Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est remarquable à plusieurs égards.

Sur la forme d’abord, cela a été dit, il constitue un outil juridique unique en droit international. C’est une sorte d’accélérateur juridique, qui vise à modifier d’un seul coup le réseau des conventions bilatérales. Sans s’y substituer, il se superpose aux conventions fiscales existantes, dont il modifiera les stipulations et l’interprétation.

À un moment où le multilatéralisme est partout remis en question, cet instrument flexible et inédit prouve une fois encore que le consensus est la meilleure façon de faire avancer un agenda d’intérêt commun. Le climat, le commerce, le numérique comme ici l’évitement fiscal international sont des enjeux globaux, qui nous imposent de revitaliser les mécanismes du multilatéralisme.

Sur le fond, cet instrument constitue une avancée majeure contre les phénomènes d’évitement de l’impôt, qui présentent un risque à la fois économique et démocratique pour nos pays. Je voudrais saluer ici le rôle d’un Français, Pascal Saint-Amans, qui au sein de l’OCDE a été la figure de proue du projet BEPS et l’un des principaux promoteurs de ce texte.

En faisant primer des normes communes sur les intérêts économiques des parties, cette convention bouleverse la logique des conventions fiscales bilatérales classiques. En mettant au premier plan les notions de transparence et de sécurité juridique, elle tente de mettre fin aux failles du droit, qui permettent, pour les États, le dumping et, pour les entreprises, l’évitement fiscal.

Ce changement de logique est le bienvenu. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires, attaché à la justice fiscale internationale, le soutient et votera en faveur de ce projet de loi de ratification.

Néanmoins, comme l’a fait avant moi le rapporteur général, je souhaiterais mettre l’accent sur plusieurs points de vigilance qui méritent, je crois, d’être soulevés.

Premièrement, je déplore que la question de la fiscalité du numérique ne soit pas ou soit peu abordée dans cette convention.

Les divergences entre les États sur la question de la taxation des géants du net ont empêché que le « paquet BEPS » ne contienne des propositions concrètes en la matière. L’action 1 du BEPS prévoit seulement la remise d’un rapport sur le sujet ; ce rapport a été publié le 16 mars dernier et se contente de présenter les différentes pistes possibles, tout en prenant acte de l’absence de consensus au niveau international.

Cette absence de consensus est extrêmement préoccupante. Elle signale que la communauté internationale est très loin de mettre en place un dispositif commun.

Comme en matière de protection des données, l’Union européenne devra donc, rapidement, adopter une position unie et forte afin de pouvoir faire entendre sa voix au niveau international. Elle doit aller plus loin que les expédients récemment trouvés : je veux parler de la taxe à 3 % sur le chiffre d’affaires des GAFA, qui doit être une solution transitoire. Il faut que l’Union soit maintenant plus ambitieuse et propose une refonte de la notion d’établissement stable, adaptée à l’économie numérique.

Deuxièmement, je m’inquiète des effets de cette convention sur les entreprises françaises petites et moyennes - les PME - et de taille intermédiaire – les ETI -, qui ont été peu associées à son élaboration. J’ai rencontré un certain nombre de dirigeants d’entreprises de taille intermédiaire, qui s’inquiètent notamment des dispositions relatives aux prix de transfert. Les ETI françaises ont déjà été frappées de plein fouet par la loi Sapin II, qui a abaissé fortement le seuil applicable pour la déclaration des prix de transfert. Ce fardeau normatif pèse à présent de la même manière sur les grands groupes que sur les PME internationalisées, qui ont des équipes et des moyens plus restreints pour y répondre.

J’appelle donc la France à faire, dans son interprétation des dispositions de la présente convention, une place au statut particulier des PME et ETI. J’appelle à l’avenir à ce que ce type d’entreprises soit plus souvent consulté lors de l’élaboration des conventions internationales, auxquelles elles sont soumises comme les grands groupes.

