M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Sur le fond, nous sommes tous bien évidemment préoccupés par l’accord de libre-échange avec les pays du MERCOSUR. Peut-être M. le ministre reviendra-t-il sur le sujet pour nous préciser où en sont les négociations et quelle est la position du Gouvernement.

Néanmoins, sur la forme, ces amendements constituent des injonctions au Gouvernement ; ils sont donc irrecevables, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

L’avis de la commission est par conséquent défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Avis défavorable, pour deux raisons.

D’abord, l’évocation dans la loi de l’incidence de l’accord avec les pays du MERCOSUR semble inappropriée.

Ensuite, la mise en place d’une telle commission ne nécessite pas de recourir à la loi. J’ajoute que la loi sera promulguée à la rentrée, dans le courant du mois de septembre, et il sera difficile, six mois après, de rédiger un rapport sur les effets de l’accord avec les pays du MERCOSUR, lequel n’aura pas été encore validé, signé et mis en œuvre. En effet, je vous rappelle qu’après la signature d’un tel accord, si cette signature devait advenir, la mise en œuvre de cet accord intervient dans un délai de six ans. La disposition figurant dans ces amendements me semble compliquée à appliquer.

Pour le CETA, un plan d’action a déjà été instauré. Des groupes travaillent sur la vérification et le suivi de ce plan. Le Gouvernement aura l’occasion de donner toutes les informations nécessaires au Parlement le moment venu.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 rectifié septies, 241 rectifié bis, 268 rectifié bis et 325 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 607 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 11 undecies - Amendements n° 100 rectifié septies, n° 241 rectifié bis, n° 268 rectifié bis, n° 325 rectifié bis et n° 607 rectifié
Dossier législatif : projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous
Article additionnel après l'article 11 duodecies A - amendement n° 592 rectifié

Article 11 duodecies A

Le III de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Après la première phrase du même dernier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il remet chaque année au Parlement et au Gouvernement son rapport d’activité dans lequel il formule des propositions d’évolution de la politique de l’alimentation. » – (Adopté.)

Article 11 duodecies A
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Article 11 duodecies (supprimé)

Article additionnel après l’article 11 duodecies A

M. le président. L’amendement n° 592 rectifié, présenté par MM. Tissot, Cabanel et Montaugé, Mmes Bonnefoy et Artigalas, MM. Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Kanner et Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 11 duodecies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 30 septembre 2018, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les indicateurs utilisés pour la contractualisation en matière de mesures agro environnementales, département par département. Ce rapport précise également comment la mise en œuvre des objectifs contenus par ces indicateurs permet d’atteindre la stratégie globale de la France en matière agro environnementale.

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Les mesures agroenvironnementales, ou MAE, sont les mesures mises en place dans le cadre de la politique agricole commune, la PAC, en contrepartie de versements aux agriculteurs volontaires. Elles visent surtout à protéger des paysages ruraux, les cours d’eau, la faune et la flore.

Les MAE consistent en des contrats sur cinq ans, qui tendent à définir et encourager des pratiques agricoles spécifiques, respectueuses de l’environnement. Les agriculteurs qui les mettent en œuvre peuvent alors percevoir un montant majoré d’aides de la PAC.

Ces crédits sont cadrés par le règlement européen, dit agroenvironnemental, du 30 juin 1992. Chaque État membre en a subsidiairement fait sa propre déclinaison.

La manière dont la France décline aujourd’hui sa stratégie agricole est fondée sur une logique de moyens, et non d’objectifs. Ainsi, la contractualisation actuelle repose essentiellement sur des indicateurs liés aux moyens – nombre de mètres linéaires de fossés, de haies à rajouter, etc.

