Mme Cécile Cukierman et Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme la présidente. L’amendement n° 266 rectifié quinquies n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 564 rectifié.

Mme Sylvie Robert. Je voudrais commencer par rappeler que l’architecture est un « art public », qui se révèle vraiment être un motif d’intérêt général.

J’aimerais, sans trop en rajouter, déconstruire un certain nombre d’idées reçues et objectiver quelque peu notre débat.

Ce concours est accusé de ralentir la construction des HLM. Pourtant, cette assertion ne résiste pas à une étude objective et poussée. Depuis la réforme de la commande publique de 2016, il est observé que le délai moyen entre la publication de l’avis initial et la désignation du lauréat est de 225 jours. À titre comparatif, les procédures négociées nécessitent environ 230 jours et, pour la conception-réalisation dont nous avons parlé hier, le délai est porté à 350 jours.

Il est important également de souligner que le concours permet aux bailleurs de disposer, dès la signature du marché, d’études de conception ou d’un avant-projet sommaire – le fameux APS – qui raccourcissent les délais et facilitent l’enchaînement rapide vers le dépôt du permis de construire, à l’inverse des autres procédures.

Par conséquent, il est erroné de prétendre que le concours d’architecture ralentirait forcément la construction de logements sociaux.

Il est également régulièrement affirmé que le concours d’architecture est onéreux. Je citerai quelques chiffres, là encore. Par rapport à la conception-réalisation, l’indemnisation des groupements non retenus représente environ 1,4 % du montant du marché et la somme des primes en concours constitue, en moyenne, 0,68 % de l’enveloppe financière réservée aux travaux par les bailleurs. Par conséquent, rapporté au coût d’une opération, le montant apparaît vraiment assez infime.

À l’argument selon lequel cela ne concerne finalement que très peu de logements, je répondrai que la suppression du concours revêt, de mon point de vue, une dimension politique, mais aussi symbolique, que je laisse à l’appréciation de chacun pour ce qui concerne les logements sociaux.

Il eût été intéressant, selon moi, en concertation avec les acteurs, de travailler à l’adaptation de ce concours, voire à sa simplification – on a beaucoup parlé de méthode pendant ces trois jours et trois nuits de discussion. Un certain nombre de dispositions relatives au concours – séquençage, BIM – auraient pu être simplifiées, au lieu de supprimer purement et simplement celui-ci.

Nous le regrettons sincèrement, sur le fond, mais aussi sur la forme. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour présenter l’amendement n° 688 rectifié.

M. Olivier Léonhardt. Cet amendement vise à maintenir l’obligation d’organiser un concours d’architecture pour la construction des logements sociaux.

L’article 83 de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine adoptée le 7 juillet 2016 a maintenu cette obligation, qui semble nécessaire pour que les bailleurs sociaux restent exemplaires et pour construire des logements de qualité.

D’abord, le concours participe à la qualité architecturale et à l’insertion harmonieuse des constructions.

Ensuite, on ne peut pas se passer de l’avis des personnes impliquées dans la vie locale pour la construction d’un logement social, d’où l’importance de la concertation. On ne peut pas non plus, pour des raisons uniquement économiques, se limiter à une uniformisation de réalisation – rien de pire que des blocs qui se ressemblent et se succèdent !

Les détracteurs du concours d’architecture pensent que cela allonge les délais d’opération et coûte cher. Or, en général, la moyenne entre l’étude de terrain et la livraison de logements est de cinq ans. Les délais de concours sont négligeables au regard du temps qu’il faut pour finaliser une opération.

Enfin, l’opération est faite pour durer entre cinquante et quatre-vingts ans et pour accueillir des familles sur le temps long. Quatre mois, ce n’est pas un délai totalement disproportionné au regard de ces enjeux.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Schmitz, pour présenter l’amendement n° 711 rectifié ter.

M. Alain Schmitz. Cet amendement, déposé par Mme de Cidrac, étant déjà défendu, je me contenterai de dire quelques mots.

Lorsque j’étais président du conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement des Yvelines, j’ai été amené à organiser une exposition consacrée aux réussites architecturales du XXe siècle. Or plusieurs ensembles de logements sociaux de ce département avaient justement été élus comme réalisations exceptionnelles.

