compte rendu intégral

Présidence de Mme Hélène Conway-Mouret

vice-présidente

Secrétaires :

M. Daniel Dubois,

M. Michel Raison.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 17 janvier 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

bureaux de poste dans les territoires ruraux

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 349, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

M. Édouard Courtial. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le Président de la République a souhaité échanger très directement, par deux fois ces derniers jours, avec les maires, chacun de ceux-ci a lancé, avec ses mots, un véritable cri d’alarme en faveur des territoires ruraux.

Au sein de cette convergence de vues et d’expériences de ces hussards de la République, traits d’union indispensables à notre démocratie, figure en bonne place le maintien des services publics de proximité. Il est indéniable qu’un bureau de poste, malgré l’ère numérique dans laquelle nous vivons, compte parmi ceux que l’État doit garantir aux Français, où qu’ils habitent sur le territoire national, d’autant que les communes ont souvent consenti de lourds investissements pour maintenir le bureau de poste communal. En effet, les maires comme les habitants ont pleinement conscience de ce qu’est un bureau de poste dans un village, parfois le dernier rempart d’une désertification administrative qui s’accélère.

Pourtant, suivant une logique comptable, le groupe La Poste réduit peu à peu les amplitudes horaires – c’est le cas, par exemple, à Bury, à Rieux ou encore à La Neuville-en-Hez, dans l’Oise, qui sont loin d’être des cas isolés –, voire ferme certains relais. La continuité du service public est donc sacrifiée au profit de la rentabilité financière, à l’inverse de l’appel lancé par les élus de terrain et par ceux qui, chaque semaine, demandent plus d’État là où celui-ci se retire peu à peu, et à l’inverse aussi des engagements présidentiels pris, à plusieurs reprises, sur le maintien des services publics.

Or le grand débat national ne répondra pas à cette question, puisqu’elle n’a pas à être posée, faisant l’unanimité en sa faveur.

Ainsi, je vous appelle, madame la ministre, à davantage de cohérence entre les promesses et votre politique, afin de faire de l’égalité devant l’accès au service public une réalité.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Édouard Courtial, votre question est effectivement d’actualité ; au fond, elle pose la question de ce qu’est un service public et elle pose celle de ses éventuelles adaptations aux évolutions.

La Poste, au travers de sa contribution à la mission d’aménagement du territoire, en est un très bon exemple. La loi du 2 juillet 1990 fixe ses obligations en matière de présence sur le territoire. La Poste doit ainsi maintenir au moins 17 000 points de contact et faire en sorte que, dans chaque département, 90 % de la population se trouve à moins de cinq kilomètres ou à moins de vingt minutes d’un point de contact postal. Les communes de plus de 10 000 habitants doivent disposer d’au moins un point de contact par tranche de 20 000 habitants. Telle est la loi, qui est toujours en application.

Dans le département de l’Oise, grâce, vous le savez très bien, à des partenariats avec les mairies – de nombreuses agences postales communales ont été ouvertes – et avec les commerçants – les relais Poste –, La Poste a maintenu un maillage dense de 213 points de contact, pour une population de 825 000 habitants. Toutefois, comme sur l’ensemble du territoire, le réseau de La Poste a dû s’adapter, du fait de la baisse considérable du volume du courrier et de la fréquentation des guichets, en raison du développement du numérique et du changement des habitudes de consommation.

Je signale toutefois que le colis postal, lui, se développe grâce à, ou à cause de – selon que l’on est pour ou contre –, l’achat sur internet ; La Poste retrouve ainsi une activité dans ce nouveau domaine, même si elle a des concurrents nationaux et internationaux.

Dans ces conditions, La Poste a envisagé des modifications des horaires de ses bureaux de Bury, Rieux et La Neuville-en-Hez. Cela n’entre pas en contradiction avec sa mission d’aménagement du territoire : le contrat d’entreprise entre l’État et La Poste pour 2018-2022 confirme les orientations du contrat de présence postale territoriale de 2017-2019 signé par l’État, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et La Poste.

