M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le Sénat avait prévenu à l’époque !

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Il y a lieu de le rappeler en effet !

M. Didier Rambaud. Il a fallu, en conséquence, trouver 10 milliards d’euros, dont la moitié sur l’État.

M. Bruno Le Maire, ministre. Très juste !

M. Didier Rambaud. À ceux-là s’ajoutent 5 milliards d’euros pour rendre sincères les sous-budgétisations de la majorité précédente, sous-budgétisations régulièrement critiquées par la Cour des comptes.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Certes.

M. Bruno Le Maire, ministre. Eh oui !

M. Didier Rambaud. Ces chiffres montrent néanmoins l’effort qu’il reste à fournir pour le redressement de la trajectoire des finances publiques de notre pays. Cela a été dit, la réduction du ratio de dépenses publiques est moins prononcée que celle qui a été prévue et votée en loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Nous ne pouvons nous en satisfaire.

Mais ces chiffres, mes chers collègues, doivent aussi être lus au regard de l’actualité.

Cette actualité nous a rattrapés avec force. Elle nous a rattrapés à l’automne dernier, quand les Français ont exprimé une juste indignation et leur impatience face aux problèmes qui les touchent et auxquels nous avions tous collectivement échoué à répondre.

Ils ont demandé une baisse plus rapide de la pression fiscale.

M. Didier Rambaud. Outre les 32 milliards d’euros de baisses d’impôts déjà engagés, le Président de la République a, lors de sa conférence de presse de jeudi dernier, annoncé une baisse de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu pour les classes moyennes. Elle sera votée en loi de finances pour 2020 et effective dès janvier 2020.

Vous avez, monsieur le ministre, précisé les contours de cette baisse. Elle concernera environ 15 millions de foyers, principalement sur la première tranche de l’impôt sur le revenu.

Les Français ont aussi demandé plus de services publics, notamment de proximité. Le Président de la République a fait des annonces fortes, avec la création d’un point regroupant l’ensemble des services publics dans chaque canton – il y en a 4 000 en France. Il a aussi annoncé le gel des fermetures d’écoles et d’hôpitaux, qui ne pourront avoir lieu sans l’accord des maires.

Avec ces annonces, le Président de la République a fait le choix de répondre à cette colère sourde, ce sentiment de déclassement et d’abandon de nos territoires.

Il a aussi, et sans ambiguïté, revu l’objectif de suppression de 120 000 postes de fonctionnaires. Nous avons déjà eu une amorce de discussion en commission des finances, et voilà un sujet sur lequel notre groupe sera opposé à la majorité sénatoriale, qui, si j’en crois les propos du rapporteur général, n’a d’autre plan d’économie que de démanteler certains services publics.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lesquels ?

M. Didier Rambaud. J’ai entendu parler des agences régionales de santé ou des agences de l’eau.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui, notez bien : les agences régionales de santé et les agences de l’eau !

M. Didier Rambaud. Une majorité sénatoriale qui n’a d’autre plan que de supprimer des postes de fonctionnaires, sans préciser lesquels.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Vous non plus !

M. Didier Rambaud. Nous le dirons très clairement, donner plus de services publics de proximité, c’est une priorité. Limiter à 24 élèves les classes jusqu’au CE1, c’est une priorité dans la lutte contre les inégalités de vie minant notre pays. C’est aussi une urgence pour que notre système éducatif soit à la hauteur.

Nous serons clairs également sur ce fait : la baisse de la pression fiscale et le renforcement des services publics devront être financés, tout en respectant notre trajectoire de finances publiques.

Nous aurons enfin le débat sur les niches fiscales bénéficiant aux entreprises.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lesquelles ?

M. Didier Rambaud. Il faudra supprimer celles qui n’atteignent pas les objectifs fixés,…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lesquelles ?

M. Didier Rambaud. … celles dont l’avantage coût-bénéfice n’est pas favorable, notamment sur les créations d’emplois. Notre pays a besoin d’incitations fiscales à la prise de risque.

Il ne faudra toutefois pas céder à la facilité. Réduire les allégements de charges au-delà de 1,6 SMIC ne conduirait-il pas à construire des trappes à bas salaire ?

Enfin, le Président de la République souhaite que nous aboutissions, pour le premier trimestre 2020, sur un nouvel acte de décentralisation.

Aujourd’hui, toutes les politiques – logement, transport, éducation, sport – sont exercées par plusieurs échelons. C’est incompréhensible !

