Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces trois amendements.

En premier lieu, il ne pourra pas être proposé suffisamment de terrains de stage en zones sous-denses dans toutes les spécialités pour permettre à l’ensemble des étudiants d’une promotion de respecter la prescription obligatoire. En outre, pour certaines de ces spécialités, cela a été rappelé hier par Agnès Buzyn, une telle obligation n’aurait même pas de sens.

En second lieu, eu égard à l’impossibilité de disposer à court terme, de manière générale, d’un nombre suffisant de maîtres de stage en zones sous-denses pour accueillir, au cours d’une même année, l’ensemble d’une promotion – à peu près 9 000 étudiants, toutes spécialités confondues –, il nous paraît déraisonnable d’imposer des mesures que nous n’arriverions pas à faire appliquer.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. Je maintiens l’amendement n° 56 rectifié.

Je suis d’accord avec le rapporteur quand il dit que l’objectif premier des études de médecine est de permettre l’apprentissage du métier de médecin, mais, comme dans d’autres professions, un stage peut avoir d’autres effets positifs au regard de l’intérêt public.

Par ailleurs, l’argument relatif au manque de maîtres de stage ne me satisfait pas : l’un des problèmes de la médecine de ville tient au fait que, souvent, les médecins n’ont pas le temps de s’occuper d’un stagiaire.

Le stage est un levier important pour améliorer la répartition des médecins dans notre pays.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Ces amendements me semblent particulièrement intéressants, parce qu’ils permettent de mettre le doigt sur un problème que l’on évoque assez rarement. Les étudiants en médecine préfèrent effectuer leurs stages en zone urbaine, pour être proches de leur hôpital de rattachement : rappelons qu’ils doivent suivre des cours à l’hôpital en parallèle.

Si l’on veut que nos jeunes médecins se fixent dans les zones rurales ou sous-denses, il convient de les motiver. Or quoi de mieux, pour cela, que de leur faire découvrir ces territoires ? Sans imposer que tous les stages soient effectués en milieu rural ou en zone sous-dense, je pense que l’on pourrait prévoir qu’un stage au moins devra être accompli dans ces territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.

M. Jacques Genest. Je voterai ces trois amendements.

On parle beaucoup de désertification médicale, phénomène qui ne touche pas uniquement les zones rurales, mais aussi des zones urbaines ou périurbaines. Il faut tenter tout ce qui est possible pour sortir de la situation actuelle. Si, sur cent étudiants, il y en a un qui s’installe dans la zone où il a fait son stage, ce sera déjà une réussite ! On ne peut tout de même pas laisser 90 % du territoire français sans accès aux soins et sans médecins !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Nous avons adopté hier soir, à une très large majorité, la possibilité pour les étudiants, après dix années d’études, d’effectuer un stage en autonomie, sous la supervision bien sûr d’un médecin référent. Le Sénat n’a pas perdu la tête ; il a pris des mesures importantes pour tous les territoires où il existe des difficultés en matière d’accès aux soins de premier recours. C’était exactement ce qu’il fallait faire !

Ces trois amendements sont relatifs au deuxième cycle des études médicales. Comme mes collègues, je souhaite que ces stages de découverte, de sensibilisation puissent se dérouler dans des zones, rurales ou périurbaines, où l’offre de soins est insuffisante. Je n’ai pas prévu, pour ma part, d’instaurer une obligation : il s’agit d’inciter à découvrir différents territoires de santé, en complément des stages hospitaliers. Les facultés de médecine pourraient dégager quelques jours à cette fin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Oui, les stages sont importants, partout sur le territoire.

Je citerai l’exemple de mon département, la Mayenne. Voilà plus de dix ans, il comptait parmi les départements les plus touchés par les difficultés de recrutement de médecins. Nous n’avons pas eu besoin de tels amendements pour changer la donne : nous nous sommes simplement demandé, avec les médecins en place, comment attirer de jeunes praticiens.

