Mme Samia Ghali. Ça dépend !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Aussi la commission leur a-t-elle donné un droit de priorité pour bénéficier du bien en péril ou insalubre exproprié.

De même, la commission a jugé intéressante l’idée de mettre en place un droit de préemption adapté à la lutte contre l’habitat indigne. Elle n’a pu pas le faire, là encore, en raison du pouvoir limité du Parlement en matière d’initiative financière. C’est cela le parlementarisme rationalisé que l’on voudrait pourtant encore renforcer !

La commission a néanmoins proposé que le nom de l’acquéreur soit mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner, ce qui permettra aux collectivités d’avoir accès à des informations supplémentaires pour détecter d’éventuels marchands de sommeil.

Enfin, quatrième axe, la commission a approuvé le renforcement des sanctions contre les marchands de sommeil. Au regard des coûts induits par la mise en place des procédures de permis de louer et de diviser, la commission a estimé plus logique que ce soient les collectivités qui bénéficient du produit des amendes. En contrepartie, ces mêmes collectivités ne pourront prélever de frais pour le traitement des demandes du permis de louer.

Pour être efficace, toute modification de la législation, aussi opportune soit-elle, doit s’accompagner d’une mobilisation forte et coordonnée des pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre de cette politique et d’un déploiement de moyens humains et financiers en adéquation avec les besoins. Chacun en a bien conscience, la réponse aux difficultés rencontrées ne relève pas toujours du niveau législatif.

La lutte contre l’habitat indigne nécessite que les différents acteurs, collectivités territoriales comme État, se mobilisent fortement pour dépister l’habitat indigne, engager les procédures administratives appropriées et, surtout, assurer le suivi des mesures prescrites. Il s’agit d’une demande très forte des élus que nous avons rencontrés.

En effet, si le préfet ne prononce pas les sanctions en matière de permis de louer, si la justice ne poursuit pas les marchands de sommeil, si les directions départementales des finances publiques ne se retournent pas contre les propriétaires défaillants pour récupérer les sommes engagées par les élus au titre des travaux d’office, les pouvoirs publics perdent toute crédibilité en la matière.

Outre une mobilisation de l’ensemble des acteurs, la lutte contre l’habitat indigne suppose des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux.

De ce point de vue, le dispositif APL accession est un outil essentiel de la politique de lutte contre l’habitat indigne. Chacun a pu constater les effets dévastateurs de sa suppression sur les programmes de rénovation de l’habitat indigne, tout particulièrement en outre-mer.

Mais, au-delà des moyens financiers, il faut d’abord et avant tout convaincre les propriétaires de rénover leur bien, entretenir les toitures, protéger les murs extérieurs. Le parcours de rénovation énergétique performante – le PREP – est un outil intéressant à cet égard, qu’il faut bien sûr encourager.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d’adopter le texte tel que la commission l’a modifié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, monsieur le sénateur Gilles, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver, après que la commission a mené de nombreuses auditions et réalisé des travaux complémentaires pour enrichir le texte initial de la proposition de loi que nous avions examinée ici même il y a quelques mois.

Je veux tout d’abord saluer et remercier pour leur travail M. le sénateur Bruno Gilles, Mme le rapporteur, ainsi que l’ensemble des sénateurs de la commission des affaires économiques : ceux-ci ont réellement cherché à mettre en place des solutions efficaces pour prévenir et combattre le fléau de l’habitat indigne.

C’est le sens de l’action que je mène depuis deux ans avec le plan « Initiative copropriétés », la relance du programme de rénovation urbaine ou les améliorations apportées par le projet de loi ÉLAN, autant de sujets sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir.

Depuis le drame de la rue d’Aubagne qui a emporté plusieurs vies il y a quelques mois, nous avons eu l’occasion de travailler intensément et de manière collégiale sur cette question. Je suis retourné à de multiples reprises à Marseille pour rencontrer les habitants et accompagner les sinistrés, et pour m’assurer que tous les acteurs, services et opérateurs de l’État, collectivités, se mobilisent pour gérer les suites immédiates de l’effondrement des immeubles et les évacuations.

