M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Fabien Gay, j’ai parlé des personnes, j’ai même commencé par cela. J’ai parlé de nos concitoyens, qui sont évidemment au cœur de cette transition énergétique. J’ai en effet évoqué la réduction des consommations d’énergie, dont le bénéfice revient à nos concitoyens.

Au cours de débats précédents, vous m’avez déjà entendu dire qu’il faut « se libérer du pétrole et se libérer des énergies fossiles ». Cette idée, je la défends, bien sûr, parce qu’elle est bonne pour le climat et pour la planète, mais aussi et surtout parce qu’elle est bonne pour le porte-monnaie de chacune et de chacun de nos concitoyens. L’économie du pays et notre balance extérieure tireront aussi profit de ce choix puisque les énergies fossiles représentent aujourd’hui un déficit commercial de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an. Il s’agit surtout de permettre à nos concitoyens de ne plus subir les hausses des prix du pétrole, qui se traduisent dans la facture du fioul pour le chauffage, par exemple. C’est à cela que je pensais quand j’ai parlé de sortir des chaudières au fioul.

Je ne l’oublie pas, cet aspect était à l’origine, voilà quelques mois, du mouvement de protestation contre le coût de la vie, nos concitoyens soulignant l’importance des dépenses contraintes et du pouvoir d’achat. Leurs revendications allaient évidemment bien au-delà du coût de l’énergie, mais je ne mésestime pas son poids. Si certains ont protesté contre les taxes, considérant que nous pouvions intervenir pour les modifier, ce sont surtout les cours mondiaux du pétrole qui sont en cause.

Nous allons donc poursuivre cette politique. Vous avez parlé du chèque énergie, que je n’avais pas mentionné : s’il est certes un outil d’accompagnement social et solidaire, il n’a pas vocation à transformer les choses. Si on veut lutter contre la précarité énergétique, préoccupation que nous partageons, il faut donner aux Français les moyens de rénover leur logement. Dans la même logique, nous avons créé la prime à la conversion et la prime à la casse pour nous débarrasser des vieilles voitures. Une aide de l’État, votée par le Parlement en 2017 et mise en œuvre en 2018, a remporté un succès qui va très au-delà de nos espérances.

Nous devons avoir la même démarche, bénéfique pour le climat et nos concitoyens, s’agissant du chauffage, pour faire baisser les factures et permettre qu’elles soient durablement maîtrisées.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.

M. Fabien Gay. Merci, monsieur le ministre d’État, de votre réponse.

Dans le cadre du grand débat national, outre les trente-deux questions posées, que je ne réfute pas et auxquelles il va falloir répondre, il me semble qu’il en manque une. Pour lutter contre la précarité énergétique, il faut nous demander si nous avons la maîtrise publique de l’énergie. Vous m’aviez dit être d’accord avec la privatisation d’Engie. Eh bien, moi, je suis pour qu’on donne la parole au peuple et qu’on lui demande s’il est d’accord avec le fait que, depuis vingt ans, on brade tous les services publics et toutes les entreprises publiques. Demandons à nos concitoyens s’ils pensent que c’est une bonne manière de lutter, par exemple, contre la précarité énergétique.

Depuis que vous avez privatisé Engie, le service s’est dégradé, le prix du gaz a augmenté de 70 % et les dividendes versés aux actionnaires…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Fabien Gay. … n’ont jamais été aussi hauts dans ce pays !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Je ferai deux remarques. La première sera pour rappeler que les plus touchés par les bouleversements climatiques sont les plus pauvres, alors qu’ils sont les moins responsables de la situation. La seconde visera à indiquer qu’il n’y aura pas de transition écologique sans justice sociale et pas de justice sociale sans transition écologique.

Parmi les revendications actuelles, la plus juste et la plus socialement protectrice est la rénovation thermique des logements. Or c’est l’une de nos plus graves carences. D’une façon plus générale, l’efficacité énergétique doit être considérée comme une énergie à part entière. Répétons-le, c’est la plus propre, la moins chère, la moins délocalisable et la plus compétitive. En matière d’économies d’énergie, nous avons là un gisement colossal.

