M. Pierre Laurent. Les dispositions de cet amendement se rapportent aux négociations obligatoires de branche, que la première ordonnance refond, alors même que la loi de 2015, dite « Rebsamen », les a déjà bouleversées. Plus précisément, l’ordonnance change le rythme des négociations.

Certaines dispositions peuvent paraître anecdotiques, mais elles entérinent de vrais risques. Nous avons là un exemple de régression possible, et je suis certain que Mme la ministre sera sensible à notre amendement, à l’heure où il est beaucoup question d’égalité professionnelle et où l’on parle de durcir la loi dans ce domaine.

En matière d’égalité professionnelle, en effet, l’obligation de négocier au niveau de la branche passe, avec l’ordonnance, d’un rythme triennal à un rythme quadriennal. Pourquoi entériner ce recul, lorsque l’on connaît l’ampleur des inégalités salariales entre les femmes et les hommes aujourd’hui ?

Madame la ministre, dans un entretien accordé au Journal du dimanche vous avez fait connaître votre volonté de supprimer cet écart entre les femmes et les hommes d’ici à la fin du quinquennat.

Pour y parvenir, il semble difficile de s’en tenir à un rendez-vous quadriennal en matière de négociations sur l’égalité professionnelle, alors que, selon le Conseil économique, social et environnemental, seulement 61,4 % des entreprises disposent actuellement d’un accord collectif ou d’un plan unilatéral sur le sujet, et 60 % seulement des cinquante principales branches professionnelles.

Il faudrait au contraire resserrer le rythme de ces rendez-vous, ce que nous proposons à travers cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 180, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise simplement à supprimer une disposition relative au temps partiel qui est déjà prévue dans l’ordonnance du 20 décembre 2017.

M. le président. L’amendement n° 173 rectifié, présenté par M. Requier, Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Vall et A. Marc, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

2° ter Au 1° de l’article L. 2242-1, après les mots : « le temps de travail », sont insérés les mots : «, le télétravail » ;

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Les sénateurs du groupe du RDSE ont déposé, le 3 janvier dernier, une proposition de loi visant à favoriser le télétravail en cas d’épisode de pollution.

Cette initiative procède du constat que les entreprises françaises restent réticentes à mettre en place le télétravail, souvent en raison d’un cadre juridique jugé flou, notamment en matière d’accidents du travail, en dépit de l’adoption de la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, dite « loi Warsmann ».

Le recours au télétravail demeure faible en France par rapport aux pays scandinaves et anglo-saxons : le rapport rendu par les partenaires sociaux évoque une fourchette de 2 % à 6 % pour le télétravail avec avenant et de 16 % à 20 % pour le télétravail informel.

L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, a complété les règles encadrant le télétravail en vue de le favoriser. Celui-ci devra désormais être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur après consultation du comité social et économique, s’il existe.

Au travers de cet amendement, le groupe du RDSE propose d’inclure le télétravail parmi les thèmes obligatoires à traiter lors des négociations collectives, en vue de susciter le dialogue social autour de cette organisation du travail qui intéresse de plus en plus les partenaires sociaux.

Il est temps de faire entrer définitivement le droit dans le monde du travail du XXIe siècle : les mutations du monde du travail ne nous ont pas attendus, à nous de les accompagner par la loi !

M. le président. L’amendement n° 192, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…°Au second alinéa de l’article L. 2242-3, le mot : « annuelle » est supprimé ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit simplement d’opérer une coordination juridique relative aux règles de la négociation obligatoire en entreprise.

M. le président. L’amendement n° 63, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 2242-8 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ou lorsqu’elles ne produisent pas les informations et indicateurs sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise mentionnés au 1°bis de l’article L. 2323-8 » ;

b) La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’a pas produit les informations et indicateurs sur la situation comparée des femmes et des hommes mentionnés au premier alinéa du présent article » ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Dans le cadre de ces ordonnances, il nous paraît essentiel de traiter d’un thème jusqu’ici absent de nos débats : l’égalité professionnelle, dont mon collègue Pierre Laurent vient de souligner fortement l’importance.

Puisque, madame la ministre, vous vous êtes engagée, avec le Président de la République et la secrétaire d’État chargée de ces questions, à faire de l’égalité professionnelle l’un de vos chevaux de bataille, si je puis dire, pourquoi ne pas en faire un thème incontournable de la négociation d’entreprise, telle que celle-ci est abordée dans les différentes ordonnances ?

