Mme Samia Ghali. Exactement !

M. Julien Denormandie, ministre. Les premières décisions de justice en ce sens ont été prononcées ; je pense notamment à une décision du tribunal de Bobigny rendue à l’encontre d’un notable,…

M. Philippe Dallier. Un médecin !

M. Julien Denormandie, ministre. … qui louait son ancien local professionnel, dans le cadre d’une activité de marchand de sommeil.

Il fallait accentuer cette pression financière au regard des aberrations qui existaient. Je pense en particulier à la situation que connaît une collectivité territoriale qui mène une opération d’expropriation d’un marchand de sommeil parallèlement à sa condamnation en justice ; figurez-vous que, dans certains cas, l’expropriation étant arrivée à son terme, la collectivité territoriale était obligée d’indemniser le propriétaire, au titre de l’expropriation. J’ai ainsi en mémoire un cas, ici, à Paris, à Marx-Dormoy, où le marchand de sommeil, condamné pour ses activités, s’est vu octroyer une indemnité de 6 millions d’euros.

Dans ce contexte, comment peuvent réagir toute la sphère des marchands de sommeil, tous les « petits copains » de cet escroc ? Ils se disent que, de toute manière, peu importe qu’ils soient condamnés, puisqu’ils toucheront cette indemnité au titre de l’expropriation. La loi ÉLAN a mis fin à cela, permettant la saisie de ces indemnités d’expropriation, dès lors qu’elles sont prononcées. De même, la confiscation des biens fait aujourd’hui l’objet d’une automaticité, ce qui est extrêmement important.

La question porte aujourd’hui sur la mise en œuvre de tout cela, de l’ambitieux plan de 18 milliards d’euros que j’évoquais, et des dispositions adoptées au travers de la loi ÉLAN. Afin d’assurer l’effectivité de ces mesures, Mme la garde des sceaux et moi-même avons pris des dispositions pour instituer six territoires de mise en œuvre accélérée des dispositions de cette loi. Il s’agit des Bouches-du-Rhône, des Alpes-Maritimes, du Nord, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et de l’Essonne. Dans ces six territoires, face au manque fréquent de coopération que l’on constatait – vous le constatiez aussi – entre les services administratifs, les services municipaux et la justice, nous avons décidé de renforcer la coordination locale entre ces différentes instances, pour faire en sorte que l’institution judiciaire puisse plus facilement et plus rapidement prononcer des décisions très fortes.

C’est aujourd’hui chose faite, puisque la circulaire y afférente a été signée voilà plusieurs semaines et est en cours de mise en œuvre.

Vous l’avez dit, monsieur le sénateur Gilles, il convient également d’accélérer et de rendre concrètes l’ensemble de ces dispositions. Dans chacun de ces départements, il existe, vous le savez, les PDLHI, les pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne, mais ceux-ci restaient à l’état de plans. C’est pourquoi nous les avons fait évoluer pour leur fixer de véritables objectifs et un véritable projet de lutte. Nous avons donc demandé à chacun d’eux de nous remettre avant le 30 avril prochain une feuille de route très précise, avec des objectifs de lutte contre l’insalubrité, que nous pourrons piloter, en liaison avec les collectivités et en totale transparence, évidemment.

Dans le cadre de la loi ÉLAN est également prévue une habilitation à légiférer par ordonnance, vous l’avez souligné, qui doit permettre de traiter cette complexité. Il existe aujourd’hui plus de treize polices et plus de trois codes, extrêmement techniques. Or toutes ces polices et tous ces codes visent un seul et même objectif : lutter contre l’insalubrité. Il est vrai qu’il devient parfois kafkaïen de se retrouver dans l’ensemble de ces polices, de ces codes. Tout cela conduit, en conséquence, à des décisions beaucoup trop longues et, parfois même, au désabusement de l’ensemble des collectivités et des services de l’État, qui doivent trouver par quel biais il est plus efficace de lutter contre ce fléau.

Telle est la mission que le Premier ministre a confiée au parlementaire Guillaume Vuilletet pour faire en sorte, conformément au débat que nous avons eu, de mettre, en regard des besoins opérationnels de lutte contre l’habitat indigne, les outils, les voies et moyens disponibles pour les collectivités territoriales, qui se trouvent en première ligne, avec l’appui des services de l’État – les autorités régionales de santé, les préfectures et tant d’autres.

