M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Comme je l’ai déjà dit, je suis opposé à l’introduction de contraintes juridiques pour les nouveaux accords de performance. J’ajoute que la sanction de la nullité me paraît quelque peu disproportionnée et que les négociateurs ont l’obligation de prévoir un tel préambule pour exposer les objectifs de l’accord de performance. Restons-en là !

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Aller jusqu’à envisager une clause de nullité ne me semble pas judicieux, d’autant qu’il s’agit d’une source de contentieux.

Au moment où les parties vont s’entendre et signer un accord, je les imagine mal ne pas se mettre d’accord sur des objectifs clairs à partir d’une base concrète. Là encore, évitons un excès de juridisme qui créerait une machine à contentieux plutôt qu’une machine à négocier. Le but, c’est tout de même de faire en sorte que des accords soient conclus !

Le Gouvernement est donc également défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Je souhaite m’exprimer sur toute cette série d’amendements qui ont pour objet des accords aux noms différents : accords de compétitivité, accords de maintien de l’emploi, accords de performance, etc. Il serait toujours possible de trouver d’autres noms, mais, l’essentiel, c’est que ces accords présentent un certain nombre de caractéristiques communes.

Tous les garde-fous que nos collègues ont proposés me semblent ne pas suffire. Il y a un instant, notre collègue Jean-Louis Tourenne a proposé le maintien de la rémunération des salariés. Si ces derniers doivent travailler deux heures de plus par jour pour gagner la même chose, il est certain que l’on fait porter les efforts demandés, et certes peut-être nécessaires, pour une réorganisation sur les seuls travailleurs !

Dans mon intervention générale, j’ai parlé tout à l’heure du bilan des différents accords. Je ne sais pas quel type d’accord a été conclu chez PSA, mais ce qui est fondamental et incontestable, c’est que 25 000 emplois ont été supprimés depuis la mise en œuvre de ces accords – peu importe leur nom –, alors que le groupe ne cesse d’accumuler des bénéfices. On attend d’ailleurs l’annonce de bénéfices records chez PSA d’ici peu.

Selon nous, on réglera le problème de la compétitivité et de la performance non pas en abaissant le coût du travail, mais en réduisant le coût du capital. Ce point fondamental nous conduit à nous abstenir sur ces différents amendements, y compris sur l’amendement n° 86, dont les dispositions ne nous semblent pas aller assez loin, compte tenu de la situation et de ses nécessités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Il y a un malentendu entre nous, madame la ministre. Les arguments que vous développez revêtent une certaine logique, que l’on pourrait partager. Toutefois, votre raisonnement ressemble à un sophisme, car sa base est fausse ou, tout du moins, n’est pas partagée.

Vous partez en effet du postulat que la négociation a toutes les vertus. À partir de là, vous considérez qu’il y a une certaine sagesse à ce que les employés et les chefs d’entreprise qui se sont mis d’accord sur un certain nombre de points et de principes ne les remettent pas en cause.

On pourrait partager ce point de vue, sauf que la négociation telle que vous l’avez définie n’a pas les vertus que vous lui prêtez. Nous l’avons dit et redit : il n’y a pas de délégués syndicaux et, dans un certain nombre de cas, il n’y a même pas de délégués du personnel dans les petites entreprises. Cette réalité fausse complètement la négociation !

Vous aurez des négociations dont le résultat sera un peu forcé, dans la mesure où il existe une relation de subordination entre l’employeur et ses salariés. Dès lors, tout l’édifice que vous construisez risque de s’écrouler, madame la ministre.

J’ai peur que dans les deux ou trois années qui viennent, on assiste à de nombreuses baisses de salaires, à une importante dégradation des conditions de travail, à une augmentation importante des horaires et à un accroissement sensible du travail de nuit. J’espère me tromper, mais je n’en suis pas sûr du tout !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 87, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 21

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, cet accord peut être négocié et conclu par des représentants élus mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans les conditions prévues aux articles L. 2232-21 et L. 2232-21-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, ou, à défaut, par un ou plusieurs salariés mandatés mentionnés à l’article L. 2232-24. » ;

La parole est à Mme Sabine Van Heghe.

Mme Sabine Van Heghe. Cet amendement tend à prévoir que les accords de compétitivité puissent être conclus par des élus mandatés ou, à défaut, par des salariés mandatés dans les entreprises ne disposant pas de délégués syndicaux. Leur négociation nécessite une formation spécifique et l’assistance des organisations syndicales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’assouplissement des règles du mandatement prévu par la première ordonnance profitera également aux accords de performance. Je ne suis pas favorable à des dérogations, comme tend à le proposer cet amendement, qui vise à redonner un monopole aux élus mandatés.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 148, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 21

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Le second alinéa du III est ainsi rédigé :

« La modification du contrat de travail résultant de l’application de l’accord doit faire l’objet de l’accord express du salarié. » ;

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, je défendrai simultanément les amendements nos 148 et 149, qui visent à modifier respectivement le III et le IV de l’article L. 2254-2 relatifs au délai d’un mois dont dispose le salarié pour faire connaître son accord, et non pas son refus.