Beaucoup de nos médecins ont accepté de devenir maîtres de stage universitaire. Je présenterai d’ailleurs un amendement visant à rapprocher la formation des maîtres de stage de leur lieu d’exercice : en effet, si l’université est éloignée de celui-ci, les déplacements à accomplir pour suivre la formation sont un frein important.

Les étudiants en médecine nous le disent tous : ces expériences sont formidables et, généralement, elles les aident à construire leur projet professionnel. Ainsi, en Mayenne, deux tiers des médecins qui se sont installés depuis dix ans avaient fait un stage dans le département.

C’est ainsi que l’on accroche les jeunes : en mobilisant les professionnels, mais aussi les élus, parce qu’il faut offrir aux stagiaires les moyens de se loger et de se déplacer. Aujourd’hui, l’indemnité destinée à couvrir les frais de déplacement ne s’élève qu’à 130 euros par mois, ce qui est trop peu pour des jeunes qui doivent suivre à mi-temps des cours dans une université éloignée de leur lieu de stage.

Nous avons en outre instauré une première année de médecine dans notre département, en lien avec le CHU d’Angers ; cela se fait aussi dans d’autres départements.

En résumé, il n’est pas besoin de ces amendements pour accueillir des stagiaires. Du reste, les adopter serait envoyer un mauvais signal aux étudiants.

Mme la présidente. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Élisabeth Doineau. Ce n’est pas en les forçant à accomplir des stages dans des territoires sous-dotés que l’on incitera davantage d’étudiants à choisir la médecine générale, au contraire !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Il y a une différence entre ces trois amendements : deux d’entre eux imposent, celui de mon collègue Chasseing propose.

La seule formation suffira-t-elle pour attirer davantage de médecins, notamment généralistes, dans les secteurs hyper-ruraux ? Je n’en suis pas persuadé. Il faut une mobilisation générale, comme notre collègue vient de le dire. En Aveyron, le conseil départemental a organisé une telle mobilisation et, alors que certaines zones ne comptent que cinq ou six habitants au kilomètre carré, les installations sont beaucoup plus nombreuses que les départs à la retraite.

Cela dit, c’est un travail de longue haleine, dans lequel les collectivités locales doivent elles aussi s’impliquer, y compris pour encourager de nombreux médecins à devenir maîtres de stage.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Il est quelque peu paradoxal que le problème de la médecine de ville soit la médecine de campagne…

Il est nécessaire d’attirer des médecins dans nos campagnes, où les Français expriment largement, dans de nombreux scrutins et sur de nombreux ronds-points, leur préoccupation devant le phénomène de la désertification, notamment médicale. Cela mérite d’être entendu, mesdames les ministres !

La solution passerait-elle, paradoxalement s’agissant de la médecine libérale, par la coercition ? Sans doute pas, mais il est nécessaire que vous preniez en compte ce que les Français expriment. Dans la pyramide de Maslow, la santé est la première des préoccupations.

Il est normal que les CHU soient implantés en ville, il est logique que les universités se regroupent dans de grands centres pour que recherche et enseignement supérieur se nourrissent mutuellement, mais la ville doit aussi soutenir la campagne. Il faut donc faire un effort, un geste.

Néanmoins, je suivrai l’avis du rapporteur, car je ne crois pas à la coercition sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Hier soir, nous avons longuement débattu de la désertification médicale, et tout le monde, au sein de l’exécutif ou du Parlement, partage la même préoccupation ; je ne ferai de procès d’intention à personne.

Encore une fois, la question qui se pose est celle des outils. Nous avons fait à cet égard une proposition importante, qui permet justement d’apporter une réponse non coercitive. Le nombre de médecins généralistes en activité baisse d’année en année : on en comptait encore 800 de moins en 2018 par rapport à 2017. Dans un tel contexte de pénurie, brandir le bâton et frapper ne servirait à rien du tout. On se donnerait bonne conscience, mais les territoires n’y gagneraient rien.

Nous avons la faiblesse de penser que la mesure que nous avons proposée est d’un autre niveau. Elle prolonge le sillon incitatif, mais en le creusant de façon plus volontariste et plus rapide. On reviendra sur ce qu’elle implique du point de vue de l’adaptation du troisième cycle, mais il faut, me semble-t-il, aller dans ce sens.

