Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Grosperrin, la première équité – voilà le sens de notre action à travers la loi d’orientation sur les mobilités – est que les Français, partout sur le territoire, bénéficient de la couverture par une autorité organisatrice.

Vous avez raison de mentionner le fait que, à Besançon, comme ailleurs, l’autorité organisatrice ne peut être seulement la ville-centre, dont les habitants connaissent des situations tout à fait différentes par rapport à ceux de la périphérie. L’autorité organisatrice doit se déployer selon un maillage plus général, afin de mutualiser les moyens et être solidaire au sein même d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté de communes, a fortiori d’une métropole, entre l’hypercentre et toutes les communes périphériques. La première solidarité consiste en une capacité à couvrir tout le territoire français et à exercer cette solidarité à l’échelle de l’agglomération.

La question que vous posez est une question d’équilibre entre l’action de la région et celle des intercommunalités. Vous reconnaîtrez qu’il ne revient pas à l’État de s’immiscer dans la relation entre les différents niveaux des collectivités locales ; cependant, votre question a du sens et doit être discutée. L’État contractualise aussi avec les régions dans le cadre des contrats de plan. La question peut donc se poser.

Il nous faut trouver un bon équilibre : pas de zones blanches, pas d’absence de réponse de la part des collectivités à celui qui demande une aide en matière de mobilité. Nous voulons une compétence exhaustive sur tout le territoire, un bon équilibre entre ville-centre et villes périphériques à l’intérieur des communautés d’agglomération ou de communes. La discussion doit donc aboutir entre les deux grands niveaux d’organisation que sont les intercommunalités et la région.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Madame la secrétaire d’État, à l’approche des élections municipales de mars prochain, les débats sur la gratuité des transports collectifs sont nombreux.

Aujourd’hui, chaque autorité organisatrice de la mobilité a mis en place une politique tarifaire plus ou moins avantageuse pour les usagers.

Je ne suis pas opposé par principe à la gratuité des transports urbains ; elle peut contribuer à réduire la pollution urbaine et à donner du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

Pour que la gratuité ait un sens, il faut qu’elle permette un réel report modal, afin d’augmenter le nombre d’usagers délaissant leur voiture au profit des transports en commun. Les études le prouvent, plus les infrastructures de transports en commun en site propre sont nombreuses, plus les usagers les fréquentent. Les usagers ne s’y trompent pas ; ils préfèrent à la gratuité une offre de transports collectifs payante, mais plus développée.

Des questions se posent sur les conséquences de la gratuité, notamment sur la prise en compte de la hausse de la fréquentation des lignes existantes. L’équation est simple : plus de fréquentation implique un plus grand nombre de rames, plus de lignes pour atteindre l’objectif de réduction de la place de la voiture dans nos villes. Avec les modifications des modes de vie, nous pouvons même imaginer de prévoir des modules spécialement conçus pour les usagers du vélo.

Cependant, tout cela à un coût. À Montpellier, de lourds investissements ont été réalisés jusqu’en 2014. Il faut toutefois garder à l’esprit que la gratuité suppose, par définition, moins de recettes et un nécessaire redéploiement de certains personnels.

Aujourd’hui, dans le cadre des mobilités du quotidien et de la lutte contre le réchauffement climatique, l’État est-il prêt à s’engager dans une politique globale en soutenant financièrement une métropole comme celle de Montpellier, si elle décidait la gratuité de ses transports et, naturellement, l’extension de son réseau ? Je pense notamment à une renégociation des encours de dette de l’autorité organisatrice et à un fort soutien financier aux nouveaux investissements rendus nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. La gratuité, comme l’ont montré les travaux du GART et de la mission dont on vient de parler, pose effectivement des questions de soutenabilité économique et doit être examinée au cas par cas pour en déterminer l’efficacité. Des recettes commerciales doivent nécessairement être compensées. Si la gratuité a été mise en place, dans les 29 cas analysés, plutôt sur de petits réseaux à faible potentiel de recettes, avec des ratios recettes/dépenses souvent inférieurs à 10 %, sa mise en œuvre sur des réseaux de grandes agglomérations comme Montpellier ne paraît pas facilement accessible. En effet, les recettes tarifaires des réseaux de ces métropoles, perçues auprès des usagers, représentent des sommes très importantes et couvrent une part significative des dépenses de fonctionnement.