Je formule aujourd’hui le vœu que, grâce au maintien de ce concours d’architecture, nous puissions également, au XXIe siècle, réaliser des logements sociaux exemplaires sur le plan architectural. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Laurent Lafon applaudit également.)

Mme la présidente. L’amendement n° 313 rectifié bis, présenté par Mme Vérien, MM. Détraigne et Janssens, Mme Vullien, MM. Bonnecarrère, Henno, Bascher, Longeot, L. Hervé et Delahaye, Mme Garriaud-Maylam, MM. Prince, Mizzon et Moga, Mme Loisier, MM. Lafon et Genest, Mmes Sollogoub et Létard, M. Delcros et Mme Lherbier, est ainsi libellé :

Alinéa 137

Compléter cet alinéa par les mots :

, pour les opérations de moins de cinquante logements,

La parole est à Mme Dominique Vérien.

Mme Dominique Vérien. Il s’agit d’un amendement de repli. Les amendements précédents prévoient de rétablir l’obligation du concours d’architecture à partir de trente logements, à laquelle le présent texte prévoit de déroger.

Je me dis qu’il est peut-être nécessaire d’aller plus vite sur un bâtiment de trente logements, et je propose donc que la dérogation ne s’applique que jusqu’à cinquante logements.

Au-delà, très sincèrement, il s’agit de refaire un quartier et, quand on est un élu, je ne vois pas comment on peut prendre position sans voir la physionomie qu’aura ce quartier et comment il s’inscrira dans la ville, sans confronter plusieurs projets et pouvoir retenir le meilleur.

Le principe du concours consiste justement à demander à l’architecte de nous exposer sa vision, et c’est important pour la décision.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sur les amendements identiques nos 176, 564 rectifié, 688 rectifié et 711 rectifié ter, j’émets un avis défavorable, la commission ayant choisi de supprimer le concours d’architecture obligatoire.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un scandale !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. D’abord, comme le précise l’étude d’impact, et malgré les affirmations de certains, cette obligation occasionne, qu’on le veuille ou non, des coûts et des délais supplémentaires…

M. Jean-Pierre Sueur. La beauté n’a pas de prix !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. … compris entre six et huit mois pour la réalisation des projets de construction de logements sociaux. Elle limite en outre l’accès à la commande publique pour de nombreux cabinets d’architecture.

Je suis étonnée qu’un certain nombre d’entre vous prétendent défendre les architectes et ne relèvent pas qu’un concours d’architecture empêche certains jeunes architectes d’être retenus pour ces opérations. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est le bouquet !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. En effet, dans ce cas, ce sont souvent de grandes équipes, des architectes de renom qui sont retenus, au détriment des jeunes architectes,…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. … qui parviennent difficilement à montrer leur talent et leur savoir-faire. (M. Philippe Dallier opine.)

La suppression du concours d’architecture peut donc aussi être une chance non négligeable pour les jeunes équipes d’architectes,…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. … qui ont besoin de cette ouverture pour commencer,…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. … que vous le vouliez ou non.

Nous le voyons dans nos territoires, nous avons tous été membres de jurys de concours d’architecture, très souvent, ce sont des architectes de renom qui sont retenus,…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. … plutôt que des équipes plus jeunes, parfois tout aussi talentueuses et compétentes. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio et M. Serge Babary applaudissent. – Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Je rappelle également que cette procédure n’existait plus depuis 2010 et vous n’aviez rien trouvé à y redire ! Elle a été rétablie uniquement voilà deux ans, par la loi dite « LCAP ».

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Non ! Depuis 2010, que je sache, les choses se déroulaient correctement : il n’y avait pas de travail retiré aux architectes et il n’était pas porté d’atteinte à la qualité architecturale.

Insinuez-vous que les bailleurs sociaux sont prêts à faire n’importe quoi et qu’ils se soucient bien peu de la qualité architecturale de leurs opérations ?

