Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on a coutume d’assigner à la France, souvent de manière hâtive, le trophée peu valorisant de « championne du monde de la grève ». Bien entendu, un tel jugement méconnaît assez largement notre histoire sociale, dont l’un des produits, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, a érigé à juste titre le droit de grève en droit fondamental.

Si ce droit doit être défendu sans concession, sa compatibilité avec le principe de continuité du service public n’en est pas moins fondamentale.

Or, si le contrôle de la circulation et de la navigation aériennes constitue bien un service public assuré par des fonctionnaires, ce dernier échappe de manière difficilement compréhensible à certaines règles de droit commun s’agissant du service minimum.

Cela a été dit, en 2012, la loi « Diard » avait instauré le principe d’un préavis individuel de grève de quarante-huit heures pour tous les salariés des entreprises ou établissements concourant directement à l’activité de transport aérien de passagers, en particulier lorsque leur absence est de nature à affecter la réalisation des vols.

Je pense pouvoir affirmer, mes chers collègues, qu’il est difficile de nier que les contrôleurs aériens participent au service public du transport aérien de passagers ! Extrêmement technique, cette profession est indispensable, à la fois, pour la souveraineté de notre espace aérien, pour la sécurité des passagers, pour la coordination des vols et pour la bonne tenue du ciel européen, dans lequel la France occupe une place centrale.

Or, cette profession n’est pas soumise au principe du préavis de grève individuel de quarante-huit heures, alors même que les mouvements sociaux qu’elle organise ont des conséquences massives pour nos concitoyens. La proposition de loi de notre collègue Joël Guerriau nous offre donc la possibilité de corriger cet oubli – va-t-on dire… –, en exigeant des contrôleurs aériens un préavis individuel de grève de quarante-huit heures, selon un alignement logique sur les règles auxquelles sont soumis les autres personnels participant directement à la réalisation du service de transport aérien de passagers.

J’en veux pour preuve le fait que les contrôleurs aériens n’ont jamais été entravés dans l’exercice de leur droit de grève. Le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, ou ICNA, fait partie de ceux qui en font le plus grand usage dans la fonction publique d’État.

Entre 2004 et 2016, les contrôleurs aériens ont effectivement accumulé plus de 250 jours de grève, entraînant une perte d’environ 300 millions d’euros par an pour les compagnies aériennes, mais surtout des conséquences néfastes pour des millions de passagers. Et c’est sans parler des conséquences financières pour l’État. L’activité du contrôle est facturée aux compagnies aériennes au titre d’une redevance pour service rendu. Chaque journée dépourvue de contrôle coûte ainsi à l’État entre 3 et 4,5 millions d’euros. Et c’est sans parler non plus des conséquences et pertes financières pour le tourisme français, comme l’a indiqué mon collègue Joël Guerriau.

Cette situation, qui conduit la France à être responsable du tiers des retards dus aux contrôles en Europe, n’est plus acceptable !

Elle est d’autant moins compréhensible pour nos concitoyens que les contrôleurs aériens bénéficient de conditions de travail et de rémunération objectivement très favorables et déjà revalorisées en 2016 par le dernier protocole social de la DGAC. Si, naturellement, nous comprenons que cela soit cohérent avec les lourdes responsabilités dont les contrôleurs aériens ont la charge, il nous apparaît comme une juste contrepartie que nous puissions avoir une meilleure visibilité sur l’organisation de leurs grèves.

La mesure de l’enjeu dépasse largement les frontières nationales, puisque la France est le centre névralgique de la circulation aérienne en Europe, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Nous disposons, en effet, du premier espace aérien du ciel européen, avec plus de 8 600 contrôles effectués chaque jour, chiffre dont l’augmentation est constante depuis maintenant plusieurs années. C’est d’ailleurs pour cette raison que le « coût temporel » d’un jour de grève sur le trafic est beaucoup plus important en France – 35 000 minutes environ – qu’en Allemagne, en Italie ou en Grèce. Au-delà des questions intérieures, cette position nous impose donc une forme de responsabilité, qui, pour commencer, exigerait une amélioration de l’information sur l’organisation des mouvements sociaux dans le secteur aérien.

Pour toutes ces raisons, une large majorité du groupe du RDSE soutiendra la proposition de loi du groupe des Indépendants – République et Territoires.