Vouloir réformer, d’accord, mais pas sans donner aux entreprises les moyens de résorber les inégalités professionnelles. Songeons que l’écart de salaires entre les femmes et les hommes reste, tous postes confondus, d’environ 25 % !

Aujourd’hui, lorsqu’une entreprise dépasse les 50 salariés, elle doit négocier avec les syndicats pour se mettre d’accord avec eux sur des objectifs d’égalité professionnelle et de salaire entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. Ce que nous reprochons aux ordonnances, en plus de tous les griefs que nous avons déjà exposés, c’est qu’elles permettent de modifier, par accord d’entreprise, le thème, le contenu et la périodicité des négociations, dans une limite de quatre ans.

De plus, alors que la loi dite « Rebsamen » a supprimé le rapport de situation comparée issu de la loi Roudy de 1983, vous ne contraignez en rien les entreprises concernées à publier les informations figurant dans la base de données économiques et sociales.

Notre amendement vise à obliger les entreprises à produire ces données qui, malgré les critiques que nous pouvons formuler à leur égard, sont essentielles, notamment pour les organisations syndicales. Comment, en effet, négocier et faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes sans disposer des chiffres sur la réalité interne de l’entreprise ?

C’est pourquoi, en nous fondant sur la pénalité prévue en cas de non-respect d’un accord sur l’égalité entre les femmes et les hommes, nous proposons de sanctionner à hauteur de 1 % de leur masse salariale les entreprises qui ne fournissent pas ces informations essentielles.

Cette nécessaire transparence fait aussi partie, selon nous, du dialogue social que vous ne cessez, madame la ministre, d’appeler de vos vœux.

Pour rappel, l’égalité entre les femmes et les hommes est un principe constitutionnel ; nous en sommes malheureusement encore loin, tout comme nous sommes encore loin de l’exemple de l’Islande, où une loi rend obligatoire l’égalité salariale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 84 vise à obliger les partenaires sociaux à mettre l’accent sur les CDD et les contrats d’intérim lors de la négociation obligatoire. Ce sujet est évidemment important, mais il semble à la commission qu’il ne faut pas ouvrir la boîte de Pandore, au risque d’alourdir la loi par l’ajout d’une multitude d’exemples et cas particuliers. Pour cette raison, l’avis est défavorable.

Sur l’amendement n° 24 – un amendement-fleuve… (Sourires.) –, la commission a également émis un avis défavorable. En effet, son adoption ferait échec à la réforme visant à donner plus de liberté aux partenaires sociaux pour fixer la périodicité des négociations obligatoires de branche et aménager leur contenu, dans le respect de l’ordre public social.

L’amendement n° 173 rectifié tend à mentionner le télétravail dans l’intitulé de la négociation obligatoire en entreprise sur la rémunération, qui porte aujourd’hui, notamment, sur les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée. Il a pour objet de reprendre l’article 3 de la proposition de loi visant à favoriser le télétravail en cas d’épisode de pollution, déposée par le groupe du RDSE au Sénat le 3 janvier dernier.

Si le télétravail est évidemment un sujet qui tient à cœur à nombre de nos concitoyens, je ne souhaite pas, non plus que la commission, alourdir le texte, surtout que l’amendement vise à modifier l’article d’ordre public définissant les négociations obligatoires. L’avis est donc défavorable.

Reste l’amendement n° 63. La pénalité plafonnée à 1 % de la masse salariale vise actuellement deux cas de figure : l’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et l’absence de plan d’action fixé unilatéralement par l’employeur. L’amendement vise à créer un troisième cas : l’absence d’informations sur la situation comparée des femmes et des hommes.

Je suis plutôt réticent à augmenter sans cesse les pénalités sans discernement. De surcroît, l’amendement est tout à fait satisfait par l’adoption à l’Assemblée nationale d’un amendement de notre collègue député Gérard Cherpion, à l’alinéa 43 de l’article 4 du présent projet de loi : la disposition adoptée oblige l’employeur à financer intégralement un expert pour préparer la négociation sur l’égalité professionnelle quand la base de données économiques et sociales ne comporte aucun indicateur sur ce thème.

Sur ce sujet délicat, la commission souhaite recueillir l’avis du Gouvernement, Mme la ministre du travail ayant annoncé dimanche dernier, dans un entretien au Journal du dimanche, qu’un plan d’action en matière d’égalité professionnelle serait présenté avant la fin du mois de mars prochain.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 84. L’esprit de la réforme est en effet de donner de la liberté dans les branches, comme dans les entreprises, pour que l’agenda social soit déterminé par les partenaires sociaux. Si on leur dit tout le temps ce qu’ils doivent faire exactement et dans quel ordre, on leur ôte cette liberté – étant entendu qu’ils devront évidemment respecter a minima les règles prévues par la loi.

