Mme Françoise Férat. C’est un peu tard !

Mme Éliane Assassi. … qui ne répond pas aux enjeux d’un service public ferroviaire moderne et efficace.

Vous savez, madame Férat, la résistance, on connaît, chez les communistes. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Bruno Sido. Il n’y a pas que chez vous !

Mme Éliane Assassi. Nous aurons l’occasion, lors de l’examen du projet de loi sur les mobilités intérieures, de revenir sur notre vision d’une mobilité du XXIe siècle. Pour nous, l’avenir du rail, c’est bien le service public et la maîtrise publique ; les chantiers sont nombreux.

Au rebours de la transformation en société anonyme, nous entendons promouvoir la démocratisation de l’entreprise publique pour mieux prendre en compte les besoins des territoires et des usagers.

L’avenir, c’est la relance du fret ferroviaire comme outil de transition écologique, c’est le rééquilibrage modal grâce à des leviers fiscaux et sociaux, pour en finir avec l’avantage concurrentiel de la route, c’est la fin des cars Macron.

En contradiction avec ses engagements européens et internationaux, la France n’a pas respecté la trajectoire fixée pour ses émissions de gaz à effet de serre, notamment pour ce qui concerne les transports. C’est incompréhensible.

L’avenir, ce sont des trains plus nombreux, notamment des trains d’équilibre du territoire, pour lutter contre l’enclavement et la désertification rurale.

L’avenir, ce sont des trains plus sûrs et plus ponctuels. En effet, mes chers collègues, il ne faut pas imaginer une seule seconde que cette réforme va changer quoi que ce soit à la galère quotidienne des usagers. Moderniser le service, c’est moderniser le réseau et les installations, aujourd’hui vétustes et obsolètes,…

M. Gérard Cornu, rapporteur. Là, nous sommes d’accord !

Mme Éliane Assassi. … comme en témoignent les accidents, les chutes de caténaire, les pannes, à l’instar de celle qui, hier encore, est survenue à Saint-Lazare. À cela, la concurrence ne changera rien.

Ce qu’il faut, ce sont donc des financements. À cet égard, les sommes annoncées par le Gouvernement ne sont que de simples promesses, notamment pour ce qui concerne l’avenir des lignes de vie dans le cadre des contrats de plan.

Madame la ministre, nous vous proposions d’autres outils : l’instauration d’une taxe poids lourds, pour que les infrastructures routières soient financées par les usagers de la route ; l’institution d’un versement transport régional ; la baisse du taux de TVA sur les services de transports ; la renationalisation des autoroutes, dont la privatisation prive, chaque année, l’État de près de 2 milliards d’euros de ressources, qui vont dans la poche des actionnaires.

Vous n’avez pas voulu vous saisir de ces outils, préférant renvoyer ces questions à plus tard. Alors, nous prenons date, et nous reformulerons toutes ces propositions d’avenir lors de l’examen du projet de loi d’orientation sur les mobilités.

Aujourd’hui, dans la continuité de l’ensemble de nos interventions, nous voterons contre les conclusions de la commission mixte paritaire, contre ce pacte ferroviaire agité comme un trophée par tous les tenants de l’ultralibéralisme…

Mme Éliane Assassi. … qui veulent danser sur la dépouille de la SNCF.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à féliciter les rapporteurs, qui ont fait un excellent travail sur ce texte, les membres de la commission mixte paritaire et, d’une façon générale, tous les acteurs qui ont contribué à l’aboutissement de ce dossier réellement difficile.

Le « pacte ferroviaire » figurera sans doute parmi les textes les plus importants du quinquennat. Qu’on le soutienne ou qu’on le combatte, son adoption laissera des traces, et l’on s’en souviendra.

Cela ne surprendra personne, les élus du groupe Union Centriste, au nom duquel je m’exprime aujourd’hui, font partie de ses soutiens – lesquels sont nombreux, à en juger par les résultats de la commission mixte paritaire.

Non seulement cette commission mixte paritaire a été conclusive, ce dont nous nous réjouissons, mais elle l’a été à une très large majorité : douze voix sur quatorze. Un consensus pourrait-il enfin se dégager sur cette réforme si clivante ?

Force est de constater, à l’issue de la discussion parlementaire de la réforme, que le débat n’a pas été confisqué par le Gouvernement. À l’origine, nous avions pourtant de bonnes raisons de le craindre.

