Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

cinq

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Je partage les inquiétudes de mes collègues Lurel et Antiste quant à l’aboutissement de cette proposition de loi.

J’avoue que je suis assez surprise par une forme d’incohérence. J’ai eu la chance, sur invitation de Serge Letchimy, d’assister aux débats à l’Assemblée nationale. Pendant cinq heures, j’ai vu la majorité gouvernementale combattre pour cette loi, la soutenir et contrecarrer ceux qui voulaient mettre un frein à sa progression, en particulier en ce qui concerne le délai de cinq ans.

Aujourd’hui, j’avoue que j’ai un petit problème, mais j’espère que les garanties que nous donnera tout à l’heure Mme la garde des sceaux permettront de le résoudre. En tout cas, l’ambiance qui règne ici n’est pas du tout la même qu’à l’Assemblée nationale, où le groupe La République En Marche est majoritaire.

L’amendement n° 7 vise à revenir au délai de cinq ans prévu initialement dans la proposition de loi. Pourquoi la commission des lois a-t-elle souhaité porter ce délai à dix ans ? La raison en est que, dans le cadre des filiations déclarées, le droit commun prévoit que l’on peut pendant dix ans dire que telle personne qui vient de mourir est bien son père ou sa mère.

Là encore, faisons jouer la différence ! Pouvez-vous imaginer que, dans un territoire comme la Martinique, qui fait soixante-dix kilomètres de long et trente de large, une personne puisse mettre dix ans pour découvrir qui est son père ? Je pourrais dire la même chose de la Guadeloupe et aussi de la Guyane, laquelle est certes un territoire immense mais n’est pas immensément peuplée. Croyez-vous que quelqu’un qui a un doute sur sa filiation et qui sait que la succession supposée de son ascendant comporte des biens ne se signalera pas avant dix ans ? Non ! C’est faire fi, une fois de plus, de la réalité et de la différence de nos territoires.

La proposition de loi initiale prévoyait que le dispositif pour faciliter la sortie de l’indivision s’appliquait à toute succession ouverte depuis plus de cinq ans. La commission des lois, en portant ce délai à dix ans, a réduit fortement la portée du dispositif et a, autrement dit, affaibli cette initiative. Nous souhaitons donc en revenir au délai initial de cinq ans. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Cet amendement est contraire à la proposition de la commission des lois, que vous voudrez bien excuser d’avoir fait son travail ! Il vise en effet à revenir au texte initial, qui prévoyait d’appliquer le dispositif dérogatoire de sortie d’indivision aux successions ouvertes depuis plus de cinq ans.

La commission a préféré le rendre applicable aux successions ouvertes depuis plus de dix ans, car elle a estimé que cette durée de cinq ans n’était pas compatible avec certaines actions ouvertes aux héritiers par le code civil, comme l’action en possession d’état prévue à l’article 330 du code civil, qui permet l’établissement du lien de filiation avec le défunt dans un délai de dix ans, ou celle prévue à l’article 780 du code civil, aux termes duquel l’héritier a dix ans pour exercer son option successorale. À cela s’ajoute la possibilité pour l’administration fiscale d’exercer un recours contre la déclaration de succession jusqu’à six ans après le décès.

Dès lors, la commission a estimé peu probable que les praticiens – et je les ai auditionnés sur tous les territoires d’outre-mer ! –, conscients du risque de voir le partage ou la vente remis en cause, mettent en œuvre le dispositif dérogatoire de sortie d’indivision avant l’expiration d’un délai de dix ans.

Par ailleurs, la commission a considéré que les situations d’indivision problématiques étaient justement les plus anciennes, ce qui est également l’avis des notaires auditionnés. Elle a estimé que le délai de dix ans était très vite atteint, car, si la succession est ouverte dès le décès du de cujus, la saisine du notaire est souvent bien plus tardive. Il n’y a donc pas d’atteinte à l’efficacité du texte dans le fait de viser les successions ouvertes depuis plus de dix ans.

Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Comme l’a dit M. le rapporteur, l’amendement vise à appliquer le dispositif aux successions ouvertes depuis plus de cinq ans, délai qui était initialement prévu dans la proposition de loi et qui a été porté à dix ans par la commission des lois du Sénat.

Le délai de dix ans correspond effectivement aux successions les plus anciennes. Il est en cohérence avec le délai d’option des héritiers quant à l’acceptation de la succession ou à la renonciation, ou encore avec le délai de droit commun des actions en matière de filiation.

