M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, mon propos rejoindra assez largement ceux des deux orateurs précédents.

Qu’il est stimulant de pouvoir aborder les questions européennes, même en six minutes, même par le biais de la discussion du prélèvement au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne, quand le débat européen, central pour notre vie politique, est maintenant relégué à de rares séances de questions-réponses techniques ! Oui, chers collègues, le Sénat gagnerait à se saisir de la politique européenne. (MM. André Gattolin, Simon Sutour et Pierre Ouzoulias applaudissent.) Je vous remercie de confirmer ainsi notre convergence !

La contribution de la France au budget de l’Union européenne s’établit à 21,515 milliards d’euros pour 2019. Elle doit être approuvée. Que le quinquennat précédent semble loin, quand, à la fin de chaque année, l’exécution partielle des engagements budgétaires européens offrait une recette importante sans fatigue ! Il en allait de même pour les charges d’intérêts de la dette ou la réduction des dotations aux collectivités. Toutes ces économies réalisées sans grand effort et sans mérite ont été brûlées dans l’augmentation des dépenses publiques… Avec une meilleure exécution en fin de mandat de la Commission, notre budget pour 2019 devra, à l’inverse, absorber une augmentation de la contribution au budget européen de plus de 8 %.

Nous ne pouvons pas tout demander à l’Europe sans lui en donner les moyens. La première pédagogie à mettre en œuvre envers nos concitoyens est d’expliquer que le budget de l’Union européenne s’élèvera, en 2019, à 165,5 milliards d’euros, quand celui de notre pays sera de 390,8 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront plus de 500 milliards d’euros pour le budget social : c’est clairement l’inverse de ce dont notre opinion publique est probablement convaincue.

Gardons-nous de tenir deux discours, l’un à Paris, l’autre à Bruxelles, s’agissant du futur cadre financier pluriannuel 2021-2027. Avec un budget européen représentant 1,11 % du revenu national brut, il ne sera pas possible d’absorber la perte des 14 milliards d’euros de la contribution britannique ou les 20 milliards à 30 milliards d’euros de dépenses liées aux politiques nouvelles que l’Europe souhaite mener en matière, par exemple, de migrations, de défense ou de lutte contre le terrorisme : cela supposerait de porter la participation des pays membres à 1,2 % du RNB. La France en a-t-elle les moyens et la volonté ? Si tel est le cas, au prix de quelles économies parallèles se fera cette augmentation ? Nous touchons là au sujet d’actualité qui paralyse notre pays, au moins partiellement, et qui préoccupe à juste titre chacune et chacun d’entre nous. Cette question de l’augmentation de notre niveau de participation, et en particulier de la capacité budgétaire de notre pays à y faire face, conditionne le financement des fonds de cohésion et de la politique agricole commune.

L’Europe dépend de la contribution des États plus encore que nos collectivités ne dépendent des dotations de l’État. L’autonomie fiscale revendiquée par les collectivités locales françaises est aussi un sujet en ce qui concerne l’Union européenne, avec en arrière-plan la question des ressources propres, telles que la taxe sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés, ainsi que, pour des montants sans doute plus importants, celle des revenus très sous-fiscalisés de l’économie numérique.

Les solutions à nos principaux problèmes sont largement européennes. La maîtrise des migrations, par exemple, ne se joue pas à l’échelle d’un seul État, mais met en œuvre plusieurs modes d’action convergents à celle du continent européen.

Les États-Unis, la Chine, la Russie, parmi d’autres pays, ont engagé un nouveau cycle historique et, à ce titre, probablement durable, dans lequel le rapport de force est devenu une forme de norme sociale mondiale. Le défi est donc lancé non pas à la France, à la Belgique, à la Suède ou à n’importe quel autre pays du continent, mais bien à tous les Européens, qui ont constitué au fil du temps la première économie et le premier marché mondial et qui, instruits par les souffrances de l’histoire, connaissent l’importance d’une régulation multilatérale ou les risques engendrés par des inégalités économiques toujours plus grandes.