Très souvent, les constructions réalisées par les bailleurs sociaux sont d’une qualité architecturale nettement supérieure ne serait-ce qu’à celle des opérations des promoteurs privés.

Pour toutes ces raisons, nous avons considéré que les concours d’architecture pouvaient être supprimés. Cela ne veut pas dire qu’ils n’existent plus du tout ; il y en aura toujours pour les grandes opérations, et c’est tant mieux.

L’amendement n° 313 rectifié bis vise, comme solution de repli, à maintenir le concours d’architecture pour les opérations de plus de cinquante logements. Je renouvelle les remarques que j’ai faites précédemment, mais, encore une fois, pour les grandes opérations – je ne sais pas si le seuil doit en être fixé à cinquante, cent logements… – les concours d’architecte seront les bienvenus et pourront continuer à produire de la qualité, qualité qui ne sera pas absente non plus des opérations réalisées sans concours d’architecte.

Aussi, l’avis est défavorable sur l’ensemble de ces amendements. (Mmes Muriel Jourda et Jacqueline Eustache-Brinio, M. Serge Babary et Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudissent.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Il sera identique à l’avis de Mme la rapporteur.

M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur Sueur, nous n’avons pas changé, ni l’un ni l’autre ; vos interpellations sont habituelles et mes réponses à vos interpellations également ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard, ministre. Tout d’abord, disons-le, il ne s’agit pas de supprimer les concours d’architecte, mais de les rendre facultatifs. Il sera toujours possible, pour les organismes et les constructeurs qui le souhaitent, de recourir à un concours d’architecte.

Comme l’a justement rappelé Mme la rapporteur, entre 2010 et 2016, il n’a pas été démontré que la qualité architecturale s’est effondrée dans ce pays, bien au contraire d’ailleurs, si l’on prend l’exemple d’un certain nombre de réalisations.

Je sais la puissance de l’ordre des architectes. Cela n’a rien d’anormal. J’ai exercé une profession libérale, je voyais aussi l’ordre des avocats intervenir dès qu’il considérait que l’on touchait à l’exercice de leur profession. Mais il faut dire les choses telles qu’elles sont.

Depuis 1983, j’ai exercé un certain nombre de responsabilités dans des collectivités – adjoint à l’urbanisme, au logement, président d’agglomération – et j’ai toujours eu recours à des architectes !

Mme Françoise Férat. Vous voyez bien !

M. Jacques Mézard, ministre. Ces réactions tiennent de la crispation idéologique !

M. Jacques Mézard, ministre. J’ai toujours recouru à un architecte, parfois avec concours, parfois sans et, d’après mon expérience – je ne dis pas que tout le monde a la même –, ce n’était pas meilleur avec.

L’observation de Mme la rapporteur selon laquelle les concours ne facilitent pas forcément le boulot des petits cabinets d’architectes, je peux vous dire qu’elle est réelle dans un petit département rural comme celui que j’ai l’honneur de représenter. Chaque fois que j’ai recouru à un concours d’architecte en tant que président d’agglomération, j’ai vu les architectes locaux essayer de contacter un grand cabinet pour pouvoir être associés à l’opération. Voilà quelle est la réalité ! Les puissants, on les connaît !

On me dit également : « Il faut écouter les organismes d’HLM, vous les mettez en difficulté… » Or, comme je l’ai dit hier, le président de l’USH, Jean-Louis Dumont, m’a écrit noir sur blanc : « Les mesures visant à renforcer la maîtrise d’ouvrage social pour maintenir la production ont engendré de vives réactions émanant de l’ordre des architectes. Il nous paraît essentiel de mettre fin à ces contrevérités. L’assouplissement des règles est présenté à tort comme un risque en matière de qualité architecturale et de transparence de la maîtrise d’ouvrage. Or il n’en est rien. »

Ce n’est qu’une opinion, certes, mais elle est tout aussi respectable que celle de l’ordre des architectes ! Que l’Ordre réagisse, cela ne me choque pas. Mais il ne doit pas s’abriter chaque fois derrière l’exemple de la qualité architecturale que l’on mettrait en danger.