Toutefois, si l’objectif du texte est bien de créer un véritable choc de libération du foncier, il peut apparaître opportun de lui donner une plus large application.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Je renvoie le Gouvernement à son incohérence affichée entre les deux chambres, et je demande à mon groupe et à tous ceux qui nous soutiennent de bien vouloir maintenir ce délai à cinq ans.

Je veux dire aussi à M. le rapporteur que nous avons consulté les tribunaux de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane, qui nous ont confirmé que le risque de cas de filiation signalés tardivement ne dépassait pas 1,5 % de l’ensemble des procédures engagées auprès de ces juridictions. Ne pas prendre en compte ce pourcentage reviendrait à sacrifier l’essentiel au profit du secondaire !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Sueur, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 8

Supprimer les mots :

et aux actes effectués en application du II bis du présent article

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Le cœur de la proposition de loi est la mise en place d’un dispositif dérogatoire permettant aux indivisaires majoritaires, c’est-à-dire détenant au moins 51 % des droits indivis, de provoquer le partage ou la vente sans l’intervention du juge.

La commission des lois a adopté un amendement qui permet d’étendre cette majorité de 51 % aux actes de gestion et d’administration des biens indivis, qui sont actuellement soumis à la majorité des deux tiers. Il s’agit d’une extension du champ de la proposition de loi initiale. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous ne devons pas croire qu’il nous est possible de prévoir dans ce texte toutes les mesures permettant de régler le sort de l’ensemble des indivisions.

Le texte que nous examinons aujourd’hui n’a pas vocation à régler tous les problèmes de succession et d’indivision. Nous avons voulu, bien au contraire, un dispositif resserré autour d’un objectif précis : faciliter les sorties d’indivision et libérer le foncier en outre-mer. Nos propositions ont été ajustées pour qu’elles puissent prospérer rapidement. Toute extension du champ du texte initial risque d’entraver son adoption définitive.

Il y a eu à l’Assemblée nationale un accord avec le Gouvernement pour régler le problème de la sortie d’indivision. Si nous débordons du cadre initialement prévu, nous risquons d’empêcher ce texte d’aller rapidement au terme de la navette. À force de vouloir trop, nous n’aurions alors rien !

Notre amendement, qui ne porte pas sur le fond de la proposition de loi, se veut pragmatique. Nous proposons donc d’en rester, sur ce point, au texte adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale.

Je le répète, la commission des lois a adopté un amendement tendant à permettre à un ou des indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis d’effectuer des actes de gestion et d’administration relatifs aux biens indivis.

Considérant que toute extension du champ de la proposition de loi initiale risque d’entraver son adoption définitive, nous proposons, par cet amendement, de supprimer les ajouts opérés sur ce point par la commission, aux alinéas 7 et 8 de l’article 1er.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. J’ai presque envie de dire qu’il s’agit d’un amendement « de cohérence »…

Cet amendement vise à revenir sur un ajout adopté par la commission, qui a entendu mettre en cohérence la majorité requise pour effectuer les actes d’administration sur un bien détenu en indivision avec la nouvelle majorité retenue par le présent texte pour vendre ou partager le bien, soit plus de la moitié des droits indivis.

À l’encontre de cette harmonisation, les auteurs de l’amendement font simplement valoir que toute extension du champ du texte initial risque d’entraver son adoption définitive. Or la commission des lois a considéré qu’il n’était pas cohérent d’exiger une majorité simple pour les actes les plus graves, alors qu’en application du droit commun les actes de gestion ou d’administration du bien nécessiteraient de recueillir l’accord des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis, certes selon une procédure plus légère.

La proposition de la commission des lois relève de la pure cohérence. Or cet amendement prévoit l’inverse : pour les actes les plus graves, une majorité absolue serait exigée, quand la majorité qualifiée suffirait pour les actes de gestion ou d’administration. Je m’oppose bien évidemment à cet amendement, dont l’adoption aurait pour conséquence de rompre la cohérence du dispositif et de perturber l’équilibre qui a été voulu par les auteurs de la proposition de loi.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à revenir sur celui adopté par la commission des lois, lequel tend à permettre à un ou des indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis d’effectuer des actes de gestion ou d’administration relatifs aux biens indivis, quand c’est la majorité des deux tiers qui est prévue dans le droit en vigueur.

