M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, pour la réplique.

M. Jean-Paul Émorine. Monsieur le ministre, votre réponse, je pense, ne satisfera pas le monde agricole. Je prends mes collègues à témoin : en grande majorité, nous sommes des élus des territoires et des terroirs, et nous devons les défendre. Ils représentent 50 % de l’espace de notre pays, des productions de qualité, des hommes et des femmes qui travaillent sept jours sur sept.

Nous demandons au Gouvernement de prendre rapidement les décisions qui s’imposent pour pouvoir maintenir nos agriculteurs sur le territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

stage des internes en fin de cycle dans les zones sous-dotées

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe La République en Marche.

M. Bernard Buis. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Dans cette assemblée, au mois de juin dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, nous débattions de l’obligation pour les étudiants de troisième cycle de médecine générale et d’autres spécialités d’effectuer leur dernière année en pratique ambulatoire, en autonomie, dans les zones caractérisées comme sous-dotées, et nous l’adoptions.

La plupart d’entre nous savent combien les élus de territoires ruraux, mais aussi dans certaines villes, souffrent de la carence de médecins pour répondre aux problématiques de santé de leurs administrés.

Je suis, par exemple, certain que, dans cette assemblée, nous avons, les uns et les autres, été interrogés par nos concitoyens sur leurs difficultés à trouver un médecin traitant. Cette mesure, madame la secrétaire d’État, est donc une bonne mesure, très concrète.

Elle a été saluée par les associations d’élus, pour son caractère réaliste et pragmatique : non seulement elle instaure la présence d’internes en fin de formation dans des secteurs souffrant d’une offre de soins insuffisante, mais aussi elle facilite et incite l’installation de ces jeunes praticiens dans nos territoires.

C’est également une mesure d’urgence, et je sais, madame la secrétaire d’État, que vous en avez pleinement conscience : dans le cadre du plan d’action en faveur des territoires ruraux, dit « agenda rural », présenté par M. le Premier ministre le 20 septembre dernier, l’engagement est pris de recruter 600 médecins salariés ou à exercice mixte ville et hôpital dans les déserts médicaux.

Ma question est simple : comment comptez-vous procéder pour appliquer très rapidement ces mesures et de quelle façon envisagez-vous d’y associer les maires ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Bernard Buis, le Gouvernement entend les attentes des élus et des citoyens sur les nombreux territoires, l’inquiétude, légitime, que suscite la question de l’accès aux soins.

La ministre des solidarités et de la santé s’est attaquée à ces sujets dès son entrée en fonction.

Ainsi, depuis 2017, nous avons apporté un certain nombre de réponses avec, notamment, le développement des maisons de santé – leur nombre a augmenté de 37 % en deux ans, et 80 % d’entre elles sont implantées en milieu rural –, l’augmentation des aides accordées aux médecins s’installant en zones sous-denses, le développement de tous les outils permettant de libérer du temps médical – coopération entre les professionnels, délégations des tâches, déploiement du numérique. D’autres solutions sont en cours de mise en œuvre.

Je pense aussi aux hôpitaux de proximité, qui compléteront l’offre de soins, mais également aux assistants médicaux, qui seront près de 4 000 d’ici à 2022.

Par ailleurs, nous accélérons le déploiement de 400 médecins généralistes, partagés entre la médecine de ville et l’hôpital, 200 dans les zones les plus modestes.

S’agissant du développement des stages, la mesure a été adoptée, sur l’initiative du Sénat, dans le cadre du vote de la dernière loi Santé. C’est une première réponse, efficace et pragmatique, à l’urgence territoriale.

Nous nous inscrivons dans le calendrier que vous avez adopté. Nous souhaitons systématiser le stage ambulatoire en soins en autonomie supervisée pour les étudiants en dernière année d’internat à compter de 2021.

Les contours du dispositif seront définis par un décret, pouvant notamment ouvrir la possibilité d’une supervision à distance, afin de laisser davantage de souplesse dans l’organisation des terrains de stage.

