M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, chers collègues, un accident de voiture, l’annonce d’une maladie auto-immune, des parents dont il faut s’occuper dans l’urgence : on ne s’y attend pas, on est dans le feu de l’action, on exerce son activité professionnelle, on jouit de la sérénité familiale, mais la vie bascule. Il faut faire face ! La famille, les proches doivent affronter avec courage une situation qui exigera non seulement de la force morale et psychologique, de la résistance physique, mais aussi une capacité financière certaine. Nous payons bien souvent les carences de l’État.

Il faut opérer des sacrifices professionnels, personnels, mais la réaction s’organise et se structure. La vie est la plus forte, et il faut aller de l’avant pour accompagner des personnes fragilisées et devenues dépendantes.

Hier, la question ne se posait pas. Nos vieux parents étaient accueillis dans le creuset familial. Nous gardions, devant le handicap, un silence pudique. C’était une « affaire de famille », presque secrète. Puis, peu à peu, les langues se délient, les témoignages se déploient, les demandes de soutien se précisent : on en parle !

De nouveaux phénomènes interpellent la société, comme la découverte de certaines maladies ou, plus heureusement, l’allongement de la durée de vie. Les situations de dépendance se multiplient et conduisent le politique, au sens noble du terme, à se préoccuper de cette réalité.

Les autorités publiques agissent pas à pas, en tâtonnant. Je ne dresserai pas la liste de toutes leurs initiatives – elles ont été rappelées dans les rapports de Paul Christophe, député des Flandres, et de notre collègue rapporteur, Jocelyne Guidez – qui ont conduit à la création du statut d’aidant familial.

Cette expression est la transposition d’un vocable technocratique. Elle devrait refléter le seul élan du cœur, la simple générosité, mais le législateur n’est pas un poète ! Il doit qualifier juridiquement des situations humaines.

Il faut donc aider les aidants. Paul Christophe a su s’imprégner de cet esprit de générosité pour rédiger la présente proposition de loi. Madame la rapporteur, vous avez rappelé cet esprit avec sagesse et humanisme ; le Parlement le gravera dans le marbre.

L’objet de cette proposition de loi est simple, mais louable : étendre le dispositif du don de jours de repos aux salariés confrontés à la nécessité de s’occuper d’une personne qui n’est plus autonome. Mon collègue Daniel Chasseing, médecin généraliste de surcroît, vous présentera le dispositif de ce texte que je perçois comme un message d’espérance pour les familles. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, dans l’introduction de son excellent rapport de stage de 2007, intitulé « Enquête auprès des aidants familiaux des personnes âgées en perte d’autonomie », Mohamadou Oumarou Danni, alors étudiant de master 2 à l’université de Poitiers, faisait état d’une situation qui, plus d’une décennie plus tard, n’a pas beaucoup évolué :

« Le vieillissement progressif de la population française et l’accroissement de la dépendance physique et psychologique qui en résulte constituent un phénomène lourd que toutes les projections démographiques confirment. Ainsi, la société française, comme la plupart des sociétés occidentales, est et va être durablement affectée par cette situation qui, directement ou indirectement, concernera à moyen ou à long terme toutes les familles.

« Cette augmentation du nombre de personnes en situation de handicap pose évidemment la question de leur prise en charge, car il n’existe pas assez de places en maisons de retraite ou en établissements spécialisés pour les accueillir.

« Pour faire face à ce défi majeur, les pouvoirs publics privilégient de plus en plus le maintien à domicile, mais, pour ce faire, il semble nécessaire, voire primordial, de créer un environnement favorable aux conditions de travail d’aidant. »

Mes chers collègues, vous le voyez, onze ans plus tard, la problématique reste d’actualité. Il faut bien l’admettre : malgré la qualité de notre système de soins et de santé, les progrès de la médecine, le matériel innovant toujours plus moderne et plus efficace, il n’est toujours pas possible d’assurer entièrement une bonne prise en charge des personnes en situation de handicap.