Arguer de la mise en danger de la qualité architecturale si l’on touchait à l’obligation de recourir à un architecte, je pourrais le comprendre. Mais, en l’occurrence, on touche seulement à l’obligation de réaliser un concours d’architecture.

On prétend que ces concours ne durent que quatre ou six mois, qu’ils ne coûtent pas si cher. Ceux qui en ont l’expérience en tant que président d’exécutif savent ce qu’il en est. Ceux qui voudront continuer à organiser de tels concours pourront le faire. Ne confondons pas les sujets et acceptons la réalité du terrain ! Si c’est nécessaire, j’y reviendrai.

Le Gouvernement émet en conséquence un avis défavorable général !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Pour répondre à l’argument sur les jeunes cabinets d’architectes, le concours est en principe anonyme. On ne sait pas s’il s’agit d’un gros ou d’un petit cabinet. Ce que l’on retient, c’est le projet.

Les petits cabinets apprécient les concours parce qu’ils peuvent être retenus sur leur geste architectural,…

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas vrai !

Mme Dominique Vérien. … quand bien même ils n’auraient pas encore construit. Sinon, quand il n’y a pas de concours, on appelle un cabinet que l’on connaît et en qui l’on a confiance, très souvent le même d’ailleurs. Pour être honnête, en tant que maître d’œuvre, je trouvais très confortable cette récurrence, mais elle ne permettait pas forcément à de nouveaux cabinets d’architectes de travailler.

Je ne crois pas que le concours soit défavorable aux jeunes architectes qui démarrent, bien au contraire !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ils n’ont pas les moyens d’y répondre !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je croyais que nous avions fait le tour du débat hier ! J’ai l’impression que nous sommes revenus vingt-quatre heures en arrière, c’est un peu embêtant !

Mme Françoise Férat. Nous sommes revenus deux ans en arrière !

M. Philippe Dallier. Si vous préférez ! Quoi qu’il en soit, il s’agit toujours du même sujet…

Madame Vérien, lorsqu’on lance un concours, on sélectionne d’abord ceux que l’on va retenir, on le fait sur leurs books et on a donc tendance à se tourner vers ceux qui ont déjà livré des bâtiments du même ordre. Dire que les petits architectes ne sont pas pénalisés, excusez-moi, mais ce n’est pas tout à fait exact.

En vingt-deux ans de mandat de maire, des concours, j’en ai vu ; j’ai lancé aussi des opérations sans concours. Il m’est arrivé, sur concours, de sélectionner trois architectes et, lorsque les trois planches définissant le projet m’ont été présentées, je me suis reculé et j’ai dû m’asseoir tellement j’étais mécontent des trois propositions. Mais lorsque vous avez organisé un concours, vous êtes tenu de sélectionner un lauréat. Que faites-vous si aucun projet ne vous convient ?

Parfois, en sélectionnant un architecte et en travaillant avec lui en amont, cela permet de mieux coller à la demande.

En définitive, il y a des arguments pour le concours, des arguments contre.

Quoi qu’il en soit, on ne supprime pas l’autorisation d’en organiser un. Peut-être pourrions-nous raccourcir les débats et repousser ces amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame le rapporteur, j’ai été accablé en vous entendant. (Marques dagacement sur des travées du groupe Les Républicains.) Je n’ai jamais entendu autant de déclarations contre l’architecture (Exclamations sur les mêmes travées.), contre cette liberté essentielle, ce droit à la création dont a parlé éloquemment Mme Sylvie Robert.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. D’un côté les artistes, de l’autre les horribles !

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à dire les choses comme elles sont, madame le rapporteur, même si cela ne vous plaît pas.

J’ai présidé de nombreux concours d’architecture. Je l’ai toujours fait avec passion et équité, et j’ai souvent choisi, avec les autres membres du jury, de jeunes architectes. Selon vous, l’organisation d’un concours, la simple mise en concurrence entraînent l’élimination des jeunes. Or une telle affirmation ne repose sur aucun argument véritable.