Les mesures d’urgence ont permis de reloger plus d’un millier de personnes sur les 2 700 habitants évacués. Les délais pour organiser ce relogement peuvent paraître trop longs à certains : je partage pleinement cette impatience que je sais être également la vôtre. Mais, grâce à l’action des services locaux de l’État, grâce à la mobilisation de mon ministère, et avec les collectivités, toutes les solutions de relogement sont explorées, que ce soit chez les bailleurs sociaux, au sein du parc privé en centre-ville ou dans les bâtiments de l’État, notamment la caserne du Muy à proximité du centre-ville.

Nous allons bientôt finaliser avec la métropole et la ville de Marseille de nouveaux outils qui permettront d’accélérer la rénovation du centre-ville. Je pense à cette société de portage que nous cofinancerons – l’État entrera à son capital – ou à la mise en place d’un plan partenarial que nous développerons localement.

Parallèlement à ces mesures, la garde des sceaux et moi-même nous sommes beaucoup impliqués dans la lutte contre l’habitat indigne : nous avons signé, le 8 février dernier, une circulaire très importante, qui commence à produire ses effets, dans la droite ligne des dispositions que vous avez adoptées dans le cadre de la loi ÉLAN.

Sur le plan pénal, par exemple, la circulaire insiste sur le renforcement de la collaboration entre les services instructeurs et les parquets. Et les résultats sont là : dernièrement, sept condamnations ont été prononcées dans le département de la Seine-Saint-Denis, ce qui a entraîné la confiscation d’immeubles, conformément à l’une des mesures que vous aviez votée dans le cadre de la loi ÉLAN.

Pour donner davantage de moyens aux collectivités et leur faciliter la réalisation des travaux d’office, l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH a, à ma demande, porté de 50 % à 100 % la subvention qu’elle accorde cette année aux collectivités dans les six départements retenus pour une mise en œuvre accélérée du plan de lutte contre l’habitat insalubre que je défends, à savoir les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, l’Essonne, le Nord, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.

Cette subvention est une mesure importante. Par exemple, le pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne – le PDLHI – de la Seine-Saint-Denis a identifié un besoin de 3 millions d’euros de travaux d’office. Dans votre département des Alpes-Maritimes, madame le rapporteur, ce sont également plusieurs logements qui ont d’ores et déjà bénéficié d’une disposition qui permet d’engager très rapidement ces travaux d’office.

Enfin, j’ai demandé aux préfets de faire part de leurs propositions dans des plans départementaux de lutte contre l’habitat indigne. Je leur ai demandé de livrer des objectifs chiffrés, discutés avec les élus locaux, par exemple sur le nombre d’arrêtés à prendre, sur le nombre de bâtiments évalués comme indignes, insalubres ou indécents. L’objectif est de pouvoir piloter une politique efficace.

Le Gouvernement continuera à travailler dans ce sens et je peux vous assurer que je reste très attentif à toutes les propositions susceptibles d’améliorer encore les dispositifs existants, conformément à la position que j’ai toujours adoptée en matière de lutte contre ce fléau que constitue l’habitat indigne. Sachez-le, c’est vraiment avec cet état d’esprit que j’aborde les discussions qui se dérouleront ce soir sur ce texte.

D’autres propositions ont été formulées, notamment par un certain nombre de vos collègues députés de tous bords politiques, qu’il s’agisse de Stéphane Peu ou de députés de la majorité présidentielle. Je pense aussi au député Guillaume Vuilletet qui finalise actuellement ses recommandations dans le cadre d’une mission préparatoire à l’élaboration des ordonnances prévues par la loi ÉLAN.

Votre proposition de loi, monsieur le sénateur, vise à introduire de nouvelles dispositions très importantes : vous voulez renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales, accélérer les réponses aux situations d’insalubrité – les délais sont évidemment encore trop longs sur le territoire ! – ou encore renforcer l’efficacité des sanctions.