L’État veille à ce que les évolutions du statut des points de contact tiennent compte des besoins des usagers, dans le cadre d’une concertation préalable approfondie avec les élus. Ainsi, un aménagement des horaires d’ouverture fait systématiquement l’objet d’un dialogue préalable avec le maire de la commune.

Par ailleurs, l’État s’investit dans le déploiement des maisons de services au public, les MSAP. Un certain nombre de ces maisons sont ouvertes par La Poste pour maintenir les services publics de proximité.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’État porte donc la plus grande attention au maintien de la présence postale.

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial, pour répondre à Mme la ministre.

M. Édouard Courtial. Madame la ministre, j’entends bien vos arguments, qui se veulent rassurants, mais, aujourd’hui plus que jamais, compte tenu des tensions actuelles que notre pays traverse, je vous appelle à la plus grande vigilance sur ce sujet, afin d’enrayer, sur le terrain, cette spirale : moins d’État, plus de colère.

proposition de loi sur les chemins ruraux

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, auteur de la question n° 569, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Moga. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors qu’ils recouvrent la notion du domaine public, nos chemins ruraux sont classés par la loi dans le domaine privé.

La proposition de loi, présentée par mon prédécesseur Henri Tandonnet, visant à renforcer la protection de ces chemins est une réponse au problème de leur disparition, car ils sont soumis à la prescription acquisitive.

Depuis longtemps, ils ont fait l’objet de multiples appropriations par des particuliers : souvent, ils gênent les exploitations et, avec l’agrandissement de celles-ci, ils ont été labourés, clôturés et donc soumis à une prescription acquisitive.

Aussi, la mise en place d’un dispositif incitant les communes à procéder à l’inventaire de leurs chemins et à délibérer sur leur avenir est nécessaire.

Cette proposition de loi prévoit, d’une part, la suspension pendant deux ans du délai de prescription pour l’acquisition des parcelles comportant ces chemins et, d’autre part, une procédure permettant à une commune engagée dans une démarche d’inventaire d’interrompre ce délai. Enfin, elle prévoit la possibilité de procéder à des échanges de parcelles avec des chemins ruraux pour en adapter le tracé – cela permet de réaménager les parcelles agricoles sans passer par un remembrement et d’éviter des conflits.

Le 12 mars 2015, cette proposition de loi a été adoptée en première lecture par le Sénat, puis transmise à l’Assemblée nationale. Un nouveau texte a été transmis à l’Assemblée nationale le 6 juillet 2017, mais il n’a toujours pas été inscrit à son ordre du jour.

Madame la ministre, je vous demande que cette proposition de loi puisse suivre toutes les étapes de la discussion en séance publique, afin qu’elle soit soumise au vote des parlementaires des deux assemblées ; elle présente un réel intérêt pour le monde rural.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Moga, le Gouvernement est particulièrement sensible à la problématique que vous soulevez.

Dans le cadre de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, examinée au printemps 2016, le Gouvernement avait souhaité prendre en compte la nécessité de protéger les chemins ruraux en reprenant des dispositions issues de la proposition de loi que vous évoquez ; je me souviens bien de cette discussion et du texte présenté par Henri Tandonnet, puisque j’étais moi-même sénateur à l’époque.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Si les dispositions adoptées à cette occasion ne reprenaient pas intégralement celles de la proposition de loi, elles visaient néanmoins à renforcer la protection des chemins ruraux, qui constituent à l’évidence un patrimoine et une richesse à protéger, ce dont les élus locaux, en particulier les maires, ont tout à fait conscience.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel a censuré, dans sa décision du 4 août 2016, les dispositions relatives aux chemins ruraux introduites dans le projet de loi précité, considérant qu’elles étaient sans lien avec son objet initial.

Le Gouvernement est bien entendu ouvert à la reprise de la discussion parlementaire sur ce sujet, dans un véhicule législatif qu’il conviendra d’identifier. Je suis à votre disposition pour en discuter.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour répondre à Mme la ministre.