C’est dire, mes chers collègues, que le bon sens, la raison, l’expérience veulent que nous affirmions une véritable ambition européenne, et pas simplement une « ambition-discours », pour reprendre une formule que j’ai entendue lors de la discussion générale sur le projet de loi de finances. S’il vous restait un doute à cet égard, les fractures britanniques et l’angoisse qui se fait jour devant le saut dans le vide devraient achever de vous convaincre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. André Gattolin et Simon Sutour applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (M. Emmanuel Capus applaudit.)

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le début de nos échanges sur le projet de loi de finances pour 2019 nous amène, tout naturellement, à examiner l’article 37 relatif à la participation de la France au budget de l’Union européenne.

C’est un sujet de première importance, sachant que la France est le deuxième contributeur net européen, après l’Allemagne, avec 20,6 milliards d’euros versés en 2018. Notre participation au budget européen représente ainsi environ 15 % de l’ensemble des contributions nationales.

En retour, la France a bénéficié de 14,5 milliards d’euros de dépenses, soit 11 % des dotations accordées aux États membres. Notre pays est, par exemple – il faut le souligner –, le premier bénéficiaire des dépenses de la politique agricole commune, avec une dotation européenne de près de 9 milliards d’euros. Tout en modernisant la PAC, il est donc d’un intérêt majeur, pour nos agriculteurs et pour notre pays tout entier, que son montant soit préservé dans le futur cadre financier pluriannuel.

Je voudrais ici rappeler à ceux qui fustigent la prétendue « gabegie de Bruxelles » que l’Union européenne redistribue la quasi-intégralité de ses moyens aux États membres : 6 % seulement des dépenses européennes sont consacrées au fonctionnement administratif des institutions.

Néanmoins, certaines critiques sont justifiées. En matière de budget européen, le statu quo n’est plus possible. Nous sentons bien que l’action quotidienne de l’Union européenne, tellement indispensable pour de nombreux projets locaux, n’est pas mesurée à sa juste valeur par les Français. Il faut que les dépenses de l’Union européenne soient plus visibles, plus proches des citoyens, davantage tournées vers leurs préoccupations concrètes.

Il est plus que temps de donner à l’Union européenne les moyens d’agir. Le rapport Monti de l’année dernière a tiré la sonnette d’alarme quant à l’urgence de réformer le budget européen. Le Parlement européen a pris récemment des positions très fortes sur le futur cadre financier pluriannuel, en réclamant un budget s’établissant à 1,3 % du RNB des États membres, ce qui serait du jamais-vu.

La nécessité d’une refonte du budget européen vaut pour les recettes comme pour les dépenses.

Concernant les recettes, il faut que l’Union européenne se dote enfin de véritables ressources propres. Dans l’idéal, le prélèvement sur recettes que nous examinons aujourd’hui ne devrait plus exister, ou en tout cas ne constituer qu’une part marginale du financement de l’Union européenne.

Plusieurs hypothèses sont sur la table, mais je ne retiendrai que les plus réalistes à court terme : attribuer à l’Union européenne une part de l’assiette harmonisée de l’impôt sur les sociétés, les recettes tirées du système européen d’échanges de quotas d’émission, une taxe sur les bénéfices des GAFA… Après le Brexit, il faudra également mettre fin à la logique des rabais sur les rabais, qui grève le budget de l’Union.

Concernant les dépenses, le budget de l’Union européenne doit mieux prendre en compte les priorités des Européens et être tourné vers l’avenir. Une des priorités doit être d’assurer la protection des Européens, en consacrant plus de moyens à la gestion des frontières de l’Union et à la défense européenne.

Le budget européen doit également contribuer à faire de notre économie une économie de la connaissance performante et compétitive. À cette fin, nous soutenons une hausse des crédits destinés à l’innovation, à la recherche et au marché unique du numérique.

Soyons réalistes : face aux géants américains ou chinois, seule une stratégie européenne commune en matière d’innovation nous permettra de rester compétitifs au plan mondial.

