M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, dont l’objectif principal est d’accélérer la transition énergétique de notre société.

Il s’agit bien d’une accélération, mes chers collègues, tant, depuis 2017, le Gouvernement œuvre quotidiennement à cet objectif. Dès juillet 2017, il a ainsi présenté le plan Climat, sur la durée du quinquennat, en mobilisant l’ensemble des ministères pour accélérer la transition énergétique et climatique.

Ce plan prévoit la fin de la production d’énergies fossiles sur le sol français à l’horizon de 2040, notamment grâce à la promulgation, dès décembre 2018, de la loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.

En Drôme et en Ardèche, comme dans d’autres départements, nous mesurons l’importance de cette décision, car nous avons été nombreux, citoyens et élus, à nous mobiliser ensemble contre l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste.

Je peux encore citer l’engagement de fermer les quatre dernières centrales à charbon d’ici à 2022, la réduction des émissions de gaz carbonique dans les logements, avec le crédit d’impôt pour la transition énergétique et le prêt à taux zéro ou le développement de solutions de mobilité plus propres, avec le renforcement de la prime à la conversion, le forfait mobilité durable, les dispositions sur les zones à faible émission, les objectifs de renouvellement des flottes, autant de mesures comprises dans le projet de loi Mobilités, dont vous venez, hélas, mes chers collègues, de faire échouer la commission mixte paritaire.

Par ailleurs, le Gouvernement a engagé, dès juin 2017, la révision de la stratégie nationale bas-carbone, visant un objectif de long terme : la neutralité carbone dès 2050.

Il s’est enfin attelé à la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Cet outil de pilotage de la politique énergétique de la France a été créé par la loi de 2015 de transition énergétique pour la croissance verte. L’ensemble des piliers de la politique énergétique et des énergies y sont traités.

Alors, mes chers collègues, vous pardonnerez mon étonnement, quand j’entends que cette « petite loi » serait dépourvue de « vision stratégie à long terme ».

Ce texte est sincère : il dit la vérité aux Français sur la trajectoire que nous adopterons, après une consultation qui a duré plus d’un an, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il marque, pour moi, une étape clé dans la mise en œuvre de l’ambition du Gouvernement en matière de politique environnementale.

Il poursuit un double objectif : diversification du mix énergétique, d’une part, et réaffirmation de la priorité à la lutte contre le changement climatique et à la baisse des émissions de gaz à effet de serre, d’autre part.

Je suis fier, aujourd’hui, de défendre ce projet de loi et ses quatre axes principaux.

Le premier est la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles, avec la hausse de l’objectif de réduction de leur consommation à 40 % d’ici à 2030, contre 30 % aujourd’hui, ce qui passera, notamment, par la fin de la production d’électricité à partir du charbon à compter du 1er janvier 2022, qui est confirmée dans la loi.

Le deuxième axe est la lutte contre les trop nombreuses passoires thermiques, qui concernent majoritairement des foyers aux revenus modestes. De ce point de vue, ce projet de loi a également une dimension sociale.

Le troisième axe est la mise en place de nouveaux outils de pilotage, de gouvernance et d’évaluation de notre politique en matière de climat, afin de garantir que nos objectifs seront atteints.

Enfin, le quatrième axe est la meilleure maîtrise du prix de l’énergie, avec la possibilité de porter par décret le plafond de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique, l’Arenh à 150 térawattheures au lieu de 100.

Mes chers collègues, l’urgence climatique n’est plus à démontrer. La canicule que nous venons de traverser en a encore été la preuve. Nous devons malheureusement craindre et anticiper d’autres épisodes liés au dérèglement climatique.

En octobre 2018, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a publié un rapport qui alerte sur les conséquences du réchauffement : montée des océans, impact important sur la biodiversité et les écosystèmes, acidification des océans ou encore risques socio-économiques majeurs, notamment pour les populations d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud-Est, d’Amérique centrale et du Sud. Ces témoignages, désormais quotidiens, sont le reflet d’une urgence que nous devons considérer. Le rapport est clair : nous ne pouvons contenir ce réchauffement à 1,5 degré que par des transformations radicales, en diminuant urgemment les émissions.

Les catastrophes et les désastres climatiques se multiplient. À titre d’exemple, le 5 février dernier, mon collègue, Dominique Théophile, sénateur de Guadeloupe, remettait au Premier ministre un rapport sur les sargasses dans la Caraïbe. Nous le savons, la prolifération de ces algues est liée à la fois à l’élévation des températures, à l’augmentation des taux de CO2 et aux résultats des activités anthropiques. Leurs vagues successives d’arrivées, de plus en plus massives depuis 2011, représentent un véritable désastre écologique, sanitaire et économique pour les pays de la Grande Caraïbe.