Clarifier les compétences, supprimer – enfin ! – les doublons, faire correspondre l’élection à une compétence pour que chacun soit responsabilisé, faire correspondre les services publics aux réalités des territoires : ce chemin sera long, mais il est nécessaire.

En conclusion, mes chers collègues, le programme de stabilité dont nous discutons aujourd’hui est une photographie utile…

M. Philippe Dallier. Une photographie un peu floue !

M. Didier Rambaud. … pour objectiver les grands équilibres macroéconomiques de notre pays, les confronter aux choix faits par le passé.

En tout état de cause, deux ans après l’élection d’une nouvelle majorité, ce programme de stabilité confirme l’efficacité des choix pris par le Gouvernement dont vous faites partie, monsieur le ministre : baisse des prélèvements obligatoires, sortie de la procédure de déficit public et, en même temps, investissements massifs sur la formation des plus éloignés de l’emploi, sur l’école et l’enseignement supérieur.

Ces orientations sont confirmées par les annonces récentes du Président de la République.

Mais, dans un pays où le ratio des dépenses publiques sur le PIB ne peut dériver, ces mesures devront s’accompagner de réformes profondes de l’appareil de l’État et de l’action publique.

M. Philippe Dallier. Depuis le temps qu’on vous le dit !

M. Didier Rambaud. Notre groupe sera vigilant à ces choix, dans le respect des préoccupations exprimées par les Français dans le cadre du grand débat. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Très bonne intervention !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Roger Karoutchi. On attend le même soutien !

M. Philippe Dallier. Cela ne va pas être pareil !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le ton va changer ! (Sourires.)

M. Éric Bocquet. Merci de vos encouragements, mes chers collègues ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais à titre liminaire rappeler une position constante des parlementaires de notre groupe : nous nous opposons à la logique même du programme de stabilité et de la procédure de semestre européen.

Comme beaucoup d’entre vous – la plupart, voire tous –, nous sommes profondément attachés au rôle des parlements nationaux. Le contrôle budgétaire et des finances publiques doit être du ressort des représentants élus du peuple, non de technocrates ou des marchés financiers.

Ce n’est pas à la Commission européenne de délivrer, ou non, un satisfecit à la politique budgétaire du Gouvernement ; c’est au contraire aux représentants de la Nation d’en définir les choix.

Cela est d’autant plus vrai que, faute d’avoir été approuvé par les institutions européennes, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire – dit TSCG –, qui renforce encore le contrôle budgétaire, est de fait devenu caduc depuis le 1er janvier 2018. Preuve en est, la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen refusa, en novembre dernier, de transférer ce traité en droit européen, pour cause de non-conformité.

En cette période de campagne pour les élections européennes, je veux ici réaffirmer que ce modèle de construction européenne, contraignant les finances publiques, ne répond pas aux attentes légitimes de millions de nos concitoyens européens.

Cette construction européenne est, à l’heure actuelle, un échec économique. Plutôt que de contraindre les plans de relance nationaux, le soutien au développement économique, nous agissons pour un développement solidaire et partagé à l’échelle du continent, adossé, notamment, à un nouveau rôle de la Banque centrale européenne.

Bien qu’illégitime à nos yeux, la procédure dans laquelle se place le programme de stabilité n’en est pas moins fort instructive.

Monsieur le ministre, le débat que nous ouvrons aujourd’hui se place dans un contexte très particulier à plus d’un titre. Il y a, bien sûr, la grande révolte fiscale qui a mobilisé nos concitoyens et continuera de les mobiliser. Il y a également la situation de l’Europe, laquelle fait face à la récession, avec une stagnation de l’économie de nos principaux voisins – l’Allemagne et l’Italie, par exemple.

Ces situations devraient nous faire réfléchir, vous faire réfléchir. Elles devraient influer concrètement sur la politique économique menée.

Face à une croissance atone, pour répondre aux besoins de protection et de service public exprimés par nos concitoyens, la dépense publique et la justice fiscale sont nécessaires, l’une n’allant pas sans l’autre.

Néanmoins, le programme de stabilité que vous nous présentez ne tire aucune leçon de la situation, ni du mouvement social en cours ni du ralentissement économique généralisé au sein de la zone euro.

Le programme que vous nous présentez est le reflet d’un paradigme, d’un cercle vicieux : baisser les impôts des plus riches et les cotisations des entreprises, d’une part ; baisser les dépenses, d’autre part. C’est ainsi que vous tentez d’atteindre l’équilibre. Cela, au moins, vous l’affirmez clairement : « la poursuite des efforts en dépense permettrait de financer la poursuite de la baisse des prélèvements obligatoires ».