Le rapport demandé dans cet amendement permettrait de préciser les objectifs poursuivis avec les MAE, dans le cadre de la stratégie globale de la France en matière agroenvironnementale, et d’analyser dans quelle mesure les moyens mis en œuvre conduisent aux buts visés. Le cas échéant, il pourrait être judicieux de faire évoluer les critères des MAE.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Au-delà de nos réticences à multiplier les rapports, cet amendement me semble renvoyer sur le fond à un sujet qui relève davantage des négociations sur la nouvelle PAC que d’un rapport du Gouvernement. Je pense qu’il s’agit d’un amendement d’appel à l’égard du Gouvernement. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, mesdames, messieurs les sénateurs, les MAEC, les mesures agroenvironnementales et climatiques, et les paiements pour services environnementaux font partie des points que nous souhaitons défendre dans le cadre de la PAC. Malheureusement, la France est assez isolée dans ce dossier pour l’instant. Nous devons continuer à travailler, à multiplier les efforts, pour que des alliés nous rejoignent. C’est dans ce but que je vais rencontrer demain et dimanche mon homologue irlandais. Nous allons travailler sur les enjeux liés au Brexit, aux accords internationaux et sur la PAC, les Irlandais étant des partenaires très importants pour la France.

J’en viens à l’amendement. Il convient de ne pas multiplier les demandes de rapport, surtout dans la loi, d’autant que les conseils régionaux, qui sont les autorités de gestion pour la mise en œuvre des MAE au titre du FEADER, doivent déjà établir des rapports annuels de mise en œuvre, aussi appelés RAMO, où sont renseignés les différents indicateurs de réalisation.

Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 592 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 11 duodecies A - amendement n° 592 rectifié
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Article 11 terdecies A

Article 11 duodecies

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 131 rectifié sexies est présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Malhuret, Mme Mélot, MM. Wattebled, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent et MM. Daubresse, L. Hervé, Dennemont, Hassani et Lévrier.

L’amendement n° 541 rectifié est présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 703 rectifié est présenté par M. Guillaume, Mme N. Delattre, MM. Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Menonville et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après la première phrase de l’article L. 611–6 du code rural et de la pêche maritime, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette certification concourt de façon majeure à la valorisation de la démarche agroécologique mentionnée au II de l’article L. 1. »

La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 131 rectifié sexies.

M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement vise à rétablir l’article 11 duodecies, qui a pour objet la certification des démarches agroécologiques.

Cet article consacre la mention « haute valeur environnementale », ou HVE, en lui conférant une définition législative et en la liant aux démarches agroécologiques. Il s’agit de privilégier les modes de production agroécologiques, c’est-à-dire une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes.

L’agroécologie implique le recours à un ensemble de techniques qui considèrent l’exploitation agricole dans son ensemble. C’est grâce à cette approche systémique que les résultats techniques et économiques peuvent être maintenus ou améliorés tout en renforçant les performances environnementales.

L’agroécologie réintroduit de la diversité dans les systèmes de production agricole et restaure une mosaïque paysagère diversifiée ; le rôle de la biodiversité comme facteur de production en sort renforcé, voire restauré.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 541 rectifié.

M. Henri Cabanel. Cet amendement vise lui aussi à rétablir l’article 11 duodecies, supprimé en commission sur l’initiative de Mme la rapporteur. Cet article précise la définition législative de la mention « haute valeur environnementale » en la liant à la démarche agroécologique.

Près de dix ans après sa création, cette notion valorisante n’a malheureusement presque pas été utilisée. Comme nous l’avons expliqué lors de la défense d’un précédent amendement, elle présente pourtant un réel intérêt, notamment lorsqu’on atteint le niveau 3 de certification, qui s’accompagne du respect d’indicateurs de performance.

Cet amendement tend donc à donner un nouveau souffle à la certification HVE en en faisant une mention valorisante de l’agroécologie. Aujourd’hui, alors même que celle-ci est admise par tout le monde, elle ne bénéficie pas d’un label qui lui soit spécifique. Il s’agit par conséquent de prévoir un label public qui permettrait de certifier la démarche agroécologique des exploitants agricoles.