Les résultats de cette mission sont attendus pour la fin du mois de mai ou le courant du mois de juin, et je puis vous l’affirmer, madame la rapporteure, je partage votre souhait que nous ne prenions pas dix-huit mois pour prendre cette ordonnance, que nous puissions le faire de manière extrêmement accélérée.

Au-delà de tout cela, le Gouvernement reste très attentif à toutes les propositions susceptibles d’améliorer les dispositifs existants. C’était vraiment l’état d’esprit qui régnait dans cette enceinte et dans celle de l’Assemblée nationale au moment de l’examen de la loi ÉLAN, et vous pouvez être sûrs, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est dans le même état d’esprit que je me tiens devant vous, cet après-midi.

Je veux revenir sur de nombreux points de votre proposition de loi, monsieur Gilles.

D’après ce que Mme la rapporteure et vous avez indiqué, je comprends que la commission des affaires économiques souhaiterait disposer de plus de temps, en raison notamment de déplacements et d’auditions supplémentaires, pour approfondir la réflexion sur les moyens de rendre plus efficace l’action contre l’habitat indigne, ce que je salue et soutiens fortement. Néanmoins, si je peux me le permettre, je veux vous livrer tout de même quelques premières analyses à propos de cette proposition de loi.

Je partage avec vous la volonté de renforcer l’amende en cas de manquement à l’obligation de déclaration préalable de mise en location. Par exemple, la mairie de Marseille, si j’en crois les dernières informations, a décidé d’instituer le permis de louer, comme ce fut le cas à Aubervilliers.

Mme Samia Ghali. Il y en a ailleurs.

M. Julien Denormandie, ministre. Le texte prévoit également de donner aux associations la faculté d’exercer les droits reconnus aux parties civiles, en les autorisant à saisir la justice. Cette piste me paraît intéressante.

En revanche, d’autres points me semblent poser des questions soit opérationnelles, soit juridiques, mais, j’en suis sûr, la durée laissée à l’examen de cette proposition de loi permettra d’y apporter des réponses.

Je pense notamment à vos propositions visant à remplacer, pour ce qui concerne les permis de louer, l’accord tacite de la collectivité au bout d’un mois de silence par un refus tacite au bout de deux mois de silence. Personnellement, je pense que cela va ralentir plutôt qu’accélérer le processus, mais c’est à débattre.

Je pense aussi, nous en avons discuté lors des débats sur la loi ÉLAN, au fait d’autoriser ou non le maire ou le président de l’EPCI à consulter le casier judiciaire d’une personne qui sollicite un permis de louer ou un permis de diviser un logement. Nous avons eu ce débat, et nous avions alors conclu, comme, d’ailleurs, la commission mixte paritaire, de ne pas aller dans ce sens. Certes, c’est un débat qui peut rester ouvert, mais nous en avons déjà discuté et les deux chambres ont statué pour ne pas prévoir cette possibilité.

Enfin, un autre point à mes yeux extrêmement intéressant, qui mérite d’être conservé ou, en tout cas, étudié plus précisément, consiste en l’extension de la procédure simplifiée d’expropriation, instituée par la loi tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre, dite loi Vivien, aux immeubles ayant fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité remédiable. Cela mérite une analyse juridique approfondie, au regard des garanties accordées au droit de propriété, pour faire en sorte qu’une telle disposition ne soit pas censurée. Si je suis d’accord avec la finalité de cette mesure – l’incitation du propriétaire à exécuter les travaux prescrits –, sa validité n’est pas forcément évidente. En tout cas, il me semble à tout le moins que le délai accordé pour réaliser les travaux avant l’expropriation doit être revu, car, dans la proposition de loi, il est très court.

Je suis sûr d’une chose : la finalité que nous devons viser, la lutte contre l’habitat insalubre, passe aussi par des mesures efficaces dans l’exécution, par les personnes compétentes, des travaux d’office. Ce que j’expliquais précédemment, le fait que les astreintes sont aujourd’hui versées aux collectivités, est l’un des éléments qui doivent permettre d’y arriver.