Toutefois, nous attirons l’attention sur la nécessité d’explorer les autres pistes suggérées par notre collègue Vincent Capo-Canellas pour améliorer l’état du trafic aérien en France, notamment dans le cadre du prochain protocole social de la DGAC. Nous pensons, par exemple, à la réforme en profondeur des rythmes de travail des contrôleurs aériens, dont les effets attendus en termes de fluidification du service sont particulièrement prometteurs.

Pour Henri Bergson, mes chers collègues, un problème bien posé était un problème à moitié résolu. Nous avons fait la moitié du chemin, en discutant de ce sujet ; ayons le courage de parcourir l’autre moitié, en votant cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, un certain nombre d’orateurs avant moi ont bien voulu citer le modeste rapport…

M. Bruno Sido. L’excellent rapport !

M. Vincent Capo-Canellas. … que j’ai été amené à présenter à la commission des finances et qui a été publié à la fin du mois de juin, juste avant le dépôt de cette proposition de loi par notre collègue Joël Guerriau.

Voici la recommandation que j’avais moi-même formulée dans ce cadre : « appliquer la loi Diard aux contrôleurs aériens, en l’adaptant aux caractéristiques du service minimum auquel ils sont déjà astreints ». Elle comprenait donc deux volets : premièrement, l’application de la loi Diard ; deuxièmement, son adaptation aux caractéristiques du service minimum déjà imposé aux contrôleurs aériens.

Ce rapport a fait du bruit, eu égard au nombre de jours de grève que j’ai révélé dans ce document, mais également au rappel que j’ai fait de cette exigence : il faut donner à la France, grande nation aéronautique – la deuxième au monde aujourd’hui, la plus belle pour moi et, sans doute, pour nous tous – la capacité de faire voler les avions dans les meilleures conditions possible pour les passagers et les compagnies. Cela exige de limiter les retards et, surtout, de permettre que le trafic se fasse, au moment même où celui-ci va croissant – 4,8 %, d’augmentation cette année et entre 2,5 % et 5 % l’année prochaine.

Le contrôle aérien est donc essentiel pour coordonner les compagnies et les installations au sol, gérer le survol et la circulation des avions, et nos contrôleurs aériens sont mondialement reconnus. L’École nationale de l’aviation civile a un rôle pilote dans le monde entier et, de par son excellence, elle est en mesure de nouer des partenariats. Nous pouvons nous enorgueillir de ce service public !

Toutefois, il faut aussi pouvoir regarder ses failles et ses difficultés – j’en ai cité plusieurs dans ce rapport, qui se voulait constructif en posant un certain nombre de problématiques.

J’ai indiqué qu’il fallait réfléchir au nombre de contrôleurs aériens, c’est-à-dire desserrer la contrainte en termes d’effectifs : le trafic augmentant, nous avons besoin de plus de contrôleurs aériens !

J’ai également recommandé de se mettre en situation de moderniser les logiciels et matériels, au regard du trafic à faire passer.

Enfin, j’ai appelé au dialogue social, à plus de mobilité, à plus d’agilité dans l’organisation du temps travail, toujours en vue de s’adapter aux évolutions du trafic. C’est dans ce cadre que j’ai mis en avant la question des jours de grève et formulé la recommandation précédemment citée.

Il s’agit bien de mener avec les contrôleurs aériens – cela passe, à mon sens, par le dialogue social – une démarche de modernisation consistant à ajouter, à un service minimum qui existe déjà, à des réquisitions qui existent déjà et qui, par exemple, seront encore mises en œuvre vendredi prochain, car un mouvement social est prévu ce jour-là, une obligation de se déclarer gréviste à l’avance.

J’insiste sur ce point, car il y a là, tout de même, une singularité. Nous devons conjuguer deux systèmes – le service minimum, qui, contrairement à la RATP ou la SNCF, est déjà mis en œuvre, et cette obligation de se déclarer gréviste à l’avance – et cela demande d’instaurer un minimum de dialogue et de traiter un certain nombre de questions juridiques.

Effectivement, d’autres l’ont dit avant moi, le moment n’est pas forcément le meilleur ! Certains objecteront que ce n’est jamais le bon moment, mais il ne faut pas négliger la tenue des élections professionnelles, le fait que nous sommes en fin d’année, à quelques semaines des vacances, et, surtout, le climat actuel dans le pays.