Pour conclure, cette convention est une grande avancée dans la lutte contre l’évitement fiscal et participe de la nécessaire revitalisation du multilatéralisme en la matière. Néanmoins, sa flexibilité, qui est une force en ce qu’elle a permis de fédérer une large coalition, ne doit pas se transformer en faiblesse.

Si cette convention se transforme en régime international mouvant, ou à la carte, si les États ne font pas de la sécurité juridique une priorité dans son application, si, enfin, elle devient un prétexte pour ne plus avancer sur le chemin de la transparence fiscale, alors, mes chers collègues, nous aurons échoué.

Cette convention n’est pas une fin en soi ; elle doit être la première pierre d’un régime fiscal international plus juste, plus équitable et plus coopératif. (M. Arnaud de Belenet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Mme Maryse Carrère, ainsi que MM. Emmanuel Capus et Didier Rambaud applaudissent.)

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion des bases d’imposition et le transfert de bénéfices a été adoptée à Paris le 24 novembre 2016. Elle a été signée par la France le 7 juin dernier. À ce jour, quelque soixante-douze pays l’ont signée, à l’exception notable des États-Unis.

Le projet de lutte contre l’érosion des bases d’imposition et le transfert des bénéfices – BEPS dans son acronyme anglais – a été initié lors du sommet du G20 de Los Cabos, au Mexique, en 2012. Il a ensuite été mené par l’OCDE. Ses conclusions ont été adoptées en 2015. L’enjeu principal est de lutter contre l’évasion fiscale et le transfert de profits dans les paradis fiscaux opérés par les grandes entreprises multinationales, singulièrement en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés.

De fait, les données disponibles sur le site du ministère des finances montrent que l’impôt sur les sociétés représente le premier poste d’évasion fiscale en France – entre 23 milliards et 32 milliards d’euros par an en fonction des estimations, soit presque la moitié du déficit budgétaire –, devant l’impôt sur le revenu et la TVA.

Toutefois, la portée de cette convention – peut-être justement à cause de son caractère très multilatéral – apparaît relativement limitée. Le projet BEPS comptait à l’origine quinze « actions ». La convention qu’il nous est proposé de ratifier n’en retient que quatre. En particulier, l’action concernant la fiscalité de l’économie numérique n’a pas été retenue, ce qui est dommage car ce secteur représente une source importante d’évasion de la base fiscale. Un rapport a été demandé à ce sujet ; nous aurons donc l’occasion d’en reparler.

Enfin, parmi les stipulations retenues, nombre d’entre elles sont dites optionnelles, ce qui laisse une certaine marge d’appréciation aux parties dans leur mise en œuvre.

J’en viens maintenant au contenu de la convention.

La première partie concerne le champ d’application. Les conventions fiscales antérieures concernées par ce texte sont définies comme étant l’ensemble des accords conclus entre deux ou plusieurs parties en vue d’éviter la double imposition et que chacune des parties souhaite voir couverts par cette convention. Ainsi, d’après l’étude d’impact, 88 conventions bilatérales conclues par la France sont concernées.

La deuxième partie a trait aux dispositifs « hybrides ».

La troisième partie concerne l’utilisation abusive des conventions fiscales ; il s’agit notamment d’éliminer la possibilité de non-imposition via des pratiques d’évasion ou de fraude fiscales, de limiter les prises de participation peu avant le versement de dividendes aux seules fins de bénéficier d’avantages conventionnels, d’imposer les plus-values de cession ou encore de préserver le droit d’une partie d’imposer ses propres résidents selon sa législation interne.

La quatrième partie aborde un point important de la convention multilatérale, puisqu’elle concerne le statut d’établissement stable. La notion d’établissement stable est centrale pour la détermination du pays en droit de récolter l’impôt sur les sociétés. Cette partie comporte différentes stipulations contre les pratiques des sociétés visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable, par exemple par des accords dits de commissionnaire, par le recours aux exceptions applicables à certaines activités ou encore par le fractionnement des contrats.

