M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 336.

M. Jean-Louis Tourenne. Le conseil en évolution professionnelle précède la démission. En cohérence avec l’amendement que j’ai déposé à l’article 26, je propose également la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Chacun peut avoir sa conception du dispositif d’assurance chômage, notamment des enjeux de droits et de devoirs des ayants droit. La logique de la commission consiste à considérer que le demandeur d’emploi a des droits et devoirs, surtout lorsque l’on ouvre le dispositif à un certain nombre de nouvelles personnes susceptibles d’avoir recours à l’assurance chômage.

Bien sûr, si l’article 26 avait été supprimé, il aurait fallu adopter ces amendements de suppression de l’article 27. Dans la mesure où il en a été décidé autrement, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 219 et 336.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 737, présenté par M. Forissier, Mme C. Fournier, M. Mouiller et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Remplacer la référence :

par la référence :

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur de référence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 737.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 27, modifié.

(Larticle 27 est adopté.)

Sous-section 2

L’indemnisation des travailleurs indépendants en cessation d’activité

Article 27
Dossier législatif : projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Article 29 (supprimé)

Article 28

I. – Le chapitre IV du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Allocation des travailleurs indépendants

« Art. L. 5424-24. – Pour l’application de la présente section, sont regardés comme travailleurs indépendants les personnes mentionnées à l’article L. 611-1 du code de la sécurité sociale, aux articles L. 722-1 et L. 731-23 du code rural et de la pêche maritime, aux 4° à 6°, 11°, 12°, 23°, 30° et 35° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 382-1 du même code.

« Art. L. 5424-25. – Ont droit à l’allocation des travailleurs indépendants les travailleurs qui étaient indépendants au titre de leur dernière activité, qui satisfont à des conditions de ressources, de durée antérieure d’activité et de revenus antérieurs d’activité et :

« 1° Dont l’entreprise a fait l’objet d’un jugement d’ouverture de liquidation judiciaire dans les conditions prévues à l’article L. 641-1 du code de commerce, à l’exception des cas prévus à l’article L. 640-3 du même code ;

« 2° Ou dont l’entreprise a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire dans les conditions prévues au titre III du livre VI du code de commerce, lorsque l’adoption du plan de redressement est subordonnée par le tribunal au remplacement du dirigeant conformément à l’article L. 631-19-1 du même code ;

« 3° (Supprimé)

« Art. L. 5424-26. – Les dispositions des articles L. 5422-4 et L. 5422-5 sont applicables à l’allocation des travailleurs indépendants.

« Art. L. 5424-27. – Les mesures d’application de la présente section, notamment les conditions de ressources, de durée antérieure d’activité et de revenus antérieurs d’activité auxquelles est subordonné le droit à l’allocation des travailleurs indépendants sont fixées par décret en Conseil d’État. Toutefois :

« 1° Le montant de l’allocation, qui est forfaitaire, et sa durée d’attribution sont fixés par décret ;

« 2° Les mesures d’application relatives à la coordination de l’allocation des travailleurs indépendants avec l’allocation d’assurance sont fixées par les accords mentionnés à l’article L. 5422-20.

« Art. L. 5424-28. – L’allocation des travailleurs indépendants est financée exclusivement par les impositions de toute nature mentionnées au 4° de l’article L. 5422-9. »

II. – La cinquième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° Au 4° de l’article L. 5312-1, après les mots : « allocation d’assurance », sont insérés les mots : « et de l’allocation des travailleurs indépendants » ;

1° bis Au 3° de l’article L. 5421-4, les mots : « et L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « , L. 351-1-4 et des II et III des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale, des articles L. 732-18-1 à L. 732-18-3 du code rural et de la pêche maritime » ;

2° À la fin du premier alinéa de l’article L. 5422-3, les références : « aux articles L. 5422-9 et L. 5422-11 » sont remplacées par les références : « au 1° de l’article L. 5422-9 et à l’article L. 5422-11 » ;

3° À l’article L. 5423-1, les mots : « ou à l’allocation de fin de formation prévue par l’article L. 5423-7 » sont supprimés ;

4° Au 1° de l’article L. 5425-1, après le mot : « assurance », sont insérés les mots : « et l’allocation des travailleurs indépendants » ;

5° Au deuxième alinéa de l’article L. 5427-1, après le mot : « assurance », sont insérés les mots : « et de l’allocation des travailleurs indépendants ».

III. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 2° de l’article L. 135-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « et le régime social des salariés agricoles » sont remplacés par les mots : « , le régime des non-salariés agricoles, le régime d’assurance vieillesse des professions libérales et la Caisse nationale des barreaux français » ;

b) Au b, la référence : « et L. 5423-7 » est remplacée par les références : « , L. 5423-7 et L. 5424-25 » ;

2° La sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre VII du livre Ier est complétée par un article L. 173-1-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 173-1-4. – Lorsque l’assuré a relevé successivement, alternativement ou simultanément de plusieurs régimes d’assurance vieillesse de base, le régime auquel incombe la charge de valider les périodes assimilées est déterminé par décret. » ;

3° Après l’article L. 643-3, il est inséré un article L. 643-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 643-3-1. – Les périodes pendant lesquelles l’assuré a bénéficié de l’allocation mentionnée à l’article L. 5424-25 du code du travail sont comptées comme périodes d’assurance dans le régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales. » ;

4° Après l’article L. 723-10-1-1, il est inséré un article L. 723-10-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 723-10-1-2. – Les périodes pendant lesquelles l’assuré a bénéficié de l’allocation mentionnée à l’article L. 5424-25 du code du travail sont comptées comme périodes d’assurance dans le régime d’assurance vieillesse de base des avocats. »

IV. – L’article L. 732-21 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les périodes pendant lesquelles l’assuré a bénéficié de l’allocation mentionnée à l’article L. 5424-25 du code du travail sont prises en considération pour l’ouverture du droit à pension, dans des conditions fixées par décret. »

V. – (Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 628, présenté par M. Rambaud, Mme Schillinger, MM. Lévrier, Patriat, Amiel, Bargeton, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 10, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce décret prend en compte la diversité des métiers des travailleurs indépendants.

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. L’article 28 met en œuvre une promesse importante du candidat devenu Président de la République : l’ouverture aux indépendants du droit à un revenu de remplacement. C’est une avancée qui correspond à l’évolution des métiers, à l’évolution de la structure de l’économie. Cependant, cette évolution doit être accompagnée pour ne pas pénaliser ceux qui, par choix ou non, sont travailleurs indépendants.

Cet amendement vise donc à s’assurer que le décret en Conseil d’État qui fixera les mesures d’application comme les conditions de ressources et de durée antérieure d’activité prenne en compte la diversité des métiers. Peut-on traiter de la même manière un indépendant agricole, dont le revenu est, convenons-en, a priori inférieur à celui d’un avocat ou d’un médecin ? Nous croyons à la différenciation et au calibrage le plus efficace du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Sur la forme, l’objet de cet amendement nous semble un peu dépourvu de portée normative. Sur le fond, M. le rapporteur soulignait qu’il énonçait des évidences, ce qui est bien le cas.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 628.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 650, présenté par M. Rambaud, Mme Schillinger, MM. Lévrier, Patriat, Amiel, Bargeton, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Pour actualiser le mode de financement de l’assurance chômage, c’est-à-dire faire correspondre ce mode de financement à l’économie d’aujourd’hui, mais aussi à la diversité des revenus, le Gouvernement prévoit de supprimer les cotisations d’assurance chômage et de les remplacer de manière pérenne par une fraction d’une imposition de toute nature.

La commission des affaires sociales a adopté à l’article 30 un amendement maintenant ouvertes plusieurs pistes de financement de l’assurance chômage, y compris les cotisations salariales. Ce choix entre en contradiction avec l’alinéa 13 de l’article 28.