L’État n’a évidemment pas vocation à intervenir financièrement dans les politiques de transport, qui relèvent des collectivités locales. C’est pourquoi il convient que celles-ci considèrent avec la plus grande prudence les effets potentiels de la gratuité sur leurs ressources, et donc sur leur capacité à répondre aux enjeux de demain.

En soutien des collectivités, l’État souhaite donc intervenir sur la qualité de l’offre. Montpellier a développé en peu de temps un réseau performant, notamment avec la création de quatre lignes de tramway. L’État souhaite continuer à favoriser le développement de projets structurants ; à ce titre, il continuera à soutenir de tels projets, avec un quatrième appel à projets en faveur des investissements en transports collectifs, lancé en 2020, la LOM ayant prévu des crédits à cette fin.

Conclusion du débat

Mme la présidente. Pour clore le débat, la parole est à Mme Michèle Vullien, présidente de la mission d’information.

Mme Michèle Vullien, présidente de la mission dinformation sur la gratuité des transports collectifs. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes courageux collègues qui sont restés cet après-midi dans l’hémicycle, et que je remercie, la gratuité, certes, mais à quel prix ?

Les interventions d’aujourd’hui sont la preuve que le sujet de la gratuité des transports collectifs passionne et continuera sans aucun doute à faire parler de lui, surtout en cette période préélectorale.

Je tiens à remercier tout d’abord les administrateurs, le rapporteur et l’ensemble des groupes politiques qui ont participé, de manière constructive, aux travaux de la mission d’information. Nous sommes parvenus à atteindre un équilibre qui, je dois l’avouer, n’a pas été facile à trouver. Le premier projet de rapport n’avait d’ailleurs été ni adopté ni rejeté, et nous avions choisi, collectivement, de poursuivre notre réflexion, pour finalement aboutir à un rapport adopté à l’unanimité. Je tiens à saluer tout spécialement le rapporteur, M. Gontard, qui a bien voulu remettre l’ouvrage sur le métier au cours de l’été.

À la lumière des débats d’aujourd’hui, que faut-il retenir de la gratuité des transports collectifs ? D’abord, comme je le disais, c’est un sujet qui passionne, et pour cause ! À l’approche des échéances électorales du printemps prochain, nombreuses sont les propositions visant à instituer la gratuité des transports, le tout, bien souvent, sans évaluation préalable – j’ajouterai que ceux qui parlent de gratuité des transports sont ceux qui ne se sont jamais intéressés aux transports auparavant, et qui ne connaissent pas leur fonctionnement. En proposant de rendre les transports de leur collectivité gratuits, certains se font de la publicité à bon compte, si j’ose dire. Quant à savoir qui finance, on verra plus tard !

Cependant, dès que nous tentons une réflexion un peu approfondie sur la question, il est indéniable que la gratuité ne saurait être présentée comme une réponse miracle adaptée à toutes les situations.

Je reste personnellement convaincue que la gratuité, a fortiori la gratuité totale, ne reste possible que dans certaines situations très spécifiques, dans lesquelles deux conditions sont réunies. La première condition est l’existence d’un réseau de bus – et non de transport lourd – peu fréquenté, c’est-à-dire où la demande est inférieure à l’offre de transports. Les communes qui ont adopté la gratuité en sont un bon exemple. La seconde condition est un financement qui repose essentiellement sur le versement transport.

Dans ces cas très précis, seule la gratuité totale des transports collectifs peut servir, comme on l’a vu à Dunkerque, à renforcer l’attractivité du centre-ville ou encore à optimiser le service existant. J’avoue être beaucoup plus circonspecte, en revanche, sur les autres vertus que certains prêtent par ailleurs aux transports gratuits. Allez donc expliquer aux usagers du métro parisien, serrés à quatre par mètre carré aux heures de pointe, qu’il constitue un « lieu de vie » : succès garanti !