Je peux également illustrer mon propos par la tempête qui a dévasté le nord de la Drôme il y a un mois. Des grêlons d’une grosseur hors norme, conjugués à un vent de type tornade, ont tout anéanti en quelques minutes : plus de cultures, des villes et un village entier dévastés, tous les toits endommagés et l’école communale de Chatillon-Saint-Jean hors d’usage pour longtemps. Il ne s’agit que de deux exemples parmi des centaines !

Ce texte est donc un texte de responsabilité, qui nous est commune, mes chers collègues. Nous devons tous être mobilisés, et nous devons tous participer à l’effort, quelle que soit notre place sur ces travées.

Comme parlementaires, nous devons prendre notre part de l’effort : dorénavant, les futures lois de finances devront obligatoirement prendre en compte leur impact carbone et les parlementaires fixeront tous les cinq ans nos objectifs et la marche à suivre pour répondre à l’urgence. Nos collègues députés ont enrichi considérablement ce texte, qui est passé de douze à cinquante-six articles, puis à cinquante-huit à l’issue des travaux de commission.

Je me dois, monsieur le rapporteur, de vous dire que ce texte ne renvoie donc pas uniquement à des décisions qui seront prises ultérieurement par décret. Les discussions ont été et seront encore nombreuses, et j’espère que le Sénat saura y apposer sa patte. Je vous fais confiance, mes chers collègues. (Mme Noëlle Rauscent applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, si je devais résumer en quelques mots notre sentiment sur ce projet de loi, je dirais que nous en partageons l’ambition, mais que, comme souvent avec le gouvernement auquel vous appartenez, nous cherchons les moyens mis sur la table pour atteindre l’objectif.

La Cour des comptes européenne estime que, pour amorcer la transition écologique en France, il faudrait investir 145 milliards d’euros par an sur dix ans, dont les deux tiers dans le transport et le logement.

À ce sujet, j’ai une question : où sont les filières industrielles nécessaires pour atteindre le mix énergétique visé et développer les énergies renouvelables, notamment l’éolien en mer, la méthanisation ou encore l’hydrogène décarboné ?

L’urgence climatique est pourtant là ! La COP21 de Paris s’était fixé pour objectif, en 2015, de maintenir le réchauffement climatique à moins de 2 degrés. Si nous ne changeons pas radicalement nos manières de consommer, de produire, de nous déplacer, notre politique énergétique et industrielle, en clair notre mode de développement, alors nous allons droit dans le mur.

À cette allure, voici ce que nous allons laisser comme Terre en 2050 à nos enfants, et personne ne pourra dire que nous ne savions pas : des îles englouties par la montée des eaux, des ouragans et des cyclones plus intenses, de plus en plus d’épisodes de chaleur, comme celui que nous avons connu à la fin du mois de juin, des hivers de plus en plus rudes, un million d’espèces disparues, des feux de forêt qui se multiplieront.

Ce scénario n’est pas le prochain film catastrophe hollywoodien, mais la réalité en train de se préparer sous nos yeux, avec pour conséquences l’explosion de la pauvreté, avec 100 millions de pauvres en plus à l’horizon de 2030, et le déplacement de 250 millions de réfugiés climatiques à l’horizon de 2050.

Bref, nous sommes en train de tuer notre planète et les espèces qu’elle porte, la nôtre incluse.

Si nous ne prenons pas des décisions radicales aujourd’hui, le pouvoir politique sera devant un défi insurmontable dans dix ans : comment survivre sur une planète qui a subi des dommages irréversibles, avec près de 10 milliards d’habitants ? C’est donc une politique globale et radicale qu’il nous faut mener. Ni les slogans, ni les effets d’annonce, ni la politique des petits pas ne peuvent nous sauver !

Par ailleurs, la présentation de votre projet de loi est rattrapée cruellement par l’actualité : il est facile d’afficher l’objectif de la neutralité carbone en 2050 à l’article 1er, mais, pendant ce temps, l’Assemblée nationale est en train de le ratifier le CETA, et l’Union européenne a signé un accord de libre-échange avec le Mercosur. Les risques sanitaires, sociaux et environnementaux sont immenses : ces accords de libre-échange vont à contre-courant de l’histoire !