Les cinquième, sixième et septième parties concernent quant à elles l’amélioration du règlement des différends, les mécanismes d’arbitrage et les dispositions finales.

L’entrée en vigueur de l’accord multilatéral doit intervenir trois mois après que cinq pays au moins auront ratifié l’accord. Pour l’instant, trois l’ont fait ; compte tenu des informations disponibles, la France pourrait être le quatrième.

Le rapport de la commission des finances contient des points de vigilance quant aux conséquences de cette convention multilatérale sur les accords bilatéraux existants. Madame la secrétaire d’État, les conditions de ratification garantissent-elles la sécurité juridique des contribuables français ?

En conclusion, si le champ de cette convention apparaît restreint par rapport au projet BEPS et si son application par les États pourra être souple, elle n’en représente pas moins un progrès, en particulier pour des États du Sud, qui sont généralement peu ou mal protégés contre l’évasion fiscale. Il faut également saluer la participation à ce dispositif de micro-États ou de territoires traditionnellement considérés comme paradis fiscaux.

J’émettrai simplement deux réserves : le nombre important d’exceptions et la non-signature, à ce stade, des États-Unis – est-ce une volonté délibérée du Président Trump ? En tout cas, aucun tweet n’est sorti jusqu’à présent. (Sourires.)

Malgré ces deux réserves, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera à l’unanimité en faveur de la ratification de cette convention. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Richard Yung et Olivier Cigolotti applaudissent également.)

M. Charles Revet. C’était très clair !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.

M. Didier Rambaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à voter un article unique autorisant la ratification d’une convention.

Cette convention marque les progrès réalisés par la communauté internationale en matière de fiscalité des entreprises et de lutte contre les stratégies d’évitement de l’impôt. Ces stratégies se nourrissent du manque de coopération internationale et des différences entre les règles fiscales nationales et internationales, elles consistent à déplacer artificiellement la base taxable.

Évidemment, ces questions liées aux stratégies d’évitement se sont posées avec l’évolution de l’économie, qui s’est – comme chacun le sait – mondialisée.

L’enjeu de la coopération internationale en matière de fiscalité est bien de régler la contradiction entre une économie qui facilite la mobilité des marchandises, des services et des capitaux et un ensemble de juridictions fiscales segmentées qui, à partir d’un territoire délimité, cherchent à réguler, à capter les bénéfices, les produits définis par leurs règles fiscales.

Cette évolution remet en question les critères utilisés pour la répartition des compétences fiscales entre États. Elle remet aussi en question la validité des conventions fiscales bilatérales qui ont pour objectif d’éviter la double imposition d’un même bénéfice.

La question se pose dans un contexte où les groupes recherchent l’optimisation fiscale : la circulation des dividendes sans imposition, la récupération des pertes, la localisation des bénéfices là où il est le plus intéressant de le faire… Les moyens sont divers : la sous-capitalisation, qui consiste à prêter des fonds à sa filiale pour éviter la taxation de dividendes, ou encore le transfert de revenu compte à compte.

Les pertes de recettes imputables au phénomène d’érosion de la base d’imposition et des transferts de bénéfices sont estimées à un montant compris entre 100 milliards et 240 milliards de dollars par an, soit entre 4 % et 10 % des recettes de l’impôt sur le bénéfice des sociétés à l’échelle mondiale. Ce n’est ni acceptable pour nos finances publiques ni conforme à notre pacte social et au respect des principes républicains.

La règle doit être simple : les profits doivent être taxés là où se situe l’activité économique permettant leur réalisation et la création de valeur. Mais une fois cette règle énoncée, il convient de l’actualiser, puis de la transcrire juridiquement et politiquement. C’est ce à quoi s’est attachée l’OCDE.