Je veux insister sur le fait que mon rapport était un tout. C’est dans cet ensemble qu’il faut, je crois, progresser, c’est-à-dire allier modernisation des logiciels et matériels, dialogue social, problématique du droit de grève et augmentation, nécessaire, du nombre de contrôleurs.

La réalité à laquelle nous sommes confrontés revêt bien plusieurs dimensions : faiblesse des effectifs, déficit technique et besoin d’agilité sociale. Toutes ces questions doivent être traitées en parallèle.

La direction des services de la navigation aérienne, la DSNA, a besoin de se projeter dans un avenir partagé avec l’ensemble des contrôleurs. Je voudrais donc, tout en indiquant la position favorable de mon groupe sur une disposition que j’avais moi-même proposée, exprimer deux interrogations : je ne suis pas certain qu’il y ait, aujourd’hui, l’accompagnement social et le temps de dialogue nécessaires à ce projet, d’une part, et, d’autre part, que le dispositif soit totalement au point, même s’il va dans le bon sens.

De manière générale et, en particulier dans ce secteur, je crois au dialogue social. C’est ensemble que les personnels de la DSNA, avec les équipes de direction de la DGAC, réussiront à franchir le palier de l’augmentation du trafic. Attention aux clichés, mes chers collègues ! J’ai compté à peu près 20 % de retards dus aux grèves : c’est beaucoup, mais le taux est bien de 20 % !

Il faut aussi se rappeler que le droit de grève est un droit constitutionnel, qu’il importe de garantir, d’où la complexité de la question. Nous sommes ici sur un sujet social et dans un domaine conflictuel. Il est de notre devoir de gérer le dialogue social, en essayant de prévenir la conflictualité, comme Mme la ministre l’a précédemment rappelé.

En outre, certaines questions doivent, me semble-t-il, être approfondies. Comment concilier le service minimum, qui existe déjà, et cette obligation nouvelle, qu’il est nécessaire d’instaurer ? C’est un point difficile ! Pour ma part, je ne souhaite pas que l’obligation de se déclarer gréviste vienne affaiblir le système des réquisitions. Assurer la solidité de l’édifice juridique m’apparaît être un élément majeur.

Enfin, je veux dire que, si nous parvenons à un résultat, nous aurons une spécificité en Europe, car aucun des services européens de navigation aérienne n’a, à ce jour, réussi à concilier ces deux systèmes. Cela mérite, à mes yeux, quelques égards et un certain délai de concertation, ce qui n’a pas forcément été le cas jusqu’à présent.

Pour résumer ma position et celle de mon groupe, nous sommes favorables à la proposition de loi, mais nous aurions souhaité plus de concertation avec les organisations professionnelles et syndicales, ainsi qu’un approfondissement des questions juridiques liées à la juxtaposition de deux systèmes tout de même complexes.

S’agissant de droit social et d’un service majeur pour la France, qui est un grand pays aéronautique, il va falloir créer les conditions permettant à tous les acteurs de se réunir, d’aller de l’avant et de se mobiliser autour d’un projet industriel et d’un projet aéronautique majeur, attendu par les compagnies.

J’espère que ce calendrier, qui me paraît quelque peu resserré, ne nuira pas à l’objectif que nous devons atteindre, ensemble, à savoir éviter la conflictualité trop souvent de mise et, surtout, mettre en place un système pérenne, afin d’offrir aux voyageurs, qui sont au centre du dispositif, un service public amélioré. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je n’ai pas la connaissance pointue du sujet de Vincent Capo-Canellas, qui vient de s’exprimer, ni le talent de Pierre Soulages pour peindre des tableaux en noir. Mais je voudrais rappeler quelle est la traduction concrète de la problématique que nous avons à traiter ce soir.

Courriel à 23 heures informant de perturbations possibles pour un avion aux aurores et vous invitant à repousser votre voyage.

Lignes téléphoniques saturées pour les passagers, bien sûr, et, après des minutes d’attente cadencées par les Quatre Saisons de Vivaldi, il vous est répondu que la compagnie de dispose pas d’informations concernant votre vol.

Arrivée au petit matin, angoissé, dans un aéroport bondé.