Madame le rapporteur, on pourrait de surcroît tout à fait réformer ces concours. On pourrait décider, pour les logements sociaux, d’organiser des concours nationaux avec de jeunes architectes, pour faire en sorte qu’il n’y ait plus cette prime à des architectes notoires ou à des personnes connues localement, et pour soutenir davantage les jeunes architectes qui concevront des projets novateurs pour les logements sociaux.

Madame le rapporteur, ce qui me choque – mais peut-être que j’interprète mal vos propos –, c’est que vous avez l’air de dire : « puisque ce sont des logements sociaux, on peut se passer de concours d’architecture… » (Protestations au banc des commissions.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Caricature !

M. Jean-Pierre Sueur. Peut-être, mais vous nous proposez de voter une mesure qui, dans le cas précis des logements sociaux, dispense de mettre en concurrence les architectes.

M. Marc-Philippe Daubresse. On a déjà eu ce débat hier soir !

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis désolé de ne pas être d’accord avec vous, madame le rapporteur, mais je le dis avec beaucoup de force, de sympathie et de solidarité pour les architectes, notamment les jeunes architectes de ce pays.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je ne peux que réagir à vos propos, monsieur Sueur.

Tout d’abord, je ne voudrais pas laisser prospérer des procès d’intention. Vos propos sur nos prétendues intentions par rapport au logement social pour qu’il n’y ait pas d’architecte sont juste indignes de cet hémicycle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Josiane Costes applaudit également.) Ils dévoient la pensée du rapporteur et des membres de la commission, y compris des collègues de vos propres rangs.

Quant aux jeunes architectes, en effet, je les ai vus dans les concours, mais sous la coupe des grands cabinets. Des jeunes architectes qui se lancent n’ont pas les moyens de participer aux concours. J’en suis désolé, mais c’est la réalité de notre expérience de terrain.

Je vous en prie, monsieur Sueur, ne vous engagez pas dans des procès d’intention et ne prêtez pas à vos collègues des propos qu’ils n’ont pas tenus, c’est assez indigne !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne fais pas de procès d’intention ; je dis ce que je pense !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. J’aurais aimé que le ministre reste un peu plus neutre et qu’il ne fasse pas étalage de ses expériences personnelles ! Vous devriez haïr le « moi » dans cet hémicycle !

M. Marc-Philippe Daubresse. Cela s’appelle l’expérience, madame !

Mme Catherine Conconne. Je crois entendre ici que « jeune » serait synonyme de « mauvais » ; « jeune » serait « manquer d’expérience » ; « jeune » voudrait dire « mauvaise copie remise ». (Exclamations sur plusieurs travées.) S’il vous plaît, j’aimerais pouvoir continuer de parler ! Et ce ne sont pas les brouhahas qui vont m’intimider !

Je suis sénatrice de France, mais je suis aussi sénatrice de Martinique. J’ai été élue par des élus martiniquais dans un pays particulier qui s’appelle la Martinique, qui compte moins de 370 000 habitants et qui souffre de dépeuplement chronique – 3 000 à 4 000 personnes par an !

Les élus que nous sommes nous battons tous pour inverser cette tendance mortifère d’un pays qui, à terme, risque de ne plus exister.

Nous nous battons pour que des jeunes diplômés puissent retourner au pays, nous portons à bout de bras l’activité pour qu’elle survive. Chaque fois que l’on mettra à mal une parcelle d’activité dans ce pays que je représente ici, qui compte 50 000 abonnés au RSA et 50 000 personnes qui pointent à Pôle emploi, vous me trouverez sur votre chemin !

M. Philippe Dallier. Quel est le rapport ?

Mme Catherine Conconne. Une décision comme celle que vous comptez prendre aujourd’hui aura des effets collatéraux en dominos sur l’activité des cabinets d’architectes.

Si je devais, moi aussi, faire état de mes expériences personnelles, je dirais que j’ai vu des jeunes architectes labellisés et retenus pour faire un certain nombre d’opérations, que j’ai été membre d’un conseil d’administration d’HLM.