Alors qu’il faudrait imposer le principe de coopération entre les peuples, vous érigez le principe de compétition en dogme. Alors qu’il est urgent et vital de relocaliser notre agriculture et notre production industrielle, vous préparez treize nouveaux traités de libre-échange, qui multiplieront le transport de marchandises au-dessus de nos océans. Un jour, pourtant, ces traités deviendront caducs, car ils seront reconnus comme crimes d’écocide, au même titre que les pollutions au plastique, au fioul et la déforestation à outrance pour le seul profit.

Madame la secrétaire d’État, tout peut-il être marché ? S’il s’était agi d’un sujet du baccalauréat de philosophie, nous n’aurions pas, je pense, rendu la même copie… Vous faites le pari que oui, car le capitalisme peut trouver une niche dans le développement des énergies renouvelables et réaliser des profits sur la transition verte. Cela coïncidant avec la prise de conscience de plus en plus prégnante des urgences climatiques dans l’opinion populaire, c’est tout un modèle de « croissance verte » qui est colporté par le Gouvernement et sa fidèle majorité.

Mais, pour cela, il vous faut casser toutes les barrières, en commençant par mettre fin aux tarifs réglementés du gaz, puis en abattant progressivement les tarifs réglementés de l’électricité. Car, pour vous, une seule règle compte : la main invisible du marché ; et tant pis si cette main droite plonge des centaines de milliers de foyers supplémentaires dans la précarité énergétique !

M. Fabien Gay. C’est ce même dogme qui vous pousse à poursuivre la vente de l’énergie nucléaire au concurrent privé d’EDF, avec le déplafonnement de l’Arenh. (M. Roland Courteau opine.) Là encore, alors que, contrairement à ce que vous avez affirmé, ce dispositif est, par ricochet, à l’origine de l’augmentation des tarifs réglementés de 5,9 % pour les foyers, soit près de 100 euros en moyenne, vous répondez aux injonctions des opérateurs privés et de leurs juteux profits.

Pas un mot non plus sur la future concession de près de 150 barrages hydroélectriques au privé, alors qu’ils sont un élément essentiel pour stocker nos énergies renouvelables.

Votre but ultime n’est pas dans la loi, mais votre plan est maintenant connu : après avoir vendu Engie aux appétits financiers, vous préparez le démantèlement d’EDF. Le mécanisme est simple et connu : nationaliser les pertes, c’est-à-dire un nucléaire aujourd’hui déficitaire, et privatiser la distribution et les énergies renouvelables.

M. Fabien Gay. Vous voulez casser une entreprise publique intégrée pour livrer toute la filière au privé !

Mais, vous le savez, il faudra en passer par une loi pour finir de déréglementer tout le marché de l’énergie. Or, là encore, l’actualité vous rattrape, car les Françaises et les Français en ont marre de voir leur patrimoine bradé au privé, comme en témoignent les plus de 500 000 soutiens déjà exprimés au projet de loi référendaire pour Aéroports de Paris.

Nous mènerons donc une bataille acharnée pour éviter le démantèlement et la privatisation d’EDF. Car, nous, nous n’avons pas honte de le dire : si nous voulons réussir ce défi d’avenir, il nous faut un grand service public de l’énergie, qui réponde à la nécessité du XXIe siècle, sauver la planète et l’humain.

Pour conclure, je recommande à votre méditation cette phrase du chef sioux Sitting Bull : « Quand ils auront coupé le dernier arbre, pollué le dernier ruisseau, pêché le dernier poisson, alors ils s’apercevront que l’argent ne se mange pas. » Voilà où nous en sommes aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parce que les sirènes de l’urgence climatique se font de plus en plus stridentes, parce que le dernier rapport du GIEC est plus alarmant encore, il fallait prolonger et amplifier la loi de 2015 pour la transition énergétique. De fait, au-delà de 2 degrés de réchauffement, nous entrerions dans le domaine de l’irréversible.

Ce projet de loi m’inspire une première question : pourra-t-on dire que, avec lui, la politique de la France sera bien dans les clous du dernier rapport du GIEC ? En d’autres termes, sur les questions majeures, le texte est-il à la hauteur des enjeux écologiques, économiques et sociaux ? Répond-il à la situation d’urgence ? Même s’il est vrai qu’il comprend un certain nombre de mesures intéressantes, compte tenu des enjeux et de l’urgence, ne manquerait-il pas d’envergure ?