En outre, dans la très grande majorité des cas, la gratuité des transports collectifs reste une équation financière impossible à tenir pour les AOM en l’état actuel des financements, puisqu’elle implique à la fois la perte de recettes liées à la billettique, mais aussi une hausse des dépenses dues à l’augmentation de la fréquentation. Surtout, la gratuité des transports collectifs n’est pas demandée par les usagers, qui lui préfèrent bien évidemment un accroissement de l’offre. Depuis vingt-cinq ans que je travaille sur les transports collectifs de l’agglomération lyonnaise, je n’ai jamais entendu un seul citoyen réclamer la gratuité, mais toujours une offre accrue, un meilleur maillage, une plus grande fréquence et une plus grande amplitude horaire.

Plus encore, la question de la gratuité des transports collectifs, si elle reste une idée séduisante au premier abord, porte en elle le risque – cela a été dit – d’accroître les inégalités entre les zones urbaines, d’une part, qui disposent de réseaux de transports collectifs, et les zones rurales et périurbaines, d’autre part, où ils font souvent défaut. Comment justifier la gratuité des transports pour certains, alors qu’un grand nombre de nos concitoyens sont confrontés à d’importantes difficultés de mobilité dans de très nombreux territoires ? Je pense donc que la priorité doit rester le développement de l’offre de transport pour l’ensemble de nos territoires, et ce avant toute autre chose. Il y va de l’équité entre tous les Français.

Les différentes auditions que nous avons menées dans le cadre de cette mission m’ont davantage convaincue de l’intérêt de développer une tarification équitable et lisible, une tarification solidaire pour les usagers, que l’on appelle communément la gratuité partielle. C’est la raison pour laquelle la mission a proposé la création d’un observatoire de la tarification des transports, qui permettrait aux AOM envisageant cette gratuité, qu’elle soit partielle ou totale, de disposer d’un outil spécifique. J’ai d’ailleurs demandé à monsieur le secrétaire d’État Djebbari comment mettre en place cet observatoire. Il m’a répondu qu’il avait transmis la question à ses services, qui doivent être en train de l’étudier…

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Absolument !

Mme Michèle Vullien, présidente de la mission dinformation. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en conclusion de cette mission, je crois pouvoir dire que la gratuité totale des transports collectifs ne constitue ni une bonne ni une mauvaise idée, mais un outil à disposition des collectivités pour contribuer, par exemple, à la revitalisation d’un centre-ville ou à la création d’un aménagement urbain qui laisse moins de place à la voiture.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Michèle Vullien, présidente de la mission dinformation. Fondamentalement, à travers cette question, c’est celle de l’inégalité territoriale qui est posée. Je souhaitais vous dresser un panorama…

Mme la présidente. Votre temps de parole est épuisé !

Mme Michèle Vullien, présidente de la mission dinformation. Pour conclure, je pense, à titre personnel, que la gratuité totale est un outil d’iniquité aggravant la fracture territoriale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions du rapport : La gratuité totale des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ?

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

8

Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations

Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « Bilan et perspectives de la compétence “Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations”. »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

La parole est tout d’abord à Mme Maryse Carrère, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux ans après son entrée en vigueur, il était important que nous ayons ce débat sur la mise en œuvre de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (Gemapi). C’était important, car cette création à beaucoup fait parler d’elle à une période où l’intercommunalité a subi vents et marées.

La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam), parmi les nombreux volets qu’elle comportait, est venue créer cette compétence Gemapi, à la suite des travaux de notre collègue Pierre-Yves Collombat.

Mme Maryse Carrère. Si nombreux étaient les élus réticents devant cette mesure, je pense aujourd’hui que c’était un mal nécessaire. Il nous fallait une gestion coordonnée de nos politiques en matière de milieu aquatique et de gestion des inondations. Les compétences étaient éclatées entre différents échelons – commune, syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU), syndicat intercommunal à vocations multiples (Sivom), syndicat de communes, syndicat mixte, EPCI – et entre différentes entités au sein même de ces échelons. À cela, s’ajoutait une absence totale de ressources humaines spécialisées sur ces questions.

Ce sont aussi des questions de responsabilités qui ont présidé à la création de cette compétence. La recherche permanente par nos concitoyens de responsables nous a très certainement poussés à nous adapter.

Les événements climatiques que nous avons connus dans les années 2010, comme la tempête Xynthia où les inondations dans de nombreux départements, sont venus étayer de manière parfois funeste ce constat.