Sous l’égide de Mme le rapporteur, cette proposition de loi s’est enrichie d’ajouts essentiels : la commission propose des mesures en matière de détection et de prévention de la dégradation des logements, des mesures pour donner davantage de moyens aux collectivités ou encore des mesures de simplification des procédures.

Je voudrais vraiment le dire avec force : beaucoup de ces mesures vont dans le bon sens. Par exemple, les collectivités territoriales doivent être encore davantage soutenues dans leur mission de détection. Il est nécessaire d’augmenter le montant des amendes en cas de manquement à l’obligation de déclaration ou d’autorisation préalable à la location et de faire en sorte que ces sommes soient affectées aux collectivités locales, dans l’esprit des dispositions que vous avez adoptées dans le cadre de la loi ÉLAN.

Depuis le mois de février, les astreintes ordonnées par une police, qu’elle soit municipale ou spéciale, dans le cadre de l’identification de logements indignes ou insalubres, ne sont plus versées au budget de l’État – c’était une hérésie ! –, mais directement aux collectivités locales pour leur permettre de renforcer leur action. C’est bien mieux ainsi et cela contribue à créer un cercle tout à fait vertueux.

Autre exemple, la détection est améliorée dans cette proposition de loi, grâce à la possibilité offerte aux syndics de signaler au maire les cas d’habitats insalubres, dangereux et non décents. Cette mesure, introduite en commission par vous-même, madame le rapporteur, constitue de nouveau une avancée par rapport à la loi ÉLAN, laquelle donnait obligation à certains acteurs – je pense, par exemple, aux agences immobilières – de dénoncer les marchands de sommeil dont ils avaient connaissance.

Je ne peux qu’adhérer, évidemment, à l’accélération des réponses apportées aux situations d’insalubrité et de dangerosité des immeubles, aux tentatives pour améliorer le permis de louer, au renforcement des actions menées à l’encontre des marchands de sommeil. Je partage l’ensemble de ces objectifs et c’est dans cet état d’esprit, me semble-t-il, que nous avons travaillé collégialement depuis maintenant de longs mois.

Eu égard à tous ces points, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée s’agissant de l’adoption de ce texte, et je voudrais expliquer les raisons de cette position.

De nombreuses mesures contenues dans cette proposition de loi vont dans le bon sens, mais il me semble que celle-ci peut encore être enrichie, notamment par les travaux que j’ai demandés au niveau de l’Assemblée nationale. Je pense en particulier au rapport du député Guillaume Vuilletet, que je n’ai pas encore reçu.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous non plus !

M. Julien Denormandie, ministre. Cela tombe plutôt bien, donc !

En tout cas, ce sont des éléments nouveaux qui seront apportés, susceptibles d’enrichir le texte en améliorant, confortant, étayant, corrigeant certaines mesures.

Par ailleurs, je porte une attention particulière à certaines dispositions du texte, qui me semblent appeler des précisions.

Ainsi, madame le rapporteur, vous orientez vos travaux dans le sens d’une procédure identique pour l’habitat insalubre ou dangereux – une procédure d’expropriation simplifiée –, mais, comme vous l’avez vous-même indiqué, l’application de l’article 40 de la Constitution ne vous a pas permis d’aller au bout de la démarche de simplification des acteurs. La fusion des polices est donc aujourd’hui partielle dans le texte. Or c’est l’un des éléments clés du rapport de Guillaume Vuilletet, dont la mission, je le rappelle, s’inscrit dans le cadre d’une habilitation à légiférer par ordonnances octroyée au Gouvernement par les parlementaires lors de l’examen de la loi ÉLAN.

De même, concernant la possibilité donnée aux associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile en les autorisant à saisir la justice, j’ai pour ma part une interrogation de fond : ces associations peuvent-elles agir sans l’accord des personnes vivant dans les habitations concernées ? Cet accord me paraît souhaitable, même si je comprends les raisons pour lesquelles vous avez retenu l’autre option. Effectivement, les personnes vivant sous l’emprise des marchands de sommeil sont vraiment à leur merci et, parfois, il faut pouvoir les accompagner.