Bien évidemment, il n’est pas question d’en faire le seul label. Nous sommes d’une manière générale favorables au soutien de toutes les certifications, qui, à l’instar des labels ou mentions valorisantes, participent à la montée en gamme de notre agriculture.

Je veux en conclusion saluer une filière qui a bien compris l’intérêt de la certification HVE et qui va en faire son cheval de bataille : les vignerons indépendants ont choisi cette labellisation pour mettre en avant les vins français.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour présenter l’amendement n° 703 rectifié.

M. Didier Guillaume. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Ces amendements visent à rétablir l’article 11 duodecies, qui prévoyait que la certification environnementale « concourt de façon majeure à la valorisation de la démarche agroécologique ». La commission avait supprimé cet article au motif qu’il n’apportait aucune plus-value à la certification environnementale. Elle est donc défavorable à ces amendements de rétablissement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Je soutiens complètement la démarche de la certification environnementale et ses trois niveaux. Nous avons déjà eu l’occasion de rappeler combien il importe qu’on y entraîne un maximum d’agriculteurs. Je ne souhaite pas, en revanche, limiter cette certification au niveau HVE 3, comme cela a pu être suggéré ; en effet, seules 800 exploitations ont à ce jour reçu cette certification. Selon moi, si l’on veut entraîner avec nous plus de monde pour soutenir une dynamique et une qualité de filière, il faut s’y prendre de façon graduée.

Cela dit, oui, je soutiens une démarche d’amplification de la certification HVE, comme cela a été affirmé lors États généraux de l’alimentation. Les initiatives se multiplient dans ce domaine : vous venez de citer, monsieur Cabanel, l’exemple des vignerons indépendants. Aujourd’hui, la haute valeur environnementale est une démarche qui permet de fédérer et de valoriser ces initiatives autour d’un référentiel commun, que je soutiens dans l’action quotidienne du Gouvernement.

Néanmoins, s’il est nécessaire de mettre en valeur la certification HVE, dont je rappelle qu’elle ne concerne aujourd’hui, au maximum, que 800 exploitations, cela ne sert à rien en revanche d’inscrire dans la loi que cette démarche contribue à la valorisation de l’agroécologie.

Il est plutôt nécessaire, à mes yeux, de réfléchir aux leviers à mettre en œuvre pour faire en sorte qu’un maximum d’exploitations puisse d’abord atteindre le niveau 2 de certification environnementale, puis monter en gamme vers le niveau 3. Ainsi, un nombre plus important d’exploitations bénéficieraient du label HVE. Ne bloquons pas la situation, car le nombre d’exploitations aujourd’hui concerné est bien trop peu élevé par rapport au nombre d’agriculteurs nécessaire pour porter l’exigence de qualité vers laquelle nous tendons à travers ce projet de loi.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces amendements, même s’il soutient à l’évidence totalement la démarche de certification HVE.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Cela fait deux fois que la commission supprime du présent texte la notion d’agroécologie. Décidément, mes chers collègues, il me semble que vous avez un problème avec l’agroécologie ! Madame la rapporteur, très cordialement, il me faut vous demander une explication.

Cela fait deux ou trois fois que vous nous déclarez simplement que l’amendement en discussion ne correspond pas à la position de la commission, sans aborder le fond. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous êtes opposée à ces amendements et à la mise en avant de l’agroécologie, qui est aujourd’hui prise en compte par bien des agriculteurs dans de très nombreuses exploitations, et pourquoi vous n’êtes pas favorable à la certification « haute valeur environnementale » ? J’aimerais une explication, parce qu’elle ne nous a pas été donnée.

Quant à vous, monsieur le ministre, ce n’est pas la première fois que vous nous faites le coup ! Vous êtes entièrement d’accord, mais vous n’êtes pas d’accord ! Dont acte, mais c’est dommage. Si vous étiez tout simplement d’accord, à un moment ou à un autre, cela nous motiverait lors de l’examen de ce texte, ne serait-ce qu’une seule fois après quatre jours, deux nuits et je ne sais combien d’heures de débat ! (Sourires.)