Les proches aidants jouent donc un rôle fondamental, et l’État ne peut entièrement se substituer à eux. Ainsi, comme le soulignait Mohamadou Oumarou Danni, c’est justice de donner davantage de moyens aux proches aidants pour assumer ces tâches quotidiennes qui viennent s’ajouter à celles des vies familiale, professionnelle et personnelle.

Au cours des dernières années, plusieurs lois sont venues apporter des améliorations, et, à ce titre, il convient de saluer diverses avancées. Je pense à la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade, à la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, enfin à la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette lignée, en tendant à permettre à un salarié de renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise étant un proche aidant et à condition de conserver un minimum de vingt-quatre jours de repos, conformément au droit européen.

On ne peut que saluer ce dispositif, qui va dans le bon sens, même s’il n’est pas parfait.

Ainsi, il faudra probablement décliner l’applicabilité de ce texte selon la taille des entreprises. De leur côté, ces dernières devront faire preuve de la plus grande souplesse pour adapter au mieux, selon leurs moyens et leurs possibilités, les présentes dispositions.

Je pense également que l’État doit soulager davantage les proches aidants. Il est impératif de développer des structures d’accueil de jour, de faciliter l’hébergement temporaire en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, de favoriser le remplacement des aidants familiaux par des professionnels pendant quelques jours ou quelques semaines, de valoriser les emplois d’aide à domicile ou encore de mieux informer sur les aides disponibles non seulement les patients, mais aussi les proches aidants eux-mêmes.

Pour bon nombre de nos concitoyens, il est difficile de trouver un équilibre entre travail et vie privée. Imaginez la situation dans laquelle se trouvent ceux qui, parmi nous, doivent également assumer la charge d’une ou de plusieurs personnes en perte d’autonomie !

Mes chers collègues, pour avoir pleinement conscience de cette situation, il faut l’avoir vécue. Je parle, comme un certain nombre d’entre nous, en connaissance de cause. Je profite de cette occasion pour rendre hommage à toutes ces femmes, à tous ces hommes qui donnent de leur temps aux autres, bénévolement, et bien souvent au détriment de leur propre épanouissement.

En la matière, les outre-mer connaissent les mêmes difficultés que la France hexagonale. Les situations y sont même parfois plus dramatiques, eu égard à la faiblesse de l’offre en structures d’hébergement et à la structuration de nos familles, souvent monoparentales.

Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas avoir déposé des amendements afin d’améliorer le dispositif de cette proposition de loi ?

À cet égard, l’excellent travail de notre collègue rapporteur Jocelyne Guidez ne souffre aucune contestation : son argumentaire est clair, précis, méthodique et empreint d’une sincérité indéniable. Je tiens à saluer ce travail, sa pertinence et la profondeur de la réflexion conduite.

Mes chers collègues, les élus du groupe du RDSE ont, à l’unanimité, choisi de se conformer à la demande de Mme la rapporteur de ne pas amender le texte afin que son adoption par le Parlement - et donc son entrée en application - puisse être la plus rapide possible.

Cette proposition de loi ne comblera pas toutes les lacunes, nous en sommes conscients, mais nous n’en voterons pas moins en faveur de son adoption dans la rédaction proposée par notre commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. –M. Philippe Mouiller applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Bonne. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté aujourd’hui a fait l’objet d’un large consensus à l’Assemblée nationale. Nul doute qu’il en ira de même au Sénat.

Je suis particulièrement heureux d’intervenir dans cette discussion générale. En effet, cette proposition de loi visant à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux s’inspire assez largement de la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade, soutenue par M. Paul Salen, député de la Loire qui, à l’époque, était également mon premier vice-président au conseil départemental.

M. Salen avait eu connaissance de la détresse et des difficultés des parents d’un enfant atteint d’un cancer en phase terminale. Ces parents voulaient, bien entendu, rester près de leur enfant et l’accompagner le plus possible dans cette terrible épreuve. Aussi M. Salen avait-il proposé ce dispositif afin de répondre à des situations ponctuelles d’urgence.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet d’encourager, par une sécurisation juridique accrue, les élans de solidarité entre collègues de travail lorsque l’un d’eux traverse une période particulièrement difficile du fait du poids de son rôle auprès d’un proche en situation de handicap ou auprès d’une personne âgée en perte d’autonomie.