C’est pourquoi notre groupe propose un amendement de coordination avec l’article 30, visant à supprimer la mention selon laquelle l’allocation des travailleurs indépendants sera financée exclusivement par les impositions de toutes natures affectées à l’UNEDIC.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Elle émet bien sûr un avis défavorable, puisque cet amendement vise à supprimer un apport de la commission.

Cela étant, je rappelle que le Conseil d’État a bien précisé qu’il fallait flécher le financement pour les indépendants, qui, aujourd’hui, n’ont pas cotisé à l’assurance chômage.

Par ailleurs, notre système est assurantiel. Si l’on doit le changer, il faudra prévoir un débat autrement plus substantiel que celui que nous avons sur cet amendement.

Je précise enfin que ce sont les députés de La République en Marche qui, les premiers, ont procédé à cet apport ; la commission n’a fait que le confirmer.

Nous sommes favorables à ce qu’un fléchage très précis du dispositif soit prévu, d’autant que l’on n’arrive pas à savoir précisément quel en sera le coût – entre 140 et 150 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car cette mention est superfétatoire. Les dépenses afférentes à l’allocation des travailleurs indépendants, l’ATI, représenteront moins de 0,5 % des dépenses du régime d’assurance chômage alors que les impositions de toutes natures affectées à l’UNEDIC représenteront plus d’un tiers des ressources du régime, soit environ 13 milliards d’euros par an. Il n’est donc pas utile de préciser que le financement de l’ATI se fera exclusivement par ces impositions de toutes natures. Elles seront nécessairement couvertes par les impositions de toutes natures.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 650.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 748, présenté par M. Forissier, Mme C. Fournier, M. Mouiller et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 29

a) Remplacer la référence :

L. 723–10–1–1

par la référence :

L. 653–3

b) Remplacer la référence :

L. 723–10–1–2

par la référence :

L. 653–3–1

II. – Alinéa 30

Remplacer la référence :

L. 723–10–1–2

par la référence :

L. 653–3–1

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 748.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote sur l’article.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je souhaite simplement poser une question. Pourquoi avoir frappé d’irrecevabilité notre amendement sur les artistes-auteurs alors que d’autres amendements visant d’autres catégories professionnelles ont été acceptés, d’autant que les artistes-auteurs sont dans des situations particulièrement précaires ?

M. le président. Je n’ai pas la réponse à cette question, mais elle vous sera communiquée ultérieurement.

Je mets aux voix l’article 28, modifié.

(Larticle 28 est adopté.)

Section 2

Lutter contre la précarité et la permittence

Article 28
Dossier législatif : projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Article additionnel après l'article 29 - Amendement n° 480

Article 29

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 337, présenté par M. Tourenne, Mme Taillé-Polian, M. Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article L. 5422-9 du code du travail, il est inséré un article L. 5422-9-… ainsi rédigé :

« Art. L. 5422-9- – L’allocation d’assurance est également financée par un fonds alimenté par une somme forfaitaire versée par les employeurs à la clôture de tout contrat de travail.

« Un décret détermine le montant de la contribution forfaitaire, et les modalités de mise en œuvre et d’application du présent article. »

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Il s’agit de trouver un moyen de lutter contre la multiplication des contrats précaires, lesquels ont augmenté de 165 % entre 2000 et aujourd’hui. Il faut savoir que le recours excessif à ces contrats coûte aux alentours de 7,5 milliards d’euros à UNEDIC chaque année.

On a renvoyé aux branches le soin de discuter de cette question et de mettre en place une sorte de bonus-malus. Seraient ainsi récompensées les entreprises ayant recours de manière parcimonieuse aux CDD, les autres étant pénalisées. Or, on le sait, cela n’aboutira sans doute pas. On cherche déjà à savoir si certains secteurs ne pourraient pas bénéficier d’une dérogation. Un tel dispositif serait du reste difficile à mettre en place.

Nous proposons donc d’instaurer une taxe forfaitaire, de l’ordre de 15 euros, qui serait due en cas de multiplication des contrats courts, quelle que soit la durée du contrat – une heure ou six mois. Ce serait une bonne façon de dire aux entreprises qu’elles ont tout intérêt à signer des contrats les plus longs possible.