Madame la ministre, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires sont convaincus que, face aux nouveaux défis de ce siècle, une action collective au plan européen est la seule solution viable. Vous avez mené des consultations auprès de nos concitoyens, qui disent peu ou prou la même chose : c’est ensemble que nous serons plus en sécurité, plus prospères et plus forts. Dans cette perspective, la France et ses partenaires doivent enfin donner à l’Union européenne les moyens de ses ambitions, qui sont immenses, à la mesure des attentes de nos concitoyens. (MM. Marc Laménie et Simon Sutour applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, heu-reux ! Heureux je suis, comme Fernand Raynaud dans son sketch éponyme, l’un des plus célèbres de sa grande carrière ! (Sourires.)

Je suis heureux de pouvoir m’exprimer aujourd’hui, à la tribune du Sénat, sur l’article 37 de ce PLF pour 2019 concernant le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne.

Ceux qui m’écoutent doivent penser que je suis devenu fou… fou de me réjouir d’avoir à m’exprimer sur un article aussi aride qui, à défaut de tenir dans la main, comme le schmilblick de Coluche, tient en revanche aisément dans un tweet, puisqu’il ne comporte que 187 signes, espaces compris ; fou de me réjouir d’un prélèvement de 21,5 milliards d’euros, en hausse de 1,6 milliard d’euros par rapport à l’an passé.

Je fais en effet partie de celles et ceux qui trouvent que le budget européen – à peine plus de 1 % du revenu national brut des États membres de l’Union – est bien trop faible au regard des défis que nous avons à assumer en commun, dans un monde toujours davantage soumis à des forces centrifuges.

Mais la raison principale de ce bonheur momentané est ailleurs. Je suis simplement heureux de pouvoir m’exprimer et porter la parole de mon groupe pendant près de six minutes sur un sujet européen. Il faut bien le dire, les occasions de ce genre sont devenues de plus en plus rares dans cette enceinte depuis que la majorité du Sénat a choisi de supprimer purement et simplement le temps d’expression politique des groupes à l’occasion des débats en séance publique qui se tenaient autrefois en amont de chaque Conseil européen. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Simon Sutour. Il s’agit d’une suppression à titre expérimental !

M. André Gattolin. Ces débats offraient pourtant une formidable occasion à la représentation nationale, dans toute sa diversité, d’exprimer publiquement ses attentes et ses exigences envers le Gouvernement quant aux discussions européennes à venir.

Hélas, faute de temps disponible – paraît-il –, cela n’est déjà plus qu’un glorieux souvenir. Désormais, nous devrons nous contenter d’une simple question de deux minutes par intervenant – espaces compris ! –, et ce en aval des réunions du Conseil européen. Ce sera, n’en doutons pas, absolument passionnant pour ceux qui n’en auront pas encore lu les conclusions dans la presse…

Dans les circonstances présentes, ce souci de parcimonie du temps de parole de nos très hautes autorités sénatoriales tombe particulièrement mal ! Ce dimanche 25 novembre se tiendra en effet un Conseil européen extraordinaire consacré à la question, cruciale, de l’accord trouvé sur les conditions de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

C’est ballot, mais notre belle et haute assemblée n’aura pas l’heur de s’exprimer publiquement, dans la diversité de sa composition politique, sur ce sujet pourtant capital.

Ce qui est encore plus ballot, c’est que nous sommes à six mois des prochaines élections européennes, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles seront déterminantes pour le devenir de l’Union européenne…

Vous me connaissez, comme je suis bienveillant par nature et bienséant par devoir, je n’ose voir dans cette décision à contretemps une quelconque manœuvre politique d’une majorité sénatoriale peut-être encore un peu agacée de n’avoir pu devenir majorité politique lors des élections de l’an dernier.

Il y aura tout de même bien une expression publique du Sénat à rebours sur ces questions européennes, puisque les séries de questions posées ex post au Gouvernement seront introduites – en toute impartialité, cela va de soi – par des interventions de huit minutes chacune de deux ou trois présidents de commission, cela devant un hémicycle sans doute plein à craquer un lundi en début d’après-midi…

Tout cela sera très économe en temps et, n’en doutons pas, parfaitement proportionné, au regard des équilibres politiques au sein de notre assemblée. Le débat démocratique et pluraliste sur l’Europe dans cette maison en sortira très certainement grandi !