Ce choix n’est pourtant pas sans conséquences. Nous voulons, ici, alerter l’ensemble des parlementaires et, à travers eux, l’ensemble de nos concitoyens. Ce choix idéologique est injuste socialement et inefficace économiquement.

Au regard des données de ce programme de stabilité, il aura, au moins, trois conséquences – particulièrement injustes – que je tiens à souligner.

Premier point, sur la durée, le cap fixé est de faire baisser la dépense publique de 3 points à l’horizon de 2022. Un tel objectif ne sera pas neutre pour les politiques publiques. Comme la Cour des comptes le soulignait dans un rapport de juin 2017, il conduira à réaliser près de 80 milliards d’euros d’économie. En somme, c’est véritablement un nouveau plan d’austérité que vous proposez aux Français.

Deuxième point, la poursuite des exonérations de cotisations sociales met en péril l’équilibre de la sécurité sociale et son financement par les revenus du travail. Elle conduit à une fiscalisation toujours plus importante de notre système de protection sociale. La montée en charge de la CSG fera reposer sur tous les citoyens ce qui devrait dépendre des revenus du travail. Elle conduira, lentement, mais sûrement, à faire reculer la gestion par les partenaires sociaux et, donc, la démocratie sociale.

Troisième point, ce programme de stabilité est porteur de choix en matière de politiques publiques. Il faut le dire à nos compatriotes, il privilégie les coupes dans les services publics, dans la protection sociale, pour favoriser un resserrement étroit sur les missions régaliennes et les opérations militaires extérieures, par exemple. Monsieur le ministre, ce que vous détruisez, c’est l’État social ; ce que vous construisez, c’est l’État gendarme.

Ce programme de stabilité marque, par ailleurs, l’échec de la politique économique que vous menez depuis deux ans. Le symptôme immédiat en est le ralentissement de la croissance.

Je voudrais me focaliser sur un autre point : la poursuite du CICE et sa transformation en baisse de cotisations sociales sont, à ce titre, tout à fait exemplaires.

Cela contribue-t-il à créer des emplois ? À ce stade, aucune réponse précise sur ce point. Cela permet-il une relance de l’économie ? Pas davantage. Dès lors, à quoi cela conduit-il, au regard de votre programme de stabilité ? À augmenter la dette et le déficit public : seuls nos créanciers, les marchés financiers, sauront s’en féliciter. Là encore, les cadeaux que vous faites aux grandes entreprises gagent l’avenir de la Nation dans son ensemble.

Enfin, dans la lignée de l’avis adopté voilà peu par le Conseil économique, social et environnemental sur votre programme de stabilité et de réforme, je souhaiterais pointer les sujets qui ne sont pas abordés. Ces impasses définissent, tout autant que vos coupes budgétaires, la nature de la politique que vous entendez mener.

La transformation de l’action publique que vous préconisez ne mentionne même pas l’intérêt général et procède avant tout d’une logique comptable.

Les partenaires sociaux n’ont pas été consultés.

La question du logement n’est pas abordée dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous sommes extrêmement inquiets à la lecture du programme de stabilité que vous nous présentez. Celui-ci n’est pas à la hauteur des défis de relance et de lutte contre la récession que la France et l’Europe doivent affronter. Il organise un transfert de fiscalité des entreprises vers les contribuables dans leur ensemble. À l’image de la conférence de presse du Président de la République la semaine dernière, il ne répond pas du tout à la profonde crise sociale et politique que notre pays traverse. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (M. Jérôme Bascher applaudit.)

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, comme chaque année, la publication du programme de stabilité et du programme national de réforme font l’objet d’un débat au Sénat, comme à l’Assemblée nationale.

M. Philippe Dallier. Pas tous les ans.

M. Jean-Claude Requier. L’an dernier, cette question avait fait l’objet d’une déclaration du Gouvernement au sens de l’article 50-1 de la Constitution.

C’est toujours un rendez-vous indispensable, surtout à quelques semaines des élections européennes, où nous pouvons prendre du recul sur l’année écoulée et tracer les perspectives du prochain cycle budgétaire.