M. Jean-Pierre Moga. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre ; je travaillerai avec vous pour reprendre ce texte.

circulaire sur le transfert des compétences « eau » et « assainissement »

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 508, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, vous le savez, aux termes de la loi du 3 août 2018, les communes membres d’une communauté de communes n’exerçant pas, à cette date, à titre optionnel ou facultatif, les compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement, de même que les communes membres d’une communauté de communes exerçant, à titre facultatif, uniquement la compétence assainissement non collectif, peuvent s’opposer au transfert immédiat, à la communauté de communes, de ces deux compétences, ou de l’une d’entre elles, si, avant le 1er juillet 2019, une minorité qualifiée le demande. En ce cas, le transfert de compétences est reporté au 1er janvier 2026.

Ce texte semblait ne poser aucun problème de compréhension jusqu’à la publication de la circulaire d’application du 28 août 2018, précisant que cette faculté de retarder la mise en œuvre du transfert obligatoire s’applique « exclusivement » aux communes n’exerçant pas, « y compris partiellement, à l’exception du [service public d’assainissement non collectif, ou] SPANC », ces compétences ni à titre optionnel ni à titre facultatif.

Ainsi, une loi présentée comme une liberté nouvelle pour toutes les communes d’une communauté – vous êtes bien placée pour le savoir, madame la ministre – se trouve avoir un champ d’application réduit, un nombre important de communes ayant, par exemple, transféré la production de la ressource en eau tout en conservant le reste de la gestion.

Doit-on penser qu’il s’agit d’une interprétation abusive de la loi ou d’une opération visant à reprendre d’une main une liberté de mise en œuvre qu’on avait accordée de l’autre ? (M. François Bonhomme applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Pierre-Yves Collombat, vous revenez sur un sujet que, les uns et les autres, nous connaissons bien. Vous avez rappelé le contenu de la loi, donc je ne le ferai pas.

L’article 1er de ce texte introduit la minorité de blocage. Le premier alinéa de cet article est sans équivoque : la minorité de blocage concerne les « communes membres d’une communauté de communes qui n’exerce pas, à la date de la publication de la présente loi, à titre optionnel ou facultatif, les compétences relatives à l’eau ou à l’assainissement ». En clair, cela signifie que seules les communautés de communes qui n’exercent pas du tout la compétence relative à l’eau ou à l’assainissement peuvent bénéficier de cette faculté de report à 2026.

Par conséquent, l’emploi des termes « y compris partiellement » dans l’instruction ministérielle du 28 août 2018 est parfaitement conforme à la loi. Aucune modification de l’instruction n’est donc prévue par le Gouvernement.

Pour vous le dire franchement, je ne comprends pas bien où est le problème.

M. Pierre-Yves Collombat. Je viens de vous l’expliquer.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. On n’a pas repris d’une main ce qu’on a accordé de l’autre. On a publié une circulaire conforme au texte de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour répondre à Mme la ministre.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, moi aussi, j’ai eu du mal à comprendre ce qui se passait, mais cela m’est remonté du terrain. Des collègues croyaient naïvement – comme moi d’ailleurs, lors de la discussion du texte, dont vous vous flattiez à l’époque – que, n’ayant pas transféré la compétence – le problème le plus courant se pose lorsque la commune n’a plus la compétence de production de l’eau mais en conserve la gestion –, ils pouvaient bénéficier de ces dispositions paraissant au départ tout à fait libérales – pour des libéraux, c’est d’ailleurs très bien. Mais non ! C’est un grand classique de la gestion, depuis des années : on raconte une chose et on en applique une autre !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vous propose que l’on en reparle après la séance, monsieur le sénateur.

M. Pierre-Yves Collombat. Mes collègues seront ravis d’apprendre le contenu de votre réponse…

plan local d’urbanisme et délivrance d’autorisations d’urbanisme

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteur de la question n° 592, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez, la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, consacre le plan local d’urbanisme, le PLU, comme le principal document de planification et d’urbanisme à l’échelle communale. Véritable projet de ville, le PLU organise le développement d’une commune entière, en définissant ses règles d’urbanisme et en intégrant les exigences environnementales. Il s’agit de trouver le juste équilibre entre développement d’installations urbaines, en réponse aux besoins des habitants, et préservation des espaces naturels.