Attente jusqu’à plusieurs heures dans des salles de l’aéroport ou, pour les moins chanceux – ce fut mon cas le 22 mai –, dans un avion cloué au sol dont vous ne pouvez pas sortir, pendant que l’on est parti chercher un contrôleur aérien quelque part, à l’autre bout du département.

Enfin, remboursement des billets perdus, rarement à la hauteur du coût engagé.

Telles sont actuellement, mes chers collègues, les conséquences de l’exercice du droit de grève des contrôleurs aériens pour nos concitoyens !

Malheureusement, dans ce domaine, la France s’illustre, comme plusieurs orateurs l’ont rappelé en citant le rapport de Vincent Capo-Canellas. Un chiffre a été retenu par la presse : 67 % des jours de grève de l’ensemble des contrôleurs aériens en Europe sont le fait de fonctionnaires français !

Ce constat, et les grèves qui, comme chaque année, ont rythmé le printemps dernier nous appelaient à agir. Je soutiens donc pleinement la proposition de loi déposée par notre collègue Joël Guerriau, ayant d’ailleurs déposé, avec ma collègue Christine Bonfanti-Dossat, une proposition de loi dont les dispositions sont tout à fait semblables.

Nos objectifs sont clairs : obliger les contrôleurs aériens à déclarer individuellement leur intention de participer à la grève, afin d’ajuster l’organisation des services de transport aériens ; conserver le plein exercice de leur droit de grève ; éviter de prendre en otage les passagers et d’intensifier des situations de crise, qui peuvent être évitées avec un peu de bonne volonté.

À ceux qui tenteront de faire croire que ces formalités portent atteinte à l’exercice du droit de grève, je répondrai que le nombre de jours de grève dans les transports n’a sans doute pas baissé depuis que le service minimum, via la loi Diard, est entré en vigueur.

Par ailleurs, on ne peut comprendre que seuls les fonctionnaires, qui, je le rappelle, sont des agents du service public – j’insiste sur le mot « service » –, soient le maillon qui perturbe cette chaîne. Tous les autres métiers de la chaîne de préparation du vol ont une obligation de déclaration, permettant aux établissements et entreprises qui les emploient d’appréhender l’ampleur de la grève, donc de déployer les mesures nécessaires au respect du service minimum.

Inclure les contrôleurs aériens dans ce cadre est d’autant plus important que, comme l’a rappelé Alain Fouché, notre rapporteur, une journée de grève coûte à la DGAC entre 3 et 4 millions d’euros.

J’y insiste, il ne s’agit que d’instaurer une obligation d’information de participation à une grève, une simple obligation d’information, mes chers collègues ! Mais elle permettra de lutter contre le manque de prévisibilité et de contenir des perturbations dommageables sur le plan humain, comme financier.

Bien entendu, l’instauration d’une telle obligation aurait pu s’inscrire dans un texte plus large, incluant d’autres services publics, comme les services postaux, auxquels, je le sais, ma collègue Christine Lavarde est particulièrement attachée.

Bien entendu, je comprends les doutes concernant l’opportunité de l’examen de ce texte au moment où une période d’élections syndicales vient de s’achever. J’ai moi-même été alerté par certains syndicats sur le risque de fragilisation des plus réformistes d’entre eux. J’entends ce risque, très relatif, mais puisque l’occasion nous est donnée de prendre des décisions qui vont dans le bon sens, mes chers collègues, il faut agir !

Madame la ministre, vous en appelez à notre sens des responsabilités. Nous avons le sens des responsabilités ! Et, puisque tel est le cas, nous allons achever un travail inachevé.

La flamme réformatrice de notre pays se serait-elle éteinte sur les ronds-points ? Nous ne le souhaitons pas ! « Le pire risque, c’est celui de ne pas en prendre », comme l’affirmait Nicolas Sarkozy au moment d’instituer le service minimum.

M. Bruno Sido. Bonne référence ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Voilà pourquoi je voterai, comme mes collègues du groupe Les Républicains, cette proposition de loi, certes sectorielle, mais utile pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais d’abord saluer le travail remarquable effectué par nos collègues Joël Guerriau et Alain Fouché, respectivement auteur et rapporteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Au mois de juillet dernier, quatre compagnies aériennes ont déposé plainte auprès de l’Union européenne contre la France, pour violation du respect du principe de liberté de mouvement à l’intérieur de l’Union. Il n’y a pas que sur nos ronds-points que la liberté de mouvement pose problème…

Sur la période allant de 2004 à 2016, la France a enregistré 254 jours de grève de ses contrôleurs aériens. Le second pays européen sur le podium en la matière est la Grèce ; loin de nous égaler, elle n’enregistre que 46 jours de grève sur la même période.