L’idée que nous défendons à travers ces dispositions, c’est « qui ne dit mot ne consent pas » Nous voulons que les salariés expriment leur refus et donnent leur accord en pleine conscience de ce qu’ils vont signer.

Encore une fois, nous sommes totalement défavorables à ces accords d’entreprise qui s’imposent aux salariés, tout refus de leur part pouvant constituer soi-disant une cause réelle et sérieuse de licenciement immédiat. Nous présentons donc là des amendements de repli.

Nous voulons faire en sorte qu’un certain nombre de cas individuels puissent être mieux pris en compte et qu’un espace de discussion puisse être ouvert. Si le salarié doit donner son accord, peut-être peut-il aller voir l’employeur pour lui expliquer qu’il ne lui est pas possible d’accepter, dans son contrat de travail, telle ou telle clause, compte tenu de sa situation personnelle.

Nous essayons de croire dans le dialogue, même si l’on sait bien que, dans nombre d’entreprises, il s’agit bien souvent d’un dialogue de sourds.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’article L. 2254-2, tel qu’il a été modifié à l’Assemblée nationale par le présent projet de loi, offre, selon la commission, des garanties suffisantes aux salariés qui refusent l’accord.

Le principe étant désormais l’application automatique de l’accord collectif dans l’entreprise, y compris sur les stipulations contraires et incompatibles des contrats de travail, il n’est pas nécessaire de prévoir en plus des règles pour obtenir l’accord des salariés en cas de modification de leur contrat de travail.

M. Martial Bourquin. C’est incroyable !

M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Encore une fois, il n’y a là aucune innovation : ces dispositions selon lesquelles l’accord s’applique aux contrats de travail ne sont pas nouvelles ; on les retrouvait dans les quatre accords qui sont fusionnés.

En revanche, il me semble cohérent de retenir le principe de l’accord tacite du salarié et celui du refus exprès.

Prévoir l’inverse, madame la sénatrice, ce serait aller à l’encontre du but que vous vous êtes fixé : si le salarié doit donner son accord exprès dans un délai d’un mois, dans le cas contraire, il est présumé avoir exprimé un refus et il est donc licencié, sans avoir jamais formulé explicitement qu’il était contre l’accord. Alors même qu’elle n’est pas nécessaire sur le plan juridique, cette disposition pourrait même se retourner contre les salariés. Honnêtement, je pense que c’est superfétatoire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 148.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 88, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au IV, les mots : « dispose d’un délai d’un mois pour faire » sont remplacés par le mot : « fait » ;

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Il existait quatre régimes différents, qui obéissaient à quatre procédures différentes, qui conduisaient à quatre motifs de licenciement différents et qui donnaient lieu à quatre modalités d’accompagnement différentes des salariés.

L’article proposé par les ordonnances tend à harmoniser et à simplifier ces régimes, ce qui est tout à fait louable. Seulement, si le salarié refuse l’accord, on considère qu’il commet une faute et il peut donc être sanctionné par un licenciement.

Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour refuser l’accord. Ce délai, nouveau, nous semble trop court. Surtout, cela ressemble à de l’acharnement : non seulement il est en difficulté parce que l’accord, incompatible avec le contrat de travail qu’il a signé, ne lui convient pas, mais encore on lui explique que, faute de contestation de sa part dans un délai d’un mois, il en subira toutes les conséquences.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer ce délai pour lui laisser le temps de la réflexion, voire le temps de s’adapter et de revenir sur sa position.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement, tel qu’il est rédigé, vise à supprimer le délai de réflexion d’un mois accordé au salarié pour refuser l’application d’un accord de performance économique et sociale.

Je ne suis pas certain de saisir l’intention des auteurs de l’amendement. Aux yeux de la commission, et aux miens, le délai de réflexion d’un mois protège à la fois l’employeur et le salarié. Un mois de réflexion n’est pas excessif compte tenu des enjeux d’un tel accord et de ses conséquences en cas de refus du salarié.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Outre les raisons invoquées par le rapporteur, la jurisprudence applicable en général à ce type d’accord retient comme délai raisonnable une durée d’un mois, dans un souci d’équilibre, pour permettre au salarié de prendre sa décision en disposant de toutes les informations pour ce faire. L’absence de précision peut être dommageable pour l’une ou l’autre des parties et elle est facteur de risque, y compris pour le salarié.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Juste une petite divergence : nous ne sommes pas là pour nous plier à la jurisprudence ; nous sommes là pour faire la loi ! Et si la jurisprudence n’est pas en accord avec la loi, nous avons toute latitude pour modifier la loi si telle est notre intention.