La convention dont le présent projet de loi autorise la ratification reconnaît le travail de l’OCDE sur le dossier de l’érosion des bases en matière de fiscalité des entreprises et des transferts de bénéfices. Ce travail doit beaucoup à l’impulsion politique du G20, dont les États représentent 85 % du PIB mondial et 75 % du commerce mondial – je le dis en particulier à ceux qui doutent du multilatéralisme actuel.

En 2015, le G20 a approuvé les rapports BEPS, issus du plan d’action de l’OCDE de 2013. À travers trois focus groups, l’OCDE s’est penchée sur les sujets centraux de fiscalité internationale : les règles de territorialité et la notion d’établissement stable, les retenues à la source, le concept de résidence, les prix de transfert ou encore les mesures anti-abus. Au final, ce sont quinze rapports, quinze actions élaborées par l’OCDE.

L’action 15 prévoit l’intégration de ces avancées au sein d’une convention multilatérale. La France prévoit, dans ce cadre, de notifier 88 conventions fiscales existantes.

Il ne vous aura pas échappé que les conséquences de la signature par la France de cet instrument se font déjà sentir : ainsi, une nouvelle convention avec le Luxembourg a été négociée. Elle reprend la définition large de l’établissement stable issue des travaux BEPS. En matière immobilière, elle modifie des règles qui donnaient des avantages injustifiés aux investisseurs luxembourgeois. En matière de double imposition, elle prévoit que les revenus d’un résident français imposable au Luxembourg sont imposés en France avec déduction du montant de l’impôt payé en France, mais sans exonération des profits reçus au Luxembourg – une mesure inédite par rapport au contenu traditionnel des conventions fiscales.

Enfin, des mesures anti-abus sont insérées, comme le refus d’octroi des avantages conventionnels, si l’octroi de tels avantages était l’un des objets principaux d’un montage ou d’une transaction.

Je crois que nous assistons à la fin d’un moment aberrant, où des conventions fiscales étaient utilisées en totale contradiction avec leur objet même : régir la situation fiscale des particuliers et des entreprises, qui ont le droit à une situation juridique claire et juste. C’est ce à quoi s’est engagé le Président de la République, il l’a rappelé dimanche dernier.

Mes chers collègues, la ratification de cette convention constitue une avancée majeure dans la réécriture du droit fiscal international, mais elle n’est qu’une étape dans un cadre complexe, divers et imbriqué.

Les mesures s’accélèrent au sein de l’Union européenne et tendent vers une harmonisation si longtemps espérée. Cette harmonisation demande des efforts à tous les États membres – y compris la France –, dont certaines règles sont spécifiques, notamment sur l’intégration fiscale.

Au niveau national, le projet de loi de lutte contre la fraude, qui sera débattu en première lecture ici au Sénat, sera l’occasion d’affirmer les principes du pacte républicain, en particulier l’idée que la « contribution commune […] doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Les sénateurs du groupe La République En Marche voteront le projet de loi autorisant la ratification de la convention de l’OCDE en débat aujourd’hui et soutiendront sans réserve la démarche du Gouvernement au niveau international, européen et national. (MM. Richard Yung et Arnaud de Belenet applaudissent.)

M. Richard Yung. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a des hasards du calendrier qui ne peuvent qu’interpeller : alors que nous examinons, en un temps pour le moins limité, la convention de l’OCDE destinée à lutter contre l’érosion fiscale et la dissimulation des bénéfices, nous sommes également réunis pour débattre d’une proposition de loi téléguidée sur le secret des affaires.

Une proposition de loi dont on peut se demander, au demeurant, si elle ne va pas transformer certains montages d’évasion fiscale en autant de secrets industriels… Avouez qu’il serait quand même quelque peu dommage que la « marque de fabrique » de quelques-unes de nos entreprises soit désormais d’échapper à l’impôt, sous quelque forme que ce soit !