Le Sénat, qui a toujours veillé à se différencier – en bien – de l’Assemblée nationale et qui s’est longtemps enorgueilli d’organiser systématiquement de tels débats préalables à la tenue de chaque Conseil européen, vient ainsi de procéder, au choix, à un rehaussement par le bas ou à un arasement par le haut, comme disait Raymond Devos.

Je ne cherche bien évidemment pas, madame la ministre, à vous faire commenter cette décision souveraine du Sénat, mais seulement à savoir si ces débats en séance publique en amont de chaque Conseil européen présentaient ou non pour vous une utilité dans la perspective de la construction et de la défense des positions de la France.

Enfin – je le dis non par pure bienséance, mais bien en raison de la gêne réelle que j’éprouve à l’endroit de mes ex-collègues de la commission des finances –, je vous prie de bien vouloir m’excuser de m’être livré à ce détournement un peu cavalier du débat budgétaire ! Je tiens aussi à vous dire, sans surprise et sans suspense, que le groupe La République En Marche votera en faveur de l’adoption de l’article 37 du projet de loi de finances pour 2019.

M. Julien Bargeton. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste et républicain, j’interviendrai dans le même sens que mes collègues au sujet de la suppression des interventions des groupes politiques lors des débats préalables aux Conseils européens. Je voudrais cependant rassurer M. Gattolin : cette suppression n’est qu’expérimentale, et la conférence des présidents réexaminera cette question le 19 décembre prochain. Notre collègue Jean Bizet émettra alors des propositions de nature à nous satisfaire : nous l’appuyons dans son action, dont nous savons qu’elle est difficile. Reste qu’il n’est pas pensable qu’un débat préalable à un Conseil européen ne permette pas l’expression des différents groupes politiques et se borne à une série de questions-réponses. J’ajoute que le prochain débat de ce type aura lieu le 17 décembre, soit après la tenue du Conseil européen ! C’est la première fois que je vois cela en vingt ans de présence dans cette assemblée. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir rappeler à la présidence qu’il existe un article 88 de la Constitution, qu’il convient d’appliquer ! (MM. André Gattolin et Pierre Ouzoulias applaudissent.)

Nous discutons aujourd’hui du prélèvement sur recettes au titre de la participation de la France au budget européen pour 2019, alors que le débat sur le cadre financier pluriannuel pour l’après-2020 est d’ores et déjà engagé. Je ne reviendrai pas sur les éléments budgétaires de ce prélèvement ; ils sont largement détaillés dans l’excellent rapport de notre collègue Patrice Joly.

Je constate avec satisfaction la montée en charge de nombreuses politiques sectorielles, notamment celles en direction de la jeunesse, avec Erasmus +, mais aussi l’augmentation de l’investissement dans l’innovation ou dans la protection des citoyens européens, avec un accent particulier mis sur la protection de nos frontières extérieures, la sécurité et l’accueil des demandeurs d’asile.

Avec l’exécution du cycle budgétaire actuel, l’Union européenne a montré, pour la première fois depuis sa création, qu’elle pouvait répondre financièrement et politiquement de manière dynamique à un certain nombre de défis.

Madame la ministre, nous sommes à quelques jours d’une réunion cruciale du Conseil européen, puisque celui-ci devra se prononcer sur l’accord relatif à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le Conseil européen va-t-il l’approuver, et dans l’affirmative le Parlement britannique en fera-t-il de même ? Comme beaucoup d’entre nous, j’ai beaucoup d’inquiétudes à ce sujet, car les conséquences d’un rejet seraient terribles tant pour les Britanniques que pour les Européens.

J’observe que ce Conseil européen d’une importance majeure pour le cadre budgétaire comme pour l’avenir de l’Union européenne n’aura pas fait l’objet d’un débat au Sénat ! Nous en sommes réduits à nous appuyer sur l’examen de l’article 37 du PLF pour aborder cette question, d’une manière qui ne sera pas exhaustive.