Toutes les études le démontrent : les aidants, souvent issus de la fameuse « génération pivot », représentent la solution d’accompagnement privilégiée par les personnes concernées par la perte d’autonomie d’un proche. C’est aussi la solution la moins coûteuse, loin devant les aides professionnelles à domicile et l’accueil en établissement de type EHPAD.

La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a permis des avancées majeures au bénéfice des aidants familiaux, en reconnaissant leur engagement au travers de la définition du statut de « proche aidant », notion qui va bien au-delà des seuls membres de la famille. Ce texte a aussi introduit plusieurs dispositifs visant à accompagner, à informer et à former les aidants, ainsi qu’à mieux prendre en compte leurs besoins, en créant le congé de proche aidant et le droit au répit.

Toutefois, il est clair que la santé des aidants est un enjeu de santé publique. Il faudra veiller à ce que les dispositifs prévus dans les textes précités soient efficacement mis en œuvre. Plusieurs missions en cours devraient nous éclairer sur ce point.

La proposition de loi présentée par notre collègue député Paul Christophe vient compléter le cadre législatif actuel, mais ce texte n’a pas pour objet de traiter l’ensemble des problèmes très difficiles qui se posent aux aidants. Il a le mérite de permettre un aménagement et un allégement du temps de travail des aidants familiaux sans que ces derniers aient à subir une perte de salaire. Pour autant, si elle part d’une intention tout à fait louable et respectable, à laquelle, bien sûr, je souscris, cette proposition de loi ne répond pas totalement à un certain nombre de difficultés que pourraient poser ses modalités d’application et de mise en œuvre. Permettez-moi de m’arrêter sur certaines d’entre elles.

Premièrement, le don concerne les jours de repos excédant les vingt-quatre jours de congés payés annuels. Or, on le sait bien, tous les salariés ne bénéficient pas du même nombre de jours de repos supplémentaires : celui-ci varie selon la taille de l’entreprise. Les possibilités ouvertes ne sont donc pas les mêmes selon que l’on travaille dans une PME ou au sein d’un grand groupe.

Deuxièmement, si le dispositif de la loi de 2014, qui concerne l’accompagnement d’enfants gravement malades, est d’une application assez facile, la prise en charge de pathologies lourdes d’adultes dépendants s’inscrit souvent dans la durée. Comment des salariés pourront-ils aider un collègue sur une très longue période ? Quelle peut être l’incidence de ce soutien, non seulement en termes financiers, mais aussi sur le fonctionnement de l’entreprise ?

Troisièmement, quelles seront les conditions d’application de ce dispositif dans la fonction publique ?

Quatrièmement, le présent texte ne prend pas en compte la situation de celles et ceux qui ont dû abandonner leur travail pour s’occuper de personnes âgées dépendantes. À quand une harmonisation de leurs droits avec ceux des proches aidants des personnes présentant un handicap ?

Plus généralement, ne faudrait-il pas réserver cette faculté de bénéficier d’un don de jours de repos à des salariés se trouvant brusquement en situation d’urgence et ayant ponctuellement besoin de se rendre disponibles pour faire face à un accident de la vie, sans qu’il s’agisse obligatoirement d’aider des personnes âgées ou handicapées ?

Quoi qu’il en soit, comme l’a souligné Mme la rapporteur, cette proposition de loi constitue une première et très grande étape. Elle marque la reconnaissance, au sein même de l’entreprise, des liens étroits qui donnent à la société sa cohésion d’ensemble.

Cet élan de solidarité pourrait aussi, de manière induite, nous permettre de renforcer les liens intergénérationnels au sein des familles, dans la mesure où ce sont bien souvent les enfants qui prennent en charge leurs parents âgés ou dépendants.