Je terminerai mon propos sur une note plus sérieuse, car il est une chose qu’il ne faut pas oublier : la situation de l’agriculture, des sols, de la pollution et de l’environnement mérite que l’on prenne ces sujets vraiment au sérieux.

On a pu entendre, tout à l’heure, tout un tas de déclarations : il fallait améliorer les sols, produire plus de protéines, plus de ceci, plus de cela. Tout cela, c’est déclaratif ! Or certains amendements déclaratifs ont été acceptés par la commission, quand d’autres ont été refusés. Peu importe, c’est le choix de la majorité sénatoriale, mais sur ces amendements-ci, si la notion d’agroécologie ne devait figurer nulle part dans ce texte, ce serait quand même un choc par rapport à ce qui a été accompli jusqu’à présent, notamment par les agriculteurs français.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. J’ai bien entendu les argumentaires de chacun, mais je ne comprends pas, moi non plus, ce manque de volonté d’inscrire notre agriculture dans l’agriculture durable. Qu’est-ce que l’agroécologie ? C’est diminuer les émissions de gaz à effet de serre, c’est limiter les engrais de synthèse, c’est réduire les produits phytosanitaires, c’est préserver l’eau et l’énergie, et ce sont des performances économiques, sociales et environnementales. Nous sommes tout de même nombreux à nous retrouver sur ces sujets, et ce serait un signe fort de l’inscrire dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je veux profiter de cette discussion pour évoquer la question plus générale de ce que j’appelle les « certifications délibérées ».

On se plaint, souvent à juste titre, de la surtransposition, ou encore des normes imposées, qui tombent sur le dos de nos agriculteurs avec, parfois, les conséquences que l’on sait.

Quelques-uns d’entre nous ont auditionné, il y a deux ans, un agronome américain, professeur d’université originaire, si je ne m’abuse, de l’Arkansas, qui nous a appris que beaucoup de farmers américains s’étaient engagés dans des démarches de certification quasiment de type ISO.

Je suis convaincu que, en tant que Français, en tant qu’Européens, nous avons intérêt à construire une agriculture orientée vers l’agroécologie à partir de telles normes délibérées du type de la certification HVE. Une question stratégique se pose. Les marchés se gagnent grâce aux prix, grâce à la qualité, mais aussi grâce à des stratégies de normes.

À l’échelle de la planète, dans le domaine des échanges de denrées alimentaires, une véritable bataille se livre autour des normes. En matière agricole comme en matière industrielle, on fait souvent le constat, y compris sur nos travées, que nous sommes plutôt en retrait sur cette question des normes : nous n’utilisons pas celles-ci comme un moyen offensif de conquête des marchés, j’en suis convaincu.

Pour faire la synthèse de mon propos, j’estime qu’on a vraiment intérêt à ce que le plus grand nombre possible d’agriculteurs français s’engagent dans ces démarches de normes délibérées du type de la certification HVE qui sont liées à l’agriculture agroécologique. C’est évidemment indispensable, et je voterai donc, avec les autres membres de mon groupe, en faveur de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Depuis quelques jours, on fait beaucoup de communication autour de certains termes. Pour anticiper la réponse que Mme la rapporteur fera à M. Guillaume, le terme « agroécologie » figure tout de même dans le code rural et de la pêche maritime.

Cela dit, la base du métier d’agriculteur, c’est l’écologie, étymologiquement parlant. En effet, tout agriculteur qui se respecte et qui a de surcroît fait quelques études agricoles la pratique. D’ailleurs, même à l’époque où les agriculteurs ne faisaient pas d’études, ils savaient du moins observer : ils avaient la science du sol, ils avaient la connaissance du milieu. Tout agriculteur observe ses sols, observe le ciel, observe la vie des animaux ; il va voir, le soir, s’il y a une attaque d’insectes ; il va observer quelles sont les pousses de mauvaises herbes ; il prend sa bêche pour aller étudier le sol, car depuis très longtemps les agriculteurs savent faire une fosse pour apprendre si s’est formée une semelle de labour. Toutes ces notions, c’est de l’agroécologie ! (M. Laurent Duplomb applaudit.)