Madame la présidente, madame la rapporteure, monsieur le sénateur Gilles, mesdames, messieurs les sénateurs, je pense très sincèrement que le sujet dont nous débattons cet après-midi est absolument crucial pour nos concitoyens. Contrairement à ce que l’on pense, le fléau des marchands de sommeil est en augmentation dans notre pays. Il faut donc, de manière complètement déterminée, prendre l’ensemble des dispositions qui permettent de lutter contre lui ; tel était le sens de la loi ÉLAN, et, je peux vous l’assurer, nous y allons très fort dans sa mise en œuvre, dans son exécution.

Nous devons également défendre l’exigence d’un habitat où l’on peut vivre en bonne santé, où l’on peut élever ses enfants en pleine sécurité. Je peux vous l’assurer, je continuerai de travailler avec vous, dans le même état d’esprit, pour déterminer l’ensemble des dispositions qui peuvent compléter le dispositif, tout en concentrant beaucoup d’énergie à mettre en œuvre l’ensemble des nouvelles actions que nous avons définies depuis bientôt deux ans, au travers tant du plan Action cœur de ville que de la lutte contre les copropriétés dégradées et contre, en vertu de la loi ÉLAN, les marchands de sommeil.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit également.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, si ce qui s’est passé à Marseille est fort heureusement exceptionnel, cet événement n’en demeure pas moins révélateur d’une situation indigne de la France. Aussi, je tiens à remercier notre collègue Bruno Gilles de son volontarisme et à l’assurer de la mobilisation du groupe Union Centriste sur ce sujet.

Les communes sont en première ligne dans la lutte contre l’habitat indigne ou dangereux. Les problématiques de l’habitat insalubre semblent essentiellement associées aux banlieues dégradées, aux grandes agglomérations, aux tours et aux barres des années 1970, dont les besoins sont légitimes et urgents. Nous ne devons néanmoins pas oublier que ce mal sévit également en dehors des zones urbaines. Mme la rapporteure l’a très justement souligné dans son rapport, l’habitat indigne et insalubre est bien un phénomène touchant tous nos territoires.

Les marchands de sommeil existent en effet partout : je pense à Imphy, une commune de la Nièvre connue pour ses aciéries historiques, dont la municipalité m’a récemment interpellée, car elle se sentait totalement désarmée, démunie, face au phénomène spéculatif. Reconversion de cités minières ou industrielles, transformation expéditive de bâtiments anciens en quelques appartements de fortune, voilà quelle est la réalité quotidienne.

En zone rurale, nombreuses sont, par ailleurs, les situations, souvent anciennes, de dégradation progressive ; cela concerne en grande partie des personnes âgées, occupant des logements vétustes, voire dangereux. L’identification et le traitement de ces zones dégradées sont particulièrement difficiles ; la typologie des occupants est très particulière, certains d’entre eux considérant même que leur logement n’est pas objectivement dégradé.

Le niveau de ressources, le sentiment de ne pas être éligible à des subventions, une culture qui ne porte pas à solliciter des aides, une forme de pudeur, la difficulté à se projeter dans des travaux qui bousculeront son quotidien ou à quitter un logement dans lequel on a toujours vécu empêchent d’atteindre cet objectif de rénovation de l’habitat insalubre.

Puis, il existe le stade suivant, dont je n’ai pas entendu parler, celui de la ruine inoccupée, dans le bourg, que les élus voient lentement se dégrader, tout en faisant le constat de leur impuissance. Il s’agit aussi, réellement, d’un habitat dangereux ; je pense ainsi à M. le maire de Saint-Saulge qui, le jour de ma visite dans sa commune, a dû faire déguerpir une bande d’adolescents qui, ne croyant pas mal faire, jouait dans une maison menaçant de s’effondrer.

Quels sont, en tel cas, les recours de la municipalité ? Certains bâtiments doivent purement et simplement être détruits. Or voici ce que prévoit la loi : le maire qui a connaissance de tels faits peut, sur sa propre initiative, engager une procédure de péril ; il doit saisir le tribunal administratif afin que celui-ci désigne un expert chargé, dans les vingt-quatre heures, de constater ou non le péril imminent. Tout cela semble d’une simplicité enfantine, mais, je vous le demande, monsieur le ministre : qui prend en charge la rémunération de cet expert ?