Il est exact que l’absence de précision de tout délai peut être quelque peu préjudiciable, mais un mois, c’est nettement trop court. Par conséquent, je souhaiterais que vous puissiez y réfléchir pour l’allonger un peu.

Quand vous êtes licencié, à tout le moins quand vous êtes victime d’une modification de vos conditions de travail, quand votre contrat de travail a été modifié, vous êtes déjà dans l’émotion, vous êtes déjà saisi par angoisse parce que vous ne savez pas ce que vous allez devenir, parce que vous ne savez pas quelle décision vous devez prendre. Tout de même, un mois pour essayer de retrouver de l’apaisement et de la sérénité, c’est un peu trop court.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 88.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 149, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au IV, le mot : « refus » est remplacé par le mot : « accord » ;

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Comme je viens de l’expliquer lors de l’examen de l’amendement n° 148, le principe est désormais l’application directe et automatique dans l’entreprise de l’accord de performance. Il n’est donc pas souhaitable de créer des règles spécifiques pour l’acceptation de l’accord. Ce sont les règles de refus qui doivent être définies, non pas celles d’acceptation.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai indiquées précédemment.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 149.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 90, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 25

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

…) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Afin d’assister dans la négociation les délégués syndicaux ou à défaut les élus ou les salariés, un expert-comptable peut être mandaté :

« 1° Par le comité social et économique ;

« 2° Dans les entreprises ne disposant pas d’un comité social et économique :

« – par les délégués syndicaux ;

« – à défaut, par les représentants élus mandatés ;

« – à défaut, par les salariés mandatés.

« Le coût de l’expertise est pris en charge par l’employeur. »

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. La possibilité de conclure de tels accords doit s’accompagner d’un droit à l’expertise, quelle que soit la taille de l’entreprise. Ce droit était inscrit dans les accords de préservation et de développement de l’emploi et financé par l’employeur.

En fait, le problème, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, est que les ordonnances introduisent des dispositions qui visent – l’intention n’est peut-être pas affichée, mais elle semble bien réelle – à dissuader les membres du CSE de recourir à des expertises en leur faisant porter une part importante de leur financement.

Pourtant, la qualité du diagnostic analysé et partagé sur la situation de l’entreprise est indispensable en l’espèce et faciliterait sans doute les opérations éventuellement de compression du personnel. Sinon, comment les organisations syndicales et les élus du personnel pourront-ils disposer des informations indispensables pour déterminer leur position au regard des accords proposés ?

C’est pourquoi nous proposons de réintroduire ce droit explicitement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La possibilité reconnue par la loi Travail aux négociateurs d’un accord de préservation et de développement de l’emploi de bénéficier de l’aide d’un expert-comptable était somme toute surprenante, car l’expert est là en principe pour aider les élus du personnel, et non pas les délégués syndicaux.

La création du conseil d’entreprise, qui donne des compétences de négociation aux élus du personnel, permettrait de répondre aux attentes des auteurs de l’amendement.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Désormais, il est prévu que les frais d’expertise soient, dans toute une série de cas, à la charge unique de l’employeur, et, dans d’autres cas, à sa charge à hauteur de 80 % et à la charge du comité social et économique à hauteur de 20 %.

Certains frais d’expertise sont toujours pris en charge à 100 % par l’employeur : la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise ; la consultation sur la politique sociale et les conditions de travail et d’emploi ; les expertises sur les projets de licenciements collectifs pour motif économique ; en cas de risques graves constatés dans l’établissement.

En revanche, l’employeur finance à 80 % et le CSE à hauteur de 20 % – sur son budget de fonctionnement – les frais d’expertise liés à la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise – depuis 2013 – et, désormais, ce qui est nouveau, les consultations qui peuvent être menées ponctuellement, autres que celles qui sont liées à un licenciement collectif pour motif économique ou à un risque grave constaté dans l’établissement.

La raison de cette inflexion, qui ne touche qu’une partie des expertises, c’est que la situation antérieure n’incitait pas les parties à la responsabilité – elle les rendait même un peu schizophrènes –, puisque l’un – le comité d’entreprise ou le CHSCT – passait la commande, tandis que l’autre – l’employeur – payait, sans jamais qu’une réflexion soit menée sur le choix des experts, sans jamais qu’une négociation soit menée avec eux. Cette double décision était donc complètement dissociée.

