Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques années, une émission diffusée par le service public annonçait que c’était « Ce soir ou jamais ! » Pour le Centre national de la musique, c’est maintenant ou jamais !

Mme Françoise Laborde. Tout à fait !

Mme Sylvie Robert. En effet, une décennie après les premières ébauches de cette maison commune de la musique, il est enfin temps que le projet se concrétise.

Évoquant la Fête de la musique, Jack Lang déclarait que la musique, ça rassemble, c’est un langage commun. Paradoxalement, ce « langage commun » ne s’exprime pas dans un espace commun : les acteurs de la filière, qui se connaissent pourtant parfaitement, n’ont guère de lieux où échanger, partager leurs analyses du secteur, réfléchir collectivement aux mutations constantes qui le traversent. En somme, ils ont besoin de pouvoir se rassembler, dans leur diversité.

Le futur CNM doit être ce lieu de rassemblement. Si cette assertion paraît simple, elle n’en recouvre pas moins une grande ambition, car réunir producteurs, éditeurs, diffuseurs, distributeurs, organismes de gestion collective et, bien entendu, artistes du privé ou du public, œuvrant dans la musique enregistrée ou dans le spectacle vivant, dans le registre classique ou dans celui de la musique de variétés, n’est pas une évidence ! Les intérêts peuvent être divergents, les habitudes différentes. Il faut donc une volonté très ferme et un esprit particulièrement constructif pour parvenir à l’édification de cette maison commune. À cet instant, je voudrais saluer l’esprit qui anime l’ensemble des acteurs de la filière, qui ont su, ces dernières années, faire des pas les uns vers les autres. Ils attendent aujourd’hui avec beaucoup d’impatience la création du CNM. L’instance de préfiguration animée par Catherine Ruggeri continue d’y contribuer.

Ce périmètre élargi, où prévaut l’« égale dignité des répertoires », selon la belle expression de notre rapporteur, ne va pas sans soulever de véritables questions. À défaut d’avoir pu toutes les aborder par voie d’amendements – je pense par exemple à la question de l’aide à l’emploi –, le Parlement ayant encore été soumis, vous l’imaginez bien, à une interprétation pour le moins rigoureuse des articles 40 et 45 de la Constitution, je souhaiterais souligner, dans le cadre de cette discussion générale, plusieurs points qui me paraissent essentiels.

J’évoquerai d’abord le rôle et les missions confiées au futur CNM. Il me paraît fondamental que celui-ci ne soit pas seulement un Centre national de la chanson, des variétés et du jazz amélioré, comme ce dernier fut une amélioration du fonds de soutien créé en 1986.

En effet, fondre en une seule entité le CNV, le Fonds pour la création musicale, le Bureau export de la musique française, le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles et le Club action des labels et des disquaires indépendants français tout en réunissant l’ensemble des professionnels du secteur implique vraiment de changer de dimension. Plus précisément, il faut que cette nouvelle dimension soit en cohérence avec l’ambition désormais affichée.

Pour le dire plus clairement, le CNM ne peut pas n’être qu’un guichet. Naturellement, la fonction de soutien, notamment financier, au secteur musical qui lui est dévolue est nécessaire. Mais, afin d’apporter pleinement des solutions aux problématiques d’aujourd’hui et de demain de la filière et de conférer au CNM l’envergure qu’il doit avoir, cette attribution originelle doit vraiment être dépassée.

À mon sens, cette maison commune doit avoir des préoccupations que je qualifierai d’« intérêt général ». D’ailleurs, le champ des missions du CNM reflète une telle conception. Il est fait référence à l’« éducation artistique et culturelle » et – sans doute sous l’impulsion du Sénat – aux droits culturels. Le rôle des collectivités territoriales est conforté, et une attention particulière est portée à la question de la diversité. Tout cela correspond à l’esprit de mon amendement visant à préciser que le CNM contribue à la mise en œuvre de la politique publique d’accompagnement et de soutien en faveur de la musique, sans bien sûr se substituer à l’action menée par le ministère de la culture et son administration.

Monsieur le ministre, je me tourne vers vous : pour moi, l’État doit plutôt être force de propositions à destination de la filière, mobilisateur sur les dossiers épineux du moment, stratège sur les grands enjeux. Tout en cultivant le dialogue et en coconstruisant avec les acteurs du secteur, il doit surtout être l’arbitre et le garant de cet « intérêt général » que je mentionnais précédemment. C’est cette dialectique subtile qui est attendue de l’État.