Un groupe de travail sera mis en place dans les prochaines semaines pour accélérer la dynamique et pour faire découvrir l’exercice en zone sous-dense. Je retiens votre proposition, monsieur le sénateur Buis, de pouvoir y faire participer les élus des collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.

M. Bernard Buis. Je vous remercie de ces précisions, madame la secrétaire d’État. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

fiscalité des français de l’étranger

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacky Deromedi. Ce gouvernement aime-t-il les Français de l’étranger ? Permettez-moi d’en douter, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ! Notamment en matière fiscale…

Des centaines de compatriotes, relayés par leurs élus, m’interrogent sur leurs inquiétudes quant à l’augmentation faramineuse de leurs impôts. Vous êtes à l’origine de ce qu’ils décrivent comme une catastrophe fiscale.

J’ai deux questions.

Premièrement, les Français de l’étranger sont soumis aux prélèvements sociaux que sont la contribution sociale généralisée – ou CSG – et la contribution au remboursement de la dette sociale – ou CRDS – et au prélèvement de solidarité, pour un taux atteignant 17,20 %, alors même qu’ils ne bénéficient d’aucune prestation sociale en France.

À cela s’ajoute une discrimination entre Français de l’étranger, selon qu’ils résident ou pas à l’intérieur de l’Union européenne.

Ceux qui résident au sein de l’Union européenne, en raison de votre refus de supprimer ces prélèvements, ont saisi la Cour de justice de l’Union européenne, et ils ont gagné ! Ils en sont donc exemptés.

Vous avez refusé d’appliquer la même règle à ceux qui résident hors de l’Union européenne. Ces derniers continuent donc à être soumis à ce prélèvement de 17,20 %.

Pourquoi cette double injustice ?

Deuxièmement, s’agissant de la retenue à la source, vous avez augmenté le taux minimal de 20 % à 30 %, auquel il faut ajouter, pour les résidents hors Union européenne, le prélèvement CSG-CRDS et le prélèvement de solidarité précédemment mentionnés, pour un taux, je le rappelle, de 17,20 %.

Pour les Français dont les revenus sont inférieurs à 27 519 euros, la retenue à la source atteint 27,5 % lorsqu’ils résident dans l’Union européenne et 37,20 % lorsqu’ils résident hors Union européenne.

Pour les Français dont les revenus sont supérieurs à 27 519 euros, soit 2 300 euros par mois, la retenue à la source sera de 37,5 % lorsqu’ils résident dans l’Union européenne et de 47,20 % lorsqu’ils résident hors Union européenne.

Et cela hors application d’un taux moyen, s’ils acceptent de déclarer leurs revenus mondiaux.

Pourquoi cette autre discrimination ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Les mots que vous avez utilisés, madame la sénatrice Deromedi, pour qualifier la fiscalité des Français non résidents me paraissent un peu durs.

Rappelons que, dans le cadre de la loi de finances pour 2019, nous avons procédé à une réforme de la fiscalité des non-résidents, sur la base des préconisations du rapport de la députée Anne Genetet.

Nous avons ainsi remplacé la retenue à la source dérogatoire qui était appliquée à certains des revenus de source française, comme les traitements, salaires et pensions, par une retenue à la source de droit commun, déjà applicable aux mêmes revenus au-delà d’un certain seuil de 43 000 euros et déjà applicable, aussi, au premier euro d’autres catégories de revenus, ce qui était source de complexité et d’incompréhension.

Par ailleurs, comme vous l’avez rappelé, nous avons fait le choix d’un taux minimal d’imposition pour mettre en œuvre ce prélèvement à la source pour les Français de l’étranger.

Cette réforme a-t-elle eu des conséquences extrêmement importantes ? Dans quel sens ?

Il faut relativiser vos propos ou certaines des craintes que vous relayez.

Premièrement, l’application du droit commun, en lieu et place de la retenue libératoire, peut selon les cas se révéler plus ou moins avantageuse, en fonction, notamment, de la composition du foyer, de la part des revenus de source française ou de la nature des revenus.

