserve d’une rectification pour introduire la notion de bulletin secret. La modification ayant été apportée par notre collègue, la commission émet un avis de sagesse sur cet amendement.

La commission est évidemment défavorable à l’amendement n° 79, qui vise à tirer les conséquences de l’amendement n° 77.

Elle est également défavorable à l’amendement n° 80, qui tend à vider de sa substance la réforme proposée par la première ordonnance, en redonnant la priorité au mandatement.

L’amendement n° 81 de conséquence vise à ouvrir à toutes les entreprises de moins de 50 salariés les possibilités prévues à l’article L. 2232-23-1 du code du travail, qui conserve la priorité aux élus du personnel mandatés pour conclure un accord. La commission est défavorable à cet amendement, qui remet en cause la logique de la réforme proposée par le Gouvernement.

La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 23, pour les raisons déjà évoquées, ainsi que sur l’amendement n° 78, qui vise à rétablir les anciennes règles relatives à la conclusion d’accords dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je ne détaillerai pas l’avis du Gouvernement sur chacun des amendements. Je veux plutôt revenir sur deux points, pour être sûre que nous parlions tous de la même chose, car c’est très important.

Je rappelle ce que la loi prévoit pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Premièrement, un délégué syndical peut être désigné. C’est la priorité et l’objectif même de la loi, mais seulement 4 % d’entre elles en comptent un, et l’on ne peut imposer à personne d’être délégué syndical…

Deuxièmement, le mandatement est toujours possible ; nous ne l’avons pas supprimé. Un salarié ou un élu mandaté peut tout à fait négocier, mais l’expérience prouve qu’il y a extrêmement peu de salariés candidats au mandatement. Ce système est mis en place depuis une vingtaine d’années ; force est de constater qu’il ne fonctionne pas.

Troisièmement, nous avons prévu l’élection de délégués du personnel.

Pourquoi est-ce important ? Nous en sommes tous conscients ici, me semble-t-il, la moitié des salariés travaillent dans de petites entreprises. Il serait paradoxal que, pour les questions les concernant directement, l’expression des salariés soit inférieure dans les entreprises de petite taille à celle des salariés travaillant dans les plus grandes, celles-ci ayant plus les moyens de structurer le dialogue. En termes d’équité, il importe que tous les salariés aient leur mot à dire sur la marche de l’entreprise.

Des précautions ont effectivement été prises, avec le délégué du personnel, par exemple. On a aussi parlé précédemment du référendum. Toutes ces mesures sont très encadrées. Néanmoins, il est important de donner un signal aux salariés des petites entreprises : ils ont aussi, je le répète, leur mot à dire et peuvent le faire sous la forme qu’ils souhaitent.

Par ailleurs, j’en suis persuadée, au vu de mon expérience, dès lors qu’une négociation est engagée dans l’entreprise, il est beaucoup plus facile de s’adresser alors au délégué syndical : l’idée même d’une négociation formalisée, avec un délégué du personnel, va entrer dans les mœurs.

Tous les accords signés, si les observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation ne sont pas supprimés – je ne le souhaite pas –, seront connus des partenaires sociaux et de l’administration, ce qui permettra aux organisations syndicales de savoir où se trouve la dynamique de négociation, afin de cibler leurs efforts.

Aujourd’hui, quelque 1,3 million d’entreprises de petite taille n’ont pas les moyens de savoir où il peut y avoir une dynamique. Il est donc dans l’intérêt des salariés, du dialogue social dans ces entreprises et, finalement, des organisations syndicales que de prévoir cette possibilité.

Permettez-moi maintenant de revenir sur la question de la consultation dans les entreprises de moins de 11 salariés ou de moins de 20 salariés et qui sont dépourvues d’élus du personnel.

Comme cela a été évoqué, le décret précise les modalités d’application et les garanties : il prévoit que le caractère personnel et secret de la consultation est garanti – c’est très important. D’ailleurs, d’après les remontées de terrain qui nous parviennent depuis le début du mois, quelques accords ont été signés. Dans tous les cas, les salariés comme les employeurs – j’ai été surprise de constater que c’était aussi vrai chez ces derniers ! – préfèrent le caractère secret de la consultation, ce qui me conduit à m’inscrire en faux contre le vote à main levée proposé. Ils considèrent que les mesures prévues les sécurisent.

En effet, le décret prévoit, premièrement, que l’employeur doit communiquer aux salariés le projet d’accord quinze jours avant la date de la consultation ; deuxièmement, qu’une discussion entre les salariés doit avoir lieu en l’absence de l’employeur ; troisièmement, que les deux tiers des salariés doivent être d’accord ; quatrièmement, et enfin, que le débat peut être oral.

Dans de nombreux cas, sans mettre en place une machinerie très compliquée ressemblant à un référendum, les employeurs organiseront tout cela de manière simple, tout en garantissant le caractère confidentiel de la consultation. Cette bonne démarche, de nature à sécuriser l’accord, ne pose manifestement pas de problème.

J’ai compris l’intention – positive – de M. Chasseing, mais la proposition me semble superfétatoire : le décret qui prévoit le caractère personnel et secret de la consultation apporte la garantie nécessaire.

En conséquence, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 17 rectifié ter, tel qu’il sera modifié par le sous-amendement du Gouvernement, ainsi qu’à l’amendement n° 179 de la commission, qui vise un perfectionnement utile.

En revanche, il est défavorable à l’ensemble des autres amendements, car ces dispositions nous semblent témoigner d’un manque de confiance envers ce qui va se passer. Le cadre législatif et réglementaire permettra le développement du dialogue social dans les petites entreprises et tendra à le sécuriser : il faut faire confiance aux acteurs. D’ailleurs, nous suivrons tout cela de très près et nous vous en rendrons compte, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. J’ai entendu les explications fournies par Mme la ministre. C’est beau ! C’est magnifique ! C’est un monde idyllique ! C’est un conte de fées qui nous est raconté : dans l’entreprise, les employés ne subissent aucune pression,…

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Louis Tourenne. … ils se sentent totalement libres d’exprimer leurs opinions. Bref, cela marche du tonnerre, et depuis toujours sans doute ! Depuis que les ouvriers et les patrons existent. Depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, c’est ainsi que le monde a évolué, par la confiance et la négociation collective. Voilà comment vous nous présentez les choses… Comprenez notre inquiétude !

Nous savons nous aussi comment fonctionne une entreprise : tout le monde s’entend sans doute bien dans la plupart des entreprises, mais cela ne signifie pas pour autant que la variable d’ajustement la plus facile, quand se posent des questions stratégiques, quand surviennent des difficultés, ne soit pas la compression du personnel ou la modification des conditions de travail. Or c’est ce que facilite le projet qui nous est soumis.

Au-delà de vos propos, auxquels vous croyez sûrement, madame la ministre, nous constaterons dans les années qui viennent, j’en suis persuadé, quelques difficultés.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 198.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié ter, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 75, 76, 77, 9 rectifié, 79, 23 et 78 n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 80.

(Lamendement nest pas adopté.)