Pour en juger, je prendrai deux exemples, qui nous invitent à porter le regard sur l’essentiel.

D’abord, madame la secrétaire d’État, vous fixez des objectifs de réduction de nos consommations d’énergies fossiles à l’horizon de 2030 et de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Bien ! Mais, compte tenu du rapport du GIEC et du cri d’alarme de celui-ci, serons-nous, avec ces objectifs, sur la bonne trajectoire ? Ce texte sera-t-il compatible avec les scénarios d’un réchauffement de 1,5 degré ou avec ceux d’un réchauffement de 2 degrés, voire plus ? Étant entendu que chaque demi-degré compte. Bref, les chiffres fixés ont-ils un fondement scientifique ou sont-ils en deçà ?

Surtout, il faudra dire comment nous atteindrons ces objectifs, par quels moyens et par quels financements. Or, à cet égard, nous ne voyons rien de précis. C’est pourtant sur cela que repose la crédibilité de l’annonce.

Ensuite, il y a la rénovation thermique des 8 millions de logements passoires, un sujet tout aussi fondamental, essentiel pour le climat, l’environnement et la qualité de l’air ; essentiel aussi pour la lutte contre la précarité énergétique et en matière de pouvoir d’achat des ménages ; essentiel enfin pour alléger la facture énergétique de la France, l’emploi et l’activité dans le secteur du bâtiment.

En vérité, l’enjeu est écologique, climatique et social. Le projet de loi prévoit-il un plan d’envergure et rapide pour la rénovation thermique ? Si oui, il ne m’a pas sauté aux yeux…

Je ne dis pas qu’il ne comporte aucune mesure – ce ne serait ni objectif ni juste. Des dispositions sont prévues, mais qui ne répondent pas forcément aux enjeux immédiats et à l’urgence. Elles vont toutes dans le bon sens, mais le problème de ce texte est que l’obligation des travaux de rénovation est repoussée en 2028, voire, pour certains immeubles, en 2033 – échéances trop lointaines, assorties de surcroît de trop nombreuses exceptions.

Bref, l’urgence climatique est remise à plus tard, donc à très tard, peut-être même à trop tard. C’est pourquoi le groupe socialiste a présenté un amendement visant à autoriser le Gouvernement à lever un emprunt à moyen et long terme pour assurer, sans attendre, le financement des investissements dans la rénovation thermique, en aidant notamment ceux qui en ont le plus besoin. Évidemment, nous nous sommes heurtés à l’article 40 de la Constitution…

Madame la secrétaire d’État, la balle est donc maintenant dans votre camp, pour une autre solution.

Pour mémoire, je rappelle volontiers les engagements du candidat Macron pour la création d’un fonds public pour la rénovation et pour la rénovation thermique de la moitié des logements passoires en 2022. Remarquez que c’était plus volontariste que l’objectif de 2028 fixé par le projet de loi… La cohérence entre les engagements et les actes ne saute pas aux yeux !

J’y insiste, il faut une vraie politique, volontariste, dans le domaine de la rénovation, faute de quoi la France se verra accusée, comme ce fut le cas récemment, de donner volontiers des leçons, mais pas assez d’exemples.

Face à des enjeux majeurs, nous attendions mieux. Même si le projet de loi a vu le nombre de ses articles augmenter à l’Assemblée nationale et a été modifié, parfois amélioré, par le Sénat en commission, les motifs de mécontentement ne manquent pas, tels le déplafonnement de l’Arenh et la suppression des tarifs réglementés. Sans parler du projet Hercule d’EDF, autre sujet qui fâche.

Reste que, bien évidemment, nous partageons la volonté affichée de rééquilibrer le bouquet énergétique de la France, en ramenant la part du nucléaire dans notre mix à 50 % à l’horizon de 2025 – échéance plus réaliste, je le reconnais volontiers, que celle que j’avais défendue à cette tribune en 2015.

Le problème, c’est que, par rapport aux enjeux majeurs, écologiques, économiques et sociaux, nous attendions plus. Il serait dommage que ce texte soit celui des occasions manquées.

Dans la discussion des articles, nous reviendrons sur la fermeture des centrales à charbon, sujet environnemental autant que social, et donc sur Cordemais, dont le sort était lié, selon le ministre de Rugy, au démarrage de l’EPR de Flamanville – je le glisse en passant.

À la suite de M. le rapporteur, je souligne qu’il faut rétablir la primauté du législatif sur le réglementaire.