Deuxièmement, les contribuables non résidents ont toujours la possibilité, comme auparavant, d’opter pour l’imposition de leurs revenus au taux moyen, plutôt que la retenue à la source. Cette imposition consiste à appliquer, aux revenus de source française, le taux qui relèverait du barème de l’impôt sur le revenu – un barème progressif, donc – appliqué à l’ensemble des revenus mondiaux.

M. François Bonhomme. Vous êtes sûr ? (Sourires.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. La réforme, ajoutons-le, s’est accompagnée de nouveaux avantages pour les non-résidents, avec, notamment, la déduction des pensions alimentaires pour le calcul du taux moyen, ou encore l’allongement de cinq à dix ans du délai d’exonération des plus-values immobilières.

Enfin, madame la sénatrice, la jurisprudence dite de Ruyter que vous avez évoquée en matière de CSG a effectivement été inscrite dans le droit français par la loi de finances pour 2019. Elle concerne uniquement les non-résidents dans l’espace communautaire.

M. François Bonhomme. On vous croit sur parole ! (Nouveaux sourires.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement a choisi de rendre effective cette jurisprudence… datant de 2015 !

Il y a certainement quelques améliorations ou modifications à apporter. Le Gouvernement travaille dans ce sens, afin de pouvoir procéder à ces évolutions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

régime de l’assurance chômage

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Michelle Meunier. Ma question s’adressait à Mme la ministre du travail.

L’Unédic vient d’analyser les deux décrets réformant l’assurance chômage pris par le Gouvernement et le verdict est sans appel : les perdants seront nombreux ! Ce sont 1,3 million de personnes à la recherche d’un emploi qui vont voir leurs allocations de chômage baisser : quatre chômeurs sur dix ! Plus de 200 000 travailleuses et travailleurs sans emploi seront privés d’indemnités, soir 10 % des personnes concernées.

En moyenne, l’Unédic estime que la baisse des allocations atteindra 19 %.

C’est à un mouvement de précarisation massif qu’il faut s’attendre si Mme la ministre du travail persiste à appliquer, dès le 1er novembre, les nouvelles règles.

Les associations de personnes précaires et les centrales syndicales pressentent déjà que les premiers touchés seront les plus jeunes, qui enchaînent des contrats courts et de faibles salaires ; les plus fragiles.

Cette perspective est dramatique, mais le pire est la vision très conservatrice de la ministre : elle prétend que la réforme aura pour conséquence d’inciter les chômeurs à reprendre une activité.

Sa logique dissimule mal l’ambition d’économies budgétaires, au détriment de celles et ceux qui ont pourtant cotisé.

Ma question est simple : qu’est-il prévu pour accompagner ces personnes, qui risquent de se retourner vers Pôle emploi ?

Les agents craignent effectivement une montée d’agressivité et de colère, et la parlementaire que je suis, élue de Loire-Atlantique, sait jusqu’où de tels actes peuvent mener. Quelles mesures de prévention l’agence Pôle emploi proposera-t-elle à ses agents ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Muriel Pénicaud. Mme la ministre du travail ne pouvait être des nôtres aujourd’hui.

La question qu’il me semble utile, au fond, de se poser est celle-ci : pourquoi avons-nous souhaité mener cette réforme de l’assurance chômage ?

Je rappellerai trois chiffres, qui, pour moi, sont extrêmement importants : tout d’abord, 87 % des embauches en France sont réalisées en contrat à durée déterminée ; parmi ces embauches, 70 % correspondent à des contrats d’une durée inférieure à un mois ; parmi ces contrats de moins d’un mois, enfin, 85 % sont des réembauches.

Cette réalité, madame la sénatrice Meunier, c’est celle de la précarité des travailleurs et des travailleuses en France et, cette réalité, le Gouvernement ne peut pas l’accepter !

Dans le même temps, on constate qu’un chômeur sur cinq peut percevoir plus au chômage qu’en travaillant. (Exclamations sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire dÉtat. C’est une réalité !