La décision de l’exécutif de sortir la question ferroviaire du champ du projet de loi-cadre sur les mobilités et de la traiter par voie d’ordonnances, alors même que le Sénat, sous la houlette d’Hervé Maurey et de Louis Nègre, avait déjà beaucoup travaillé sur le sujet, n’était pas de très bon augure. Mais nous avons été entendus. Le texte a été débattu, travaillé, il a cheminé. Chacun a pu exprimer sa sensibilité et ses convictions : le débat parlementaire a bien eu lieu. Nous vous en remercions une nouvelle fois, madame la ministre.

Le champ des ordonnances s’est finalement restreint aux questions les plus techniques, ce qui correspond à leur raison d’être. Le législateur a pu jouer son rôle en précisant les grandes lignes de l’ouverture à la concurrence, du statut des salariés et de la prise en compte de l’aménagement du territoire. Le Sénat, en particulier, a pesé de tout son poids dans la discussion.

L’historique de cette réforme prouve une fois de plus, s’il en était besoin, l’utilité fondamentale, pour la démocratie, de la chambre haute et de ses apports.

Je n’ai pas d’observations particulières à formuler sur les trois points qui restaient à trancher en commission mixte paritaire.

Nous sommes favorables aux derniers aménagements apportés en termes de gouvernance des trois sociétés. Nous nous réjouissons que les pouvoirs de l’ARAFER en matière de tarification du contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau aient été préservés. Enfin, concernant la fixation du nombre de salariés à transférer en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public, sujet qui avait suscité de vifs débats en commission et en séance, il ne nous paraissait pas très rationnel que cette tâche importante incombe au seul opérateur historique. Quand on perd un marché, on n’impose pas ses conditions au nouvel entrant ! C’est pourquoi le modus vivendi en vertu duquel le nombre de salariés à transférer en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public sera déterminé d’un commun accord par l’autorité organisatrice et par l’opérateur sortant nous convient beaucoup mieux, d’autant que cette démarche est par nature tout à fait centriste ! (M. le rapporteur sourit.)

Pour autant, là n’est pas selon nous la principale réussite de la commission mixte paritaire. Son succès, celui de ses acteurs, est d’avoir su conserver tous les apports du Sénat sur ce texte, qui ne sont pas des moindres : inscription de la lutte contre le réchauffement climatique dans les objectifs de la SNCF ; garantie de l’unité sociale par la création d’un même socle de droits au sein de l’ensemble du groupe ; extension de six à huit ans du délai durant lequel les salariés transférés aux nouveaux opérateurs pourront demander à réintégrer le statut en cas de réembauche au sein du groupe SNCF. Ce sont là des mesures qui devraient contribuer à éteindre l’incendie social et à rassurer les plus inquiets. Mais, parce que le temps législatif n’est pas toujours celui de l’acceptation sociale, nous sommes bien conscients, madame la ministre, qu’il vous faudra encore faire preuve de beaucoup de pédagogie. Une fois les écritures couchées sur le papier, il faut encore évangéliser…

Le Sénat a aussi apporté sa pierre sur des sujets plus techniques et pratiques, de la plus grande importance : le transfert des matériels roulants et des ateliers de maintenance, la vente des billets, le maintien d’un haut niveau de sécurité et de sûreté.

Mes chers collègues, j’ai gardé pour la fin le volet qui me tient le plus à cœur, et qui retient toute l’attention des représentants des territoires que nous sommes : celui de la desserte des zones rurales et de l’avenir de ce que l’on appelle « les petites lignes », au-delà des incertitudes qui pèsent sur certaines lignes TGV.

Je vous avoue avoir participé à nos discussions sans perdre de vue le risque qu’une telle réforme pouvait présenter pour la vitalité de nos territoires. L’ouverture à la concurrence, oui, mais pas à n’importe quel prix ni à n’importe quelles conditions. Il faut savoir que, quand une zone rurale perd son train, sans disposer d’une solution de rechange, elle sombre dans l’enclavement. Or l’enclavement – chacun en a bien conscience dans cet hémicycle – a des conséquences lourdes, rapides et irréversibles.