Le Parlement européen juge, à juste titre, que les grandes orientations du projet de cadre financier présenté par la Commission européenne sont, de manière générale, très en retrait par rapport aux enjeux actuels. Si des efforts vont être consentis, ce dont je me félicite, dans les domaines de la défense et de la sécurité intérieure, d’autres politiques, notamment en faveur de la jeunesse, comme Erasmus + ou l’initiative pour l’emploi des jeunes, ou dans les domaines de la recherche ou de la lutte contre le changement climatique, devraient faire l’objet de beaucoup plus de soutien. Le fait que certains pays demandent une diminution du budget européen complique bien entendu l’équation. Les eurodéputés exigent que le futur cadre financier pluriannuel s’élève à 1,3 % du revenu national brut, quand la Commission propose de s’en tenir à 1,13 %. Leur point de vue est à l’évidence largement partagé sur les différentes travées de notre hémicycle.

Madame la ministre, je le dis pour vous aider : nous souhaiterions que le Gouvernement français soit plus déterminé et agisse plus fermement pour la construction d’un budget européen fort. En effet, les deux principaux postes budgétaires – la politique agricole commune et les fonds structurels – sont en danger et l’on annonce leur diminution. Celle-ci serait franche pour la PAC, alors même que le budget global est en hausse. Quant aux crédits alloués aux politiques de cohésion, leur diminution découlerait de nouveaux mécanismes de calcul. Cela n’est pas acceptable : on ne peut pas réduire le budget de la PAC et la renationaliser partiellement au moment où les enjeux de biodiversité, de santé humaine et de reconversion prennent une telle importance. La France a besoin de la PAC, qui doit être réorientée pour accompagner les petites et moyennes exploitations agricoles, surtout en zones de montagne et de moyenne montagne et, bien entendu, sur le pourtour méditerranéen.

De même, un affaiblissement des fonds structurels serait un bien mauvais calcul. Sans ceux-ci, en effet, de nombreuses régions européennes verraient leur développement stoppé net. Un ciblage des territoires les plus fragiles permettrait, de ce point de vue, d’atteindre une plus grande efficacité, le produit intérieur brut d’un pays ou d’une grande région ne signifiant rien : en Occitanie, ma région, on sait que les Cévennes n’ont pas les mêmes besoins que le bassin toulousain, par exemple.

Je comprends bien les contraintes nationales comme européennes, et je sais qu’il n’est jamais aisé de construire un budget. L’intégration européenne ne sera aboutie que lorsque l’Union européenne disposera de ressources propres importantes : c’est le chantier majeur de ces prochaines années.

La France a un rôle moteur à jouer de ce point de vue, madame la ministre, et nous soutenons l’action du Gouvernement dans ce domaine, en souhaitant qu’il s’implique plus fortement.

L’heure est venue d’agir. Nous connaissons toutes et tous les forces et les faiblesses de l’Union européenne ; il faut désormais nous mobiliser pour en faire un espace inclusif de paix, de croissance, de prospérité, d’égalité et de bien-être. Le groupe socialiste et républicain, très attaché à l’Union européenne, votera bien évidemment l’article 37. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail réalisé par le rapporteur spécial, M. Patrice Joly, en lien avec les membres des commissions des finances et des affaires européennes.

Le prélèvement sur recettes de 21,52 milliards d’euros au profit de l’Union européenne constitue une dépense importante. C’est une dépense obligatoire de solidarité entre États membres, qui représente le cinquième poste de notre budget, après l’enseignement scolaire, la défense, les engagements financiers de l’État, l’enseignement supérieur et la recherche.

Ce prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne progresse pour la deuxième année consécutive et atteint un niveau inégalé. Il repose sur deux ressources, outre 1,7 milliard d’euros de droits de douane : la TVA, pour 4,5 milliards d’euros, et la ressource fondée sur le revenu national brut, à hauteur de 16,96 milliards d’euros.

Le projet de budget européen pour 2019 présenté par la Commission européenne en mai dernier s’établit à 149 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,7 % par rapport à 2018, avec deux postes de dépenses importants : croissance intelligente et inclusive, d’une part, croissance durable et ressources naturelles, d’autre part. Viennent ensuite d’autres rubriques, telles que la sécurité et la citoyenneté, l’Europe dans le monde et l’administration, notamment.