Cet abaissement de seuil pour les actes d’administration, introduit en commission, peut paraître opportun et même de nature à apporter une certaine cohérence, notamment parce qu’il soumet les actes de gestion à la même règle de majorité que les actes de vente et de partage des biens immobiliers. Toutefois, il pourra être observé que la réalisation d’actes d’administration, à une majorité des deux tiers, et celle de la vente, à une majorité de 51 %, ne sont pas tout à fait comparables puisque la réalisation de la vente par les indivisaires nécessite une information préalable de l’ensemble des indivisaires et une absence d’opposition expresse des indivisaires minoritaires. L’abaissement du seuil pour les actes de disposition – vente et partage – est ainsi accompagné de garanties en termes d’information et de droit d’opposition. En cas d’opposition de l’un des indivisaires minoritaires, une autorisation judiciaire préalable reste nécessaire.

Par ailleurs, je rappelle que l’objet de la proposition de loi est centré sur la sortie de l’indivision et ne porte pas sur l’administration ou la gestion de l’indivision.

Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remet de nouveau à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Mme la garde des sceaux a tout dit : on est en train de mélanger les genres ! On voudrait faire entrer dans ce texte tout ce qui peut concerner la gestion des biens, y compris l’administration.

Cette proposition de loi concerne la sortie de l’indivision en outre-mer. Tenons-nous en là et ne débordons pas ! Je demande donc à tous ceux qui me soutiennent et à mon groupe de bien vouloir voter cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer
Article 2 bis (nouveau)

Article 2

Le notaire choisi pour établir l’acte de vente ou de partage dans les conditions prévues à l’article 1er en notifie le projet par acte extrajudiciaire à tous les indivisaires et procède à sa publication dans un journal d’annonces légales au lieu de situation du bien ainsi que par voie d’affichage et sur un site internet.

La notification fait état de l’identité du ou des indivisaires à l’initiative de la vente ou du partage, de leur quote-part d’indivision, de l’identité et des quotes-parts des indivisaires non représentés à l’opération, des coordonnées du notaire choisi, de la désignation du bien, du prix de vente et de l’indication de la valeur de ce bien au moyen du recueil de l’avis d’au moins deux professionnels qualifiés ainsi que de la répartition du prix de vente ou des allotissements prévus entre chacun des indivisaires.

La notification fait également état, le cas échéant, d’un projet de cession du bien, à titre onéreux, à une personne étrangère à l’indivision, du prix et des conditions de la cession projetée ainsi que des nom, domicile et profession de la personne qui se propose d’acquérir.

Tout indivisaire peut, dans le délai de trois mois qui suit cette notification, faire connaître son opposition à la vente ou au partage.

En cas de projet de cession à une personne étrangère à l’indivision, il peut également, dans le délai d’un mois qui suit cette notification, faire connaître aux indivisaires à l’initiative de la vente, par acte extrajudiciaire, qu’il exerce un droit de préemption aux prix et conditions de la cession projetée. Ce droit de préemption s’exerce dans les conditions prévues aux trois derniers alinéas de l’article 815-14 du code civil.

À défaut d’opposition, la vente ou le partage est opposable aux indivisaires qui ne sont pas à l’initiative du projet.

Si un ou plusieurs indivisaires s’opposent à l’aliénation ou au partage du bien indivis dans un délai de trois mois à compter de la notification, le notaire le constate par procès-verbal.

En cas de procès-verbal constatant une opposition, le ou les indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis saisissent le tribunal de grande instance afin d’être autorisés à passer l’acte de vente ou de partage. Le tribunal autorise cette aliénation ou ce partage si l’acte ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.

L’aliénation ou le partage effectué dans les conditions fixées par l’autorisation du tribunal est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l’intention d’aliéner ou de partager le bien du ou des indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis ne lui avait pas été notifiée selon les modalités prévues aux trois premiers alinéas du présent article.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.

M. Victorin Lurel. J’avoue que j’éprouve des sentiments un peu mêlés. En effet, madame la garde des sceaux, vous n’avez pas pris les engagements formels que nous appelons de nos vœux. Par ailleurs, cela fait deux fois que vous vous en remettez à la sagesse du Sénat. S’il est vrai qu’une petite nuance sépare ma position de celle de mes collègues, je partage cependant avec eux l’impression que vous désavouez subtilement votre rapporteur, qui a fait, à mon sens, un excellent travail.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce n’est pas « mon » rapporteur !

M. Victorin Lurel. Catherine Conconne n’a pas tort de dire qu’il faut harmoniser les points de vue. J’avoue que je ne comprends plus… J’attends un engagement : quelle sera la suite ?

Si l’on se fie à cette attitude qui consiste à ne pas répondre, à garder un silence stratégique, on peut s’attendre au pire : le texte ne sera pas examiné de sitôt à l’Assemblée nationale. Or, quelles que soient les divergences que nous pouvons avoir, nous l’attendons tous. J’y insiste, compte tenu de l’arithmétique parlementaire, si je puis dire, il est à craindre que la deuxième lecture à l’Assemblée nationale ne soit pas pour bientôt !

