M. Olivier Jacquin. Cet amendement vise à doter les collectivités territoriales d’un nouvel outil facultatif pour contribuer à financer de grandes infrastructures. Des dispositifs proches existent dans de nombreux pays, pas dans le nôtre.

Autour d’une gare TGV ou d’un arrêt de tramway, par exemple, on constate très régulièrement des augmentations très nettes des valeurs immobilières. Cet amendement vise à collecter une quote-part – minime – du gain induit par la construction de la structure financée par tous.

Il ne s’agit pas de lever une nouvelle taxe, mais de revaloriser des taxes existantes dans des conditions très encadrées : pour les constructions neuves, nous proposons de majorer la taxe d’aménagement d’un maximum de 20 % ; pour les logements anciens, nous proposons de majorer les taxes additionnelles aux droits d’enregistrement ou de publicité foncière d’un maximum de 0,5 % pour une durée limitée et prédéterminée. Tout cela s’appliquerait dans un périmètre restreint et prédéfini.

Il s’agit donc d’apporter de nouvelles recettes aux collectivités territoriales. Majorer les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, affectés aux départements, était extrêmement complexe. Il était préférable de passer par ces autres taxes qui reviennent directement aux collectivités concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Nous avons eu l’occasion d’en discuter en commission. Dans la mesure où il s’agit d’un amendement d’appel, mon commentaire sera très bref : toute taxe supplémentaire, même si elle est justifiée, ne contribue en réalité qu’à renchérir le coût du foncier et de l’immobilier. C’est ce qui s’est passé avec la taxe de 6 % sur les terrains agricoles devenus constructibles.

Les taxes d’aménagement et les droits de mutation sont très difficiles à évaluer. Par ailleurs, il faudrait, pour être juste, considérer également les moins-values liées à l’implantation de certaines infrastructures et trouver une forme de péréquation entre ces deux situations…

Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il faut être prudent quand il s’agit de créer de nouvelles taxes. Ce n’est pas forcément ce que nos concitoyens attendent de nous.

Pour autant, la réflexion sur la possibilité de capter des plus-values foncières mérite d’être posée. De tels dispositifs existent dans d’autres pays. Je pense notamment au Japon, où les infrastructures sont largement financées par la rente foncière dégagée autour des gares ou des stations.

En France, nous n’avons pas trouvé de mécanisme qui permette de répondre à cet objectif de captation de la plus-value foncière. Je ne suis pas sûre que le dispositif proposé permette au produit des taxes majorées de bien retourner dans la poche de celui qui a réalisé le projet…

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable. Toutefois, cette réflexion mérite d’être menée.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le débat sur les plus-values foncières liées à la construction d’infrastructures – de transport ou autres – est fondamental, si l’on veut éviter que le privé, à travers la rente foncière, ne capte les profits induits par l’investissement public.

Le problème est qu’il n’est pas si simple de trouver le bon mécanisme. Et à supposer qu’on le trouve, la question demeure de savoir à quoi doit servir cet argent.

Si la rente foncière augmente, c’est que le prix du terrain a augmenté, ce qui rend plus difficile la réalisation de logements sociaux. C’est ce qui se passe dans le cadre du Grand Paris, par exemple : on va avoir du financement en augmentant la charge foncière, ce qui va compliquer la construction de logements sociaux dans ces mêmes endroits. Or, si l’on veut vraiment défendre la mobilité, il faut justement du logement social à proximité des transports en commun…

Le sujet est donc plus global que le simple financement des transports. Refuser que cette rente soit captée par le privé est une bonne chose. Toutefois, je ne voterai pas cet amendement, car il me semble que l’effort de la Nation devrait davantage porter sur la crise de financement du logement social, notamment à proximité des endroits où le foncier a pris de la valeur.

M. Philippe Mouiller. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. J’apprécie le dialogue qui s’est ouvert.

Toutefois, je n’ai pas bien compris les propos du rapporteur sur des zones qui connaîtraient des moins-values : il s’agit de délimiter les secteurs où les collectivités pourraient, si elles le souhaitent, majorer les taxes concernées en raison de réelles plus-values. Il n’est pas question des terrains situés au bord d’une ligne TGV ou d’une autoroute, mais des abords d’une infrastructure ayant entraîné une plus-value immobilière dûment constatée.

Quant à l’idée que ce dispositif augmenterait le prix du foncier, le marché immobilier étant régi par la loi de l’offre et de la demande et ces taxes pouvant être négociées dans le cadre d’un d’achat de bien entre le vendeur et l’acheteur, je ne vois pas quelle conséquence il pourrait en résulter pour le marché foncier…

Nous sommes très loin de vouloir spolier les propriétaires qui réalisent des plus-values. Nous sommes dans une logique d’amendement d’appel. Il s’agit d’envoyer un signal et de commencer à chercher des solutions. C’est même une mesure de pure justice.