C’est donc sur le fondement du PLU en vigueur, approuvé par l’État, que toute demande de permis de construire et d’autorisation d’urbanisme est évaluée. Un contrôle de légalité est ensuite assuré par la préfecture, afin d’assurer que chaque autorisation d’urbanisme accordée par le maire est légale et qu’elle respecte bien le PLU de la commune. Normalement, l’approbation tacite a priori, par l’autorité préfectorale, du plan local d’urbanisme devrait se traduire, a posteriori, par l’approbation de projets d’urbanisme conformes à l’esprit et à la lettre du PLU.

Malheureusement, ce n’est pas forcément le cas et cela défie toute logique.

En Gironde, les situations inextricables se multiplient. À titre d’exemple, dans la commune du Porge, un terrain familial hérité, déclaré constructible voilà dix ans au titre du PLU, a vu l’un des deux héritiers autorisé à construire une habitation principale. Comment expliquer que le deuxième héritier, détenant l’autre partie du terrain et qui s’est acquitté des droits de mutation, se soit vu refuser cette autorisation, quelques années plus tard, par les autorités ? Cette situation n’est malheureusement pas un cas isolé.

À Saint-Symphorien, le PLU encadre le développement urbanistique tout en préservant le patrimoine forestier de la commune. Dès lors, comment expliquer que la direction départementale des territoires et de la mer, la DDTM, demande systématiquement un arrêté de défrichement et une étude au cas par cas pour autoriser tout projet de développement urbain contenu dans le document de planification et d’urbanisme ?

De nombreux projets d’aménagement territorial, cruciaux en termes d’emplois, d’équipements et des services, sont ainsi freinés. Ces blocages, néfastes pour le dynamisme économique territorial de nos communes, ont notamment eu un impact négatif sur le prix du foncier et, donc, sur la mixité sociale au sein de ces communes.

Madame la ministre, pour remédier à cette situation, quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur les directives reçues par les services de l’État chargés des dossiers d’urbanisme ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Nathalie Delattre, en application de l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme, lorsque la commune est dotée d’un plan local d’urbanisme, « l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable est […] le maire, au nom de la commune ». La compétence en matière d’application du droit des sols est donc, par principe, décentralisée.

Ainsi, la commune du Porge étant couverte par un PLU, les services de l’État n’ont pas compétence pour traiter les demandes d’autorisation d’urbanisme autres que certaines exceptions, limitativement énumérées par le code de l’urbanisme et dont ne relèvent pas les exemples que vous citez.

Le refus d’une autorisation d’urbanisme en application des règles du PLU peut être motivé par plusieurs raisons. Ainsi, le PLU a pu être révisé entre les deux périodes que vous mentionnez, au cours des dix dernières années, aboutissant à la définition de nouvelles dispositions limitant les possibilités de construire sur le terrain ; cela arrive souvent. Autre raison possible, le zonage ou une sectorisation opérée par le PLU peut aboutir à définir des droits à construire différents sur une même parcelle, ou échelonnés dans le temps ; c’est également fréquent.

En outre, la commune du Porge est soumise à la loi Littoral et peut, pour cette raison, se voir appliquer des règles limitant la constructibilité, indépendamment de celles qui sont prévues par le PLU. C’est cette hypothèse qui semble applicable au cas d’espèce. En effet, le PLU de la commune du Porge a été approuvé le 30 janvier 2018. Or l’État a indiqué au maire, au titre de son contrôle de légalité, que des zones définies comme constructibles par le PLU étaient en fait inconstructibles au regard de la loi Littoral. Depuis lors, la commune a engagé une modification de son PLU, à l’issue de laquelle elle doit adopter la délimitation d’un nouveau zonage conforme à la loi Littoral.

réforme du statut des élus locaux

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, auteur de la question n° 540, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Laure Darcos. Madame la ministre, je vous pose d’emblée la question : connaissez-vous, aujourd’hui, un maire qui ne soit pas soucieux ? Pour ma part, je côtoie, dans mon département, des maires admirables de courage et de dévouement, sincèrement attentifs à servir leurs concitoyens, mais malheureux de voir les conditions d’exercice de leur mandat se dégrader chaque jour davantage.