Les offres de mobilité peuvent et doivent être diverses et complémentaires, nous le savons. Mais, dans un contexte où l’avenir des lignes secondaires est incertain, l’entretien des routes problématique, les déplacements en voiture toujours plus lents et plus chers, les investissements verrouillés par des logiques comptables, les ruraux doutent désormais de tout. Comment croire que des usagers moins nombreux auront droit à la même offre, ou en tout cas à une offre adaptée et suffisante ?

Ces préoccupations ont été prises en compte dans le texte. Le Sénat a fermement réaffirmé le rôle de l’État pour préserver les dessertes d’aménagement du territoire. Ainsi, l’État pourra conclure des contrats de service public destinés à préserver les dessertes directes sans correspondance, même pour les lignes à grande vitesse. Il s’agit de garantir que l’ouverture à la concurrence dite « en open access » ne conduise pas à l’abandon pur et simple des dessertes moins rentables. De plus, les régions pourront contractualiser directement avec l’État et les opérateurs pour préserver les petites lignes. Enfin, le système de tarification est aussi conçu pour assurer une forme de péréquation entre les lignes les plus exploitées et celles qui le seront moins.

Ces garde-fous étaient indispensables. Ils sont désormais en place. Seront-ils suffisants ? Ce n’est pas certain. C’est pourquoi, à titre personnel, je m’étais abstenue sur ce texte en première lecture. Le groupe Union Centriste, quant à lui, a fait le pari pascalien d’y croire, mais croyance ne rime pas avec blanc-seing. Nous ne continuerons de croire que ce que nous verrons.

Maintenant que le temps législatif s’achève, s’annonce celui de la mise en œuvre de la réforme dans nos territoires. Si nous sommes favorables à l’ouverture à la concurrence et si nous en attendons beaucoup, nous serons cependant extrêmement vigilants à ce que la présente réforme ne se traduise pas, in fine, par un nouveau coup porté à la ruralité. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Olivier Jacquin. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous avons dit, la semaine dernière, la satisfaction que nous tirions de nos travaux parlementaires et du rôle joué par le Sénat en particulier, mais aussi la déception que nous inspirait ce projet de réforme, contre lequel nous avons voté.

Aujourd’hui, vous attendez avec impatience (Sourires.) de connaître notre position après cette commission mixte paritaire conclusive. La présente séance a précisément pour finalité l’évaluation du travail de celle-ci.

L’adoption d’un amendement du rapporteur – nous avions présenté un amendement identique – a permis d’élargir le périmètre social dans lequel s’exerce la conservation des garanties des salariés de SNCF Mobilités. C’est là une petite avancée, mais tout n’est pas rose, chers collègues, et je dois dire aussi ce que la Haute Assemblée a perdu au cours de cette commission mixte paritaire conclusive, mais surtout expéditive. En près d’une heure, introduction et conclusion comprises, la messe était dite, et une cinquantaine d’amendements ont été balayés. Nos rapporteurs avaient bien préparé la séance et se sont révélés très efficaces.

L’amendement de notre collègue Fabienne Keller, qui avait été adopté à l’unanimité et visait à garantir une desserte à grande vitesse lorsque des engagements ont été pris lors de la construction des lignes, a été conservé,…

M. Roger Karoutchi. C’est bien !

M. Olivier Jacquin. … mais pas le sous-amendement de M. Brisson, qui avait été voté presque unanimement et tendait à garantir la desserte des gares devant bénéficier du prolongement de lignes nouvelles dont la réalisation a été reportée. Au nom de quel équilibre des négociations notre rapporteur a-t-il accepté cet accord, conclu sur le dos de nos territoires fragiles ? Il en est allé de même de l’amendement de nos collègues Huré et Sido, qui visait à assurer, en cas de suppression d’un service, une information de qualité, incluant une étude de la possibilité de reprise de l’exploitation ferroviaire. Oui, il s’agit bien de nos si chères petites lignes et de l’aménagement du territoire.

M. Bruno Sido. En effet !

M. Olivier Jacquin. Dans un autre domaine, pourquoi a-t-on laissé perdre cet acquis dû à notre collègue Malhuret, dont l’amendement garantissait une information régulière et de qualité du Parlement, qui aurait permis à celui-ci d’évaluer les grandes orientations de la stratégie nationale dans le domaine ferroviaire ? Pourquoi veut-on nous priver d’une telle information ?