L’introduction de cette coresponsabilité, même si, évidemment, la part de l’employeur est beaucoup plus importante en raison de ses capacités financières, permettra à l’employeur et au CSE de mener une réflexion commune sur ces expertises ponctuelles – les sujets récurrents ou graves, je le répète, ne sont pas concernés –, sur leurs « conditions d’achat ». Cela permettra aussi une certaine régulation du marché de l’expertise, ce qui ne sera peut-être pas inutile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Je récuse l’idée selon laquelle on ne se responsabilise que lorsque l’on doit sortir de sa poche des espèces sonnantes et trébuchantes. Dire cela, c’est considérer que les individus ne sont sensibles qu’à cet aspect des choses et ne sont responsables que si on les fait payer. C’est un peu rapide et cela ne correspond pas à la réalité.

Vous nous dites que ce cofinancement est destiné à éviter les abus, les demandes d’expertise un peu trop faciles. C’est une noble ambition, même si je ne suis pas certain qu’il y en eût trop.

Toutefois, ce que vous ne nous dites pas, madame la ministre, c’est qu’en faisant payer les CSE pour les expertises alors que la cotisation n’augmentera pas dans les petites entreprises, vous leur retirez des moyens, non seulement pour faire des expertises, mais également pour proposer des activités culturelles, sportives et éducatives, qui sont pourtant bien utiles.

Ce sont les petites entreprises, que vous voulez défendre, qui seront cette fois encore pénalisées.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 91, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’article L. 2262-13 est abrogé ;

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Cet article prévoit que les nouveaux accords sont « présumés négociés et conclus conformément à la loi ». En conséquence, il appartient à celui qui conteste leur validité d’apporter la preuve qu’ils n’ont pas été négociés ou conclus conformément à la loi. C’est une règle de base du droit.

Toutefois, la mention portée dans l’ordonnance mérite deux observations.

D’une part, nous sommes là dans le droit du travail, si tant est que vous le souhaitiez, pour le faire dériver vers le droit civil des obligations et le droit commercial de la prestation de service. Si donc le droit du travail a encore une autonomie, pourquoi la présomption de conformité à la loi d’un simple accord entre parties privées doit-elle être explicitement mentionnée ? S’agit-il de faire pression en cas de contentieux ou de dissuader de former un recours ?

D’autre part, cette présomption ne nous paraît pas être une bonne chose dès lors que la base de données nationale rendant publics les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d’entreprise et d’établissement prévue par la loi de 2016 n’existe pas.

M. le président. L’amendement n° 92, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article L. 2262-14, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « six » ;

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Nous estimons que le délai de deux mois prévu pour le recours contre les accords collectifs est trop court, particulièrement en raison des nouvelles modalités de conclusion. Nous proposons donc de le porter à six mois.

M. le président. L’amendement n° 27, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 26 à 33

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

5° Les articles L. 2262-13 à L. 2262-15 sont abrogés.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Comme cela vient d’être dit, cet article valide tout accord ratifié au nom d’une présomption de légalité d’un accord d’entreprise majoritaire. Mais quand on sait que les négociations d’accords d’entreprise sont largement favorables au patronat, une telle mesure signifie que ce dernier pourra imposer sa « loi » en toute légalité, même si les mesures qui sont prises se révèlent illégales.

D’ailleurs, dans un document publié le 7 juin dernier par le journal Libération, la Direction générale du travail annonce clairement que cette présomption de légalité vise en fait à restreindre le contrôle du juge sur les accords collectifs. C’est clair !

L’ordonnance vise donc bien à éloigner les salariés des moyens de faire respecter leurs droits. Ainsi, les syndicats auront moins de temps pour analyser le contenu des accords et apporter la preuve d’une non-conformité de ces derniers avec la loi. Et même s’ils arrivent à le faire, ils ne pourront pas véritablement obtenir gain de cause, car le recours aux prud’hommes sera toujours à l’avantage de l’employeur, en raison, notamment, du plafonnement préalable des indemnités.

La présomption de légalité, c’est donc donner un chèque en blanc pour que les employeurs enfreignent la loi et les droits des salariés. C’est tout simplement leur donner les pleins pouvoirs. C’est pourquoi nous demandons l’abrogation de ces articles.

M. le président. L’amendement n° 93, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 27

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’article L. 2262-15 est abrogé ;

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement vise à mieux encadrer les conséquences de la décision du juge. En effet, cette disposition permet la modulation de l’annulation d’un accord collectif jugé illégal. Si un accord prévoyant une diminution de salaire est jugé illégal, l’employeur pourrait échapper à la compensation financière relative aux heures travaillées.

Nous demandons donc la suppression de cet alinéa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?