Fixer ce prélèvement constitue un exercice difficile, reconnaissons-le. La politique agricole commune et la politique de cohésion représentent toujours, respectivement, 38 % et 31 % des crédits de paiement.

Le rapport que la Cour des comptes a présenté à notre commission des finances le 10 octobre dernier, intitulé « La chaîne de paiement des aides agricoles (2014-2017) : une gestion défaillante, une réforme à mener », établit de manière très pédagogique un bilan des importantes difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la politique agricole commune et des incidences de celles-ci sur le paiement à 350 000 agriculteurs de France des aides du Fonds européen agricole de garantie, le FEAGA, et du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER. Il paraît donc indispensable de simplifier le processus et de travailler à cette fin en concertation avec l’ensemble des – nombreux – partenaires : États, Union européenne, directions, Agence de services et de paiement.

Compte tenu du fait qu’il s’agit d’une dépense indispensable et obligatoire, le groupe Les Républicains suivra l’avis du rapporteur spécial et votera l’article 37 du projet de loi de finances pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, l’examen de l’article 37 du projet de loi de finances est important.

La participation de la France au budget de l’Union européenne s’élèvera l’année prochaine à 21,5 milliards d’euros. La France contribuera ainsi à hauteur d’environ 15 % au budget de l’Union européenne.

Il faut nous rappeler que le budget européen n’est pas qu’un exercice comptable ; il est porteur d’une vision pour l’avenir de l’Europe.

Trois défis majeurs nous attendent en 2019, pour une Europe unie, forte, solidaire et plus efficace : la politique agricole commune, le Brexit et les migrations.

La politique agricole commune est particulièrement visée par une réduction de son financement dans le cadre de la programmation financière pour 2021-2027.

Je me dois de rappeler que la PAC est le budget fondateur de l’Union européenne. Cette ressource est essentielle, vitale pour nos agriculteurs, qui ont aujourd’hui de plus en plus de mal à faire face à l’ensemble des charges qui pèsent sur eux. La France doit se battre pour le budget de la PAC ; il y va de la survie de nos agriculteurs ! Au sein de l’Europe, la France doit garder son leadership agricole, car c’est un facteur d’attractivité majeur pour notre pays.

En ce qui concerne le Brexit, les vingt-sept pays européens ont conclu avec Londres, le 19 novembre dernier, un accord de séparation négociée. Toutefois, d’autres étapes majeures doivent être franchies avant l’approbation de ce texte, en particulier la ratification de celui-ci par le Parlement européen et le Parlement britannique. Cette semaine sera décisive, avant le Conseil européen exceptionnel de dimanche prochain, qui pourrait déboucher sur un accord définitif.

Le Brexit pourrait servir de catalyseur pour réformer l’Europe et lui donner un nouveau souffle. Le peuple souhaite plus de transparence et comprendre à quoi sert l’Europe.

En dehors des défis économiques et politiques, l’Europe doit relever le défi migratoire.

La question migratoire est aujourd’hui à l’origine d’une profonde crise politique et humaine. La rhétorique sur la fermeture des frontières et le traitement des demandes d’asile en dehors du territoire européen est particulièrement inquiétante, à la fois pour la solidarité européenne et pour le respect de nos valeurs.

L’immigration irrégulière aux frontières de l’Europe est en constante augmentation depuis 2015. L’augmentation budgétaire prévue au bénéfice de FRONTEX est de 333 millions d’euros, soit une hausse de 4 % par rapport au budget de cette année. Cette augmentation va dans le bon sens, mais elle ne permettra pas, hélas, de traiter l’ensemble des problèmes migratoires et des risques non maîtrisés à ce jour.

Ces trois défis ne pourront être relevés que si nous travaillons ensemble autour des valeurs communes fondatrices de l’Europe. C’est ensemble que nous serons plus forts !

Le groupe Les Républicains suivra l’avis de la commission des finances et votera l’article 37 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Colette Mélot, MM. Yvon Collin et André Gattolin applaudissent également.)