Nous étions sortis de l’audition du président du Haut Conseil des finances publiques, Didier Migaud, avec l’impression parfois embarrassante d’un manque de visibilité inédit sur les prévisions économiques à court et moyen termes. Nous avons pourtant l’habitude des prévisions incertaines en matière économique, que le rapporteur général aime souvent à comparer à la science météorologique.

Pourtant, cette année, les différents indicateurs dont nous disposons peinent à tracer une voie, tant sont nombreux les points d’interrogation, à commencer par l’état du commerce international.

La chute brutale du commerce mondial à la fin de 2018, après des années de stabilisation et de remontée depuis la crise de 2008, est le phénomène le plus spectaculaire de ces derniers mois : plus que les incertitudes liées au Brexit, la situation de l’Italie ou encore la crise des « gilets jaunes » chez nous, même si je ne sous-estime bien évidemment pas ces autres sujets.

Dans ce contexte, l’économie française bénéficie, pour ainsi dire, de la force de ses faiblesses. Importatrice nette depuis plusieurs années, donc moins exposée que ses voisines allemande, italienne ou néerlandaise, elle est logiquement moins affectée par un ralentissement soudain des échanges mondiaux.

Mais cet avantage, relatif et conjoncturel, ne doit pas faire oublier les difficultés structurelles en termes d’offre, de production, de compétitivité, auxquelles le Gouvernement s’efforce depuis bientôt deux ans de répondre. De plus, nous restons vulnérables à une hausse des prix des carburants, qui a été, ne l’oublions pas, l’un des facteurs déclencheurs du mouvement des « gilets jaunes ».

Dans ce cadre, désormais plus contraint, il faut donner crédit au Gouvernement d’avoir cherché à améliorer la maîtrise des comptes publics, avec un déficit ramené sous la barre des 3 % du PIB en 2017 et 2018, et une certaine stabilisation de l’endettement public un peu au-dessous de 100 % du PIB, un niveau certes élevé.

Le véritable risque pourrait venir de l’endettement privé. Alors que l’endettement des ménages a été à l’origine de la crise financière de 2007-2008 aux États-Unis et dans certains pays européens, l’endettement privé, des entreprises et des ménages, est aujourd’hui plus élevé en France que la totalité de la dette publique. Il est vrai que la politique de taux bas, voire nuls, de la Banque centrale européenne depuis plusieurs années facilite beaucoup l’accès au crédit et que, associée à une inflation faible, elle encourage les agents privés à s’endetter.

Les niveaux désormais atteints devraient conduire à une certaine vigilance, en particulier en ce qui concerne les entreprises. D’après le journal Les Échos, en 2015, la dette des entreprises équivalait à 125 % du PIB, soit 30 % de plus que la dette publique. Si la dette peut être un levier pour investir et faire croître l’économie, les crises passées nous ont appris qu’elle comporte des risques contre lesquels il est essentiel de se prémunir.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quel suivi votre administration effectue de ce phénomène et quel est le niveau de coordination avec les autorités monétaires européennes ?

Pour ce qui concerne la stratégie de gestion des finances publiques, l’année 2019 devait de toute façon être marquée par la transformation du CICE en réduction de cotisations sociales. À cela s’ajoutent les mesures d’urgence votées à la veille de Noël dans le contexte que nous connaissons.

Je note que le Gouvernement a d’ores et déjà décidé de recettes supplémentaires dans le projet de loi sur la taxation des services numériques que nous examinerons prochainement. Son article 2 déroge à la trajectoire de réduction de l’impôt sur les sociétés à l’horizon de 2022, pour un rendement estimé à quelque 1,7 milliard d’euros.

Je n’oublie pas non plus, évidemment, l’impact à venir des dernières annonces du Président de la République, dont nous attendons maintenant de connaître précisément les contours législatifs.

Toutes choses étant égales par ailleurs, le solde public devrait s’améliorer automatiquement en 2020 du fait de la disparition de la mesure ponctuelle liée au CICE. Mais alors, c’est l’environnement international qui reste assez incertain.

Il me semble qu’une des conclusions essentielles à tirer du mouvement des « gilets jaunes » et du grand débat national est une exigence, à la fois, de justice fiscale et de meilleur usage des deniers publics.

Beaucoup de Français refusent davantage d’impôts, cela paraît clair. Mais ils ne veulent pas nécessairement moins de services publics. En revanche, ils souhaitent que chaque euro dépensé par la puissance publique, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités, des hôpitaux, le soit avec un meilleur service, une meilleure qualité et dans le cadre d’une répartition équitable sur tout le territoire national. D’autres pays avec une forte dépense publique y parviennent. Pourquoi pas nous ?