Compte-t-on booster les dispositifs d’aides énergétiques, monsieur le ministre d’État ? Compte-t-on favoriser aussi un vrai travail de pédagogie, permettant aux Français de modifier leur comportement en préférant le toujours mieux au toujours plus ?

Par ailleurs, pour parvenir aux 50 % d’électricité nucléaire d’ici à 2035, il faudra tripler l’éolien et quintupler le photovoltaïque. Or, par les demi-mesures que vous venez d’annoncer sur l’éolien flottant, vous risquez de condamner cette filière naissante, en Méditerranée notamment. Dans ces conditions, comment pourrons-nous atteindre les 40 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030 et comment compensera-t-on la baisse du nucléaire en 2035 ?

Enfin, concernant le biogaz, qui peut nous permettre de bâtir une nouvelle industrie décentralisée et porteuse d’un nouveau dynamisme rural, comptez-vous agir pour une simplification réglementaire et pour des tarifs d’achat adaptés ?

M. Marc Daunis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Roland Courteau, vous avez tout à fait raison, l’énergie qui pollue le moins et qui coûte le moins cher, c’est celle qu’on ne consomme pas. Voilà où est notre priorité. C’est notre intérêt collectif, à l’échelle planétaire, comme à l’échelle de notre pays, et c’est notre intérêt pour chacune et chacun de nos concitoyens, notamment les plus modestes. Car ceux qui ont assez de moyens pour ne pas avoir besoin de surveiller leur budget peuvent évidemment « gaspiller » l’énergie. Mais je pense à celles et ceux qui, et c’est le cas de la plupart des gens, ont des budgets contraints et que nous devons aider à maîtriser leur facture d’énergie grâce aux économies d’énergie.

Nous sommes bien conscients que les différents dispositifs de rénovation des logements, développés en grand nombre ces dernières années à l’échelle nationale comme à l’échelle locale, ne sont pas encore suffisamment calibrés. J’ai rencontré hier à Bordeaux le maire et président de la communauté urbaine, Alain Juppé. Il m’a dit avoir mis en place un dispositif ciblant 9 000 logements par an qui s’est limité à 3 000 réalisations. Ce n’est pas faute de moyens puisqu’ils étaient sur la table, en plus des aides nationales.

Il faut nous doter d’autres dispositifs, à plus grande échelle, et nous y travaillons avec le ministre du logement, Julien Denormandie. Nous étudions plusieurs pistes : faudra-t-il lancer une sorte d’appel d’offres national pour trouver un opérateur national ou plusieurs opérateurs dont l’objectif sera vraiment d’atteindre notre objectif de rénover 500 000 logements par an, en donnant la priorité absolue aux passoires énergétiques et à nos compatriotes qui ont les revenus les plus modestes ? Je le crois.

J’aurai l’occasion de revenir dans les prochaines semaines sur un dispositif concret destiné aux ménages les plus modestes qui va se mettre en place en 2019, ce que l’on appelle « la chaudière à 1 euro ». Des certificats d’économies d’énergie vont permettre de financer le changement de chaudière.

Sur l’éolien flottant en Méditerranée dont nous avons déjà parlé, la cible dans la programmation pluriannuelle de l’énergie est de deux fois 250 mégawatts. Je le dis et je le redis,…

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat. … si les coûts de production baissent et que le niveau de subvention n’est donc plus de même nature, nous pourrons aller évidemment bien au-delà. Là aussi, nous ferons des propositions dès cette année 2019.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour la réplique.

M. Roland Courteau. S’agissant de l’éolien flottant, j’insiste encore, monsieur le ministre d’État, pour vous demander de faire porter l’effort de l’État sur cette filière où nous sommes pionniers pour le moment. Ne ratons pas ce rendez-vous, comme nous en avons raté beaucoup d’autres par le passé !

Vous le savez, la rénovation thermique des logements est la meilleure solution pour faire se rejoindre justice sociale et changement climatique.