L’amendement n° 192 vise à procéder à une amélioration matérielle qui me paraît positive ; j’y suis favorable.

Les dispositions de l’amendement n° 24 se rapportent, comme celles de l’amendement n° 84, aux négociations obligatoires de branche. Je le répète, c’est à la demande des partenaires sociaux que nous avons ouvert le champ des négociations possibles dans les branches, avec une liberté assez grande, à condition, bien sûr, qu’il y ait un agenda social négocié – il ne s’agit donc pas d’un blanc-seing : en l’absence d’un tel agenda social négocié, les dispositions supplétives définies par la loi devront être respectées.

Lorsqu’un accord est trouvé par les partenaires sociaux, qui, par définition, connaissent bien la réalité des entreprises et des salariés, il a une valeur en soi ; s’ils ne trouvent pas d’accord, il y a le filet de sécurité de la loi. Tel est notre principe.

Je ne puis donc pas être favorable à l’amendement n° 24 : je pense qu’il faut jouer le jeu de la négociation de branche, avec la liberté d’en définir l’agenda.

S’agissant de l’amendement n° 180, j’y suis évidemment favorable : la disposition qu’il vise à supprimer est déjà prévue par l’article 1er de l’ordonnance du 20 décembre 2017.

Je m’étendrai davantage sur l’amendement n° 63, dont les dispositions soulèvent à bon droit la question de l’égalité professionnelle. Comme vous, madame Cohen, je constate que nous connaissons une situation assez incompréhensible et, par définition, tout à fait inacceptable – je me suis exprimée publiquement sur le sujet.

Tout d’abord, le principe « à travail égal, salaire égal » est consacré dans la Constitution. Ensuite, voilà vingt-cinq ans qu’il y a une loi spécifique sur ce sujet, prévoyant des pénalités en cas de non-respect de la règle d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Pourtant, il y a encore 25 % d’écart, tous postes confondus…

Cette situation s’explique en partie par l’orientation des femmes vers des métiers moins rémunérés et moins valorisés, des stéréotypes culturels sexistes et une gestion des carrières différenciée, non pas à la demande des femmes, mais, de fait, dans les entreprises. Toutes ces raisons, et d’autres encore, demandent un travail de longue haleine.

Toutefois, même à poste similaire, on constate encore 9 % d’écart… Le principe fondamental « à travail égal, salaire égal », qui est au cœur de nos valeurs constitutionnelles et républicaines, n’est donc pas respecté.

C’est pourquoi j’ai souhaité, avec Marlène Schiappa, que ce problème soit le premier auquel nous nous attaquions. Il faut s’attaquer aussi à tous les autres, mais ils exigent un travail de longue haleine. Cette question-là, je pense que nous devons avoir l’ambition collective de la traiter dans les cinq ans.

Si nous avons besoin de cinq ans, c’est d’abord parce que nous devons trouver les bons outils. Nous avons la loi et des sanctions, mais nous voyons bien que cela ne suffit pas, puisque la situation évolue, certes, mais très lentement ; à ce train-là, je ne sais pas quand on sera arrivé…

Si l’on veut vraiment éradiquer ce problème dans les cinq ans, ce qui est notre ambition, il faut trouver non pas cinquante outils, mais ceux qui auront vraiment un effet dans les entreprises – si je puis dire, le bon marteau pour le bon clou. Or cela mérite réflexion, car bon nombre de mesures ont déjà été essayées, dont on ne peut pas dire que le résultat soit satisfaisant.

La question que vous posez, celle de l’information et de la transparence, est une des questions importantes.

Un progrès a été accompli à l’Assemblée nationale avec l’adoption d’un amendement tendant, de manière assez astucieuse, à mettre à la charge de l’employeur, en l’absence de travail sur les indicateurs, le financement d’une expertise sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Il y a là une première étape.

Pour aller plus loin, je pense qu’il faudra en passer aussi par un peu d’information normée. Aujourd’hui, en effet, chaque entreprise déclare les informations comme elle le souhaite, ce qui donne des résultats très hétéroclites et pas forcément toujours exploitables.