Le malaise des élus locaux ne date pas d’hier. Les maux sont anciens et profonds, et le Sénat a produit, ces dernières années, d’excellentes propositions sur les moyens d’y remédier, dont aucun gouvernement ne s’est, hélas, emparé.

J’ose espérer qu’il en ira différemment du rapport remarquable que vient de rendre public notre délégation aux collectivités territoriales, car la démission récente d’un certain nombre de maires, notamment en Essonne, et le souhait exprimé par la moitié des autres de ne pas se représenter en 2020 sont très préoccupants.

La crise des « gilets jaunes » met en lumière, une fois encore, la nécessité de ces médiateurs compétents que sont les élus locaux dans notre vie démocratique, implantés au cœur des territoires. Ils sont les garants de la République, solides, disponibles, rigoureux et, surtout, à l’écoute de leurs concitoyens.

Je vous pose donc, madame la ministre, la question suivante : quand le Gouvernement prendra-t-il enfin toute la mesure de la détresse des élus locaux et mettra-t-il en débat les questions essentielles ? Vous êtes bien satisfaits de pouvoir compter sur eux pour faciliter le grand débat national ; il sera judicieux de ne pas les oublier à l’issue de cette consultation.

Le chantier de la rénovation est en effet immense. Vous aurez à repenser l’organisation territoriale, source de complexité, les compétences des collectivités et leur enchevêtrement, le régime indemnitaire des élus locaux, démantelé par le précédent gouvernement, la protection sociale, largement perfectible, la formation tout au long du mandat et la reconversion des élus au terme de celui-ci et, enfin, la question de la responsabilité pénale, qui paralyse l’action publique en suscitant la crainte d’une mise en cause personnelle.

Nos élus attendent des réponses précises, des moyens d’agir, mais aussi de la considération. Notre démocratie a besoin de respirer et ceux qui la servent de retrouver espoir. (M. Édouard Courtial applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Laure Darcos, d’abord, sachez-le, je n’ai pas attendu d’être ministre pour avoir de la considération pour les élus locaux ; je l’ai été pendant de très longues années et ma considération pour eux est réelle.

Par ailleurs, je ne suis pas « satisfaite », comme vous dites, de les retrouver pour le grand débat ; je trouve très légitime que les élus y soient associés et qu’ils y prennent toute leur place, puisqu’ils représentent la démocratie locale.

Vous parlez de la « détresse » des maires. Je me permets de vous le signaler, si certains maires sont, effectivement, en détresse, il faut aussi éviter de dramatiser les choses, afin de protéger la démocratie représentative ; il convient toujours d’équilibrer ses propos quand on parle des élus locaux, de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, sans quoi on s’oriente vers des crises que plus personne ne pourra maîtriser.

Considérez ce qui a été fait dans le passé ; bien des lois et des réglementations ont été adoptées pour accompagner les élus locaux dans l’exercice de leur mandat ; ici même, au Sénat, sous les précédents gouvernements, quels qu’ils soient, il y a eu des avancées ; j’y ai moi-même participé.

Sans doute, il y a encore des choses à faire et, dans le cadre du grand chantier de la Conférence nationale des territoires sur le statut des élus locaux, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, présidée par Jean-Marie Bockel, a conduit une étude approfondie sur les conditions d’exercice des mandats. Ses conclusions ont été présentées à la fin de septembre 2018 ; la délégation y fait notamment le constat de l’amélioration continue de l’exercice des mandats locaux, mais elle estime nécessaire d’en rajouter – clarifications, complément et adaptation de leur régime social, ou autres.