Moi qui habite dans l’est de la France, j’ai contribué, par mes impôts, et j’en suis heureux, à la construction de la liaison TGV Bordeaux-Tours. Or une personne de ma connaissance a acheté un appartement près de la gare de Bordeaux, voilà quatre ans, pour 400 000 euros ; cet appartement vaut désormais 600 000 euros. Pour l’essentiel, cette plus-value est liée à l’investissement public. Cette personne ne serait pas choquée de devoir redonner quelques milliers d’euros pour la construction de l’infrastructure ayant induit cette plus-value.

Comme vous l’avez souligné, de tels dispositifs existent dans de nombreux pays. Je vous remercie, madame la ministre, de considérer qu’il s’agit d’une piste de réflexion sérieuse et intéressante, s’agissant d’un outil nouveau pour les collectivités. Je retire donc cet amendement.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 679 rectifié ter
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article 1er bis (nouveau) (début)

M. le président. L’amendement n° 679 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 42 rectifié, présenté par M. Bonhomme, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grosdidier et Regnard, Mme Bruguière, M. D. Laurent, Mme Lassarade, MM. Vogel, Milon et B. Fournier, Mme Deromedi, MM. Rapin et Cuypers, Mme Canayer, M. Karoutchi, Mme Duranton et M. Sido, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1111-1 du code des transports est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le droit consacré au premier alinéa inclut celui de se déplacer au moyen de modes de mobilité active afin de pouvoir relier par ce biais dans des conditions sécurisées, au minimum, son domicile et son lieu de travail, ainsi que les zones offrant des services publics et non-publics.

« Ce droit s’exerce pleinement lorsque la distance entre les différents lieux mentionnés au deuxième alinéa est inférieure à 10 kilomètres. Il s’exerce également sur de plus longues distances, par le biais de la multimodalité.

« À ce titre, les personnes mentionnées à l’article L. 1211-1 prennent les mesures nécessaires pour développer l’usage des mobilités actives notamment par l’éducation, la formation et la sécurisation de ces modes de déplacements. »

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Malgré des politiques de construction d’infrastructures de transports en commun, la fracture territoriale est bien une réalité, qui s’est même parfois aggravée. En 2018, plus de 7 millions de personnes en âge de travailler, soit 20 % de la population active, ont rencontré des difficultés pour se déplacer.

Ces difficultés demeurent, alors même que 85 % des Français résident à moins de cinq kilomètres d’un service public ou d’un mode de transport.

En outre, ces politiques de transports induisent des modes de déplacement énergivores et participent à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre : en 2017, les transports en France étaient responsables de près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre et de 38 % des émissions de CO2. De même, plus de la moitié des émissions de CO2 des transports provient des voitures particulières.

Or la situation climatique et les objectifs fixés par l’accord de Paris nous commandent de modifier nos habitudes et de repenser en profondeur notre rapport à la mobilité et aux modes de déplacement.

Le développement des mobilités actives aura également des effets positifs en matière de santé publique. Selon une étude du Commissariat général au développement durable de mai 2016, le développement de l’usage du vélo et des transports en commun présenterait un bilan positif de plus d’un milliard d’euros.

Ainsi, le présent amendement vise à reconnaître à chaque personne la possibilité d’utiliser un mode de transport actif afin de relier, dans des conditions sécurisées, son domicile et son lieu de travail, ainsi que les lieux offrant des services publics et non publics situés à de courtes distances.

Pour les plus grandes distances, la multimodalité doit permettre, dans un grand nombre de situations, d’intégrer la mobilité active pour une partie du trajet à parcourir.

Je rappelle que 75 % des déplacements quotidiens font moins de huit kilomètres et que la notion de courte distance concerne tous les déplacements inférieurs à dix kilomètres.

Afin de rendre cet objectif effectif, l’État et les collectivités locales en charge des politiques de transport doivent prendre des mesures adéquates, notamment à travers l’éducation des plus jeunes, la sensibilisation des adultes à l’usage du vélo, à l’utilité des trajets à pied sur de petites distances, ainsi qu’à la sécurisation de ces modes de transport, afin d’encourager leur usage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Nous avons vu cet amendement comme un amendement d’appel.

Le droit à la mobilité n’est pas un droit opposable. Il convient d’être prudent sur les ajouts que l’on fait, les conséquences pouvant s’avérer très lourdes, notamment pour les autorités organisatrices de la mobilité.

Ne créons pas de l’insécurité juridique pour les collectivités territoriales. Il appartient aux élus, comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, de définir les modes de déplacement les plus adaptés à leur territoire.

Nous avons évoqué voilà quelques instants les spécificités d’un certain nombre de territoires de montagne ou insulaires : dix kilomètres en plaine ne sont pas dix kilomètres en montagne, c’est une certitude. Peut-être faudrait-il réintégrer une notion de temps ?