Sous réserve de ces quelques remarques, je voterai bien entendu cette proposition de loi, comme mes collègues du groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour le groupe Union Centriste.

Mme Nassimah Dindar. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, en présentant ce texte, Paul Christophe, député, du groupe UDI, Agir et Indépendants, a pris une belle initiative. Qu’il en soit remercié.

Au travers de cette proposition de loi relative au don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants, il s’agit de faire face à des situations de crise conjoncturelles pour les aidants, dont l’implication psychologique est déjà très forte tout au long de l’année. Il s’agit aussi, on l’a rappelé, de donner du répit aux aidants en actionnant le levier de la solidarité citoyenne.

« Aidant naturel » : une bien belle expression, qui recouvre souvent une réalité de souffrance. Je parle ici de la réalité humaine, non pas des réalités administratives ou juridiques, avec les aidants familiaux relevant des caisses d’allocations familiales, des maisons départementales des personnes handicapées ou de dispositifs tels que la prestation de compensation du handicap, la PCH, ou l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

On parle aussi souvent d’aidant informel, c’est-à-dire non professionnel, venant en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage pour les activités de la vie.

En effet, parler d’aidants, c’est bien parler de la vie de tous les jours : une fin de vie, une maladie, un cas d’Alzheimer identifié, une tumeur suspectée, la naissance d’un enfant différent, et nous devenons tous des aidants naturels. Aussi l’examen du présent texte requiert-il, de notre part, pragmatisme et humanité.

Chers collègues, l’humanité, je l’ai perçue dans tous les discours que vous avez prononcés. Aujourd’hui, comme nous l’a demandé notre rapporteur, Mme Guidez, nous devons également faire preuve de pragmatisme. Nous devons nous inspirer du travail qu’elle a accompli, dont les précédents orateurs ont souligné la qualité.

Ma chère collègue, votre rapport est remarquable à un double titre.

Tout d’abord, vous avez su présenter la diversité des situations que recouvre la problématique des proches aidants. Il est essentiel de se fonder sur ce constat si l’on veut apporter des solutions adaptées.

Ensuite, vous avez fait preuve d’un certain courage en préconisant l’adoption conforme de cette proposition de loi, afin d’en assurer la promulgation rapide.

Je parle de courage et de responsabilité, car il y aurait tant à faire ! Mes collègues ont déjà donné quelques pistes.

Vous avez raison d’appeler à une réflexion d’ensemble sur la question des proches aidants, qui ne fait l’objet que de mesures parcellaires disséminées dans plusieurs textes de loi.

La première véritable prise en charge de la problématique des proches aidants, via la création du congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie, date de 1999. Ce dispositif est devenu quelques années plus tard le congé de solidarité familiale, modifié ensuite par la loi ASV ou par la loi El Khomri.

D’autres mesures existent également, comme le droit au répit prévu pour les personnes aidant des personnes âgées bénéficiant de l’APA. Toutefois, le droit au répit n’est pas mis en application de façon uniforme sur l’ensemble du territoire, que ce soit par les conseils départementaux ou par les services de l’État. À La Réunion, nous avons mis en place des bourses d’heures. À cette fin, nous avons créé un groupement d’intérêt public, un GIP, associant l’État et le conseil départemental. Ce dispositif permet de proposer aux familles des week-ends de répit. Madame la secrétaire d’État, je vous invite à venir vous rendre compte sur place de son fonctionnement.

En la matière, il existe également des accords d’entreprise. Quelle est la plus-value du texte que nous examinons aujourd’hui ? Il complète la loi du 9 mai 2014 permettant le don de jours de repos à un parent d’enfant gravement malade. Le cadre juridique est strictement repris et élargi aux personnes prenant en charge une personne atteinte d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité ou présentant un handicap.

Oui, cette proposition de loi apporte bien une plus-value, même si nous reconnaissons tous ses limites. Ces dernières ont été bien explicitées par notre rapporteur, qui souligne la diversité des situations auxquelles les aidants familiaux doivent faire face.