L’amélioration apportée à la procédure du permis de louer, en dispensant le bailleur de demander un permis lorsqu’il a déjà obtenu une autorisation moins d’un an auparavant, facilitera véritablement la tâche des collectivités et fluidifiera le marché. C’est une très bonne mesure. Nous aurons des motifs de débats – des amendements ont été déposés sur la question de la durée –, mais cela va vraiment dans le bon sens.

Le rétablissement du principe de gratuité, censuré dans la loi ÉLAN, est également une bonne mesure. Toutefois, je n’étais pas favorable à la transformation de la procédure actuelle d’accord tacite de la collectivité au bout d’un mois de silence en un refus tacite au bout de deux mois de silence ; je suis donc défavorable à l’expérimentation proposée. Vous reconnaîtrez là, mesdames, messieurs les sénateurs, une certaine cohérence dans ma position et il est important d’avoir de la cohérence en politique.

S’agissant de l’obligation de diagnostic pour les copropriétés de plus de quinze ans, si je souscris à l’objectif de prévention, je pense que ce sujet doit être traité dans le cadre de la réforme de la copropriété. Dans la loi ÉLAN, une habilitation à légiférer par ordonnance a été adoptée pour créer un code de la copropriété ; c’est plutôt dans ce texte que la mesure devrait figurer, car nous voulons avoir une approche globale de tous les éléments devant être demandés dans le cadre d’une gestion de copropriété : plans pluriannuels de prévention, d’amélioration, d’investissement, etc.

Enfin, le caractère opérationnel de la réduction de la durée maximale d’habitation d’un immeuble déclaré irrémédiablement insalubre et du délai imparti pour qu’un agent se rende sur place et établisse son rapport, une fois l’administration saisie d’une demande tendant à prescrire des mesures pour faire cesser des situations de danger ou d’insalubrité, n’est pas forcément évident à mes yeux. La mesure est tout à fait louable ; elle va parfaitement dans le bon sens… Mais est-elle applicable sur le terrain ? Ne va-t-on pas aggraver la thrombose du système ?

Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, j’interviendrai avec beaucoup de conviction sur les différents amendements exposés ce soir. Ce débat, me semble-t-il, dépasse tous les clivages politiques, car il est question de lutter contre ce fléau de l’habitat indigne, qui, ne l’oublions jamais, – et je pense en particulier à l’activité des marchands de sommeil – est en augmentation dans notre pays.

Nous avons, collégialement, la responsabilité de prendre toutes les mesures fortes pour lutter contre ce fléau. Les événements tragiques de Marseille, rappelés à plusieurs reprises, montrent à quel point c’est nécessaire !

Je voudrais donc, une nouvelle fois, vous remercier, souligner que de nombreuses mesures vont dans le bon sens et réitérer mon avis de sagesse. Au-delà de certaines divergences dans nos positions, que j’ai résumées, ce texte peut être renforcé via le travail que j’ai confié à d’autres parlementaires à la suite de l’adoption de la loi ÉLAN.

C’est dans cet état d’esprit que j’aborde la présente discussion. Je suis certain que nos débats seront extrêmement riches et passionnants, et qu’ils serviront à nos concitoyens, notamment aux plus précaires d’entre eux, qui subissent le fléau de l’habitat indigne – une situation aujourd’hui inacceptable dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Guillemot.

Mme Annie Guillemot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 mars dernier, nous avons examiné la proposition de loi de Bruno Gilles et, considérant qu’elle pouvait être complétée, nous l’avons renvoyée en commission. Il est vrai que le drame de Marseille avait révélé l’urgence de mesures adaptées et rapidement applicables, car la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux concerne tous nos territoires, avec près de 600 000 logements entrant dans cette catégorie. Plus de 1 million de personnes restent dans des logements « qui menacent leur santé et leur sécurité », dont 50 % de propriétaires pauvres incapables de réaliser des travaux de rénovation.