Je profite de cette occasion pour évoquer la question de la gouvernance. J’ai déposé un amendement d’appel visant à vous permettre de nous indiquer comment vous entendez constituer le conseil d’administration : qui siégera aux côtés de l’État, majoritaire ? Quels seront le rôle et la place des financeurs et contributeurs, des collectivités territoriales ? Quels seront les liens avec le conseil professionnel ? Les réponses à ces questions seront essentielles pour mesurer l’efficacité potentielle d’un tel outil, son utilité pour le secteur et pour la mise en œuvre de la politique publique.

Parce qu’il me paraît intéressant d’insister sur le caractère dynamique des missions revenant au CNM, je présenterai deux amendements visant l’un à inscrire dans le texte la mission prospective du futur centre national, l’autre à préciser que l’Observatoire de l’économie du secteur musical est, parallèlement, un observatoire de la donnée. Aujourd’hui, la donnée est véritablement au cœur de l’économie numérique. Elle est très importante à la fois pour analyser les transformations du secteur et pour imaginer les différents dispositifs à instituer dans l’avenir.

Au fondement de la chaîne de valeur de la filière musicale réside l’acte de création, et au fondement de la création artistique se trouve bien sûr l’artiste, le créateur de la valeur. Rendre l’artiste visible, c’est donner sa pleine mesure au CNM, en intégrant en son sein celui qui lui confère tout à la fois son sens et sa vitalité.

Dans cet esprit, j’ai déposé un amendement tendant à rappeler que le CNM a pour rôle de mettre en lumière l’artiste tout en respectant ses droits. Je fais ainsi référence à la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP.

J’aurais voulu aller plus loin, en proposant de mettre en place des expérimentations dans les régions, via un fonds de soutien à la création musicale. En tout cas, monsieur le ministre, je pense qu’il faut creuser l’idée d’une aide directe à la création, car il y a aujourd’hui un vide en la matière. Je vous fais confiance pour cela.

Voilà quelques minutes, j’évoquais l’ambition qui sous-tend le projet du CNM. Qui dit ambition dit bien évidemment financement à la hauteur. Je sais que le débat sur le financement a été renvoyé à l’examen du prochain projet de loi de finances, mais il est tout de même délicat de créer une nouvelle structure, d’en évoquer l’ambition et de réfléchir à ses missions sans avoir de prise sur l’étendue de son financement !

Le financement est un enjeu majeur, voire l’enjeu numéro un. Il conditionne la réussite du CNM. Que se passera-t-il si nous bâtissons une maison commune, séduisante sous tous aspects, mais dont les fondations se révèlent brinquebalantes ? La réponse va de soi…

Monsieur le ministre, je crois que nous sommes unanimes, dans cet hémicycle, à ne vouloir à aucun prix que le CNM soit une coquille vide, une demeure hospitalière et prometteuse, mais vouée à l’abandon. Pour éviter ce funeste destin, il est impératif que les financements soient à la hauteur. Le rapport Cariou-Bois évaluait à 20 millions d’euros la somme nécessaire pour amorcer le lancement du CNM. Lors de la discussion du prochain projet de loi de finances, je serai extrêmement vigilante. J’espère que les crédits nouveaux seront inscrits réellement dans la loi de finances, dans un esprit de sincérité et de transparence budgétaires.

Mais la réflexion doit être poussée plus loin. On a évoqué les recettes de la taxe YouTube ou de la TOCE : le pense que leur fléchage partiel vers le CNM serait de nature à assurer un financement pérenne de celui-ci et à donner de la visibilité aux acteurs.

En termes de visibilité, il me semblerait d’ailleurs intéressant de proposer, lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, l’élaboration d’un financement sur trois années du CNM, assis sur une forme de convention d’objectifs et de moyens. Cette méthode devrait aussi permettre une montée en charge progressive de l’établissement, car tout ne sera pas en place au 1er janvier 2020, et l’adaptation des dispositifs, en particulier d’aide, aux mutations que connaît le secteur.