Si je pense que votre idée est quelque peu prématurée – je ne dis pas qu’elle n’est pas bonne –, il est sûr que, parmi les divers leviers qu’il faudra actionner, celui de l’information est essentiel : il faut que les partenaires sociaux et les salariés puissent s’en saisir, ce qui est difficilement le cas aujourd’hui, ne serait-ce que parce que seules les sociétés cotées ont un bilan publié – encore sont-ils tous publiés de façon différente, de sorte qu’il est assez difficile de s’y retrouver pour avoir un levier d’action.

J’ai souhaité réunir d’ici à quelques semaines les partenaires sociaux, qui ont tous aussi réfléchi au sujet. Nous consulterons également les entreprises où cela a réussi, afin de comprendre pourquoi. Il s’agit de créer une dynamique forte, qui rendra intolérable la situation actuelle, ce qui demande des mobilisations de différents types : des engagements des partenaires sociaux, des engagements des chefs d’entreprise, éventuellement des aspects législatifs – s’il y en a, nous aurons l’occasion d’en reparler ensemble.

Je n’ai pas d’a priori et je ne cherche pas trente, ni même vingt outils. Nous devons trouver, y compris en considérant ce qui s’est passé dans les autres pays, le moyen d’éradiquer cette injustice profonde pour les femmes, qui entraîne aussi une perte de pouvoir d’achat et une perte pour l’économie.

Inexplicable, la situation actuelle est d’autant plus inacceptable qu’elle est autoreproductrice, puisqu’elle crée de nombreux comportements associés : je pense que certains comportements en entreprise sont encouragés par une situation qui est inégalitaire à la base. Je pense que nous pourrons jouer aussi sur l’évolution des mentalités : quel homme ou quelle femme accepterait aujourd’hui que sa fille soit moins payée que son fils pour le même travail ?

Si je suis un peu longue sur ce sujet, c’est parce que je souhaite vraiment que l’on engage une réflexion avec le Parlement.

Nous devons prendre le temps de discuter avec les partenaires sociaux et d’étudier ce qui marche, y compris à l’étranger, pour identifier non pas une batterie de mesures, mais deux ou trois actions majeures et massives qui nous fassent vraiment changer d’échelle. Si l’on y arrive en cinq ans, ce sera très bien ! En une année, c’est impossible, puisque l’on ne peut pas augmenter de 9 % d’un seul coup les salaires d’un très grand nombre de salariés, mais il faut un engagement qui conduise à ce rattrapage.

De la même façon, s’agissant de la place des femmes dans les conseils d’administration, la loi dite « Zimmermann-Copé » a fixé un plan à cinq ans. Ce plan était connu et inéluctable. Résultat : en cinq ans, il y a eu 40 % de femmes dans les conseils d’administration. Cette méthode était à la fois très volontariste et intelligente, dans la mesure où elle permettait une gradation. Le pluriannuel, avec du volontarisme et de la détermination, est parfois, sur ce sujet, plus efficace que de bonnes paroles répétées chaque année, mais sans amélioration suffisante de la situation.

Madame Cohen, je suis donc défavorable, à cet instant, à votre amendement, non pas tant sur le fond, mais parce que je ne veux pas opter aujourd’hui pour tel ou tel outil. Je veux que nous menions cette réflexion, avant de revenir ensemble sur le sujet. J’espère que, le moment venu, l’ensemble du Parlement soutiendra notre action dans ce domaine.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 173 rectifié, nous avons ouvert la porte pour que le télétravail soit un droit opposable, ce qui constitue une grande nouveauté législative. Par ailleurs, les entreprises vont essayer de signer des accords et il y aura des chartes.

On est au début de ce processus consistant à transformer une partie du télétravail qui n’était pas sécurisé juridiquement en télétravail sécurisé et à ouvrir largement cette forme de travail ailleurs.

Je crois qu’il ne faut pas que l’on commence à ajouter dans la loi tous les cas de télétravail. Le recours au télétravail a de nombreuses raisons. Je pense qu’il faut d’abord faire vivre le dispositif existant et j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement : ajouter un thème obligatoire de négociation n’est pas nécessaire dans le cadre d’une dynamique qui est aujourd’hui engagée.

Les obligations doivent être instaurées lorsqu’elles sont nécessaires, mais pas sur tous les sujets. Trop d’obligations tuent, d’une certaine façon, la force des obligations ! Sur ce thème-là, il y a des attentes considérables et une envie de négocier ; il n’y a donc pas besoin d’une obligation de négociation. Je serais étonnée que cela ne se développe pas naturellement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 84.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. J’ai bien entendu l’avis défavorable sur cet amendement, qui porte en effet sur les durées de négociation de manière générale ; j’avais pris volontairement l’exemple de la durée de négociation en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Dans la réflexion que vous proposez d’engager sur les nouveaux outils, madame la ministre – nous vous avons écoutée avec intérêt sur ce sujet, qui semble pris au sérieux –, je pense qu’il faudra réexaminer cette question des délais : si l’on veut avancer relativement vite dans les années à venir, la négociation quadriennale est tout de même un espace de temps problématique.