M. le président. L’amendement n° 479, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le second alinéa de l’article L. 5422-12 du code du travail est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :

« Le taux de contribution de chaque employeur peut être majoré en fonction :

« 1° Du nombre de fins de contrat de travail et de contrats de mise à disposition mentionnés au 1° de l’article L. 1251-1, à l’exclusion des démissions et des contrats de mission mentionnés au 2° du même article L. 1251-1, et sous réserve de l’inscription des personnes concernées par ces fins de contrat sur la liste des demandeurs d’emploi mentionnée à l’article L. 5411-1 ;

« 2° Du nombre et de la durée des contrats à temps partiels en cours dans l’entreprise ;

« 3° Du nombre de licenciements pour inaptitude ;

« 4° De la nature du contrat de travail, de sa durée ou du motif de recours à un contrat d’une telle nature ;

« 5° De l’âge du salarié ;

« 6° De la taille de l’entreprise ;

« 7° Du secteur d’activité de l’entreprise. »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Comme l’amendement de notre collègue Alain Tourenne, cet amendement vise à rétablir l’article 29 tout en le modifiant.

J’ai dit hier, de manière un peu passionnée, que 29 % des jeunes de la nouvelle génération entrent dans le monde du travail en ayant un contrat d’une journée. Le sujet est prégnant. Il n’est donc pas étonnant que plusieurs amendements portent sur cette question.

Nous proposons d’instaurer un système de majoration et de minoration des cotisations sociales des entreprises en fonction, notamment, du nombre de contrats courts qu’elles ont conclu. Pour rappel, l’article L. 1221–2 du code du travail dispose : « Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. » Autrement dit, la loi précise que le CDI doit être la norme et que le recours au CDD doit être exceptionnel.

Dans ce contexte, il nous paraît justifié d’imposer une majoration des cotisations sociales aux entreprises qui ne respectent pas le code du travail en abusant des contrats courts. Une sanction est donc légitime.

En revanche, il nous paraît moins légitime d’accorder un bonus aux entreprises ayant peu recours aux contrats courts, car elles se contentent de respecter la loi ! Je ne vois pas pourquoi les entreprises seraient récompensées financièrement pour cette seule raison. Cela ne se fait dans aucun autre cas. Je ne connais aucun citoyen – et vous non plus – qui touche de l’argent de l’État parce qu’il respecte le droit ! Je ne vois pas pourquoi on ferait une différence entre les entreprises et les citoyens.

Un tel bonus serait d’autant moins légitime que les cotisations sociales constituent un salaire différé pour les salariés, salaire qu’ils pourront mobiliser lorsqu’ils en auront besoin, par le biais de l’assurance chômage notamment. Minorer les cotisations sociales revient donc concrètement à retirer des droits aux salariés et à rendre de l’argent aux entreprises afin de les récompenser pour le seul fait de respecter la loi.

Pour ces raisons, nous demandons le rétablissement de l’article 29, en n’en conservant que la disposition instaurant un malus.

M. le président. L’amendement n° 629, présenté par M. Rambaud, Mme Schillinger, MM. Lévrier, Patriat, Amiel, Bargeton, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le second alinéa de l’article L. 5422–12 du code du travail est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Le taux de contribution de chaque employeur peut être minoré ou majoré en fonction :

« 1° Du nombre de fins de contrat de travail et de contrats de mise à disposition mentionnées au 1° de l’article L. 1251–1, à l’exclusion des démissions et des contrats de mission mentionnés au 2° du même article L. 1251-1, et sous réserve de l’inscription des personnes concernées par ces fins de contrat sur la liste des demandeurs d’emploi mentionnée à l’article L. 5411-1 ;

« 2° De la nature du contrat de travail, de sa durée ou du motif de recours à un contrat d’une telle nature ;

« 3° De l’âge du salarié ;

« 4° De la taille de l’entreprise ;

« 5° Du secteur d’activité de l’entreprise. »

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Pour améliorer notre système d’assurance chômage, nous devons avoir deux priorités : lutter contre les emplois instables, d’une part ; faire payer les entreprises qui font supporter un coût anormal au système, d’autre part.