Contextualiser la question de l’habitat insalubre renvoie à la politique du logement. Or le Gouvernement, malheureusement, persiste à ne pas écouter les alertes répétées. Alors que la reprise était engagée pour atteindre en 2017 le seuil des 500 000 logements construits, dont près d’un tiers de logements sociaux, les résultats se sont dégradés très rapidement, poussant même tous les acteurs – l’Union sociale pour l’habitat ou USH, les associations d’élus, la Fédération française du bâtiment – à lui adresser un appel commun. Dans celui-ci, ils précisent : « Nous sommes collectivement très inquiets face à la crise du logement qui risque de s’aggraver. »

Ce qui s’est produit, ce n’est pas le choc de l’offre tant annoncé, mais ce que nous redoutions : la baisse des permis de construire et des mises en chantier. Et les perspectives sont peu encourageantes, avec une réduction de 11 % des ventes en neuf dans l’individuel diffus et une production de logements sociaux pouvant chuter à 65 000 par an, contre plus de 100 000 aujourd’hui. On semble y aller tout droit !

Les raisons de ce revirement, nous les connaissons, à commencer par l’explosion du coût du foncier – il faut une politique foncière. S’y ajoutent une réduction drastique des ressources du logement social – la clause de revoyure ne nous satisfait pas –, une stratégie de vente massive du patrimoine HLM, une hausse des loyers, une précarisation accrue des publics les plus fragiles, la suppression de l’APL accession, sur laquelle nous reviendrons, le relèvement du taux de TVA à 10 % pour les opérations de construction de logements sociaux et le désengagement de l’État des aides à la pierre.

Dans nos rencontres, les associations et les acteurs du logement nous ont également fait part de leurs craintes quant à la mise en application de la loi ÉLAN, par exemple, monsieur le ministre, sur l’obligation d’installer un ascenseur au-delà de deux étages. Des dérogations seront-elles possibles ? Nous avons été alertés sur ce point.

S’agissant du logement évolutif – puisque l’objectif de logements accessibles est passé de 100 % à 20 % –, je voudrais insister sur la nécessité de supprimer les ressauts de douche. Pas question de tergiverser entre 2 ou 4 centimètres, monsieur le ministre ; ce sont des douches à l’italienne qu’il faut pour toutes les personnes en situation de handicap ou vieillissantes ! Cette exigence doit être formulée par tous, pas seulement par les associations.

De nos rencontres sur le terrain remonte aussi une information concernant la pression accrue que des propriétaires indélicats exercent contre leurs victimes pour faire respecter une loi du silence, assortie de menaces et de violences. D’où nos différentes propositions : établir une présomption de bonne foi de l’occupant victime de violences, afin, notamment, de lui permettre de conserver son droit au relogement et de limiter le risque de relogement dans un autre logement insalubre ; prévoir que le propriétaire fera deux offres de relogement, au lieu d’une ; passer l’indemnité représentative des frais de relogement d’un an à dix-huit mois de loyer.

La prévention de l’habitat dégradé est indispensable. Elle implique des outils de veille pour éviter d’en arriver à des situations irréversibles. Nous persistons à penser qu’il doit y avoir un comité de suivi et de veille des ventes de logements sociaux associant les parlementaires. C’est une mesure essentielle en termes de prévention, de même que le rétablissement de l’APL accession.

Clarification et simplification, notamment des polices, participent aussi de cette efficacité. Mais, alors que l’on attendait plutôt le Gouvernement sur le sujet, c’est Mme le rapporteur Dominique Estrosi Sassone qui a réalisé cet énorme travail ! La création d’une police spéciale consacrée au logement insalubre avec une autorité unique qui respecte la responsabilité des maires, comme la reprise par Mme le rapporteur de notre amendement tendant à rectifier la situation de l’occupant d’un bien présentant un danger grave et immédiat, ainsi que l’obligation faite au maire de saisir le tribunal d’instance pour qu’un syndic professionnel soit désigné sous un mois vont dans le bon sens.