Revenons-en, dans ces quelques minutes d’intervention, à l’essentiel, à savoir que le poids de l’opinion publique au niveau international est devenu suffisamment fort pour que, devant l’importance présumée ou réelle de la fraude et de l’évasion fiscales, il ne soit plus possible, même à l’OCDE, vecteur de la pensée économique libérale en actes, de ne pas se décider à agir.

Tout commence en 2008, si j’ose dire, avec cette crise financière qui a failli emporter l’ensemble des marchés boursiers internationaux et a occasionné une application à grande échelle de la règle dite de socialisation des pertes.

N’oublions pas tout de même, mes chers collègues, que d’aucuns, ici, ont voté en une journée, sans en connaître le contenu exact le matin, un collectif budgétaire comportant 400 milliards d’euros d’engagements financiers publics destinés, d’une part, à recapitaliser les banques en difficulté et, d’autre part, à mettre de l’huile dans les rouages grippés des marchés financiers !

Dans ce contexte, l’opinion publique – la véritable société civile – est devenue quelque peu exigeante à propos de l’utilisation des deniers publics en pareil cas.

Les efforts imposés depuis longtemps aux salariés, aux retraités, aux jeunes, au nom de la concurrence mondiale conduisent naturellement ceux-ci à exiger que ces efforts soient désormais portés par d’autres.

C’est donc l’opinion publique, mes chers collègues, qui a fini par imposer l’adoption de mesures afin de poursuivre la délinquance fiscale et financière, notamment dans notre pays.

Au point que nous allons bientôt nous pencher sur une proposition de loi mettant en question l’existence de la commission des infractions fiscales, mesure qui, au demeurant, aurait pu être prise bien plus tôt…

Pour l’heure, notre club de trente-cinq pays développés à économie libérale, l’OCDE, nous propose une convention modèle, qui risque fort de nous conduire à rectifier une partie de notre arsenal de coopération fiscale internationale.

Tirons parti de cette convention à visée multilatérale pour procéder à l’évaluation de certaines conventions passées depuis 2008. Madame la secrétaire d’État, je pense notamment, sans être exhaustif, à celles qui nous lient au Panama, au Qatar ou aux Bermudes.

Notons cependant que le document de l’organisation internationale est très largement optionnel et que, de fait, les conditions de la coopération sont plutôt souples.

L’ensemble de ces mesures et dispositifs met une fois encore en évidence que c’est du point de vue de l’impôt sur les sociétés, des revenus d’activité non salariée et de l’imposition des patrimoines que se situe l’essentiel de l’érosion des bases.

Cette convention de l’OCDE ne peut nous faire oublier qu’il nous faut réfléchir au devenir de notre propre système fiscal, au moment où certains pensent que les hausses de la contribution sociale généralisée, de la contribution climat-énergie et, peut-être, de la TVA peuvent aller de pair avec la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés et la pérennisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et au moment où, sous l’impulsion des États-Unis, la guerre fiscale pour l’attractivité des territoires se rallume.

À notre sens, l’efficacité consisterait plutôt à rendre les dispositions fiscales universelles et à les construire de manière démocratique. C’est pourquoi nous vous avons proposé de promouvoir un projet de Conférence des parties au plan fiscal, sous l’égide de l’ONU, aux fins de préserver les conditions d’un développement durable et équilibré de l’ensemble des pays de la planète.

Voilà ce que nous voulions dire ce jour sur cette situation et sur cette convention. Nous voterons ce petit pas, conscients que le chemin sera encore bien long. (MM. Pierre Ouzoulias et Fabien Gay, ainsi que Mme Michelle Meunier applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené, pour le groupe Les Républicains.

M. Charles Guené. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le présent projet de loi vise à autoriser la ratification d’une convention financière signée par 67 pays le 7 juin 2017 et rassemblant aujourd’hui 78 États.

Le champ de cette convention multilatérale couvre, de manière inédite, celui de plusieurs conventions fiscales bilatérales, qu’il aurait été trop long de modifier une par une.