Je vais vous parler de celui que j’ai rencontré, l’été dernier, à Cessy-les-Bois. Sur le territoire de cette commune, une bâtisse menaçait ruine et présentait un réel danger. Il s’agit d’une commune de 104 habitants. La propriétaire du bâtiment en question était une dame anglaise injoignable, mais il aurait pu tout aussi bien s’agir d’une succession dont on ne retrouve pas les héritiers, d’une copropriété dont les différents membres ne s’entendent pas, des suites d’un divorce dans lequel chacun des conjoints renvoie l’affaire à l’autre, de propriétaires insolvables ou qui, simplement, comme à Neuvy-sur-Loire, refusent de payer ; bref, qui paie l’expert permettant d’initier la procédure ?

À Cessy-les-Bois, à Saint-Saulge, à Neuvy-sur-Loire et dans tant d’autres communes de France, on économise sur chaque dépense de fonctionnement ; et, s’il faut choisir entre des travaux dans l’école et l’expertise d’une ruine dont le propriétaire est défaillant, le choix sera simple.

Aussi, monsieur le ministre, je profite de l’occasion qui m’est donnée dans cette discussion générale pour appeler votre attention sur le fait qu’il faut impérativement prévoir un fonds, un mécanisme, une prise en charge de ces frais d’expertise. Si l’État souhaite réellement éradiquer, sur l’ensemble du territoire national, l’habitat devenu trop dangereux pour être occupé ou pour être reconverti, alors il faut prévoir un mécanisme qui permette de travailler aussi sur les bâtiments en péril. Il ne peut laisser les élus de proximité seuls face à ces lourdes responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel.

M. Michel Amiel. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, alors que le Gouvernement s’est pleinement saisi, depuis le début du quinquennat, de la lutte contre l’habitat indigne, le terrible effondrement du 5 novembre dernier, rue d’Aubagne à Marseille, nous a rappelés à une triste réalité ; l’habitat indigne perdure, et c’en est trop.

L’État, les élus locaux que nous sommes ou, en tout cas, que nous avons été et les collectivités souhaitent pouvoir agir de manière plus sévère, plus efficace, plus rapide et, surtout, plus coordonnée. En effet, le manque de lisibilité des compétences respectives fait que, trop souvent, chacun se renvoie la balle.

Aussi me paraît-il nécessaire de rappeler, à l’instar de M. Bruno Gilles, les différences, qui ne sont pas toujours bien comprises, entre habitat indécent, habitat insalubre et habitat dangereux. Le pouvoir de police générale du maire s’articule avec les pouvoirs de police spéciale d’une façon qui n’est pas toujours claire, d’autant que l’insalubrité relève de la compétence de l’État, même si la mairie, en tout cas pour les plus importantes, possède parfois un service communal d’hygiène et de santé. Il en résulte des difficultés à définir qui fait quoi, et dans quels délais.

Je comprends donc la démarche de mon collègue marseillais, Bruno Gilles, et les avancées qu’il a voulu mettre en place pour lutter contre l’habitat indigne afin d’atténuer les difficultés que je viens d’esquisser. Cette proposition de loi vise à renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales, à accélérer les délais de réponse des pouvoirs publics face aux situations d’insalubrité et de dangerosité et, enfin, à aggraver les sanctions contre les marchands de sommeil.

Un des points les plus pertinents qu’elle contient est la volonté d’actionner des leviers de prévention, au moyen de l’introduction de sanctions contre l’inaction d’un propriétaire, et de prévenir le passage des habitations d’une insalubrité remédiable à une insalubrité irrémédiable, afin de résorber au mieux les situations avant qu’elles ne deviennent trop critiques.

Le Gouvernement connaît l’ampleur du problème et a d’ailleurs fait de la lutte contre l’habitat indigne une priorité ; j’en profite pour saluer, monsieur le ministre, votre action lors de votre venue à Marseille, à laquelle j’étais associé. Je sais l’attachement du Gouvernement à protéger les plus vulnérables, pour offrir à chacun un logement respectueux de la dignité.

Je veux revenir sur trois faits parlants.

D’abord, dans la lignée de la loi ALUR, la loi ÉLAN, adoptée en fin d’année dernière, a habilité le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, des mesures concrètes pour simplifier les mécanismes de lutte contre l’habitat indigne, en permettant, par exemple, un meilleur repérage des bailleurs indélicats. Cette ordonnance a également pour objectif de favoriser le regroupement des compétences et procédures afin de rendre l’action publique plus efficiente en la matière.