Dans le même esprit, je tiens à insister sur le fait que cette mesure de solidarité citoyenne ne doit pas se substituer au nécessaire accompagnement de la solidarité nationale. À cet égard, madame la secrétaire d’État, nous vous avons entendu exprimer l’engagement et la volonté du Gouvernement dans votre propos liminaire.

En effet, si le dispositif proposé peut permettre, dans des situations exceptionnelles, à des élans de générosité de s’exprimer librement, il n’assure pas la reconnaissance du statut juridique du proche aidant. Il n’apporte pas de garanties suffisantes en termes de droits ou de couverture des dépenses de santé de ces publics déjà fragiles.

Les membres du groupe Union Centriste pensent qu’il est nécessaire de travailler à une approche plus globale. Les proches aidants ont besoin de moyens, de temps, de compensations et de reconnaissance.

En ce qui concerne les moyens, on pourrait envisager de mettre en place une allocation dédiée, à l’image de ce qui se pratique déjà dans le cadre de l’APA. À ce titre, l’amendement proposé par nos collègues du groupe CRCE tend à ouvrir des pistes de réflexion. La mise en œuvre de ce dispositif, qui n’est pas encore garantie aujourd’hui, pourrait se concevoir sur la base de l’article 1er bis de cette proposition de loi. Dans cette perspective, j’appelle à mon tour nos collègues à une adoption unanime de cette proposition de loi dans le texte de la commission.

L’attribution de moyens aux aidants pourrait également prendre la forme d’une formation spécifique, afin qu’ils puissent mieux assumer leur rôle et faire face à la maladie, au handicap et à la dépendance.

De nombreux aidants renoncent à leur carrière, provisoirement ou définitivement. Notre système de retraites doit en tenir compte pour le calcul de leurs pensions. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, une répartition de trimestres supplémentaires entre les conjoints ou, plus largement, les membres de la famille de la personne handicapée ou très dépendante ? Les pistes sont nombreuses.

Je terminerai en évoquant l’offre d’accueil temporaire dans les établissements, qui n’est pas encore suffisamment large. Les représentants des MDPH nous le disent, son développement s’impose sur tout le territoire. Saisissons-nous de cette problématique, car des milliers de personnes se sentent aujourd’hui bien démunies. Pour l’heure, chers collègues, votons cette proposition de loi conforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, les aidants sont souvent les conjoints des personnes dépendantes, mais ce sont aussi les enfants, les petits-enfants ou des membres de la famille qui prennent sur leur temps pour accompagner la personne en perte d’autonomie, que ce soit en raison d’une maladie, d’un handicap ou du vieillissement.

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé, la DREES, le nombre des aidants ne cesse de croître en raison du vieillissement de la population. On en dénombre ainsi 8,3 millions, dont 57 % de femmes. La moitié d’entre eux continuent à exercer une activité professionnelle.

On sait que l’offre d’accueil des personnes en perte d’autonomie est insuffisante ou inadaptée, toutes les zones n’étant pas pourvues d’établissements spécialisés. Si la solidarité familiale et le rôle social des aidants sont réels, notamment en milieu rural, ils masquent difficilement les carences de la société en matière de prise en charge. Certes, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit la création de 5 000 places supplémentaires d’hébergement en EHPAD, mais cela ne suffira pas à répondre aux besoins en termes d’accueil, tant à temps plein qu’à temps partiel, pour soulager les aidants en leur offrant des moments de répit et une sortie de l’isolement. Des dispositifs innovants existent et doivent être expérimentés en ce sens. Ainsi, on pourrait encourager le développement des « EHPAD relais » ou « EHPAD hors les murs », qui donnent de bons résultats.

Ne faudrait-il pas également mettre en place des actions qui confortent le lien entre le domicile, les services des urgences et les structures de type EHPAD pour limiter, lors des transferts, les ruptures dans les parcours de santé et de vie ?