Nous souhaitons laisser aux collectivités locales le soin de définir les modes de déplacement les plus adaptés en tenant compte des besoins et des moyens disponibles.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je partage totalement l’objectif de développer les mobilités actives.

L’esprit de ce texte est bien de transformer le droit aux transports en droit à la mobilité pour prendre en compte l’ensemble des solutions de mobilité dont les mobilités actives sont un maillon essentiel.

C’est le sens du plan Vélo, présenté par le Gouvernement. De même, ces mobilités font l’objet d’un volet spécifique dans ce projet de loi.

Cet encouragement aux mobilités actives passe par le développement d’itinéraires cyclables, par la lutte contre le vol des vélos – avec le marquage des vélos et le développement de garages sécurités –, par la mise en place d’un forfait mobilité durable et par l’apprentissage du vélo – à travers le développement du « savoir rouler » – avant l’entrée en sixième.

Il me semble très important de promouvoir cette politique, mais les prescriptions envisagées sont trop précises, trop détaillées. De fait, elles pourraient se révéler inadaptées dans certains territoires de montagne ou dans des territoires enclavés, par exemple.

Il me semble important, à la fois, de soutenir les mobilités actives et de laisser des marges de manœuvre aux autorités organisatrices pour prendre en compte la diversité des situations et adapter au mieux les réponses.

Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Françoise Gatel, rapporteur pour avis. Comme M. le rapporteur et Mme la ministre, je tiens à souligner l’excellente intention des auteurs de cet amendement que nous partageons. Il est en effet nécessaire de développer les mobilités actives très tôt, pour aller à l’école.

Toutefois, le dispositif proposé met en cause non seulement les autorités organisatrices de mobilité, mais aussi, par exemple, les départements en charge de la gestion des routes départementales qu’il faut emprunter pour se rendre au collège à vélo. Pour que cela fonctionne, il faut une piste cyclable en site propre.

Or les départements, responsables de la voirie, qui ont une culture routière, n’ont pas encore intégré l’importance de chercher à aménager une piste cyclable en site propre au moment d’aménager de grands tronçons des voies dont ils ont la charge.

Je crains que l’adoption de cet amendement, plein de bonnes intentions, ne rajoute des contraintes aux collectivités, alors même que beaucoup d’entre elles développent des pédibus, en grande partie grâce à la bonne volonté de gens disponibles.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. J’entends les arguments qui me sont opposés. Merci, madame Gatel, de souligner mes bonnes intentions.

Je souhaitais marquer le relatif retard de la France en ce domaine. Au regard des autres pays, il nous reste un long chemin à parcourir. Espérons que ce chemin soit sécurisé… (Sourires.)

Je m’en remets à la force de persuasion de notre rapporteur et retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 42 rectifié
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Article 1er bis (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 1er bis (nouveau)

L’article L. 1241-4 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Île-de-France Mobilités est assimilé à un groupement de collectivités territoriales au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme. »

M. le président. L’amendement n° 1030, présenté par M. Mandelli, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - À la première phrase du premier alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 2010-597 relative au Grand Paris, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Mandelli, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1030.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 116 amendements au cours de la journée, dont 78 ce soir ; il en reste 661 à examiner sur ce texte.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er bis (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Discussion générale

6

Adoption des conclusions de la conférence des présidents

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents.

Elles sont donc adoptées.

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 21 mars 2019 :

À onze heures trente : suite du projet de loi, modifié par lettre rectificative, d’orientation des mobilités (procédure accélérée) (texte de la commission n° 369, 2018-2019).

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze et le soir : suite du projet de loi, modifié par lettre rectificative, d’orientation des mobilités (procédure accélérée) (texte de la commission n° 369, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 21 mars 2019, à une heure vingt-cinq.)

nomination de membres de commissions mixtes paritaires

La liste des candidats établie par la commission de laménagement du territoire et du développement durable a été publiée conformément à larticle 12 du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 9 du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat aux commissions mixtes paritaires chargées de proposer, dune part, un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant création dune Agence nationale de la cohésion des territoires et, dautre part, un texte pour les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de lAgence nationale de la cohésion des territoires et modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à lapplication du cinquième alinéa de larticle 13 de la Constitution sont :

Titulaires : MM. Hervé Maurey, Louis-Jean de Nicolaÿ, Patrick Chaize, Rémy Pointereau, Mme Nelly Tocqueville, M. Joël Bigot et Mme Françoise Cartron ;

Suppléants : M. Jean-Marc Boyer ; Mme Marta de Cidrac ; MM. Guillaume Gontard ; Benoît Huré ; Jean-François Longeot ; Mme Angèle Préville et M. Jean-Claude Requier.

Direction des comptes rendus

ÉTIENNE BOULENGER