Je conclus sur le biogaz, qui me paraît être la meilleure manière de stimuler l’économie locale, d’alléger la facture de la France et de renforcer la compétitivité des exploitations agricoles.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, on peut évidemment évoquer beaucoup de choses lors d’un débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Je voudrais dire à Gérard Longuet que la chaîne de valeur du photovoltaïque commence par l’installation sur les toits, qui est assez difficilement délocalisable. Puisqu’il insiste sur la reconquête industrielle, je l’invite à venir visiter à Carquefou, à côté de Nantes, la nouvelle unité de fabrication de panneaux photovoltaïques, qui a permis de créer une centaine d’emplois.

Monsieur le ministre d’État, suivant l’avis de RTE du fait des retards de la centrale à gaz de Landivisiau et du nucléaire à Flamanville, le Gouvernement a retardé la fermeture de la centrale de Cordemais, en ouvrant la voie à sa transformation en centrale de valorisation des bois de classe B dans le cadre du procédé Ecocombust.

Cette prolongation a évidemment ouvert un débat sur la question de savoir si vous alliez tenir les engagements pris par le Président de la République quant à la sortie du charbon.

Première question très simple, monsieur le ministre d’État : cette position sur Cordemais change-t-elle quelque chose à la fermeture des autres centrales à charbon ? On sait en effet que le bois de classe B permet de ne faire fonctionner qu’un four ou deux seulement, et en tout cas pas quatre anciennes centrales à charbon.

Tout cela nous laisse finalement plus de temps. Il pourrait être consacré à mener à Cordemais une expérimentation rigoureuse du nouveau procédé Ecocombust soutenu par EDF et les salariés, qui nous permet aussi de remettre en question la centrale à gaz de Landivisiau. En effet, une réussite à Cordemais rendrait inutile le maintien d’une autre centrale fossile thermique à Landivisiau, dotée, de surcroît, d’un contrat léonin, l’État versant 40 millions d’euros par an au titre du mécanisme de capacité pour le fonctionnement de Landivisiau.

Deuxième question, elle aussi relativement simple, monsieur le ministre d’État : prévoyez- vous de rediscuter avec Total, nouveau propriétaire du site à Landivisiau, de l’abandon possible de ce projet de centrale à gaz qui pourrait devenir inutile en Bretagne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Ronan Dantec, je vais articuler ma réponse autour de trois noms de lieux sympathiques : Cordemais, Landivisiau et Flamanville. C’est l’approvisionnement en électricité de l’ouest de la France, de la Bretagne en particulier, qui est en jeu.

Nous avons demandé à RTE une étude complémentaire, qui nous sera fournie début février, sur la sécurité d’approvisionnement. Parmi les éléments récemment apparus figurent d’abord les retards pris dans la mise en service de l’EPR de Flamanville jusqu’à une date encore indéterminée. Je tiens à le dire à toutes celles et tous ceux qui parlent parfois du nucléaire en termes un peu passionnés, je fais état de faits : c’est l’Autorité de sûreté nucléaire qui a demandé des travaux à EDF, mais EDF n’a pas, pour l’instant, pu se prononcer sur une durée.

Deuxième élément, qui concerne la centrale existante de Flamanville, il faut signaler le risque que, lors des visites décennales, les mises à l’arrêt de réacteurs soient plus longues que prévu, ce qui rendrait le parc nucléaire français moins disponible, notamment pour l’alimentation de l’ouest du pays.

Enfin, le dernier élément concerne Landivisiau et comporte moins d’incertitudes. À l’évidence, si la centrale de Landivisiau n’est pas mise en service d’ici à la date prévue, à savoir 2022, la nécessité d’assurer la sécurité de l’approvisionnement nous empêche de fermer la centrale de Cordemais.

Quand j’ai dit que la date de fermeture de la centrale à charbon de Cordemais, comme celle des trois autres sites, était ajustable, je tenais compte de cet aspect lié à la sécurité d’approvisionnement. J’en profite pour m’adresser aux gens qui sont contre l’EPR de Flamanville, qui sont favorables à une fermeture plus rapide des réacteurs existants, qui sont opposés à la centrale à gaz de Landivisiau et qui réclament la fermeture immédiate de Cordemais. Je leur demande comment ils feront pour assurer la sécurité d’approvisionnement de nos compatriotes en matière d’électricité.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Il faut tout de même être concret et précis ! C’est dans ce cadre que le projet Ecocombust est étudié et que nous avons demandé à EDF de fournir tous les éléments précis sur le sujet.