Comme cela est indiqué dans une note du Conseil d’analyse économique, les contrats courts sont fréquemment des réembauches par un ancien employeur. Ce fut le cas de plus de 70 % des réembauches en CDD en 2011.

Les entreprises qui n’offrent que des emplois stables ne font supporter aucun coût à l’assurance chômage. En conséquence, l’instauration d’un bonus-malus consistant à moduler la cotisation de l’entreprise à l’assurance chômage en fonction du coût qu’elle lui fait supporter permettrait de gérer la main-d’œuvre de manière optimale et de réduire la précarité de l’emploi.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons à voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La permittence et l’instauration d’un bonus-malus nous interpellent tous. Nous connaissons tous dans nos entourages des personnes en situation précaire, qui ont des contrats très courts et on sait ce que cela peut engendrer. Cela étant dit, il n’est pas simple de trouver une solution probante à ce problème. La preuve, c’est que l’accord national interprofessionnel du 22 février n’en contient pas.

L’amendement n° 337 a la vertu de la simplicité, puisque ses auteurs y font quelques propositions assez simples. Elles nécessiteraient toutefois d’être étudiées, notamment avec les partenaires sociaux, afin d’évaluer leur efficacité. Il s’agit en outre de savoir si elles permettraient de dégager les marges de manœuvre suffisantes pour compenser le coût de la permittence dans le budget de l’assurance chômage.

À ce stade, la commission émet donc un avis plutôt défavorable sur cet amendement, qui pourrait être retenu lors de prochaines discussions sur ce sujet. Mais peut-être cet amendement va-t-il être retiré ?

L’amendement n° 479 présente lui aussi la vertu de la simplicité. Du bonus-malus, il ne tend à retenir que le malus. Cette mesure poserait un certain nombre de difficultés, car les entreprises seraient taxées quel que soit le type de contrat court. Or les contrats courts, il faut bien le dire, sont parfois subis par l’entreprise. Aussi, la commission a fait le choix de rejeter cet amendement.

Je m’étendrai un peu plus longuement sur l’amendement n° 629, qui vise à revenir sur la suppression du bonus-malus par la commission. Or cette suppression est importante pour nous. Je vais vous en expliquer les raisons.

La première raison pour laquelle la commission a fait le choix de supprimer le bonus-malus, c’est que l’article 29, tel qu’il figurait dans le projet de loi, visait indifféremment toutes les fins de contrats, quelle que soit leur durée, sans distinguer celles qui sont directement imputables à l’entreprise et celles dont elle n’a pas directement la responsabilité. Ainsi, dans la version adoptée à l’Assemblée nationale, une entreprise pourrait être soumise à un malus pour avoir signé des ruptures conventionnelles individuelles ou collectives, alors que ces ruptures nécessitent l’accord du salarié. Ce système n’est pas juste, nous l’avons dit en commission. En refusant l’option de l’experience rating à l’américaine, qui était certes un peu compliquée à mettre en œuvre, on tombe dans un autre écueil : celui d’un bonus-malus fondé sur le critère trop lâche des fins de contrat.

La deuxième raison ayant conduit la commission à supprimer le bonus-malus, c’est qu’on ignore les paramètres qui seront retenus pour le bonus-malus. Quel sera le périmètre choisi ? Le bonus-malus sera-t-il équilibré uniquement à l’échelon national ou aussi dans chaque secteur d’activité ? Quelle sera l’amplitude de variation de la contribution patronale et sa sensibilité par rapport à la moyenne constatée dans un secteur ?

Enfin, la troisième et dernière raison, c’est que l’expérience de bonus-malus menée à la suite de l’accord national interprofessionnel de 2013 sur la sécurisation de l’emploi ne s’est pas révélée concluante.