J’aimerais donc que le Gouvernement s’engage formellement à faire adopter cette proposition de loi. Pourriez-vous, madame la garde des sceaux, prendre devant nous un tel engagement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Non ! C’est une proposition de loi…

M. Victorin Lurel. On peut approuver ou non le travail effectué par la commission, mais s’en remettre à la sagesse de notre assemblée, voilà qui me laisse pressentir quelque ambiguïté…

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mmes M. Carrère et Costes, M. Gold, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle fait également état du délai mentionné au quatrième alinéa du présent article.

II. – Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque le projet de cession ou de partage porte sur un bien immobilier dont les quotes-parts sont détenues par au moins dix indivisaires, ou par au moins un indivisaire ayant établi son domicile à l’étranger, ce délai est porté à quatre mois.

III. – Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

il peut

par les mots :

tout indivisaire peut

IV. – Alinéa 7

Après le mot :

trois

insérer les mots :

ou quatre

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Je peux comprendre le sentiment de mes collègues socialistes et leur volonté de voir cette proposition de loi votée conforme. Mais mon rôle est celui d’un législateur, qui se doit d’améliorer, ou pas, un texte en fonction des connaissances qu’il a de son territoire et de la demande qui est exprimée.

J’ai compris la logique suivie par notre collègue député Serge Letchimy, que j’ai eu l’occasion d’entendre ici, au Sénat, et je peux la partager. Mais j’ai également interrogé les trois notaires de Saint-Martin : ils ont été unanimes pour dire que, si la proposition de loi n’apportait pas de réponse à tous les cas de figure, il était opportun malgré tout, notamment pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, de prendre le train en marche.

Pour en revenir à l’amendement, ces notaires ont soulevé, de façon là encore unanime, la question de la particularité de Saint-Martin : la dispersion à travers le monde d’un certain nombre d’indivisaires.

Un délai de six mois aurait été raisonnable. Mais, pour éviter que ces situations ne se prolongent et se complexifient, nous avons estimé qu’il suffirait de porter de trois à quatre mois le délai dont disposeraient les indivisaires pour s’opposer à la vente ou au partage d’un bien immobilier, lorsque ces indivisaires sont nombreux ou domiciliés pour certains d’entre eux à l’étranger. Ce délai, qui tient compte de l’éloignement des territoires dans lesquels vivent la plupart des Saint-Martinois, est susceptible d’apporter un « plus » et une sécurisation juridique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement montre que cette proposition de loi ne pouvait pas être votée conforme. Il a fallu auditionner un certain nombre de praticiens, notamment des notaires de Saint-Martin, pour s’en rendre compte.

Je comprends pourquoi vous présentez cet amendement, même si j’y suis défavorable.

Vous proposez que le délai d’opposition des indivisaires minoritaires soit porté à quatre mois, au lieu de trois, lorsque l’indivision comporte au moins dix indivisaires ou au moins un indivisaire établi à l’étranger.

La mise en place de délais différents selon le nombre et le lieu de domiciliation des indivisaires complexifierait excessivement le dispositif. On pourrait, dans la perspective d’une évolution du présent texte, réfléchir plutôt à un dispositif s’apparentant au « délai de distance » prévu dans le code de procédure civile. Je n’ai malheureusement pas eu suffisamment de temps pour examiner cette possibilité, mais nous pourrions nous orienter vers cette solution. En effet, de nombreux indivisaires éparpillés partout dans le monde et dans le bassin océanique sont concernés, et il faudra bien prévoir un délai supplémentaire pour les contacter.

Pour l’ensemble de ces raisons, et afin que la discussion puisse se poursuivre à l’Assemblée nationale, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Les droits des indivisaires nombreux ou résidant à l’étranger peuvent sembler suffisamment préservés par le délai de trois mois courant à compter de la signification du projet de vente ou de partage qui leur est faite, et ce d’autant plus que l’opposition est faite sans forme. Ainsi, un simple courrier adressé au notaire chargé de la vente ou du partage suffit.

Par ailleurs, le délai d’opposition de trois mois est déjà celui du droit commun de l’article 815-5-1 du code civil. Toutefois, je peux comprendre votre souhait de parfaire l’effectivité du droit d’opposition, comme l’a souligné M. le rapporteur, en prévoyant un allongement du délai dans les cas précisés.

Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remet de nouveau à la sagesse du Sénat.