Si donc vous êtes défavorable à cet amendement pour la raison que j’ai bien entendue, il faudra rester attentif à la question des délais dans la discussion qui s’ouvre en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 180.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 173 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 192.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Compte tenu des explications qui nous ont été données, s’agissant en particulier de l’amendement adopté à l’Assemblée nationale – il nous avait échappé et il est effectivement intéressant –, ainsi que des efforts annoncés par Mme la ministre, que nous voulons accompagner pour gagner l’égalité entre les femmes et les hommes, nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 63 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 25, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 14 à 16

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

3° bis Les articles L. 2253-1 et L. 2253-2 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 2253-1. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut adapter les stipulations des conventions de branche ou des accords professionnels ou interprofessionnels applicables dans l’entreprise aux conditions particulières de celle-ci ou des établissements considérés.

« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés.

« Art. L. 2253-2. – Lorsqu’une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel vient à s’appliquer dans l’entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou d’accords d’entreprise ou d’établissement négociés conformément au présent livre, les stipulations de ces derniers sont adaptées en conséquence. » ;

3° ter L’article L. 2253-3 est abrogé ;

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Madame la ministre, même si vous contestez cette analyse – j’y reviendrai –, l’ordonnance relative à la négociation collective prévoit de généraliser l’inversion de la hiérarchie des normes. La primauté de l’accord d’entreprise devient ainsi la règle, l’accord de branche conservant, par exception, treize domaines d’application.

Cet amendement de repli reprend un amendement du groupe GDR adopté à l’Assemblée nationale et qui visait à instaurer des garde-fous sur la volonté de déroger, par accord collectif, à l’ordre public.

Nous avons notamment à l’esprit le précédent de la signature par une fédération CFDT d’un accord fixant le salaire minimal dans la chimie en dessous du SMIC.

Plus précisément, cet accord prévoit une augmentation des minima salariaux de 1,1 % pour l’année 2018, en deux temps, d’abord en janvier, puis en avril, alors que la revalorisation annuelle du SMIC, qui correspond à l’inflation, sera de 1,24 % cette année. En d’autres termes, dans la chimie, le salaire minimal sera de 9,82 euros de l’heure en janvier, quand le SMIC sera de 9,88 euros de l’heure, soit, tout de même, 0,6 % d’écart. La volonté du patronat de tirer vers le bas les salaires semble ici démontrée.

Bien sûr, on peut nous opposer des arguments, nous parler de garde-fous qui existeraient dans les textes, nous dire que, dans la mesure où l’on change les normes, il n’y a plus d’inversion de la hiérarchie des normes, par définition, puisque c’est la nouvelle loi qui s’applique. Reste que, sur le fond, votre logique, madame la ministre, en autorisant les accords d’entreprise et de branche à déroger à une norme supérieure, ne vise qu’à tirer vers le bas les protections des salariés.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons l’abrogation de ces dispositions et le rétablissement d’une véritable hiérarchie des normes, selon laquelle une norme d’un niveau inférieur ne peut déroger à une norme qui lui est supérieure.

M. le président. L’amendement n° 146, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

ensemble de garanties se rapportant à la même matière

par les mots :

catégorie d’avantages ayant la même cause et le même objet

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Comme notre collègue Dominique Watrin, nous avons déposé cet amendement pour empêcher que l’inversion de la hiérarchie des normes ne joue trop en défaveur des salariés.

Il nous semble que le remplacement des mots « ensemble de garanties se rapportant à la même matière » par « catégorie d’avantages ayant la même cause et le même objet » permet d’éviter une certaine insécurité juridique et les risques de contentieux.

En outre, cette nouvelle terminologie permettra aux salariés d’obtenir des avantages qui vont au-delà de ce qui a été négocié ou de ce qui a été imposé dans le cadre d’un accord d’entreprise – en effet, on a vu qu’il s’agit souvent davantage d’accords imposés, sans réelle capacité de construction collective, que de négociations –, et favorisera le cumul d’un certain nombre de ces avantages. En revanche, il nous semble que la formule actuelle n’offre pas une telle garantie juridique.

Ce raisonnement vaut pour les amendements nos 146 et 147, qui sont très proches dans leur contenu.