Nous avons tendance, au cours de ces débats sur les finances publiques, à citer de nombreux chiffres ou nous appuyer sur de nombreux graphiques. Trop souvent, nous parlons de façon comptable. La priorité, pour le Gouvernement, doit désormais être la qualité de la dépense publique, ainsi que la satisfaction des Français et de leurs représentants ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Jérôme Bascher applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut le reconnaître, la tâche consistant à définir une trajectoire financière à quatre ans, dans un monde et une période si incertains et imprévisibles, est une tâche difficile.

Vos nouvelles prévisions, monsieur le ministre, corrigeant le solde public à -1,2 point de PIB et limitant la baisse de l’endettement à 1,6 point à l’horizon de 2022, sont en adéquation avec les données du moment. Elles sont réalistes et claires. Le groupe Union Centriste tient à le saluer.

Mais, nous le savons, les aléas sont nombreux – sur le plan mondial, européen et national.

Qui pourrait aujourd’hui prédire la stratégie commerciale américaine à l’approche des élections de 2020 et les conséquences de ses à-coups douaniers et tarifaires sur l’économie européenne et française ?

Quid de l’issue du Brexit et de la nouvelle configuration de la politique européenne, au sortir des élections du 26 mai ?

Comment mesurer avec précision l’impact des orientations fixées par le Président de la République à l’issue du grand débat ?

Enfin, la suppression de la taxe d’habitation, d’un coût supérieur à 10 milliards d’euros, est-elle intégrée à la trajectoire des finances publiques que vous nous présentez ?

M. Philippe Dallier. Il faut l’espérer !

M. Bernard Delcros. Pensez-vous, monsieur le ministre, que ces aléas pourraient vous amener à réviser le programme de stabilité ?

Quoi qu’il en soit, malgré ces incertitudes, notre pays doit garder le cap : le cap de la bataille de l’emploi, dont les premiers résultats sont encourageants ; le cap de la nécessaire transformation de notre pays et de son adaptation aux enjeux du XXIe siècle ; le cap du redressement des comptes publics, qui doit rester une priorité.

Cet objectif exige de chacun d’entre nous un devoir de cohérence et de responsabilité.

On ne peut pas réclamer simultanément la baisse des impôts, la réduction du déficit, la diminution de la dette, sans préciser avec quels moyens nous organiserons la présence des services dans les territoires, alors même que nous devons faire face à l’allongement de la durée de vie et au phénomène de dépendance qui l’accompagne.

Pour ma part, je considère que la baisse des prélèvements obligatoires ne doit pas être un objectif aveugle.

Oui à la baisse de l’impôt sur le revenu pour les premières tranches et les classes moyennes ! Oui à la baisse de l’impôt sur les sociétés pour gagner le pari de l’innovation, de la recherche, de l’investissement, de l’emploi ! Mais oui, aussi, à une juste taxation des GAFA ! À cet égard, nous soutenons votre position en faveur de la création d’un impôt minimum mondial ! Et oui à une lutte efficace, plus efficace, contre l’évasion fiscale et à l’encadrement de l’optimisation fiscale : nous pouvons faire mieux !

Pour susciter l’adhésion de nos concitoyens – mieux, pour qu’ils soient partie prenante d’une dynamique collective –, la mise en œuvre des réformes doit avoir, pour principale boussole, la recherche d’une plus grande équité.

Monsieur le ministre, la nécessaire transformation de notre société et le redressement des comptes publics doivent s’appuyer sur une exigence permanente de justice sociale, de justice fiscale, de justice territoriale. Le groupe Union Centriste est prêt à vous accompagner dans cette voie, mais sera attentif au respect de ces valeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jérôme Bascher applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, le programme de stabilité fera l’objet d’une attention toute particulière de la part de la Commission européenne, ainsi que des autres pays européens.

Et pour cause : du fait du poids économique de la France, la trajectoire de nos finances publiques revêt une importance singulière aux yeux de nos partenaires. Comme chaque année, le programme de stabilité français suscitera chez eux de nouveaux espoirs.

Mais les gouvernements précédents ont pris la mauvaise habitude de décevoir ces espoirs, si bien que la crédibilité de la France s’en est trouvée écornée. Durant de trop nombreuses années, nous avons inlassablement rejoué la même farce : au printemps, nous nous targuons de notre rigueur future et, à l’automne, nous nous accommodons de notre désinvolture.