On voit également que certains secteurs économiques usent et abusent des contrats courts, ce qui contribue à précariser toujours davantage les travailleurs.

Quelle réforme avons-nous proposée pour lutter contre cette précarité ?

D’abord, nous avons voulu en terminer avec le recours abusif aux contrats courts. Avec la mise en place du bonus-malus, la cotisation chômage de l’employeur pourra être modifiée en fonction de son comportement.

Nous avons aussi souhaité inciter davantage à la reprise du travail. Ainsi, nous ne changeons pas le capital d’indemnités auquel les chômeurs ont droit ; nous le répartissons juste différemment dans le temps, afin que, le plus rapidement possible, la personne en recherche d’emploi soit incitée à revenir à l’emploi.

Enfin, nous renforçons considérablement – j’insiste sur le terme – l’accompagnement des personnes en situation de chômage. C’est pour cette raison que la ministre du travail a annoncé des embauches importantes au sein de Pôle emploi.

Nous avons là une réforme qui nous permettra très largement de lutter contre la précarité du travail. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique. Vous avez huit secondes, ma chère collègue…

Mme Michelle Meunier. C’est trop, monsieur le président ! Devant tant de caricatures et d’idées reçues, je reste sans voix ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

4

Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur

M. le président. Mes chers collègues, je salue l’arrivée parmi nous de Pascal Martin, sénateur de Seine-Maritime. Qu’il soit le bienvenu ! (Applaudissements.)

Il vient remplacer, parce que celui-ci en a décidé ainsi, notre doyen d’âge, Charles Revet, qui a beaucoup œuvré pour cette assemblée et a défendu de nombreuses valeurs auxquelles il est attaché. Je tiens, au nom du Sénat tout entier, à la fois à lui exprimer toute notre gratitude et à vous souhaiter, cher collègue Pascal Martin, le meilleur mandat possible. (Nouveaux applaudissements.)

Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d’honneur, d’une délégation de membres du Conseil national de Slovénie, conduite par M. Bojan Kekec, président de la commission des relations internationales et des affaires européennes. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

La délégation est reçue cette semaine au Sénat et en Seine-et-Marne par le groupe interparlementaire d’amitié France-Slovénie, présidé par notre collègue Colette Mélot.

La visite en France de la délégation porte en particulier sur les thèmes de l’énergie et du climat et de l’économie circulaire. Elle sera aussi l’occasion d’évoquer les enjeux européens.

Je forme le vœu que cette visite en France contribue à renforcer encore les liens qui unissent nos deux assemblées et nos deux pays.

Mes chers collègues, en votre nom à tous et au nom du Sénat, permettez-moi de souhaiter à nos homologues du Conseil national de Slovénie la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour ! (Applaudissements.)

6

Mises au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le président, j’appelle votre attention sur le scrutin public qui a eu lieu hier soir, lors de la première application de notre nouveau système de vote.

M. François Patriat. En effet, à la suite d’une erreur de validation des consignes de vote sur la proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l’exercice des libertés ainsi qu’à la tenue des événements et à l’exercice d’activités autorisées par la loi, je tiens à rectifier le vote de certains membres du groupe La République En Marche.

Pour le scrutin public n° 1, Michel Amiel, Julien Bargeton, Michel Dennemont, André Gattolin, Antoine Karam, Martin Lévrier, Frédéric Marchand, Thani Mohamed Soilihi, Georges Patient, Patricia Schillinger et Richard Yung figurent comme s’étant abstenus alors qu’ils souhaitaient voter contre.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, lors du même scrutin, mon collègue Yves Daudigny et moi-même avons été notés comme ayant voté contre l’amendement n° 2 rectifié ter ; or nous avions l’intention de nous abstenir. (Mme Catherine Deroche sexclame.) Ma chère collègue, l’explication est très simple : du temps des cartes de vote, la couleur rouge signifiait l’abstention. Or, désormais – je ne l’avais pas remarqué spontanément –, le bouton rouge signifie « contre ». Le bouton bleu signifie « pour »…

M. Yvon Collin. Il faut suivre les formations ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. … et, pour s’abstenir, il faut presser le bouton blanc !