Le Centre national de la musique est un beau projet. Il doit maintenant voir le jour, mais pas au prix d’une ambition réduite ou d’un financement incertain. Des inquiétudes légitimes ont été exprimées par les acteurs de la filière. Tout cela vous engage, monsieur le ministre. Il est urgent que vous apportiez des réponses pour apaiser le climat et favoriser une entrée sereine dans la phase de concrétisation. Comme je l’indiquais en préambule, le CNM, c’est maintenant ou jamais ; nous souhaitons ardemment que ce soit maintenant ! (Applaudissements sur la plupart des travées.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les musiciens se souviennent de la célèbre réplique d’André Malraux, interpellé à la Chambre sur l’absence de toute politique musicale d’envergure : « On ne m’a pas attendu pour ne rien faire pour la musique ! »

On ne peut adhérer tout à fait à cette affirmation, car le directeur de la musique d’André Malraux, Marcel Landowsky, fut l’un des pères fondateurs de la politique musicale telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais il semble temps de passer à une nouvelle phase dans le soutien à la musique, en lui donnant un centre national capable de rassembler, de renforcer et de représenter les intérêts de la filière, tout en soutenant ses exportations à l’international.

Monsieur le ministre, je vous remercie de la constance de votre action en ce domaine et de la qualité des concertations menées par votre ministère avec l’ensemble de la filière musicale.

Si la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui est une étape nécessaire dans le parcours chaotique de la création du Centre national de la musique, elle n’apporte en réalité que peu de précisions sur le futur établissement public.

Rendez-vous est donc pris dans les prochains mois pour la présentation du décret auquel renvoie l’article 6. Il précisera les dispositions relatives à la gouvernance et nous espérons que, à l’automne, le projet de loi de finances donnera au Centre national de la musique les ressources nécessaires à son fonctionnement.

J’espère toutefois que l’assentiment général aux objectifs de ce texte qui se dégage ne vous découragera pas, monsieur le ministre, de nous fournir quelque éclairage sur le budget, notamment sur l’éventuel apport supplémentaire de l’État au CNM. Il me semble en effet essentiel que l’État, qui est à l’initiative sur ce dossier, apporte une quote-part significative au fonctionnement du futur établissement public.

Les financements innovants qui seront mobilisés nous intéressent au premier chef. Dans la droite ligne du rapport de M. Roch-Olivier Maistre, nous pensons que mobiliser une ressource moderne, issue de la sphère numérique, serait tout à fait légitime. Il ne s’agit pas de capter les taxes dont le produit est affecté au cinéma, car cela a déjà fait échouer le projet en 2012 ! Toutefois, se dégagent deux pistes sérieuses, sur lesquelles nous devons pouvoir disposer d’éléments afin de rassurer la filière et de faire évoluer le débat.

En premier lieu, le produit de la taxe YouTube, adoptée par le Parlement en 2016, pourrait être majoré, afin d’en affecter une partie au CNM, le reste demeurant affecté au Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC. Il me semble normal que les poids lourds de la diffusion en ligne de contenus musicaux, compte tenu des bénéfices qu’ils en tirent, entrent dans le cercle vertueux du financement de la création musicale !

En second lieu, eu égard à la place qu’occupe la musique dans la consommation internet et mobile, il serait tout à fait légitime que le CNM perçoive, comme le préconise le rapport Cariou-Bois, une fraction de la TOCE, dont sont redevables les opérateurs de télécommunications.

Monsieur le ministre, beaucoup d’acteurs se sont sentis rassurés par les propos que vous avez tenus, lors du marché international du disque et de l’édition musicale de 2019, sur le maintien des financements aux actuels bénéficiaires, mais j’estime qu’il faut maintenant donner un gage de l’exploration d’autres types de financement à même de soutenir l’innovation et l’exportation, que nous appelons tous de nos vœux !

Bien qu’aucune politique publique ne puisse sérieusement se concevoir sans une connaissance et une observation fines du secteur, la musique reste l’une des rares filières à ne pas disposer d’observatoire. Alors que la loi LCAP avait déjà prévu la création d’un observatoire de l’économie de la musique au sein du CNV, certains blocages regrettables n’avaient pas pu être surmontés.

Il est strictement impossible de prétendre réguler un secteur sans s’appuyer sur des études précises, par exemple sur l’ampleur des phénomènes de concentration via les playlists et leur incidence sur la diversité. J’espère que le volontarisme dont vous faites preuve sur cette question permettra d’installer durablement un observatoire efficace, sans reproduire les erreurs passées.