Le dispositif de l’amendement n° 499 rectifié est relativement souple ; il ouvre une possibilité au niveau du second cycle. Nous n’y sommes pas défavorables.

En revanche, les amendements nos 56 rectifié et 225 ne sont clairement pas en cohérence avec le message envoyé hier soir par le Sénat, qui a tendu la main aux jeunes, en leur indiquant qu’il n’entendait pas les contraindre ; il les a simplement appelés à prendre leur pleine part dans la résolution du problème de la désertification médicale. Nous avons besoin d’eux, et il s’agit donc de prendre en compte leurs besoins. Le groupe socialiste et républicain ne votera pas ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Je fais un distinguo entre deuxième et troisième cycles, entre formation et formation professionnalisante.

Même si nous n’avons pas remporté un vif succès auprès du Gouvernement avec notre amendement concernant le troisième cycle, il me semble à moi aussi que l’option proposée hier soir est raisonnable. Il ne s’agit bien évidemment pas de la panacée pour résoudre le problème des déserts médicaux – expression d’ailleurs impropre, car les réalités qu’elle recouvre concernent non seulement la France rurale, mais aussi des banlieues, voire des hypercentres où l’immobilier est extrêmement cher, comme à Paris.

Les mesures coercitives peuvent être efficaces, à la rigueur, lorsqu’il y a pléthore : on l’a vu à propos des conventionnements sélectifs des infirmières et infirmiers. Mais lorsqu’il y a pénurie, comme dans le cas des médecins, de telles mesures n’ont absolument aucune efficacité. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables aux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Nous partageons la même préoccupation pour nos territoires : cela ne peut plus durer ! Dans certains d’entre eux, les gens ne sont tout simplement plus soignés !

Mesdames les ministres, il va bien falloir que vous preniez vos responsabilités, de manière plus marquante que vous ne l’avez fait hier soir.

Nous vous avons tendu la main. Les dispositions de l’amendement qui a été adopté peuvent sûrement être améliorées, notamment en termes d’autonomie des étudiants de troisième année de troisième cycle, c’est-à-dire en neuvième année de médecine. Quand j’étais étudiant, nous commencions à effectuer des remplacements en sixième année. Si, aujourd’hui, les étudiants de neuvième année n’ont pas acquis la maturité nécessaire pour assurer le face-à-face avec le malade, mieux vaudrait qu’ils changent de métier ! (Sourires.)

La dernière année professionnalisante va nous permettre de mettre à disposition de tous les territoires, en priorité ceux qui sont sous-dotés, des centaines de médecins. Même si ces étudiants ne sont pas encore docteurs, ils sont déjà capables de remplacer un médecin.

Mesdames les ministres, vous qui ne voulez pas, comme la plupart d’entre nous, de mesures coercitives, vous avez là l’occasion d’envoyer un signal fort aux territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je fais miens, en particulier, les propos de MM. Savary, Amiel et Jomier.

Qu’est-ce qu’un désert médical ? À Paris, on manque de médecins généralistes ; il en est de même en banlieue, pour des raisons différentes, ou à la campagne, pour d’autres raisons encore. Ces différences impliquent que les jeunes médecins doivent être aidés différemment selon l’endroit où ils veulent s’installer.

Si l’on veut instaurer une obligation de réaliser un stage de troisième cycle en zone sous-dense, comme le prévoit l’amendement n° 56 rectifié, encore faudra-t-il déterminer ce qu’est une telle zone.

En outre, comme le soulignait hier soir à juste titre Mme la ministre, les hôpitaux sont en zone sous-dense : de nombreux postes de praticien hospitalier ne sont actuellement pas pourvus, sur l’ensemble du territoire. Un étudiant effectuant un stage de troisième cycle en pédopsychiatrie dans un hôpital de Bretagne satisfait donc aux exigences posées par les auteurs de l’amendement, tandis que, en campagne, on a besoin de médecins généralistes…

Le problème ne pourra être réglé par petits à-coups, en ouvrant par exemple la possibilité aux étudiants de deuxième cycle de faire un stage en zone sous-dense, comme le propose M. Chasseing. Si le lieu de stage est éloigné de la faculté de médecine, qui prendra en charge les frais de transport et de logement de l’étudiant ? Cela devra être l’État ou la faculté ; c’est un autre sujet.