Enfin, la commission mixte paritaire a opéré un autre recul s’agissant de l’avis conforme de l’ARAFER sur le volet tarification ; vous y étiez pourtant attachés.

Je m’en tiendrai là à propos de cette si rapide commission mixte paritaire.

Le débat ferroviaire aurait mérité d’être prolongé, car il avait été fructueux dans l’hémicycle.

M. Olivier Jacquin. Ne nous félicitons pas trop que la commission mixte paritaire ait été conclusive, alors que nous nous battons pour plus de démocratie parlementaire, pour un rôle renforcé du Sénat, comme le font si bien le président Larcher et notre présidente de séance ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Olivier Jacquin. Ne nous en félicitons pas trop, car nous acceptons le recours à des ordonnances : de ce fait, beaucoup reste à écrire dans le cadre de cette réforme.

M. Charles Revet. Beaucoup trop !

M. Olivier Jacquin. Aussi, au-delà de ce qui sera désormais inscrit dans le champ législatif, nous prenons date pour la publication des ordonnances, dont nous examinerons le contenu avec beaucoup de vigilance : en l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, nous avons légiféré au doigt mouillé. (M. le rapporteur sexclame.)

Notre vigilance portera sur les trois points suivants.

En premier lieu, à propos des articles 2, 3 et 4, nous donnons rendez-vous dans six mois : nous en saurons alors plus en matière d’aménagement du territoire et de petites lignes. Qu’en sera-t-il réellement de l’équilibre économique des dessertes, des TGV dits « déficitaires » et de l’évolution des péages ? En effet, c’est par une baisse globale des péages que vous comptez relancer la machine ferroviaire. (Mme la ministre le conteste.)

En matière d’aménagement du territoire, nous serons vigilants sur la question des petites lignes. Le traitement de ce sujet a été habilement différé par le Premier ministre, alors qu’il y a véritablement de quoi être inquiet.

M. Roland Courteau. Tout à fait !

M. Olivier Jacquin. Rappelons-nous l’approche choquante et malthusienne du rapport Spinetta, qui préconisait d’accélérer encore l’attrition du réseau…

Nous nous inquiétons également des capacités financières dont nos régions disposeront, à l’avenir, en la matière.

Un deuxième rendez-vous se tiendra dans douze mois, à propos de l’article 1er, qui porte sur la nouvelle organisation de l’entreprise, transformée en société anonyme.

Madame la ministre, vous n’avez pas su nous convaincre de la réalité de la plus-value qu’est censé apporter ce nouveau statut par rapport à celui d’établissement public à caractère industriel et commercial,…

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…

M. Olivier Jacquin. … qui permettait d’affronter l’ouverture à la concurrence. Pour le financement de cette industrie très capitalistique, le statut de société anonyme est défavorable. L’incessibilité des capitaux est garantie… tant qu’une nouvelle loi ne reviendra pas sur ce point ; nous l’avons dit. D’ores et déjà, qu’en sera-t-il de l’incessibilité des capitaux des filiales de la SNCF, telles que Gares & Connexions ou Fret SNCF ?

À ce propos, vous nous avez annoncé en cours de débat la filialisation de Fret SNCF, sans que cette mesure soit discutée. Avez-vous conclu des préaccords avec nos amis Chinois, dont nous connaissons l’incroyable projet de routes de la soie ? (Mme la ministre rit.)

Sur cette question, je vous invite, chers collègues, à lire le rapport de Gisèle Jourda, Pascal Allizard, Édouard Courtial et Jean-Noël Guérini. Vous comprendrez alors pourquoi, depuis le début de nos débats, nous plaidons pour le fret ferroviaire : c’est le même réseau qui le porte et qui peut l’amortir. Il ne peut y avoir de nouveau pacte ferroviaire sans que cette question ait été traitée.

Depuis que le Premier ministre a annoncé la transformation de la SNCF en société anonyme, nous soupçonnons l’existence d’une volonté de privatiser tôt ou tard.

M. Roland Courteau. C’est bien cela !

M. Olivier Jacquin. Je vous renvoie à l’édition d’hier des Échos, qui fait état du projet du ministre de l’économie de vendre d’autres monopoles, celui-ci estimant que « l’État n’a pas vocation à diriger des entreprises concurrentielles ». Nous demeurons inquiets, et pour le moins perplexes.