Comme je le soulignais dans mon rapport pour avis sur la mission « Médias, livres et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2019, la musique a été très tôt touchée par la révolution du numérique, mais elle a su y répondre rapidement et inventer un autre modèle durable, devant être encore consolidé.

Les plateformes de diffusion de vidéos en ligne, si elles peuvent être porteuses de risques liés à la concentration tenant à l’usage d’algorithmes, constituent toutefois un moteur de croissance pour le secteur de la musique. Il faudra sécuriser et préserver ce modèle de développement, qui est au cœur de l’avenir de l’industrie musicale.

Aujourd’hui, dans le contexte d’une concurrence internationale impitoyable, nous devons conquérir de nouvelles parts de marchés à l’étranger tout en préservant la diversité musicale. C’est indispensable pour gagner la bataille des contenus, offrir à notre jeunesse des perspectives d’emploi durable, mais aussi donner à nos territoires de nouveaux atouts en matière d’attractivité.

L’intégration du Burex, s’il y consent, au CNM, comme prévu à l’article 5 du projet de loi, participe de cette stratégie culturelle de conquête, à laquelle il faut donner la plus grande latitude. Cet acte de dissolution volontaire, qui concerne aussi les autres associations de droit privé ayant vocation à être intégrées au CNM, ne sera consenti que si un certain nombre de garanties sont apportées, permettant de présumer la puissance future du CNM. Il nous reviendra de veiller tout particulièrement au montant des subventions supplémentaires accordées au CNM par rapport aux subventions actuelles, car si l’une des associations venait à refuser l’intégration pour cause de financement insuffisant, c’est toute l’architecture du CNM qui serait fragilisée.

Nous aimerions également avoir plus de visibilité sur la gouvernance. Nous considérons que l’équilibre reste à affiner. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Je confirme que le groupe du RDSE souhaite vivement faire advenir la création d’une maison commune pour la filière musicale, et ce dans les meilleures conditions possible. Nous attendons de nos débats une avancée sur la contribution financière de l’État et les taxes, ainsi que sur la composition des conseils, afin de donner l’ampleur nécessaire à cette nouvelle politique musicale destinée à unir l’ensemble de la filière. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. Enfin, le monstre du Loch Ness montre sa tête ! (Sourires.) Apparu une première fois en 2011, monsieur le ministre, sous l’impulsion de votre quadrisaïeul au ministère de la culture, puis disparu des radars sous la gouvernance de votre arrière-arrière-grand-mère pour trois générations, on l’a revu resurgir sous votre prédécesseur, Françoise Nyssen. Aujourd’hui, nous le tenons enfin, grâce à vous – personne ne le conteste – et au député Pascal Bois, que vous avez encouragé à déposer cette proposition de loi pour mettre fin à cette douche écossaise des espoirs et des déceptions, particulièrement mal ressentie par la filière musicale, qui demande depuis tant d’années à être considérée au même titre que les autres filières culturelles, comme la danse, le livre, le théâtre, les arts de la rue et le cirque et, bien entendu, le cinéma.

Il faut dire que vous y teniez, à ce Centre national de la musique ! Vous aviez autrefois émis un rapport très favorable à sa création. À la commission de la culture du Sénat, nous étions en phase avec vos propositions. D’entrée de jeu, nous exprimons notre satisfaction devant cette proposition de loi tant attendue.

La musique étant une amie de la vie quotidienne de chacun de nous, on finit par oublier qu’elle n’existe que dans le cadre d’une vraie filière, certes culturelle, mais aussi économique et industrielle. Il était temps de structurer cette filière, d’autant que la révolution numérique a fait souffler sur elle la tempête que nous connaissons.

Le nouveau CNM absorbera le CNV en bénéficiant de ses ressources, qui proviennent de la taxe sur les spectacles de variétés. Il se verra adjoindre d’autres organismes existants, fortement encouragés à se fondre dans le futur CNM : le Fonds pour la création musicale, le Burex, le Club action des labels et des disquaires indépendants et le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles. Ces derniers organismes pourront transférer leurs ressources au futur CNM et se fondre en lui dès qu’ils auront entériné leur dissolution, selon une procédure qui, je le rappelle, repose sur le volontariat.

Le texte est peu précis sur la gouvernance ; ce sujet ayant été largement traité par notre rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, je concentrerai mon propos sur trois points qui me paraissent intéressants.