Ensuite – dernier exemple en date –, une circulaire a été publiée le 8 février dernier afin, justement, d’améliorer la coordination de l’action des services de l’État et de renforcer l’efficacité de la réponse pénale. Le manque de coordination, la multiplicité d’acteurs jouent en effet, selon la Cour des comptes, en défaveur des politiques du logement. Aussi, cette circulaire rappelle l’importance de l’action des pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne, les PDLHI, qui devront établir, avant le début de juin 2019, un plan départemental pluriannuel, et elle incite à la mise en place de groupes locaux de traitement de la délinquance liée à l’habitat indigne.

Enfin, à l’occasion d’une question d’actualité au Gouvernement posée à la suite du drame de la rue d’Aubagne, vous avez rappelé, monsieur le ministre, la nécessité de travailler sur les délais pour favoriser l’action des maires et vous avez souligné les difficultés actuelles de relogement.

Notre pays compte près de 450 000 habitats indignes ou insalubres ; près de 1,3 million de personnes sont touchées par ce drame quotidien de la pauvreté. Cela comprend, on l’entend, d’abord, les composantes matérielles, mais le mal-logement prend aussi souvent la forme d’une suroccupation.

La commission a eu l’occasion d’en discuter, la qualité du travail de M. Gilles sur ce sujet important qu’est l’habitat indigne et les pistes explorées par cette proposition de loi vont dans le bon sens. Celle-ci cherche à parfaire les mécanismes de la loi ALUR en cernant avec davantage d’acuité le profil des marchands de sommeil, mais elle vise aussi à donner de nouvelles marges de manœuvre aux collectivités locales chargées de lutter contre l’habitat indigne.

Ce combat ne peut se concevoir que dans une politique globale du logement et, disons-le clairement, de lutte contre la pauvreté et la fragilité sociale. En effet, les locataires mais aussi des propriétaires en situation de précarité n’osent pas toujours entreprendre des démarches, faute de moyens pour les seconds, par peur de représailles pour les premiers. Le travail des pouvoirs publics face aux marchands de sommeil s’en trouve d’autant plus compliqué.

Toutefois, le sujet appelle à un peu plus de temps de réflexion. Ce délai me paraît nécessaire, notamment au vu de la mission confiée par le Premier ministre à deux députés, dont la députée marseillaise Alexandra Louis, sur le sujet, et dont les conclusions devraient être rendues d’ici à la fin de mai 2019.

Aussi, le groupe LaREM votera pour la motion de renvoi en commission, un vote bienveillant, qui nous laissera le temps d’évaluer et d’élaborer au mieux de nouveaux outils pour lutter contre ce véritable fléau qui touche les zones urbaines comme rurales, les locataires comme les propriétaires.

Cette proposition de loi, qui nous concerne tous et dont la réflexion doit s’inscrire dans une vision plus large, dans une vision politique de logement juste et pérenne, fera, je l’espère, l’objet de discussions plus nourries au début de l’été. (M. Daniel Chasseing applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi de Bruno Gilles nous permet d’évoquer un sujet important pour nos concitoyens, d’autant qu’il est souvent leur premier poste de dépenses, celui du logement et, plus particulièrement, du droit à un logement décent.

Même si la loi ÉLAN prévoit des mesures pour renforcer la lutte contre l’habitat indigne, beaucoup reste à faire concrètement sur le terrain, et l’actualité récente nous l’a rappelé à plusieurs reprises.

Au travers de cette question du logement, de nombreuses problématiques se font jour : enjeux économiques, territoriaux, sanitaires, sociétaux. Selon un récent rapport de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, le mal-logement coûte aux pays de l’Union européenne près de 194 milliards d’euros par an, en coûts directs et indirects. Si on compare cette somme aux 295 milliards d’euros d’investissements nécessaires pour la remise à niveau du parc immobilier en Europe, on constate que la rentabilité d’un tel investissement serait rapide pour l’État, pour ses entreprises et pour les Français.

En France, les chiffres parlent d’eux-mêmes ; si le taux de logement insalubre est, à Marseille, supérieur à la moyenne, avec environ 40 000 logements, soit 35 % du parc, le chiffre reste élevé dans beaucoup de régions de France, avec, par exemple, 10 % dans le nord de la France. C’est toujours trop.