C’est pourquoi je suis parfois un peu estomaqué qu’on prétende ici redécouvrir le vrai métier d’agriculteur tout en sous-estimant la qualité des agriculteurs. Moi, j’ai connu un ancien agriculteur qui m’étonnait…

M. Didier Guillaume. Vous faites une mauvaise interprétation de nos propos ! Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais ce n’est pas ce que nous disons !

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur Guillaume, vous n’êtes pas président de séance, laissez-moi donc finir !

J’insiste sur le fait que, un peu comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, certains agriculteurs que je connais font de l’agroécologie sans le savoir.

M. Didier Guillaume. Évidemment !

M. Michel Raison, rapporteur. Eh bien, si c’est évident, pourquoi déposer des amendements qui visent des choses qui existent déjà ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

C’est justement ce que je voulais démontrer, et je vous remercie, monsieur Guillaume, de confirmer que mes propos sont évidents et que c’est naturel pour un agriculteur de faire de l’écologie.

M. Didier Guillaume. Je l’ai toujours dit ! Mais vous avez voté l’amendement sur les protéines. Ce n’est pas cohérent !

M. Michel Raison, rapporteur. Cela n’avait rien à voir !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Mes chers collègues, l’agroécologie ne nous cause aucun souci ! On peut, dans certains secteurs, la traduire par la multifonctionnalité ; c’est le cas dans un secteur que je connais bien, la forêt. La multifonctionnalité de la forêt répond à des préoccupations à la fois économiques, environnementales et sociétales.

L’agroécologie nous pose d’autant moins de problèmes que le code rural et de la pêche maritime consacre déjà pratiquement une demi-page à sa définition dans toutes ses dimensions.

Nous sommes donc tout à fait d’accord sur ce sujet. La commission considère simplement que les amendements concernés n’apportent pas de plus-value.

M. Didier Guillaume. Pas plus que l’amendement sur les protéines !

M. Michel Raison, rapporteur. Encore une fois, cela n’a rien à voir ! C’est de la politique agricole.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Travert, ministre. Je veux revenir sur quelques éléments. Il est vrai que nous faisons la loi, mais nous faisons également de la politique.

M. Fabien Gay. Ah ! Merci !

M. Stéphane Travert, ministre. Faire de la politique, c’est aussi pouvoir envoyer des signes. Un certain nombre de signes de confiance a d’ailleurs été adressé à nos agriculteurs et à nos filières – c’est selon moi important –, par la majorité sénatoriale, à travers l’adoption d’amendements qui, reconnaissons-le, n’apportaient parfois rien au regard du contenu du projet de loi.

En revanche, nous qui écrivons le droit avons le devoir de veiller à ce que la loi soit efficace et peu bavarde. C’est ainsi que nous pourrons nous concentrer sur les mesures nécessaires à l’agriculture, c’est-à-dire, je le rappelle, celles qui concernent, d’une part, le revenu agricole et, d’autre part, la mise en place de conditions assurant de nouveaux débouchés commerciaux et une alimentation plus saine, plus sûre, plus durable et accessible à tous.

Je ne voudrais pas toutefois qu’on puisse croire que, à l’issue d’un débat comme celui-ci, l’agroécologie ou les démarches de certification HVE seront balayées d’un revers de la main. Je rejoins somme toute Michel Raison, qui expliquait à l’instant que les agriculteurs sont aujourd’hui les premiers écologistes de la nature. Nous sommes tous d’accord sur ce point.

M. Didier Guillaume. Oui, nous sommes d’accord !

M. Stéphane Travert, ministre. En effet, un agriculteur entretient ses paysages, il entretient son cheptel, notamment parce qu’il en a besoin pour percevoir un revenu, quand bien même, nous en convenons tous, ce revenu est bien souvent insuffisant.