Comme le soulignait la présidente Sophie Primas, cette lutte nécessite une coordination entre pouvoirs publics sur le terrain et des moyens financiers suffisants ; à défaut, c’est leur crédibilité qui est en jeu, comme en témoignent les conséquences de la suppression de l’APL accession, notamment en outre-mer.

Ma collègue Catherine Conconne y reviendra, car l’habitat indigne est une problématique touchant durement les outre-mer. Dans les départements d’outre-mer, 13 % des logements sont jugés insalubres, soit dix fois plus qu’au niveau national ! L’habitat informel y est très développé, avec des taux de pauvreté oscillant entre 19 % en Guadeloupe et 44 % en Guyane !

Cette lutte passe, enfin, par le renforcement de la lutte contre les marchands de sommeil. Les collectivités territoriales doivent effectivement bénéficier des produits des amendes et les associations de lutte contre l’habitat indigne pouvoir agir en justice. Il est anormal que les maires se substituent en proposant trois offres, alors que les marchands de sommeil ne doivent en faire qu’une, fréquemment dans un lieu où personne ne veut aller ! J’ajoute, comme le rappelait Marc Daunis, qu’il est souhaitable que nous trouvions un point d’équilibre pour l’affectation des biens confisqués aux marchands de sommeil, regrettant que notre amendement visant à réaffecter ces biens au logement social ait été frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.

Nous souhaitons vraiment que toutes les mesures que nous allons voter ce soir soient mises en application rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame de Marseille n’est que la partie visible d’un mal que nous ne parvenons pas à éradiquer, malgré la volonté des législateurs, des collectivités locales, des associations et de tous les acteurs participant à la lutte contre l’habitat insalubre et en péril. Il doit marquer un tournant dans notre façon de traiter le logement indigne.

Cela semble être le cas, puisque le nombre d’arrêtés de péril a récemment connu une accélération et que certaines collectivités territoriales se sont pleinement engagées dans les limites de leurs moyens. L’État se doit de les accompagner.

La situation de nombreux ménages, qu’il est complexe de détecter, emporte des conséquences graves et irréversibles sur l’ensemble de leurs conditions d’existence, notamment sur leur santé et, en particulier, celle des enfants.

L’habitat dégradé recouvre plusieurs réalités : des propriétaires – occupants ou bailleurs – qui ne peuvent pas se permettre de rénover leur bien ou méconnaissent les aides auxquelles ils ont droit jusqu’aux marchands de sommeil qui font fortune en exploitant la vulnérabilité des occupants. La problématique n’est pas simplement urbaine ; elle est présente, tout aussi bien, dans nos territoires ruraux.

Comme pour tout investissement, les propriétaires doivent pleinement assumer les risques attachés aux avantages auxquels ils ont accès.

Ainsi, un propriétaire bailleur ne saurait, à notre sens, invoquer des circonstances atténuantes lorsqu’il met en location un habitat insalubre ou en péril. L’argument relatif au manque de moyens ne peut, dans ce cas, tout justifier. Rappelons-le, les propriétaires peuvent bénéficier des aides de l’ANAH ; en dernier recours, ils peuvent vendre le bien.

Pourtant, l’arsenal répressif n’a cessé de s’étoffer.

La loi ÉLAN du 23 novembre 2018 reflète la volonté du Gouvernement d’aller plus loin, en complétant les peines complémentaires obligatoires, avec la confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction et l’interdiction d’acheter un bien immobilier à d’autres fins que l’occupation personnelle pour une durée maximale de dix ans. Elle atteint ainsi le patrimoine du marchand de sommeil, afin qu’il n’en use plus aux mêmes fins.

Le nouveau cas d’expropriation selon la procédure simplifiée pour les logements faisant l’objet d’une interdiction temporaire d’habiter, proposé par l’auteur de la proposition de loi, va également dans ce sens.