Cette année encore, ce document fera donc éclore les mêmes espoirs printaniers.

Cependant, nous aurions tort de ne pas apprécier ce programme de stabilité à sa juste valeur. Il faut le dire, la trajectoire qu’il présente nous remet sur de bons rails. C’est comme si nous entrions dans une gare : l’horaire du train nous convient ; encore faut-il qu’il arrive à l’heure…

Les principaux indicateurs devraient ainsi repasser à l’orange : réduction du déficit à 2,3 % du PIB en 2019, abstraction faite de la bascule comptable du CICE, soit la troisième année consécutive sous la barre des 3 % ; maîtrise de la dépense publique à 0,2 % par an, soit l’équivalent de 3 points de PIB sur l’ensemble du quinquennat ; baisse de 1,4 point de PIB pour les prélèvements obligatoires sur la même période ; inversion de la courbe de la dette, avec, pour la première fois depuis des décennies, une diminution de son volume global sur le quinquennat.

De même, les prévisions actualisées de croissance, bien qu’elles aient été revues à la baisse, confirment une tendance solide, aux alentours de 1,4 % pour 2019 et 2020, au-dessus de la moyenne de la zone euro, portée notamment par une consommation vigoureuse.

Pour réaligner durablement la trajectoire de nos finances publiques sur les objectifs du pacte de stabilité, il faut nécessairement revenir aux fondamentaux. Les réformes annoncées peuvent aller dans le bon sens, mais les efforts portés à la fin du quinquennat nous interrogent.

De plus, tout ne dépend pas de nous et nombreux sont les nuages qui assombrissent ces perspectives de croissance : incertitudes liées au Brexit et à la possibilité d’un no deal ; tensions commerciales avec les deux géants mondiaux ; tentations protectionnistes chez certains de nos partenaires, notamment européens.

Hélas, mes chers collègues, rien de nouveau sous le soleil, et les mauvais augures d’une dégradation généralisée du commerce international vont bon train.

Mais en économie, c’est bien connu, quand la confiance disparaît, la crise survient ! Tâchons donc de reprendre confiance en nous-mêmes pour inspirer confiance aux autres. Nous ferons ainsi entendre les revendications françaises au niveau européen, par exemple sur les questions climatiques dans le cadre des négociations à venir pour un accord commercial avec les États-Unis.

Mes chers collègues, ce programme de stabilité n’est ni une cure d’austérité ni une sinécure : il nous permet simplement de respecter les engagements que nous avons pris au niveau européen.

Pour nous préparer à une prochaine crise, rien ne sert de prédire un éventuel relèvement des taux ou une hypothétique crise de la dette : il faut continuer d’assainir nos comptes publics, afin de nous prémunir de temps moins cléments.

Pourtant, nous aurions vraiment tort de croire que le danger ne peut venir que de l’extérieur. La crise des « gilets jaunes » nous rappelle qu’un équilibre est toujours fragile et que la stabilité ne se laisse pas facilement programmer.

Le Gouvernement l’a réaffirmé à l’issue du grand débat : parce que l’exaspération fiscale est à son comble, il faudra baisser les prélèvements obligatoires et, pour baisser les prélèvements obligatoires, il faudra encore réduire les dépenses publiques.

Aussi, les annonces faites par le Président de la République, notamment concernant la baisse de l’impôt sur le revenu, devront-elles s’inscrire dans le strict respect de cette trajectoire.

Il nous faudra persévérer pour restaurer la crédibilité des programmes de stabilité français. Il y va, à Paris comme à Bruxelles, de la crédibilité des responsables politiques français. Dans la crise de confiance que nous traversons, nous devons démontrer que nous pouvons tenir nos engagements.

Les difficultés sont trop nombreuses, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières. Mais c’est le chemin qui doit nous ramener dans les clous de Maastricht, avec, en ligne de mire, une dette ramenée sous la barre des 60 % du PIB.

Sans aller jusqu’à l’austérité, nous aurons besoin de rigueur. Comme l’a dit Paul Valéry, « la plus grande liberté naît de la plus grande rigueur ».

Mes chers collègues, attachons-nous à tenir rigoureusement un programme de stabilité. C’est notre devoir à l’égard des générations futures. Mais c’est aussi la première étape d’une réflexion de fond, qui doit nous amener à repenser la place et le rôle de l’État dans la société. (MM. Michel Canevet, Jérôme Bascher, Roger Karoutchi et Sébastien Meurant applaudissent.)