La situation semble d’ailleurs s’aggraver depuis quelques années : les grèves des contrôleurs aériens ont été quatre fois plus nombreuses cette année par rapport à 2017, perturbant plus de 16 000 vols depuis le début de l’année et pénalisant plus de 750 000 voyageurs.

Ces grèves à répétition retentissent sur notre économie et pénalisent nos partenaires étrangers. Selon un récent rapport de la commission des finances, la France est ainsi responsable, à elle seule, de 33 % des retards dus au contrôle aérien en Europe.

L’absence de préavis de grève effectif empêche la bonne information des passagers français et étrangers sur l’état de leur vol ; bien souvent, ils en apprennent l’annulation à la dernière minute. Aussi, la révision des statuts de grève des contrôleurs aériens, pour améliorer l’information des voyageurs, des compagnies et des institutions, apparaît-elle comme une nécessité.

La proposition de loi que nous présente Joël Guerriau vise à étendre les obligations de déclaration de grève applicables aux salariés des entreprises de transport terrestre au transport aérien. Les contrôleurs aériens, et une partie du personnel des services de la navigation aérienne, devront déclarer leur intention de participer à un mouvement de grève au moins quarante-huit heures à l’avance et informer leur employeur en cas de renoncement à la grève au moins vingt-quatre heures avant.

Ces nouvelles règles, dès leur entrée en vigueur, permettront au personnel de navigation d’anticiper les contraintes organisationnelles et de réduire, autant que faire se peut, les retards et annulations de vol.

Il ne s’agit en aucun cas d’une atteinte au droit de grève des contrôleurs aériens, dont nous mesurons les contraintes dans un contexte de hausse du trafic et de baisse des ressources. Pour autant, il est vital, pour nos économies comme pour celles de nos voisins, de préserver la régularité, l’efficacité et la bonne gestion des liaisons aériennes.

J’ai entendu l’une de nos collègues déclarer que cette proposition de loi constituait une atteinte au droit de grève constitutionnellement reconnu… Je crois que nous devons faire, auprès d’elle, amende honorable. Il est certain que le Sénat français n’a pas ni la fibre humaniste ni la sophistication technique qui lui permettrait d’appliquer un droit de grève aussi généreux, aussi favorable aux salariés que celui des pays de cocagne dirigés par ses amis Nicolas Maduro, Raúl Castro ou Xi Jinping, qui partagent son idéologie… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Éliane Assassi. L’anticommunisme vous tuera, monsieur Malhuret !

M. Claude Malhuret. Si j’avais fait un peu d’histoire, madame Assassi, j’aurais pu citer la sophistication encore plus grande à laquelle était parvenue la défunte Union des républiques socialistes soviétiques, l’URSS, que vous avez toujours soutenue.

Mme Éliane Assassi. Vous êtes dans le caniveau !

M. Claude Malhuret. Oui, dans le caniveau de l’URSS, que vous avez toujours soutenue, jusqu’à son décès prématuré, qui vous a désespérée ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Éliane Assassi. Vous êtes haineux !

M. Alain Fouché, rapporteur. C’est la réalité !

M. Claude Malhuret. Autant de pays dont chacun connaît le respect absolu des droits de l’homme et un droit de grève qui, donc, serait sans nul doute mis en œuvre en France si votre parti arrivait au pouvoir, pour le plus grand bonheur de nos concitoyens ! Mea culpa ! Mea culpa ! Mea maxima culpa ! (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)

Pour répondre aux difficultés du secteur, les assises du transport aérien organisées par le ministère des transports en mars dernier devraient rendre leurs conclusions d’ici peu.

Nous sommes demandeurs d’une véritable stratégie nationale en matière de transport aérien. Ce secteur représente 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 100 000 emplois. Il connaît de vraies difficultés, pris en tenaille entre des charges importantes et une concurrence effrénée, exercée par les compagnies du Golfe, le secteur du low cost et nos voisins européens, qui n’ont pas à supporter des charges sociales aussi lourdes que celles de nos compagnies françaises.