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

7

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

8

Sécurité des ponts : éviter un drame

Débat organisé à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur les conclusions du rapport d’information : Sécurité des ponts : éviter un drame.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis que le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Patrick Chaize, rapporteur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, le 14 août 2018, l’effondrement du pont Morandi de Gênes entraînait la mort de quarante-trois personnes. Ce drame, qui a suscité beaucoup d’émotion, a soulevé, en France, des interrogations quant à l’état des ponts. Nombre d’entre nous se sont demandé s’il était possible qu’un tel accident survienne chez nous.

C’est pour répondre à cette interrogation que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a lancé une mission relative à la sécurité des ponts. Je tiens à en remercier son président, Hervé Maurey, ainsi que mon collègue Michel Dagbert.

Le but de cette mission était double : tout d’abord, connaître l’état des ponts en France ; ensuite, savoir comment ce patrimoine est entretenu par l’État et par les collectivités territoriales.

Après plusieurs mois de travaux, qui nous ont notamment permis de recueillir un grand nombre de témoignages d’élus locaux, les constats que nous avons présentés au début du mois de juillet dernier sont plutôt inquiétants.

Premièrement, personne aujourd’hui ne sait dire avec exactitude combien il y a de ponts en France. En soi, ce constat est déjà révélateur de la méconnaissance dont souffre ce patrimoine.

M. Roland Courteau. Ça, c’est sûr !

M. Patrick Chaize, rapporteur. On estime ainsi que la France compterait entre 200 000 et 250 000 ponts routiers, dont 90 % gérés par les collectivités territoriales.

Deuxièmement, l’état des ponts routiers s’est dégradé de manière continue au cours des dernières années, et, à ce jour, il se révèle préoccupant. En dix ans, le pourcentage des ponts gérés par l’État nécessitant un entretien sous peine de dégradation ou présentant des défauts a bondi de 65 % à 79 %. Plus de 700 ponts sont actuellement en mauvais état et exigent des travaux de réparation.

En parallèle, 8,5 % des ponts gérés par les départements sont en mauvais état, ce qui représente environ 8 500 ouvrages, et près de 30 % d’entre eux nécessitent des travaux d’entretien spécialisés.

Quant aux ponts gérés par les communes et les intercommunalités, c’est la grande inconnue. En 2008, date des dernières données disponibles, 16 % des ponts communaux étaient en mauvais état ; et tout indique que ces infrastructures ont continué à se dégrader depuis, notamment du fait de la suppression, en 2014, de l’assistance technique que les services de l’État apportaient aux collectivités, de l’absence de politique généralisée de surveillance et d’entretien des ponts et de la dégradation de la situation financière des collectivités.

D’après les experts que nous avons rencontrés, il est donc probable que, aujourd’hui, 18 % à 20 % des ponts des communes soient en mauvais état, soit plus de 16 000 ouvrages d’art. En additionnant les chiffres, on aboutit à un total d’au moins 25 000 ponts, en France, dont la structure est altérée ou gravement altérée.

Troisièmement, la dégradation de l’état des ponts pose des problèmes de sécurité et de disponibilité des infrastructures. En 2018, un audit externe a mis en lumière que 7 % des ponts de l’État présentaient, à terme, un risque d’effondrement, et que, selon une forte probabilité, ils devraient être fermés préventivement à la circulation.

En outre, au cours de ses travaux, la mission a été alertée à de nombreuses reprises sur les problèmes de sécurité que pose l’état des ponts communaux. Le maire de Lamenay-sur-Loire, dans la Nièvre, indique ainsi à propos d’un ouvrage : « Pour le moment, la structure tient bien, mais il y aura des difficultés prochainement, vu la charge de matériel agricole. » Quant au maire du Poislay, dans le Loir-et-Cher, il explique que le pont reliant sa commune à celle de Droué exige des travaux très importants, « car la réparation actuelle ne tiendra pas dans le temps ».