La commission a donc fait le choix de supprimer le bonus-malus. Pour autant, nous n’avons pas trouvé de solution à la permittence. En tout état de cause, la solution proposée à l’article 29 ne nous semble pas être la bonne.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 629.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Quel est le but de l’article 29 sur ce sujet ? Il est de lutter contre la précarité excessive, qui prive un nombre très important de nos concitoyens de la possibilité de s’inscrire dans un projet à long terme. Comment être autonome quand on enchaîne indéfiniment des CDD, qui plus est, dans la grande majorité des cas, mais pas toujours, en les subissant ?

Si l’on veut être autonome dans la vie, avoir des projets personnels, un logement, il est extrêmement difficile de rester dans la précarité. L’enjeu est donc social, mais il est aussi assurantiel et de responsabilité collective.

Par ailleurs, si on prend l’ensemble des CDD et des CDD-intérim, la différence entre les cotisations que perçoit l’assurance chômage et les indemnités qu’elle verse constitue un déficit de 8 milliards d’euros chaque année, lequel représente une part majeure du déficit général de l’assurance chômage, qui est de 3 milliards d’euros par an. L’enjeu est donc important pour l’assurance chômage.

La flexibilité est-elle indispensable et nécessaire d’un point de vue économique ? Parfois, oui. Je rappelle qu’il n’est absolument pas illégal d’embaucher en CDD ou en intérim, contrairement à ce qui a été affirmé il y a quelques instants. Cela étant dit, on voit bien que, dans un même secteur d’activité, des entreprises ont recours de manière excessive aux contrats précaires – CDD, contrats d’intérim –, d’autres non.

Ayant passé vingt ans dans le secteur industriel, je peux vous dire qu’il arrive qu’une usine fonctionne avec 50 % d’intérimaires – ce sont des cas extrêmes, mais ils arrivent. Dans ce cas, comment fait-on pour s’assurer de la qualité des produits, de la sécurité au travail ? Il y a évidemment beaucoup d’accidents dans ces usines. Est-ce de la bonne gestion ? Non ! On voit bien que, dans ces cas, la flexibilité n’est pas nécessaire, car elle n’est pas liée à un à-coup du marché ou à une urgence. Le fait est que la flexibilité est devenue un mode de gestion des ressources humaines dans certaines entreprises.

Cela a été dit, la proportion des embauches en contrats courts – en CDD et en intérim – représente 87 % des embauches. Alors que nous sommes en période de croissance, que les entreprises cherchent partout des personnels, elles embauchent en CDD ou en intérim dans 87 % des cas. Plus inquiétant, la proportion des CDD de moins d’un mois a considérablement augmenté. Ces contrats représentaient 57 % des CDD il y a 20 ans, contre 83 % aujourd’hui. Il s’agit d’une forme de précarité extrême, aggravée par le fait que, dans 70 % des cas, le contrat est renouvelé chez le même employeur. En clair, cela signifie que l’employeur a fait des contrats courts un mode de gestion des ressources humaines. (M. Martin Lévrier opine.) Le salarié alterne ainsi contrats en CDD ou en intérim et périodes de chômage.

Cette pratique est effectivement dommageable à l’assurance chômage. Cela signifie que certaines entreprises qui proposent davantage des emplois durables paient pour les autres et qu’un certain nombre de salariés sont durablement, voire indéfiniment, précarisés.

Je suis néanmoins défavorable aux amendements nos 337 et 479, car le problème n’est pas le contrat court en lui-même. De nombreux CDD ou contrats d’intérim sont des tremplins vers un emploi pérenne. En outre, ils correspondent parfois à un choix du salarié. Le problème est que ces contrats, c’est la remise permanente à l’assurance chômage, et en plus des mêmes personnes et en les maintenant dans la précarité. Il ne faut donc pas taxer les contrats de travail, ni même les fins de contrat, le problème étant que les salariés retournent indéfiniment au chômage. Le bonus-malus a donc pour but de changer les comportements sur cette question.

Je suggère donc aux auteurs des amendements nos 479 et 337 de bien vouloir les retirer au profit de l’amendement n° 629, qui vise à rétablir le bonus-malus, lequel me paraît être d’intérêt général.