Je profite de cette occasion pour m’adresser au sénateur Lurel, qui m’a interrogée sur les avis de sagesse que j’ai exprimés. Dans la mesure où la position des auteurs des amendements qui ont été présentés peut s’entendre, nous respectons les choix du Parlement sur ce texte.

Vous m’avez aussi demandé, monsieur le sénateur, si je pouvais m’engager formellement à le faire adopter dans des délais précis. Or je vous rappelle qu’il s’agit d’une proposition de loi, qui sera donc portée par le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale, auquel il appartiendra de trouver le créneau adapté.

Pour autant, le Gouvernement souhaite absolument que ce texte soit adopté dans les meilleurs délais. Ma collègue Annick Girardin a dû vous le dire, et je vous le confirme ici. Nous l’accompagnerons donc jusqu’à son adoption.

Je ne peux vous garantir quels seront ces délais, mais nous serons attentifs à l’adoption de cette proposition de loi à laquelle nous tenons particulièrement.

Mme la présidente. Monsieur Arnell, l’amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?

M. Guillaume Arnell. Monsieur le rapporteur, à la lumière de vos explications, j’ai été tenté, sans ambiguïté, de le retirer. Cependant, la réponse de Mme la garde des sceaux et surtout l’avis de sagesse qu’elle a exprimé me laissent à penser que le délai de trois mois peut ne pas paraître suffisant non plus, même si elle dit le contraire.

J’aurais préféré, à la limite, qu’elle me dise que le délai de trois mois permettait une sécurisation suffisante, et j’aurais retiré l’amendement. Comme ce n’est pas le cas, je suis donc tenté de le maintenir, d’autant plus si je tiens compte des remarques du cabinet notarial de Saint-Martin, lequel faisait remarquer, avant l’examen de la proposition de loi en commission : « Le texte initial laissait en effet penser que les indivisaires non identifiés, et surtout ceux vivant à l’étranger, ne seraient pas informés, ce qui aurait posé un problème majeur pour les familles saint-martinoises. »

L’objectif étant de sécuriser ces familles, je maintiens cet amendement. Tant pis s’il n’est pas adopté !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

M. Michel Magras. La question que soulève Guillaume Arnell correspond à une réalité de terrain. La situation à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy a ceci de spécifique que de nombreux Saint-Barths et Saint-Martinois vivent à l’étranger.

J’entends bien le rapporteur quand il dit que ce sujet est formidable et que l’on pourrait poursuivre cette discussion, mais, si le Sénat ne l’a pas actée, celle-ci n’ira pas plus loin et l’Assemblée nationale ne reviendra pas en deuxième lecture sur ce point.

Je ne comprendrais pas que le Sénat ne vote pas l’amendement de Guillaume Arnell. Introduire cette disposition dans le texte obligerait en effet à l’examiner sur le fond en deuxième lecture. Personnellement, je le voterai, et j’encourage mes collègues à faire de même si ce que j’ai dit les a convaincus. (Mme Jocelyne Guidez applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Tout copartageant peut cantonner son émolument sur une partie de ses droits. Cet abandon ne constitue pas une libéralité faite aux autres copartageants. Il permet d’éviter ou de limiter les soultes.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L’amendement n° 2, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Tout copartageant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur. Ce cantonnement ne constitue pas une libéralité faite par le légataire aux autres successibles.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter ces deux amendements.

M. Victorin Lurel. Au préalable, permettez-moi, madame la présidente, de m’adresser de nouveau à Mme la garde des sceaux.

Je prends acte, madame la garde des sceaux, de ce que vous venez de déclarer au sujet de ce texte présenté par la Nouvelle Gauche à l’Assemblée nationale, dans le cadre de sa « niche » parlementaire. Vous avez dit qu’il serait repris par le groupe majoritaire, La République En Marche, dans des délais que vous ne pouvez pas indiquer aujourd’hui.

Pourquoi suis-je en train de m’inquiéter ? Ce texte concerne également la relance de la politique de logement : il s’agit de libérer du foncier, de l’aliéner et de le faire circuler autant que possible, et de construire.

Le projet de loi ÉLAN nous sera présenté très prochainement. Je suis persuadé que certaines mesures de la présente proposition de loi pourront y figurer – mais pas l’intégralité ; il y a en effet quelque orgueil, de la part de l’Assemblée nationale, à présenter un tel texte.

J’avais le sentiment qu’en cas de difficultés d’autres véhicules législatifs permettraient de porter le projet de Serge Letchimy, lequel est partagé sur toutes nos travées.

Je prends donc acte que le groupe majoritaire reprendra ce texte.