M. le président. Monsieur le ministre d’État, vous dépassez votre temps de parole de quinze à vingt secondes à chaque réponse. Cela va faire beaucoup à la fin !

M. François de Rugy, ministre dÉtat. Les questions sont vastes, monsieur le président !

M. le président. Je vous rappelle que vous ne disposez que de deux minutes pour chaque réponse.

La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. En deux minutes, on n’arrive pas toujours avoir les réponses à toutes les questions qu’on pose !

Monsieur le ministre d’État, je suis d’accord avec vous pour dire qu’on ne peut pas vouloir tout fermer ou vouloir tout garder. Il nous faut aujourd’hui profiter de ce temps que nous donnent les retards pris sur un certain nombre d’unités pour remettre à plat la question de la sécurité de la production électrique de l’Ouest et de la Bretagne. Nous allons bientôt disposer de l’interconnexion venant d’Irlande. De plus, le projet Ecocombust est bon pour le climat. S’il fonctionne, il permettra d’économiser 40 millions d’euros par an à Landivisiau. Comme Total veut plutôt opter pour la production d’électricité verte, nous avons là une véritable opportunité d’économies pour les finances publiques !

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’hydroélectricité est actuellement la première des énergies renouvelables. Elle joue un rôle primordial pour le système électrique français. Elle représente une production d’environ 10 % de la production électrique nationale, totalement décarbonée et sans production de déchets toxiques. Elle est souple, flexible, permet une grande réactivité, et on estime qu’en hiver, en période de pointe, 1 kilowattheure sur 4 est d’origine hydraulique. C’est en France une filière industrielle d’excellence, dont le savoir-faire s’est bâti historiquement.

Alors que, dans le monde, la gestion de l’eau, en particulier pour la production d’énergie, est un enjeu critique de géopolitique, curieusement, le silence entoure en France l’énergie hydroélectrique. On la traite comme une vieille dame respectable ayant vocation à être dépassée.

L’objectif de programmation est d’augmenter la capacité de production hydroélectrique de 500 à 750 mégawatts et la production de 2 à 3 térawattheures à l’horizon 2023. Autant dire une ambition marginale au regard des efforts faits en direction de l’énergie éolienne terrestre. Dans le même temps, nous apprenons que Bruxelles veut imposer l’ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques EDF. Des dizaines d’ouvrages en France seraient concernées. Aucun autre opérateur européen n’est sommé, comme EDF, de laisser ses barrages !

La sécurité de l’approvisionnement énergétique nationale est une priorité absolue. L’optique qui consiste à privilégier la concurrence pure et dure entre opérateurs met au second plan la politique énergétique.

Mme Nadia Sollogoub. Dans ce contexte, pouvez-vous me dire, monsieur le ministre d’État, quelle est votre position : souhaitez-vous renforcer la filière hydroélectrique en France, augmenter la part qui lui est assignée et en faire un pilier de la transition énergétique nationale ? Entendez-vous vous opposer à la privatisation de nos barrages, conservant ainsi dans notre patrimoine national une carte maîtresse de notre indépendance énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, le Gouvernement considère évidemment que l’hydroélectricité est une énergie d’avenir, pas simplement une vieille dame, avec tous les égards que nous lui devons !

Si certains barrages sont plus que centenaires, ils représentent une énergie d’avenir, une énergie propre, qui peut même gagner en efficacité.

Il n’a jamais été question de privatisation. Les mots ont un sens. Une privatisation signifierait que l’on vend les barrages et les infrastructures au plus offrant sans jamais pouvoir reprendre la main.

En revanche, il est question de renouvellement de concessions. De cela, il a toujours été question, vous le savez. Plusieurs concessions sont arrivées à échéance entre la fin de 2011 et aujourd’hui, et aucune procédure n’a été ouverte pour les renouveler, ce qui place nombre de territoires dans une situation d’incertitude que l’on ne peut absolument pas maintenir.