Je ne connais pas d’agriculteur qui n’entretienne pas ses terres ou qui n’utilise pas à bon escient des pesticides ou des produits phytosanitaires : il ne recourt à de telles substances que par nécessité. Et l’emploi de ces produits figurait dans l’enseignement dispensé aux agriculteurs. Aujourd’hui, les formations évoluent ; dans les lycées agricoles, elles sont tournées vers l’agroécologie. Il faut le souligner.

Dès lors, comme je considère que les signes ou les marqueurs politiques sont eux aussi importants, et que je suis personnellement sensible à ces symboles, je vais faire quelque chose que je fais peu : je m’en remets, en fin de compte, à la sagesse du Sénat sur ces amendements.

En effet, je ne voudrais pas qu’on puisse considérer que mon ministère et moi-même ne sommes pas cohérents avec ce que j’ai toujours soutenu les années précédentes. Ainsi, nous pourrons continuer à avancer sur ces sujets.

M. Henri Cabanel. Merci, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je veux saluer le discours de M. le ministre : cet avis de sagesse est le bienvenu et il me paraît important d’y être parvenu.

Quant à l’agroécologie, à vrai dire, tout ce débat montre la nécessité de l’inscrire dans la loi. Vous avez parlé de communication, monsieur le rapporteur. Peut-être, mais il n’empêche. Au-delà, il faudra définir l’agroécologie.

J’ai en revanche été quelque peu choqué par vos derniers propos. Bien sûr, les agriculteurs sont au plus près de leur sol, bien sûr, ils vont voir leur terre, mais j’en connais pour ma part beaucoup qui sont catastrophés par ce qui se passe. Ils vont observer leur sol avec une bêche et ils s’aperçoivent qu’il n’y a plus de biodiversité, qu’il n’y a plus rien, et qu’il faut changer de cap. Notre rôle est aussi d’indiquer cette nouvelle direction et de les accompagner vers l’agroécologie. Tel est selon moi le sens de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Il n’est pas du tout dans notre état d’esprit d’opposer deux sortes de professionnels agricoles, les routiniers qui massacreraient l’environnement, d’une part, et ceux qui seraient parés de toutes les vertus, d’autre part. Au contraire, il est absolument évident que les agriculteurs, quels qu’ils soient, contribuent à l’entretien de l’environnement, parce que c’est la base fondamentale de leur métier.

Cela étant dit, certains d’entre eux se sont lancés dans des démarches expérimentales complexes et exigeantes, dont l’un des objectifs finaux est de diminuer le volume des intrants. Ces démarches sont économiquement difficiles, mais elles méritent d’être encouragées par le biais de cette certification.

Et si vous offrez cette certification aux agriculteurs qui pratiquent l’agroécologie, les autres exploitants ne subiront pour autant aucun préjudice ; c’est simplement la reconnaissance d’une démarche expérimentale, scientifique et de recherche qui, un jour ou l’autre, offrira sans doute des solutions techniques à tous les agriculteurs. À ce titre, il est intéressant de les aider pour le futur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. À écouter Michel Raison, avec toute sa technique, son ancienneté et son expérience, on ne peut qu’adhérer à ses propos.

Cela dit, l’agriculture est mon milieu depuis toujours, et les agriculteurs n’ont pas toujours été des écologistes : on les a quelquefois encouragés à utiliser certains produits, pour ainsi dire à l’insu de leur plein gré ! (Sourires.) J’ai été moi-même le premier à le faire ! Il y a quarante ans, quand on revenait de traiter le maïs, on était tout bleu ! Étions-nous vraiment écologistes ?…

Je ne veux par ces propos, à l’évidence, condamner personne : nous étions alors dans une dynamique autre que celle d’aujourd’hui. Il n’en reste pas moins qu’on retrouve toujours de l’atrazine dans l’eau, alors que cela fait quinze ans que ce produit n’est plus autorisé.

M. Michel Raison, rapporteur. Justement ! Nous ne sommes plus dans cette agriculture-là !