Qu’il y ait des concertations optimales avec les élus locaux pour leur soumettre, à travers ces concours d’architecture, les projets portés par les architectes, c’est le meilleur respect que l’on peut témoigner aux générations futures. N’oublions pas que l’urbanisme et l’aménagement doivent être inscrits dans le durable. Ce ne sont que des œuvres que nous transmettons aux générations qui vont nous suivre. Oui au concours d’architecture ! (Mmes Angèle Préville et Martine Filleul, ainsi que M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.

Mme Françoise Férat. Mme la présidente de la commission a employé une formule qui me convient bien : pas de procès d’intention. Je ne suis pas ici en soutien des architectes, mais bien en faveur de la méthode que vous nous proposez, monsieur le ministre.

Excusez-moi si je vous donne l’impression de radoter, mes chers collègues, mais, voilà deux ans, dans cet hémicycle, ce point avait déjà été l’un de ceux qui avaient suscité le plus de discussions lors de l’examen de la loi dite « LCAP ». Au bout de deux ans, il faudrait déjà changer ? Je ne suis pas d’accord.

Pour ce qui concerne les expériences personnelles, j’ai siégé de nombreuses années – je n’ose pas dire des décennies – à la commission d’appel d’offres du département de la Marne et, que je sache, ce département n’est pas différent de bien d’autres. Je peux vous confirmer que les jeunes architectes se regroupent et s’organisent pour répondre à ces concours, même si c’est assez coûteux, en effet.

Mes chers collègues, le concours, c’est l’émulation et, avec cet amendement, je crains qu’on n’oublie la qualité architecturale au profit du moins-disant. Au nom d’une certaine souplesse et d’une pseudo-simplification, je crains que nous ne tirions l’architecture et la construction vers le bas.

Faire participer des élus et, éventuellement, des représentants des habitants aux jurys des concours, c’est une façon de mieux partager, dans tous les sens du terme, et de faire en sorte que les projets s’intègrent mieux à l’environnement.

Certains collègues le disaient ce matin, ce texte vise au fond à construire plus, mieux et moins cher. Plus, peut-être ; moins cher, allez savoir… En revanche – c’est le bon sens de l’élu que vous avez été qui parle, monsieur le ministre –, je suis certaine que le moins cher n’est pas souvent le meilleur marché !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Corbisez. J’ai été, pendant quelques années, président d’un CAUE, un conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement. Ces structures sont amenées à désigner des architectes, des urbanistes ou des paysagistes – les missions sont diverses – pour répondre à la demande d’une commune qui a besoin d’un conseil.

Je voyais, au bout d’un moment, toujours les mêmes architectes revenir, parfois avec des devis deux ou trois plus élevés que ceux de jeunes professionnels qui souhaiteraient pouvoir donner des conseils.

C’est pourquoi j’avais décidé de retirer chaque année de la liste des architectes-conseil celui qui avait pu, grâce aux travaux réalisés dans le cadre du CAUE, acquérir une certaine notoriété et qui pouvait gagner sa vie correctement sans notre aide.

Je souhaitais permettre à de jeunes architectes d’entrer dans le métier du conseil. Il me semble très important de veiller à ce que les jeunes puissent avoir la même chance que des professionnels plus connus. Pour une salle de concert, j’ai eu un architecte de l’est de la France, très connu ; un architecte près de Marseille, très connu. On se rend bien compte qu’à un moment donné le nom ne fait pas tout ! Recourir à un professionnel renommé ne permet pas toujours de coller au projet tel que les élus l’ont souhaité.

Au-delà du soutien que nous pouvons apporter à de jeunes architectes et du coût élevé de ces procédures pour eux, il faut bien le reconnaître, une autre question se pose : certains grands constructeurs de logements font appel à un architecte renommé pour « vendre » leur projet, mais en fait, il n’est rémunéré que pour deux ou trois mois et, très vite, il disparaît, passant la main au service travaux du groupe. Ainsi, le service territorial de l’architecture et du patrimoine, le STAP, n’a plus d’architecte comme correspondant.

Or en matière de logements, il faut faire très attention à ce que l’on ait un architecte du début à la fin des travaux.