La Fondation Abbé Pierre évalue à 3,8 millions le nombre de personnes mal logées, mais elle estime en outre que 12 millions de personnes sont susceptibles de basculer dans cette catégorie, au vu de la cherté des loyers et des charges. Au total, plus de 15 millions de personnes seraient touchées par la crise du logement, soit près d’un Français sur quatre, principalement dans les grandes villes et les centres-villes.

Face à ce constat, il est primordial d’agir à la fois sur le volet répressif – c’est l’objet de la présente proposition de loi –, mais également sur le volet préventif, non traité dans ce texte. En effet, pour agir efficacement, la prévention est essentielle. Les logements insalubres doivent être mieux identifiés. Pour cela, le travail de repérage sur le terrain, fondé principalement sur des signalements d’occupants ou de propriétaires, est essentiel.

À la suite de ces signalements, les services de l’État et ceux des communes peuvent réagir et décider si des travaux permettront de remédier à la situation d’insalubrité constatée.

Les moyens octroyés aux agences régionales de santé –bras armés de l’État pour identifier les logements insalubres – doivent être renforcés ; les réduire reviendrait à vouloir lutter contre la délinquance en supprimant des effectifs dans la police…

Si le nombre de logements indignes a diminué, passant de 600 000 à 400 000 au cours des dix dernières années, il est maintenant nécessaire de réduire le délai entre le temps du signalement et le temps de l’intervention, pour éviter des drames comme celui de Marseille.

Il convient également de se préoccuper de l’insalubrité des logements dans les zones périurbaines, essentiellement peuplées de propriétaires occupants. Pour ce faire, il est notamment nécessaire communiquer davantage et mieux sur les aides à la rénovation disponibles.

Le grand débat national nous permet de constater, à chaque réunion, que l’éloignement de la chose publique entraîne non seulement une méconnaissance forte des institutions et du modèle social français, mais aussi une ignorance des possibilités qu’offrent les dispositifs mis en place par l’État ou par les collectivités. Cela est notamment vrai pour les aides aux travaux d’isolation et de rénovation, le rapport coût-avantages étant, en outre, compliqué à appréhender pour les ménages.

Ainsi, selon le baromètre « habitat sain 2018 », les deux tiers du parc ont été construits avant l’entrée en vigueur des premières réglementations thermiques, en 1979, et seuls 10 % des logements sont classés, sur le plan énergétique, en catégorie A ou B. Parallèlement, de 1 % à 2 % seulement du parc immobilier est rénové chaque année.

Pour lutter efficacement contre l’habitat insalubre, il faut, plutôt que d’être dans la réaction à des situations dramatiques, privilégier l’anticipation et la prévention constructives.

Concernant le volet répressif, certaines mesures de la proposition de loi vont dans le bon sens. Il convient de renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités locales, d’accélérer les procédures et, surtout, de les simplifier.

Sous l’égide de grands principes ou de politiques nationales, et avec l’appui d’administrations et d’agences, c’est bien aux collectivités qu’il revient de piloter ces volets de l’action publique territoriale. J’espère d’ailleurs que la mission confiée au député Guillaume Vuilletet contribuera à simplifier et à harmoniser le dispositif législatif et réglementaire actuel non seulement pour le rendre plus efficace et simplifier la vie des collectivités locales, mais aussi pour assurer une meilleure appréhension par les habitants des possibilités offertes par les politiques publiques en la matière. La proximité est une donnée essentielle en matière de logement. Elle pourra être incarnée par les collectivités territoriales.

Mais ce renforcement des sanctions ne sera pertinent que s’il est accompagné de contrôles plus importants et des moyens humains et financiers adéquats. L’État ne pourra se défausser sur les territoires : le nouveau cadre devra prévoir la répartition des moyens humains et financiers appropriés.

Le groupe Les Indépendants soutiendra la motion tendant au renvoi de la proposition de loi à la commission présentée par la rapporteure afin de permettre un examen plus approfondi de ce texte et d’étoffer les mesures proposées.

L’existence de logements insalubres en France est un fléau qu’il faut combattre de façon déterminée au moyen d’une politique publique volontariste, en mettant l’accent sur les volets répressif et préventif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Charles Revet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.