Plus d’une vingtaine de comportements sont réprimés en matière d’habitat indigne au titre du code pénal, du code de la santé publique et du code de la construction et de l’habitation.

Faut-il encore renforcer la palette d’outils pour lutter contre les marchands de sommeil ? Pour la dissuasion, certainement. Mais un arsenal répressif non appliqué ne peut aucunement être dissuasif ! La faiblesse du nombre de condamnations est ainsi affligeante. Les peines d’emprisonnement restent très rares, et l’on peut presque parler d’une totale impunité.

Le législateur en est contraint à empiler les mesures, à faire évoluer le droit pour tenter de remédier à la situation, au détriment de son intelligibilité, donc de son efficacité. J’espère que la circulaire du 8 février 2019 relative au renforcement et à la coordination de la lutte contre l’habitat indigne, circulaire à destination des magistrats, marquera une évolution dans les condamnations.

Ainsi, cette politique, comme bien d’autres, est victime de sa complexité. Le travail de notre rapporteur, que je tiens à féliciter, apporte une harmonisation bienvenue des procédures relatives à l’habitat insalubre et en péril, quelle que soit l’autorité compétente. Dominique Estrosi Sassone a, à ce titre, exercé autant qu’elle le pouvait un droit d’amendement de plus en plus limité par les nombreuses irrecevabilités.

Pour leur part, certaines collectivités ont décidé de s’approprier l’ensemble des outils qui sont à leur disposition, notamment le permis de louer et le permis de diviser. Faut-il les généraliser ? Nous le savons, des propriétaires, que je qualifierai, par euphémisme, d’« indélicats », exercent une activité souvent dissimulée. Le renforcement des sanctions pour non-respect de ces dispositifs, prévu par la proposition de loi, est donc une bonne chose.

Outre le manque de moyens humains et financiers, comment détecter les situations d’habitat indigne ?

Les occupants n’osent pas dénoncer, connaissant les difficultés rencontrées pour se reloger, et les visites à domicile peuvent être vécues comme des atteintes à leur intimité. Ils préfèrent, dès lors, attendre de pouvoir changer de logement plutôt que de réclamer des travaux.

Nous devons donc réfléchir à l’amélioration des signalements. C’est ce que nous avons tenté de faire, au travers de nos amendements.

Les biens dégradés doivent faire l’objet d’un suivi constant, avec données enregistrées. L’immeuble du 65 de la rue d’Aubagne à Marseille avait été signalé, semble-t-il, depuis 1953…

Bien que sa finalité soit tout autre, la mise en place du carnet numérique du logement dans l’ancien en 2025 participera à cette meilleure connaissance de l’habitat indigne.

Le décret du 22 mai 2019 exigeant la vérification d’une éventuelle condamnation des acquéreurs sur les ventes aux enchères n’est pas suffisant. En effet, au regard du faible nombre de condamnations, la portée de cette mesure sera de fait assez réduite.

Monsieur le ministre, la crise du logement alimente directement l’habitat dégradé. Certains propriétaires occupants, une fois le bien immobilier acheté, ne peuvent plus se permettre ni de le rénover ni d’en améliorer la performance énergétique. Le reste à charge est encore élevé.

La hausse des loyers et les délais d’attente pour obtenir un logement social dans les zones tendues offrent des conditions idéales aux marchands de sommeil, dont certains ont l’impression de rendre service à leurs locataires !

La concentration des activités dans les métropoles avec des zones où il est impossible de se loger, d’un côté, le déclin des centres-villes et des villages ruraux dévitalisés avec des logements vacants, de l’autre, traduisent l’abandon de la politique d’aménagement du territoire de ces trente dernières années.

Si la présente proposition de loi ne peut prétendre apporter une solution pérenne, elle permettra, à tout le moins, d’offrir une réponse aux collectivités volontaristes. Le groupe du RDSE, par conséquent, la soutiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)