Depuis la remise de ce rapport, je poursuis les travaux de réflexion afin d’agir par la voie législative ou réglementaire, car tout ne se règle pas par la loi.

Toutefois, je veux rappeler certaines mesures d’ores et déjà prises en faveur de l’amélioration du régime social : les élus locaux bénéficieront d’un formulaire d’affiliation au régime général de la sécurité sociale spécifique, d’une rubrique dédiée aux élus locaux sur le site ameli.fr, d’une information donnée à leur médecin pour les autoriser, lorsque c’est possible, à exercer leur mandat durant leur congé maladie – cela était réclamé avec insistance –, d’une clarification des modalités d’assujettissement des cotisations des collectivités aux régimes de retraite facultatifs par rente des élus, ou encore d’une application simplifiée des dispositions en matière de retraite complémentaire.

Je n’oublie pas non plus ce qui a été adopté, ici, au Sénat, au travers de la loi de finances, à propos de l’imposition des revenus des élus, sur la partie représentative des frais de mandat ; cela allégera la fiscalité des élus.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Beaucoup de choses ont été faites et d’autres suivront peut-être ; on ne peut donc pas dire que nous ne faisons rien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Laure Darcos. Madame la ministre, je ne remets nullement en cause le fait que vous soyez proche des élus, et je suis d’ailleurs ravie que ce soit vous qui me répondiez. Néanmoins, sans vouloir dramatiser, je vous assure que le malaise est beaucoup plus profond qu’on ne le dit, et je ne voudrais pas que cela soit oublié lors de ce grand débat.

Le président Larcher le soulignait très justement hier matin, lors de ses vœux aux grandes associations d’élus, réunies au Sénat sous la bannière des Territoires unis, il faut restaurer un serment de confiance avec les élus. Les collectivités doivent être de vrais partenaires et non simplement des services de l’État. Il est urgent de réaffirmer les énergies des territoires en consolidant la légitimité des élus.

dotation de solidarité en faveur des collectivités territoriales touchées par des événements climatiques

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, auteur de la question n° 572, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en juin 2018, le département des Hautes-Pyrénées a été une nouvelle fois touché par une vague d’intempéries, occasionnant d’importantes crues et des dégâts matériels majeurs pour les collectivités locales.

Je tiens d’ailleurs à saluer l’ensemble des maires et des équipes techniques mobilisées lors de ces intempéries, qui ont travaillé sans relâche pour remettre leurs communes en état ; l’inspecteur du Conseil général de l’environnement et du développement durable, présent la semaine dernière sur mon territoire, a pu le constater.

Pour faire face à ces dégâts, nombre de collectivités de mon département ont demandé à bénéficier de la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales prévue à l’article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales.

Si le fonctionnement de ce dispositif a été amélioré en 2016, des difficultés subsistent. Entre l’évaluation des dégâts, l’estimation du coût des travaux, la première décision sur les financements ou les arrêtés attributifs de subventions et le versement de cette dotation, il s’écoule généralement plus d’un an. Pour les collectivités les plus fragiles, ce délai est, hélas, beaucoup trop long. Cette situation les laisse dans l’embarras.

En effet, nombre d’entre elles n’ont pas une trésorerie suffisante et doivent avancer le financement de travaux, lesquels ne peuvent attendre pour des raisons de sécurité.

La commune de Bourg-de-Bigorre, par exemple, dans les Hautes-Pyrénées, a dû avancer près de 180 000 euros de travaux, alors même que son budget moyen annuel est largement inférieur à cette somme.

Madame la ministre, quand les dotations de solidarité pour les intempéries de juin 2018 seront-elles versées ? Et surtout, comment le dispositif d’octroi de cette dotation de solidarité pourrait-il être simplifié ? Au-delà de cette question, c’est à une invitation à la discussion, à la mise en place d’une réflexion que je vous invite, pour répondre à la détresse de territoires qui doivent faire face, en plus d’être frappés par des crues, à des conditions financières insoutenables.