Vous le savez aussi, en France, les différents gouvernements ont mené des négociations avec la Commission européenne pour examiner les conditions du renouvellement de ces concessions.

Certains voulaient que les concessions soient renouvelées automatiquement au profit de l’opérateur déjà en place. Vous le voyez bien, ce n’est tout de même pas une position très défendable : pourquoi favoriser uniquement l’opérateur déjà présent ? Certaines concessions ont été renouvelées, concernant, par exemple, la CNR, la Compagnie nationale du Rhône. D’autres sont confiées à EDF et à la SHEM, la Société hydroélectrique du Midi, filiale d’Engie. D’autres encore, de plus petits barrages, fonctionnent sous un régime différent.

Nous sommes attachés au fait que les collectivités locales soient associées au processus de renouvellement des concessions, à la possibilité de regrouper des concessions d’un point de vue de gestion hydraulique, solution qui n’était pas forcément admise au niveau européen. Nous avons envisagé des prolongations contre travaux, tout en sachant qu’il y a parfois des dérives, comme on l’a vu dans le domaine des autoroutes, par exemple. Nous avons bien sûr veillé à préserver le statut des personnels au fil des renouvellements.

Voilà ce que nous ferons dans cette démarche très encadrée et négociée avec la Commission européenne, qui donnera lieu à des décisions dès cette année 2019.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre d’État, je vous remercie. À vrai dire, vous ne me voyez pas tellement rassurée. Vous avez utilisé une comparaison avec la situation des autoroutes : cette dernière a bien montré les complications qu’il peut y avoir lorsque l’on fait intervenir des gestionnaires différents. Que se passera-t-il en matière de protection des inondations quand divers gestionnaires interviendront sur un même cours d’eau et plusieurs barrages ? Je pense que cela sera extrêmement compliqué.

La vieille dame n’est pas rassurée non plus. En effet, la réponse a été globale mais pas très chiffrée quant à la place que vous comptez donner à l’hydroélectricité en France.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le Gouvernement a fixé des objectifs ambitieux de transition énergétique dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Se doter d’objectifs forts n’est pas nécessairement un exercice difficile. Ce qui est plus compliqué, c’est de les atteindre, et de les atteindre vite, car 2030, c’est demain.

La Commission européenne a, en novembre dernier, adopté une vision stratégique afin de parvenir à une économie prospère et neutre pour le climat d’ici à 2050. Le captage et le stockage du carbone sont l’un des sept axes de travail pour atteindre la neutralité carbone.

À juste titre, car, selon l’Agence internationale de l’énergie, le stockage de carbone serait le troisième levier le plus efficace pour assurer la transition énergétique.

Pour réussir à limiter la hausse des températures mondiales à 2 degrés à l’horizon 2060, il faudra que 14 % des réductions cumulées d’émissions proviennent du captage et du stockage de carbone.

Emprisonner et enfouir le carbone émis avant son émission dans l’atmosphère, principalement dans les centrales électriques et les sites industriels à forte intensité énergétique, est essentiel.

Si ces technologies sont testées avec succès, elles restent limitées à quelques sites dans le monde et ne sont pas du tout attractives au niveau financier, ce qui bride leur multiplication. À ce jour, le volume d’émissions traité par 18 grandes installations dans le monde est de 40 millions de tonnes par an, alors que l’objectif fixé pour 2050 est d’environ 10 milliards de tonnes de CO2 par an, soit 250 fois plus.

Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous dire où en est la France dans le développement des technologies innovantes de captage et de stockage de carbone ?

Nous avons la chance, en France, de posséder un grand établissement public, le Bureau de recherches géologiques et minières, plus communément dénommé BRGM. Ses recherches et ses travaux sont-ils utilisés à leur juste valeur ? Qu’en est-il du projet européen ENOS, que coordonne précisément le BRGM ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, il est difficile de répondre en deux minutes sur un sujet aussi vaste !