La proposition consensuelle de la commission des affaires sociales, émanant de l’ensemble des groupes politiques, me semble juste et saine. Si le Gouvernement l’acceptait, sa mise en œuvre pourrait avoir des répercussions positives sur l’ensemble des zones sous-denses – hôpitaux, villes, banlieues, campagnes…

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Que les choses soient bien claires : l’existence de zones sous-denses n’est pas un phénomène récent, et s’il existait des solutions simples, ce problème aurait été résolu depuis longtemps.

Quelques exemples où un travail de terrain, non coercitif, visant à répondre aux aspirations d’internes faisant le choix de s’installer en secteur libéral au terme de très longues études nous ont été présentés. Par définition, s’agissant d’installations en libéral, la seule action possible est de créer, pour les futurs médecins, des conditions leur permettant d’apprécier de découvrir et d’apprécier le territoire où ils effectuent leurs stages, une certaine façon d’exercer, une certaine qualité de vie, une certaine patientèle.

Je suis persuadée que c’est dans cette direction que nous devons travailler. Le doublement du numerus clausus, en 2005, n’a pas permis de résoudre le problème des déserts médicaux. La question est donc de savoir comment inciter des jeunes à choisir de manière positive, après des études très longues et très difficiles, de s’installer dans des territoires où, j’en suis convaincue, l’exercice de la médecine peut être tout à fait épanouissant sur les plans intellectuel, personnel et professionnel.

Les réformes que nous vous proposons ont pour objectif de remettre en valeur ce qui a longtemps été au cœur du métier de médecin et que nous avons peut-être un peu perdu de vue, parce que la formation est devenue de plus en plus technologique, au détriment du contact humain.

L’ensemble de ce projet de loi vise à améliorer la situation. Nous pourrons, bien évidemment, rediscuter d’un certain nombre de dispositions, mais je tenais à faire cette déclaration de manière très solennelle. Tout comme vous, le Gouvernement est très attaché à la préservation de l’accès à des soins de qualité pour tous nos concitoyens.

Je ne crois pas à la coercition. Je connais de jeunes médecins diplômés qui, si on voulait les obliger à exercer sur un territoire qu’ils n’ont pas choisi, renonceraient tout simplement à s’installer : contre cela, on ne peut rien ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est la raison pour laquelle il faut leur donner l’envie de venir !

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.

Mme Corinne Imbert. Je ne voterai pas ces amendements, même si je partage les préoccupations et le diagnostic de mes collègues.

Ne rien faire, ici au Sénat, chambre représentant les territoires, pour tenter d’améliorer la situation de la démographie médicale aurait été irresponsable. La commission des affaires sociales a donc travaillé de façon transpartisane, en tendant la main à la fois aux étudiants en médecine – la mesure que nous avons adoptée hier n’est pas coercitive – et au Gouvernement, pour proposer une réponse pragmatique et efficace à la situation d’urgence de certains territoires, ruraux ou urbains. La transformation de la dernière année de médecine – en médecine générale ou dans certaines spécialités, comme l’ophtalmologie ou la gynécologie – en année professionnalisante, pour permettre aux étudiants d’exercer, en priorité dans les zones sous-denses, pendant une année complète, présenterait en outre l’intérêt, mesdames les ministres, de libérer des places de stage. Ces étudiants en neuvième année de médecine, s’ils exerceront en « autonomie supervisée », ne travailleront pas pour autant seuls au milieu de nulle part : un confrère sera présent dans le cabinet à côté. (Mme la ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation le conteste.) Faites confiance au Sénat !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. À nos yeux, l’amendement présenté par la majorité des membres de la commission des affaires sociales qui a été adopté hier était rédigé d’une telle façon qu’il opposait pratique en cabinet et pratique hospitalière. J’avais d’ailleurs attiré votre attention sur ce problème, mes chers collègues.