Cette convention permet une mise en œuvre effective de quatre actions contenues dans le « paquet BEPS » visant à prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices des entreprises vers des pays à fiscalité plus avantageuse.

Le reporting pays par pays est un exemple des actions recommandées par le « paquet BEPS », que nous avons déjà intégrées dans notre législation.

Le but principal du projet BEPS est d’imposer les bénéfices là où les activités qui les ont engendrés ont été effectuées.

Un cadre inclusif permet aux autres pays et juridictions intéressés de développer des standards liés aux problématiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices, et assure le suivi et l’examen de la mise en œuvre de l’intégralité des mesures issues du projet BEPS.

Dans la perspective de la mise en œuvre de ce projet, cette convention multilatérale ne constitue qu’une étape. Il s’agit néanmoins d’une réelle avancée.

Pour autant, les normes qu’elle prévoit de mettre en œuvre ne sont pas toutes obligatoires et la plupart sont optionnelles. Celles-ci peuvent aussi faire l’objet de réserves. Une grande souplesse d’application est donc laissée aux États souverains.

Notre commission des finances a émis quelques réserves que le groupe Les Républicains partage entièrement, notamment quant au choix assez isolé de la France de mettre en œuvre la plupart des normes optionnelles et d’appliquer très peu de réserves.

Concrètement, trois des articles facultatifs retenus par la France à ce stade permettent de taxer plus facilement l’activité des entités locales des multinationales.

Il sera ainsi plus facile pour les administrations fiscales nationales de redéfinir les « commissionnaires », lesquels préparent des contrats locaux pour une entreprise étrangère, en « établissement stable ». Cela étant, lorsqu’une filiale se voit qualifiée ainsi, les bénéfices qu’elle fait remonter vers le siège de la société mère peuvent être taxés localement.

Or je rappelle que la France est le quatrième pays de résidence des multinationales au monde et le premier en Europe. Comme la règle veut qu’un même profit ne soit jamais ponctionné deux fois par deux pays différents, la France se priverait ainsi de futures recettes fiscales, notamment d’impôt sur les sociétés, au bénéfice notamment des pays en développement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Par exemple, les groupes français du secteur du BTP ne pourront plus fractionner entre différentes filiales leurs grands chantiers à l’étranger afin d’éviter de payer des impôts localement. Existe donc, pour notre pays, le risque d’une érosion des recettes d’impôt sur les sociétés, lié à la ratification de cette convention.

Par ailleurs, cette convention présente certaines limites, notamment au regard de la nécessaire contribution de l’économie numérique au paiement de l’impôt. Est-il toutefois encore cohérent de limiter le champ de la convention à ce seul type d’économie, alors que c’est toute l’économie qui glisse progressivement vers le numérique ?

Aussi semble-t-il pour le moins incongru – même si le mot est fort – qu’à cet instant cette problématique, qui va notamment remettre en cause de manière globale la notion d’établissement stable, ne soit pas incluse et traitée par le « paquet BEPS ». Ce sujet n’est abordé que dans son action 1, qui prévoit la simple remise d’un rapport. Cela paraît très insuffisant.

Ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique devrait nous interpeller, tout comme la manière dont s’interrogent les Chinois à cet égard. Il sera en effet difficile de ne pas se placer sur le terrain du « marché de consommation », notion qui pourrait demain supplanter le critère d’établissement stable, lequel critère a accompagné plusieurs générations de fiscalistes, dont la mienne. C’est sur l’évaluation de cette notion que nous devrions désormais nous pencher pour anticiper l’avenir et définir une position intellectuellement comme économiquement soutenable.

Pour autant, au-delà des réserves que nous avons formulées, le texte ne pose pas de réelles difficultés en tant qu’étape du processus. C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera en faveur du présent projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Vincent Delahaye. Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme la présidente d’avoir accepté de décaler mon intervention pour me permettre de participer, au sein du bureau du Sénat, à l’élection du président-directeur général de Public Sénat.