Le mauvais état des ponts se traduit également par des restrictions de circulation et des fermetures, qui pénalisent les usagers dans leurs trajets quotidiens. Lors des déplacements que nous avons effectués en Moselle et en Seine-et-Marne, nous avons pu mesurer combien la fermeture d’un pont pouvait infliger de difficultés aux habitants,…

M. le président. Il va falloir conclure.

M. Patrick Chaize, rapporteur. … en allongeant leurs délais de déplacement, notamment pour aller au travail ou conduire les enfants à l’école.

Mes chers collègues, je suis sûr que vous avez tous connaissance de situations analogues dans vos territoires.

M. le président. Merci, mon cher collègue !

M. Patrick Chaize, rapporteur. Il est donc urgent d’en parler et d’en prendre conscience.

Tels sont les principaux constats dont je souhaitais vous faire part. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, rapporteur.

M. Michel Dagbert, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat que vient de rappeler Patrick Chaize est, vous en conviendrez, inquiétant. Il invite à se demander comment on a pu en arriver à cette situation.

Plusieurs phénomènes expliquent que l’état des ponts se soit dégradé au cours des dernières années.

Le premier, c’est vraisemblablement le vieillissement de ce patrimoine. Comme toutes les infrastructures, les ponts ont une durée de vie limitée. Or de nombreux ouvrages ont un âge avancé. Un quart des ponts gérés par l’État ont été construits entre 1950 et 1975. Ils sont ou seront donc prochainement en fin de vie. De même, l’âge du patrimoine des ponts des communes dépasse souvent cinquante ans.

Le deuxième, c’est bien sûr l’insuffisance des moyens dédiés à l’entretien des ponts. Ces dernières années, l’État a consacré en moyenne 45 millions d’euros par an à l’entretien de ses ouvrages d’art. Or plusieurs audits du réseau routier ont montré que le maintien de ce budget à un tel niveau conduirait au doublement du nombre d’ouvrages en mauvais état dans les dix prochaines années et à son triplement, voire son quadruplement, à un horizon de vingt ans.

Le troisième, ce sont les limites que présente la politique de surveillance et d’entretien, qui concernent notamment le bloc communal : pour la plupart, communes et intercommunalités ne sont pas équipées pour assurer la gestion et l’entretien de leurs ouvrages d’art, car elles ne disposent ni de l’expertise en interne ni des ressources financières suffisantes pour solliciter une expertise privée. Le diagnostic de l’état d’un pont et les travaux d’entretien et de réparation peuvent représenter un coût important pour elles.

Nous pouvons l’illustrer par deux visites de ponts appartenant aux communes de Guérard et de Tigeaux, auxquelles M. Chaize vient de faire allusion. Ces ponts sont fermés à la circulation depuis 2014 en raison de leur mauvais état. Les travaux de réhabilitation sont estimés à 1 million d’euros pour chacun d’eux, alors même que le budget annuel de ces communes n’excède pas les 3 millions d’euros…

Ce constat nous a conduits à faire plusieurs propositions.

La première de ces propositions est d’ordre financier. Il ne faut pas se leurrer : sans moyens supplémentaires, il est évident que nous ne pourrons pas enrayer la dégradation de l’état de nos ouvrages d’art. Nous appelons donc au déploiement d’un véritable plan Marshall et à la création d’un fonds d’aide aux collectivités territoriales.

Ce fonds doit permettre de réaliser, dans les années à venir, un diagnostic de l’ensemble des ponts des petites communes et intercommunalités – c’est la moindre des choses ! En outre, pour procéder aux travaux de réparation et de reconstruction de leurs ponts, les collectivités territoriales pourront, grâce à lui, disposer d’un concours. Sans une telle aide, il est clair que les petites communes et intercommunalités ne seront pas en mesure de financer les travaux nécessaires.