Par ailleurs, Cathy Apourceau-Poly avait soulevé la question du statut de ces médecins-étudiants de neuvième année, exerçant en pleine autonomie : s’ils ne sont plus dans un cadre de formation, quel sera alors leur statut ? Comment seront-ils rémunérés ? Qui financera, le secteur libéral ou l’hôpital ? Avec humour, un de nos collègues a déclaré qu’il ne devait pas y avoir de questions d’argent entre nous. Toujours est-il que nous n’avons pas obtenu de réponse…

Ces amendements, assez similaires à celui que nous avons adopté hier, n’apportent à mon sens rien de nouveau. Pourquoi revenir sur le sujet à cet endroit du texte ?

Enfin, la Haute Assemblée est certes la chambre représentant les collectivités territoriales, mais on ne se le rappelle que quand cela nous arrange ! La situation que nous connaissons aujourd’hui en matière de santé est la conséquence des politiques menées depuis trente ans.

M. Stéphane Piednoir. Et une fois qu’on a dit ça, que fait-on ?

Mme Laurence Cohen. C’est l’échec de ces politiques qui est cause de l’existence de déserts médicaux, du manque de médecins. Et pourtant, vous continuez de les soutenir en votant, lors de l’examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, des restrictions de crédits !

Proposer quelques mesures pour se donner bonne conscience, cela ne fait pas une politique de santé à même de répondre aux besoins de tous les territoires, ruraux et urbains. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre. De nombreux sénateurs présents aujourd’hui n’étaient pas là hier, lorsque nous avons discuté des stages. Je souhaiterais donc faire quelques rappels.

Tout d’abord, le problème de la démographie médicale est aujourd’hui mondial : aucun pays n’a suffisamment formé de médecins. Eu égard notamment au vieillissement de la population et au fait que les populations de nombreux pays sortis de la pauvreté ont aujourd’hui besoin d’accéder aux soins, le directeur général de l’OMS soulignait, la semaine dernière, qu’il manquait 12 millions de soignants à travers le monde. J’ai réuni les ministres de la santé des pays du G7, voilà quinze jours, ainsi que ceux des pays du G5 Sahel : tous les pays se font aujourd’hui concurrence pour attirer des médecins.

La métropolisation des médecins, qui choisissent de s’installer dans des zones urbaines plutôt qu’en milieu rural, est un autre phénomène de portée internationale : tous les pays cherchent à améliorer l’attractivité des zones rurales. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi l’organisation des soins primaires, la lutte contre les déserts médicaux et l’échange de bonnes pratiques entre pays pour rendre plus attractif l’exercice médical dans les territoires ruraux comme thématiques du G7 Santé qui s’est tenu en France cette année. La situation que nous vivons n’est pas spécifiquement française ; elle est internationale.

Aujourd’hui, les jeunes médecins cherchent à exercer en coordination avec d’autres professionnels de santé. Ils n’ont pas envie d’un exercice isolé. C’est pourquoi nous prévoyons, au travers de ce texte, de doubler le nombre de centres de santé et de maisons de santé pluriprofessionnelles. Les territoires parvenant à recruter des jeunes médecins sont ceux qui se montrent particulièrement actifs en termes de création de maisons de santé pluriprofessionnelles – je pense notamment à l’Aveyron, exemplaire sur ce plan.

En outre, l’article 2 du projet de loi vise, comme vous le souhaitez, à favoriser la découverte de nouveaux modes d’exercice, en service de PMI, en médecine du travail, en médecine scolaire, en exercice libéral, en zone sous-dense… Nous manquons de médecins partout, dans tous les secteurs, et nous ne pouvons privilégier uniquement l’exercice libéral. Comme l’a souligné Mme Cohen, nous manquons de praticiens hospitaliers : dans les hôpitaux généraux, 27 % des postes sont vacants. Nous devons donc également encourager l’exercice hospitalier.