D’abord, l’article 3 confère au président du CNM la mission de délivrer, au nom du ministre de la culture, les agréments fiscaux pour le bénéfice du crédit d’impôt pour la production d’œuvres phonographiques et du crédit d’impôt pour les dépenses de productions de « spectacle vivant musical ». Il s’agit là d’une des mesures proposées dans le rapport de M. Roch-Olivier Maistre. Cette habilitation octroyée au président du CNM constitue une marque de confiance envers le nouveau centre national et lui confère d’emblée une certaine crédibilité auprès du secteur de la musique, en le positionnant comme un acteur incontournable. Elle permettra au CNM de mieux assurer sa mission d’observation de la filière. Il s’agit là, à mon avis, d’une bonne mesure.

Ensuite, l’article 4 bis permettra au CNM de percevoir des fonds de la part des organismes de gestion collective, ou OGC, destinés aux actions culturelles. Je rappelle que la loi impose aux OGC de consacrer 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée à des actions d’aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et au développement de l’éducation artistique et de la formation des artistes. Le rapprochement entre les OGC et le CNM est légitime et souhaitable. Le montant total de ces ressources s’est élevé, en 2017, à 183 millions d’euros, somme dont la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteurs et des droits voisins a souligné qu’elle n’était consommée qu’à 70 %. Cela soulève quelques interrogations.

Bien entendu, cette contribution des OGC ne pourra intervenir que sur une base strictement volontaire, les fonds étant de nature privée. Les OGC ne sont pas opposés à cette mesure sur le principe, mais ils attendent de connaître les moyens que mettra l’État à la disposition du CNM, en complément de leur contribution, et les éléments de la gouvernance, afin que leur représentation soit cohérente et équilibrée avec la gestion de leurs fonds.

Enfin, j’évoquerai les moyens dont disposera le CNM. Jusqu’à présent, la proposition de loi ne prévoit qu’une mutualisation de ressources déjà existantes. Il faudra donner du carburant au CNM, par exemple en lui affectant une part du produit de la taxe YouTube ou de la TOCE. Je trouve intéressante la proposition figurant dans le rapport Bois-Cariou d’affecter au CNM une part de la recette de la TOCE, laquelle a été totalement détournée de sa vocation initiale et littéralement confisquée par le budget général.

Le groupe Les Républicains aborde l’examen de ce texte dans un esprit très positif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique.

L’adoption de ce texte permettra de regrouper différentes structures publiques et privées au sein d’un seul et même établissement. À l’heure des mutualisations et des économies d’échelle, elle devrait donner un nouveau souffle à la politique musicale en France, qui est à la peine depuis une décennie, notamment sur la scène internationale.

En effet, si la musique est omniprésente dans notre quotidien, le secteur est « en crise » depuis longtemps ; il mérite toute notre attention. C’est la deuxième industrie culturelle en France, derrière celle du livre ; elle est talonnée de près par le jeu vidéo. En France, la musique pèse 8,7 milliards d’euros, dont à peine 10 % pour la vente de musique enregistrée, et près de 240 000 emplois.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour féliciter tous les bénévoles qui œuvrent durant l’année, en particulier l’été, dans tous les territoires pour faire vivre la musique, notamment dans le cadre des nombreux festivals.

Oui, la musique est un art vivant ! Pourtant, c’est le seul qui ne dispose pas, à ce jour, d’un centre national.

Si l’on peut se réjouir de la facilité avec laquelle la musique ponctue désormais notre quotidien, force est de constater que le piratage de masse – en quinze ans, le chiffre d’affaires de la musique enregistrée a diminué de 60 % –, l’évolution des pratiques – avec les smartphones, l’écoute est sans limite, à tout moment et en tout lieu – et la révolution numérique, avec la lecture en flux, n’ont pas été suffisamment anticipés pour que la filière musicale et la création artistique française puissent s’adapter.

Le partenariat entre pouvoirs publics et filière musicale proposé au travers de ce texte devrait permettre de se doter d’une stratégie de long terme en matière de politique publique de la musique, de rassembler toute une filière – artistes, entreprises, organismes de gestion des droits d’auteur, etc. –, de créer un observatoire, de favoriser la création et la diversité, d’accompagner le développement de la production de la musique live, de promouvoir l’innovation.