À titre d’exemple, pour Air France, cet écart dans les charges représenterait entre 400 et 700 millions d’euros, selon les pays.

À l’échelle nationale, les liaisons aériennes contribuent au désenclavement des territoires. Nous saluons à ce titre la volonté du Gouvernement de soutenir le développement des lignes d’aménagement du territoire, avec un montant de 15 millions d’euros supplémentaires, soit quatre fois le montant consacré à ces liaisons en 2018. Nous saluons également l’initiative de notre collègue Vincent Capo-Canellas, qui, après avoir publié un rapport remarqué – Mme la ministre y a fait allusion il y a quelques instants –, a conduit à l’adoption au Sénat, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, d’une disposition visant à alléger le poids des taxes aéronautiques sur les billets des vols intérieurs.

Chers collègues, je vous l’annonce sans surprise, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains. – Mmes Annick Billon et Véronique Guillotin applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, merci à Joël Guerriau pour le dépôt et l’inscription de cette proposition de loi et à l’excellent rapport d’Alain Fouché, qui dit tout ! Cela me permettra, je l’espère, d’obtenir ce soir une réponse à ma question écrite n° 6485, que j’ai déposée le 2 août et qui est pour l’instant restée lettre morte, ainsi que de rappeler de précédents débats au sein de cet hémicycle.

Madame la ministre, je vous interrogeais sur les intentions du Gouvernement pour limiter les conséquences des grèves des contrôleurs aériens français, qui restreignent la liberté de mouvement non seulement des Français, mais aussi des compagnies aériennes européennes.

Comme ma collègue l’a rappelé, quatre compagnies européennes, AIG, Ryanair, Easyjet et Wizz Air, ont déposé une plainte contre la France auprès de l’Union européenne. Ainsi, 16 000 vols auraient été perturbés au premier trimestre, affectant plus de 2 millions de voyageurs. Ces compagnies contestent non pas le droit de grève des contrôleurs aériens, mais le fait que le survol de l’Hexagone leur soit dans ce cas interdit.

La France pourrait être condamnée au nom de la libre-circulation, comme elle l’a déjà été en 1997 lorsque l’Espagne nous avait attaqués pour obstruction de ses exportations de fruits et légumes.

Faut-il attendre une condamnation pour qu’un gouvernement impose enfin la déclaration préalable de grève de quarante-huit heures, qui améliorerait sans aucun doute la situation des voyageurs et des compagnies ?

Les orateurs qui m’ont précédée l’ont rappelé, le droit de grève des contrôleurs aériens date de 1984–1985. Dans les faits, il autorise la réquisition des fonctionnaires d’État que sont nos contrôleurs, afin que la totalité des survols et au moins 50 % des arrivées et des départs soient assurés.

La réalité – nous l’avons tous dit – est tout autre. Les grèves se superposent : celles des aiguilleurs du ciel en tant que tels, mais aussi en tant que fonctionnaires, auxquelles se surajoutent des grèves locales sur certains sites. J’ai même le sentiment que la situation s’est dégradée ces dernières années.

En 2007, j’étais rapporteur de la loi communément appelée « service minimum pour les transports terrestres », à laquelle plusieurs d’entre vous ont fait référence. C’est à ce titre que je souhaite intervenir.

Cette loi, voulue par Nicolas Sarkozy, n’est en réalité qu’une loi de dialogue social visant à prévenir les conflits et, s’ils surviennent, à permettre la mise en place d’un service minimum garanti, grâce à une connaissance plus fine des personnels présents, les grévistes devant se déclarer quarante-huit heures à l’avance. Surtout, elle impose une concertation préalable.

Cette loi a clairement amélioré la situation : les transporteurs terrestres peuvent organiser le trafic et les usagers sont mieux informés, sans pour autant que les grèves, comme l’ont dit certains, se soient réduites.

C’est la raison pour laquelle, au mois de juin 2009, j’ai déposé une proposition de loi visant à étendre ces dispositions au transport aérien et maritime. Elle fut signée par une cinquantaine de collègues, dont Alain Fouché, ici présent, qui ne s’en souvient peut-être pas…