Par ailleurs, je vous dirai tout le mal que je pense de l’Arenh et tout le bien que je pense de l’éolien flottant en Méditerranée, où nous espérons des projets industriels.

Ce qui se joue désormais au niveau planétaire, c’est la survie de l’humanité. L’objectif de maintenir l’élévation de la température sous les 2 degrés, au plus près de 1,5 degré, ne relève pas de la pure convenance, sachons-le : au-delà, nous entrerions dans l’irréversible, comme le disait un ancien ministre. Je ne saurais mieux dire. Il ne s’agit pas d’en rajouter dans le registre anxiogène, mais de nous mobiliser tous et de parler vrai, sans laisser les problèmes sous le tapis.

Enfin, gardons-nous tous d’oublier que transition énergétique et justice sociale doivent être liées, car, sans adhésion de tous les citoyens, il n’y aura pas de transition réussie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons nous réjouir que le nouveau monde ait fini par soumettre à l’examen du Parlement un texte qui était bien parti pour ne jamais franchir les grilles du Palais du Luxembourg.

C’est peu dire que le Parlement aura été négligé sur les sujets environnementaux depuis la récente conversion écologique du Gouvernement. Comment en effet peut-on croire un instant au respect du débat parlementaire, quand on voit le temps qui nous est laissé pour traiter de sujets aussi importants que ceux dont nous sommes saisis ? Comment peut-on imaginer que le Gouvernement respecte le travail des assemblées, quand on nous propose, avec ce texte, d’avaliser une programmation pluriannuelle de l’énergie déjà rédigée depuis longtemps ? Sur ce sujet comme sur celui du Haut Conseil pour le climat, institué par décret voilà deux mois, il faudra nous expliquer, madame la secrétaire d’État, votre conception de la hiérarchie des normes !

Le texte débattu cette semaine mérite son qualificatif de « petite loi » : huit articles au départ, se bornant pour la plupart à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances ou à transposer des directives européennes.

La révision des objectifs énergétiques devenait certes nécessaire, mais nous aurions pu gagner un peu de temps si les gouvernements successifs avaient davantage écouté le Sénat, qui, dès 2015, a souligné l’impossibilité objective d’une réduction de la part du nucléaire à 50 % dans notre mix en 2025.

Je tiens à saluer le travail réalisé à l’Assemblée nationale et tout particulièrement celui accompli au Sénat, sous l’autorité de Sophie Primas, par le rapporteur, Daniel Gremillet, et la rapporteure pour avis, Pascale Bories, qui ont considérablement enrichi le texte. Sans les apports du Parlement, un projet de loi censé porter sur l’énergie et le climat n’aurait comporté aucune disposition sur la rénovation des bâtiments, ni même sur les énergies renouvelables !

En effet, c’est à la faveur du débat à l’Assemblée nationale qu’ont été introduites les mesures relatives à l’hydrogène, au photovoltaïque et à l’éolien en mer. Sans les travaux du Parlement, nous en serions restés à une programmation pluriannuelle de l’énergie adoptée sous forme de décret, échappant donc totalement à l’examen de la représentation nationale.

Certaines mesures sont à saluer : la réforme de l’Arenh, le renforcement des contrôles sur les certificats d’économies d’énergie et l’introduction, par la commission du Sénat, d’objectifs plus réalistes, qui permettront notamment à nos collectivités territoriales, en première ligne pour la transition écologique, de s’appuyer sur des points d’étape pragmatiques.

Tout cela, néanmoins, ne fait pas une grande loi sur l’énergie, répondant aux défis climatiques qui sont devant nous. Où est, en effet, la « vision grand-angle » du Gouvernement sur le sujet ? Où est le dispositif courageux qui permettra de dépasser la vision punitive de l’écologie pour concilier intelligemment croissance économique, attractivité des territoires et respect de l’environnement ?

Madame la secrétaire d’État, nos territoires, nos chefs d’entreprise, nos concitoyens et les élus ont besoin d’un cap clair et stable à moyen et long terme. Ils ont besoin d’être davantage impliqués dans le défi environnemental. Cela passe par une large concertation, ainsi que par la mobilisation du secteur bancaire et financier. Nos concitoyens nous le demandent aujourd’hui, et la jeunesse – mais pas seulement elle – se mobilise régulièrement, y compris pour des projets promus dans les territoires avec un financement solidaire et participatif, qui nous obligent à regarder l’avenir différemment.

Le grand projet de loi Énergie-climat que nous aurions aimé voter, c’est celui qui aurait proposé une fiscalité verte positive et concilié accompagnement des ménages, progressivité de la charge et transparence dans l’utilisation des recettes.