M. Olivier Jacquin. En revanche, madame la ministre, j’ai été convaincu…

M. Gérard Cornu, rapporteur. Ah !

M. Olivier Jacquin. … quant à la nécessité d’une plus grande unité du système ferroviaire. Le rail doit effectivement parler au train. Il s’agit de garantir la sécurité, bien sûr, mais aussi de limiter les interfaces, aujourd’hui trop nombreuses.

Toutefois, sur ce point, vous avez reculé au profit d’approches libérales visant surtout à mieux garantir une rapide ouverture à la concurrence, au risque de perturber la mécanique complexe du ferroviaire.

Nous serons particulièrement attentifs à la manière dont vous articulerez cette volonté de séparation stricte entre SNCF Mobilités et SNCF Réseau, qui seront désormais deux filiales de la même holding, mais qui ne pourront dialoguer efficacement.

Vous avez annoncé une reprise de la dette : très bien. Merci au gouvernement précédent de vous avoir permis de le faire, en ramenant le déficit de 5,2 % en 2012 à moins de 3 % en 2017 ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. C’est sans doute de l’humour socialiste !

M. Roger Karoutchi. Il vaut mieux entendre ça que d’être sourd…

Mme Éliane Assassi. Mais ce gouvernement-là était lui aussi pour la concurrence !

M. Olivier Jacquin. Vous imposez des efforts colossaux de productivité à SNCF Réseau : dont acte, mais l’application d’une règle d’or renforcée risque d’attenter au développement du réseau, sans que nous ayons de visibilité sur les incidences de cette décision.

Madame la ministre, à propos de cet article 1er, je dois vous rendre hommage.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je me méfie… (Sourires.)

M. Olivier Jacquin. Il me semble que votre vision a permis d’éviter une libéralisation trop sauvage, à l’anglaise, et le dynamitage de l’opérateur historique, que certains, ici ou là, promouvaient.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Ah bon ?

M. Olivier Jacquin. Il n’y a pas de « mais » dans cet hommage, madame la ministre. (Sourires.)

Un troisième rendez-vous aura lieu dans six mois, au sujet de l’article 5 bis, des conditions de négociation de la convention collective et du transfert des personnels. Là, il y a des « mais » !

Nous y voilà : on veut la fin du mythique statut, la tête des cheminots. Quelle méthode, quel gâchis ! Pourquoi avoir ainsi brutalisé les cheminots et déclenché l’une des plus grandes grèves de la SNCF, qui n’est pas finie ? Madame la ministre, que de temps perdu ! Vous le savez, nous sommes favorables à l’ouverture maîtrisée à la concurrence. À ce titre, nous avions engagé d’importantes réformes en 2014 et voté le quatrième paquet ferroviaire en 2016.

Les négociations sur la nouvelle convention collective du ferroviaire avaient été lancées en 2014. Pourquoi ne pas avoir pris le relais dès votre arrivée aux responsabilités ? Vous connaissiez pourtant bien le dossier ! Je m’interroge sur la gestion de ce volet de la réforme. Le surcoût du statut est estimé à environ 10 millions d’euros par an ; pour la SNCF, dont le chiffre d’affaires annuel dépasse les 31 milliards d’euros, le seul coût direct de la grève s’élève à 400 millions d’euros.

J’ai rappelé à plusieurs reprises que seulement quelques centaines de personnels seraient concernés par un transfert d’ici à cinq ans ; en tout cas, leur nombre sera inférieur à 1 000. C’est ce qui bloque la négociation. Il s’agit de définir les futures conditions de travail des 130 000 cheminots. On comprend leur anxiété, pour peu qu’on veuille bien la comprendre !

Nous aurions pu limiter encore, par le débat, le champ de cette cinquième ordonnance relative au transfert de personnels et au flou persistant.

Depuis le début, nous défendons une logique de mieux-disant social, dont la mise en œuvre aurait permis un dialogue construit entre les opérateurs et les salariés. Le ferroviaire est non délocalisable : nous n’avons donc pas à craindre un quelconque dumping social.

Nous comptons beaucoup sur la réunion tripartite de demain, qui rassemblera, sous votre égide, les représentants patronaux et ceux des salariés du secteur ferroviaire. Vous avez encore les moyens de faire cesser la grève.

Ce projet de loi n’est donc en rien la révolution ferroviaire annoncée.