Les amendements dont nous discutons visent à permettre à des étudiants de découvrir l’exercice libéral en zones sous-dotées. Si l’on veut qu’ils s’y installent au terme de leur cursus, il faut rendre cette découverte attractive. L’objectif n’est pas de contraindre de jeunes internes tout juste formés, avec une qualité de médecine balbutiante, à passer six mois en zone rurale avant de repartir en courant parce qu’ils auront été confrontés à des cas complexes sans pouvoir demander un avis à un spécialiste, sans bénéficier d’aucune supervision. Une telle situation ne pourra que les angoisser et ils n’auront qu’une seule envie : retourner dans un hôpital ou dans une zone où leur exercice sera supervisé.

Afin que ces étudiants puissent être pris en charge dans de bonnes conditions, nous vous proposons, au travers du projet de loi, de diversifier les lieux de stage et de multiplier le nombre de maîtres de stage universitaires, que nous augmentons aujourd’hui d’environ 20 % par an.

Nous partageons le même objectif, à savoir structurer les soins primaires. Le texte vise à donner aux acteurs des territoires des outils à cette fin. Vous ne réglerez pas le problème de la désertification médicale par une unique mesure emblématique, en envoyant de jeunes internes en zones sous-denses, sans accompagnement ni formation : ils n’auront pas envie d’y rester.

Nous vous proposons de mettre en place des outils destinés à renforcer l’attractivité de cet exercice, afin qu’il reprenne toute sa place dans les choix d’installation des jeunes médecins. Le Gouvernement entend la souffrance des territoires : l’ensemble du projet de loi a vocation à y répondre. Je le redis, ce n’est pas par une mesure unique que l’on pourra régler le problème de la désertification médicale, qui est d’ampleur internationale. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)

Mme la présidente. Monsieur Chasseing, souhaitez-vous retirer l’amendement n° 499 rectifié ?

M. Daniel Chasseing. Oui, madame la présidente. Hier soir, le Sénat a pris une décision très forte pour les territoires sous-denses et ruraux.

Mme la présidente. L’amendement n° 499 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 56 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 130 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l’adoption 35
Contre 285

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. J’ai le sentiment que mon amendement n° 225 connaîtra le même sort s’il est mis aux voix. Pour faire gagner un peu de temps au Sénat, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 225 est retiré.

L’amendement n° 772 rectifié ter, présenté par Mme Gruny, M. Magras, Mme Ramond, M. Courtial, Mme Troendlé, MM. Perrin et Raison, Mmes L. Darcos, Noël et Berthet, MM. Reichardt et Piednoir, Mme Deromedi, M. Savary, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Procaccia, MM. Lefèvre, Chaize, de Legge et Karoutchi, Mme Lamure, MM. Bonhomme, Cuypers, Danesi, Sido, Longuet et Gilles, Mme Morhet-Richaud et MM. Segouin, Dufaut et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au cours du troisième cycle, elles permettent à l’étudiant qui poursuit ses études de médecine dans une autre région que la sienne de réaliser son stage d’internat dans son département d’origine.

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Cet amendement vise à permettre à un étudiant en médecine de troisième cycle de réaliser son stage obligatoire d’internat dans son département d’origine, même s’il poursuit ses études dans une autre région.

En effet, le lieu où s’effectue le stage détermine, dans 60 % des cas, le lieu d’installation du futur praticien. Cette donnée est importante pour les départements touchés par la désertification médicale.

Par exemple, la majorité des étudiants originaires du sud de mon département, l’Aisne, qui se destinent à la médecine générale fréquentent la faculté de Reims pour des raisons de proximité. Ils relèvent dès lors, pour leurs études, d’un autre département, d’une autre région, d’une autre agence régionale de santé, et ont aujourd’hui l’obligation de faire leur stage dans le périmètre de leur université, soit le Grand Est. Sans accord pédagogique et sans possibilité de transaction financière entre les agences régionales de santé – le maître de stage étant rémunéré –, les Axonais qui étudient à la faculté de médecine de Reims ne peuvent pas faire leur stage d’internat dans l’Aisne.