Vous choisissez de réduire la part de l’énergie nucléaire, alors que celle-ci participe aujourd’hui au bon classement de la France parmi les pays émetteurs de gaz carbonique. Et, paradoxe préoccupant, vous n’investissez que très peu dans les énergies propres ou renouvelables, en oubliant que, sans cet effort de diversification de notre mix, nous continuerons de traîner comme un boulet le solde négatif de notre facture énergétique – 40 milliards d’euros de déficit annuel, soit les deux tiers de notre déficit commercial.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est décevant au regard des enjeux et des ambitions proclamées par la communication gouvernementale. Décevant par les mesures proposées, qui manquent significativement de cohérence d’ensemble, il l’est aussi par la méthode employée, qui consiste, je le répète, à faire ratifier par le Parlement des choix fixés par décret. Il déçoit, enfin, au regard des attentes d’une partie croissante de nos concitoyens, dont beaucoup souhaiteraient agir et être accompagnés, plutôt que taxés ou montrés du doigt.

Madame la secrétaire d’État, votre prédécesseur lors de l’entrée en vigueur de l’accord de Paris déclarait : « L’essentiel n’est pas ce qui brille, mais ce qui dure. » Tout est dit, et chacun en mesure aujourd’hui la portée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Ronan Dantec ayant déjà pris la parole au nom du groupe du RDSE, je m’attarderai sur les mesures relatives aux passoires thermiques, qui ont fait l’objet de vifs débats aussi bien à l’Assemblée nationale qu’en commission du Sénat, la semaine dernière.

Et pour cause : loin d’être anodin, le secteur du bâtiment représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France et dépasse largement les seuils fixés par la stratégie nationale bas-carbone, qui appelle à une rénovation thermique radicale du parc existant. Aussi, sans faire de mauvais jeu de mots, considérer qu’on peut atteindre la neutralité carbone en 2050 sans agir sur le logement, c’est aller droit dans le mur.

Alors qu’un huitième des logements vendus chaque année seraient des passoires énergétiques, il y a urgence : urgence climatique, mais aussi urgence sociale. La précarité énergétique coûte cher à notre pays, et nous devons faire baisser la facture.

Cet habitat énergivore recouvre plusieurs réalités : des propriétaires, occupants ou bailleurs, qui ne peuvent pas se permettre de rénover leur bien ou méconnaissent les aides auxquelles ils ont droit ; parfois aussi, des marchands de sommeil qui font fortune sur l’exploitation de la vulnérabilité des occupants. La problématique n’est pas simplement urbaine : elle existe tout aussi bien dans nos territoires ruraux.

Il ne s’agit pas de stigmatiser ou de montrer du doigt, mais de proposer un panel de solutions adaptées à chaque situation.

S’agissant des propriétaires modestes, le Gouvernement souhaite la transformation du crédit d’impôt pour la transition énergétique en une prime unique, versée au commencement des travaux dès 2020. De notre point de vue, un meilleur accompagnement est également indispensable, car le manque d’informations lisibles sur les aides est source de nombreux renoncements.

Nous proposerons donc l’ajout dans l’audit énergétique des conditions d’attribution des aides publiques et des conséquences des travaux sur la facture, la mise en place d’un parcours de rénovation énergétique parmi les missions de l’ANAH et la création dans les EPCI d’un référent chargé d’accompagner les propriétaires dans la rénovation énergétique de leur logement.

En travaillant sur ce projet de loi, nous avons retrouvé deux engagements forts dans le programme du candidat Macron : l’interdiction de la location des passoires énergétiques en 2025 et la rénovation de 1 million d’entre elles d’ici à 2022.

Afin d’inciter plus fermement les propriétaires qui en ont les moyens à engager des travaux, nous proposerons de définir dans la loi un seuil maximal de consommation énergétique finale des logements pouvant être considérés comme décents et de fixer un palier intermédiaire de rénovation de 1 million de logements mal isolés d’ici à 2022, conformément à l’engagement du Président de la République. Nous proposerons aussi d’instaurer sans attendre une sanction, avec l’interdiction de la location des logements classés G dès 2022 et des logements classés F dès 2028, toujours en nous inspirant des engagements du candidat Macron.

Convaincu que seules des mesures fortes permettront d’atteindre l’objectif ambitieux que la France s’est fixé, le groupe du RDSE déterminera son vote final en fonction des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)