Bien sûr, on ne peut que souhaiter, dans le cadre de la réduction des émissions de CO2, avoir aussi une part de stockage. Au demeurant, il faut tout de même être précis, concret et pragmatique.

Des expérimentations à grande échelle ont été menées. C’est le cas, par exemple, sur le site de Lacq par le groupe Total. Elles n’ont pas abouti.

Par ailleurs, ces solutions sont souvent très coûteuses. Un projet de captage d’EDF et d’Alstom au Havre sur une tranche de la centrale à charbon n’a pas été plus concluant.

Il faut avoir des projets soutenables. Il est évident que tout cela est lié au prix du carbone. S’il est bas et que l’on ne veut pas agir dessus, il n’est pas du tout intéressant d’investir dans ces technologies. Sans doute faudrait-il les centrer soit sur les gros émetteurs du type de l’industrie sidérurgique situés à proximité de sites où l’on puisse stocker, soit – certains pays l’envisagent, la France est moins concernée – sur les anciennes plateformes d’exploitation de pétrole en milieu sous-marin, qui pourraient faire l’objet d’un stockage.

Pour ce qui est du projet européen ENOS, il a reçu une aide de 12 millions d’euros de la Commission européenne, avec un soutien fort de la France. Nous allons donc évidemment poursuivre dans cette voie et suivre de près la réalisation de ce projet, qui permettra peut-être d’avoir de meilleurs résultats que les précédentes expérimentations.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour la réplique.

M. Jérôme Bignon. Monsieur le ministre d’État, je ne vous trouve pas très allant sur cette question du stockage, qui me semble pourtant essentielle. D’abord, à mon sens, les travaux du BRGM méritent d’être regardés de près. Je voudrais vous renvoyer à la très remarquable note de quatre pages rédigée par notre collègue Roland Courteau, ici présent, dans le cadre des travaux qu’il réalise à l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, note intitulée Stocker plus de carbone dans les sols : un enjeu pour le climat et pour lalimentation. Elle est moins pessimiste que vous !

Je pense qu’on aurait intérêt à privilégier cette technologie que la France peut maîtriser et sur laquelle elle peut travailler, car elle dispose des instruments scientifiques pour le faire. Je pense vraiment qu’il faut essayer d’y aller d’un bon pas. C’est une piste qu’il ne faut pas négliger.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre d’État, nous discutons de la future programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, mais je rappelle que nous attendons toujours votre projet de texte.

M. Daniel Gremillet. Vous l’avez annoncé pour la semaine prochaine, alors que le Président de la République lance aujourd’hui même le grand débat national.

Première question : la PPE pourra-t-elle être revue en fonction des résultats du grand débat national ? Je n’ai pas besoin de rappeler qu’à l’origine du mouvement il y avait la taxe carbone.

Le Gouvernement avait élaboré son projet de PPE en fonction de la trajectoire carbone prévue. La suspension des hausses finalement décidée ne vous oblige-t-elle pas à revoir votre copie ? Je pense, par exemple, au soutien aux énergies renouvelables thermiques, dont le niveau dépend beaucoup de la taxation des énergies fossiles.

Deuxième question : le Gouvernement a décidé la fermeture des centrales à charbon. Je ne reviendrai pas sur Cordemais, car vous avez répondu. Je voudrais entendre votre point de vue sur les autres centrales.

Uniper a annoncé être entré en négociation exclusive avec un groupe énergétique tchèque pour la vente de ses actifs. Comment réagissez-vous à cette annonce ?

Enfin, pour compléter une précédente question sur l’hydroélectricité, je poserai deux questions de détail qui ont leur importance : l’hydroélectricité dont on connaît les grandes vertus est-elle véritablement considérée comme la grande oubliée, comme cette PPE en témoigne ? Y aura-t-il de nouvelles capacités hydroélectriques ? Vous parlez d’optimisation des installations existantes, mais la vraie question est la suivante : peut-on imaginer des projets de nouveaux barrages et pas seulement de petits ouvrages, même si, là aussi, il y a beaucoup de potentiel ? (Mmes Patricia Morhet-Richaud et Nadia Sollogoub ainsi que M. Jean-Paul Prince applaudissent.)