Le texte pose un cadre pour un secteur en pleine mutation. Les missions du CNM ont été précisées, à l’article 1er, par nos collègues en commission, de même que sa gouvernance, à l’article 2. En effet, le conseil professionnel doit être élargi aux représentants des structures publiques de la musique en région, et il est important que la parité soit respectée au sein de cette instance. Le Sénat doit veiller à la juste représentation des collectivités territoriales au sein des organismes et à la durabilité du modèle de financement de ces derniers.

Je voterai en faveur de l’adoption de ce texte, qui répond aux attentes de la profession et garantit l’avenir de la première pratique culturelle des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le cinéma dispose depuis 1947 d’un établissement dédié, le Centre national du cinéma et de l’image animée, ou CNC, doté de moyens significatifs et en mesure de faire dialoguer et coordonner les différentes composantes du secteur, il n’en va pas de même pour la musique. En réalité, il s’agit du dernier art vivant qui ne dispose pas d’un centre national, au contraire de la danse, du livre, du théâtre, des arts de la rue, du cirque et, donc, du cinéma. C’est ce que Didier Selles, conseiller maître à la Cour des comptes, et vous-même, monsieur le ministre, faisiez remarquer en 2011 – vous étiez alors député-maire de Coulommiers – dans un rapport intitulé « Création musicale et diversité à l’ère numérique », commandé par le ministre de la culture de l’époque, Frédéric Mitterrand. Écrit dans le contexte d’une industrie musicale largement en crise, notamment sous l’effet de la numérisation et du développement du streaming, ce rapport préconisait la création d’un centre national de la musique.

Comme vous le rappeliez, monsieur le ministre, ces quinze dernières années, l’industrie du disque a connu une crise de grande ampleur, notamment du fait du piratage de masse, avec une baisse de son chiffre d’affaires de l’ordre de 60 % entre 2002 et 2015. Il était nécessaire que la filière musicale, qui pèse 1,5 milliard d’euros, contre 1,3 milliard d’euros pour le cinéma, puisse disposer d’un outil multidimensionnel de soutien à l’ensemble du secteur.

Il faudrait cependant apporter des réponses à deux questions afin de rassurer les acteurs de la filière musicale et de les convaincre de se rassembler au sein d’une maison commune : elles portent d’une part sur la gouvernance de l’établissement, dont les modalités devraient être déterminées par voie réglementaire, d’autre part sur son financement, qui sera discuté lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Nous allons donc devoir nous prononcer sur la création d’une structure sans connaître son budget prévisionnel.

Ces deux questions sur lesquelles les parlementaires votent à l’aveugle cristallisent les inquiétudes des acteurs. L’Alliance des entreprises de la musique, par exemple, qui regroupe les syndicats du spectacle vivant, de l’édition phonographique et de l’édition de musique, a apporté un soutien unanime au projet du CNM. Toutefois, elle reste vigilante sur les questions budgétaires, puisqu’elle fait remarquer que les crédits d’impôt du spectacle vivant ont déjà été rabotés lors du vote de la dernière loi de finances.

Il appartient au Gouvernement de confirmer son engagement de donner un souffle neuf à la politique musicale en assurant au nouvel établissement les moyens de remplir sa mission.

La volonté de ceux qui ont imaginé le Centre national de la musique a été de ne pas « nationaliser » les structures associatives qu’ils projettent d’intégrer à la nouvelle structure. Aussi la dissolution des associations doit-elle être décidée par ses membres. Si les professionnels n’avaient aucune garantie sur l’efficacité de la structure et décidaient de ce fait de changer d’avis, la fusion proposée pourrait ne pas avoir lieu. Restons donc vigilants.

Il y a aussi, à l’heure du numérique, un véritable problème d’inégalité de répartition de la richesse créée entre producteurs et artistes. Selon l’Adami, la Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes, qui représente les artistes-interprètes, sur 9,99 euros d’abonnement mensuel au streaming, seulement 46 centimes vont aux artistes, contre 4,57 euros aux producteurs et 1,96 euro à la plateforme. Il est inconcevable que, au titre du streaming musical, qui par ailleurs représente aujourd’hui la majeure partie du marché et continue de se développer, le talent de l’artiste génère vingt-deux fois plus d’argent qu’il ne lui en rapporte. La nouvelle structure devra également se pencher sur ce problème.