Premièrement, nous n’avons à ce jour pas de visibilité financière sur un nouveau modèle industriel et pérenne de relance du ferroviaire.

Deuxièmement, rien n’est dit du fret.

Troisièmement, il s’agit d’une réforme du XXe siècle, car il n’y a pas d’ambition de relever le défi de la mutation écologique, conformément à l’engagement européen et mondial que nous avons pris au travers du plan Climat, en utilisant le potentiel de massification du rail, son rendement énergétique exceptionnel, en mettant à profit la révolution numérique pour moderniser plus encore le secteur ferroviaire.

Quatrièmement et enfin, c’est une réforme à l’envers. Nous l’avons déjà dit, bien des débats ont été tronqués : l’examen du projet de loi sur les mobilités aurait dû intervenir bien avant.

En définitive, madame la ministre, vous avez mené deux réformes, centrées l’une sur le ferroviaire – je viens de réitérer mes critiques et mes interrogations à son sujet –, l’autre sur le champ social, avec la suppression brutale du statut des cheminots. Il y a confusion des genres. Ce nouveau pacte ferroviaire est aussi un nouveau pacte Les Républicains –En Marche, conclu sur le dos des cheminots. Madame la ministre, mes chers collègues, nous voterons contre les conclusions de cette CMP, et nous vous donnons rendez-vous pour les prochaines étapes : on ne gouverne pas la France comme on dirige une start-up ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le président de la commission, M. Maurey, et le rapporteur, M. Cornu, de l’excellent travail qu’ils ont accompli – comme d’habitude, dirai-je – en commission mixte paritaire pour défendre les apports du Sénat sur ce texte.

Le projet de loi que nous étudions aujourd’hui est, par deux aspects, décisif pour l’avenir de ce pays.

En premier lieu, il trace la route de l’avenir ferroviaire français en programmant l’ouverture à la concurrence et en en fixant les modalités pratiques.

En second lieu, il donne à la SNCF les armes dont elle a besoin pour demeurer un champion national dans un marché ouvert aux compagnies étrangères.

Le texte issu de la commission mixte paritaire est le fruit de trois négociations menées avec nos collègues de l’Assemblée nationale.

Premièrement, il prévoit que le nombre de salariés à transférer en cas de changement d’attributaire d’un contrat devra être déterminé d’un commun accord. C’est une mesure qui satisfera les nouveaux entrants sur le marché, mais il faudra que l’ARAFER prenne toute la mesure de son rôle de garant de ces accords, pour que les employés du rail ne soient jamais lésés.

Deuxièmement, l’avis conforme de l’ARAFER sur le volet tarification du contrat de performance est supprimé. Là encore, si le Sénat a manifesté son ouverture d’esprit, il faut que les garde-fous prévus par le texte puissent être effectivement utilisés.

Troisièmement et enfin, le texte maintient le régime d’incompatibilité de fonctions entre SNCF Réseau et l’EPIC de tête SNCF. Le Gouvernement souhaitait revenir sur cette mesure, mais un compromis a pu être trouvé, en limitant le champ de ce régime d’incompatibilité aux mandataires sociaux. Avec cette solution, nous restons au milieu du gué. S’il faut s’en satisfaire dans l’immédiat, dans la mesure où elle permet d’avancer, les discussions devront être relancées rapidement. En effet, il est nécessaire de continuer à travailler sur cette problématique. (Mme la ministre acquiesce.) Je sais, madame la ministre, que vous êtes d’accord avec nous sur ce point.

La lutte contre le changement climatique a été évoquée par Mmes Assassi et Sollogoub. À cet égard, je salue le fait que l’amendement du groupe Les Indépendants – République et Territoires relatif à cette problématique ait été conservé dans cette version finale du texte.

M. Gérard Cornu, rapporteur. En effet !

M. Alain Fouché. Il avait été adopté à l’unanimité en séance. Son dispositif, intégré à l’article 1er, fixe un cap clair et à l’énoncé simple : la transformation des transports ne peut se faire qu’en accord avec une politique globale de développement durable et de préservation de l’environnement. Ce point est essentiel.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront en faveur de l’adoption de ce texte. Ils veulent croire qu’il marquera, à l’instar de la pose du dernier boulon d’or, le début d’une nouvelle aventure ferroviaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Frédéric Marchand applaudit également.)