La présence des aidants sur le lieu de résidence des personnes en perte d’autonomie est une absolue nécessité. On touche ici au quotidien des Français, qui reste assez éloigné des promesses numériques et robotiques de la « silver économie »… L’accompagnement humain demeure fondamental.

Si l’on veut que l’aidant ne développe pas à son tour des pathologies – troubles musculosquelettiques, dépression, dépendance, etc. –, il faut apporter un soutien aux aidants.

Comme l’a déjà relevé ma collègue Laurence Rossignol, les premiers jalons de cette reconnaissance ont été posés sous le précédent quinquennat. La présente proposition de loi s’inscrit dans cette perspective. Elle constitue une étape supplémentaire dans la reconnaissance de ce statut, qui nous touche tous dans notre vie affective et familiale.

Le don de jours de congé aux proches aidants, transposition du dispositif de la loi Salen, est incontestablement une réponse à prendre en compte. L’ouverture de ce droit légitime est d’ailleurs très attendue par les familles, et nous y sommes très favorables.

Néanmoins, cette proposition de loi appelle d’autres textes pour que l’on puisse améliorer encore la situation des aidants, en élargissant par exemple leurs droits à la retraite. Il s’agit, là aussi, d’une grande attente. Cette évolution est d’ailleurs préconisée dans le rapport de la « mission flash » menée par nos collègues députés.

Faut-il le rappeler ? Dans nos permanences, nous rencontrons beaucoup de proches aidants qui nous disent opter pour le travail à temps partiel afin de pouvoir s’occuper de leurs aînés. Espérons donc que, sur ce sujet consensuel, nous arrivions à insuffler une politique sociale spécifique en faveur des aidants, dont je salue le dévouement et la solidarité exceptionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, comme l’a indiqué Jean-Pierre Decool, cette proposition de loi complète les avancées de la loi Paul Salen, qui a permis le don de jours de repos à un parent d’un enfant gravement malade. Elle étend ce dispositif de don de jours de repos à tous les aidants, quel que soit l’âge de la personne dépendante.

Dans le cadre du maintien à domicile, les personnes âgées et les personnes handicapées ont un projet de vie financé par l’APA ou la PCH. Cela permet l’intervention de professionnels, qu’il s’agisse d’auxiliaires de vie, d’aides ménagères ou de membres des services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD. Ces professionnels apportent, au moment du coucher, la nuit, à l’heure du lever, lors des repas, etc., un soutien nécessaire aux 8 millions d’aidants de notre pays, qui restent cependant le pilier du maintien à domicile.

On compte 1,2 million de personnes âgées vivant à domicile et percevant l’APA et 2,8 millions d’aidants présents quotidiennement auprès d’elles.

La loi du 1er janvier 2016 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a alloué 80 millions d’euros au financement du droit au répit pour les aidants. Il s’agit là d’une somme modeste, qui consacre néanmoins la place essentielle et croissante de ces derniers. Sans eux, sans leur mobilisation affective et financière, le maintien à domicile serait impossible.

Les aidants des enfants, des personnes handicapées ou âgées doivent être encore plus présents en cas de maladie aiguë, d’aggravation de l’état de dépendance, d’hospitalisation. De plus, ils doivent effectuer nombre de démarches administratives. Le don de jours de repos peut se révéler très important.

La proposition de loi du député Paul Christophe visant à permettre le don de jours de repos non pris à un autre salarié de l’entreprise proche aidant d’une personne atteinte d’une perte d’autonomie d’une particulière gravité, quels que soient l’âge et la situation de cette dernière, constitue un pas de plus en direction des aidants.

Ce texte représente une extension positive du dispositif de la loi du 9 mai 2014. Pour autant, nous pensons qu’organiser un débat sur la situation, les difficultés quotidiennes et professionnelles et les droits des aidants familiaux serait justifié. Mme la rapporteur l’a d’ailleurs proposé.

Pour l’heure, le groupe Les Indépendants – République et Territoires apporte son entier soutien à cette proposition de loi de terrain accompagnant une démarche humaniste et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)