En attribuant cette compétence au bloc communal, le législateur de l’époque a assuré le lien essentiel entre politique d’urbanisme, gestion de l’eau, prévention des inondations, pouvoirs de police du maire et surtout proximité, qui sont déterminants en matière de Gemapi. Il est également venu poser l’obligation, pour les élus de chaque territoire, de définir en fonction de leurs spécificités la stratégie et les moyens à mettre en œuvre pour l’amélioration des milieux aquatiques et la prévention des inondations.

Le texte tel qu’il avait été adopté comportait néanmoins quelques failles qui ne permettaient pas une mise en œuvre harmonieuse et sereine de cette compétence. À ce titre, le travail effectué lors de l’examen de la loi portant votre nom, monsieur le ministre, loi qui est venue intégrer la « sécabilité », a permis le passage d’une compétence exclusive à un « chef de filât » et a autorisé les départements à continuer d’agir dans ces domaines, a été plus que bienvenu. Aujourd’hui, après presque deux ans de fonctionnement, où en sommes-nous ?

S’il nous a fallu attendre longtemps la publication du rapport sur la mise en œuvre de cette compétence, les remontées du terrain nous ont permis de nous faire un premier avis.

Tout d’abord, je dirai que la prise effective de compétence varie selon les territoires. La carte intercommunale, la perception des risques d’inondation, l’éventuel risque de submersion et les moyens financiers ont plus ou moins précipité la prise de compétence Gemapi. Et pour cause ! Pour nombre d’élus, la création de cette compétence est apparue comme un transfert de charges de l’État. Force est de constater qu’il n’a pas été accompagné des transferts financiers équivalents et nécessaires. Si vous demandez aujourd’hui à un élu quelle est sa principale préoccupation concernant la Gemapi, il vous répondra sans hésiter : le financement !

D’abord, parce que l’instauration de la taxe Gemapi est aujourd’hui laborieuse, seulement un tiers des Français la paye ; ensuite, parce que cette taxe dépend en partie d’une taxe d’habitation dont la compensation est actuellement encore hasardeuse ; enfin, parce qu’elle ne rapporte pas suffisamment. Qui peut penser que les 145 millions d’euros récoltés l’année dernière sur l’ensemble du territoire permettront de financer les ouvrages ? Comment peut-on faire peser de nouveau sur nos concitoyens une nouvelle taxe ?

Je crains que, une fois de plus, les plus petites collectivités, avec les ressources les plus limitées, ne soient pénalisées et ne puissent faire face aux dépenses importantes résultant de l’exercice de cette compétence. Je le dis avec d’autant plus de liberté que ma collectivité fut l’une des premières à mettre en place la Gemapi.

Dès 2017, au sein du Pays de Lourdes et des vallées des Gaves, que je présidais, nous anticipions cette prise de compétence pour permettre une gouvernance commune de ces enjeux à l’échelle du bassin versant du gave de Pau amont. Cette prise de compétence ne s’est pas faite sans conséquence puisque désormais c’est près de 1 million d’euros de budget qui sont destinés à la Gemapi sur ce périmètre.

Or, même si nous étions précurseurs, de nombreuses questions restent aujourd’hui sans réponses et beaucoup d’élus ont l’impression d’être au milieu du gué, en particulier en termes de caractérisation de la compétence. Dans une question de décembre 2018, j’interrogeais par ailleurs Mme la ministre Jacqueline Gourault sur ce sujet, notamment sur la qualification de l’urgence.

Lorsque surgit un événement climatique entraînant des crues et des débordements de cours d’eau, il est souvent difficile de dissocier, d’une part, la protection des ouvrages réalisés ou non par l’établissement public de coopération intercommunale n’étant pas classés en tant que systèmes d’endiguement et, d’autre part, la protection des enjeux, de la population et des biens, prérogatives dévolues au maire.

D’ailleurs, il arrive bien souvent que les techniciens des entités chargées de la Gemapi viennent en appui pour réaliser des travaux afin d’éviter les inondations dans les zones habitées, mais aussi pour protéger les ouvrages dont la collectivité compétente pour la Gemapi a la charge contre les inondations. C’est la preuve que, si la définition de l’urgence est à établir, celle de l’intérêt général l’est tout autant. Ce constat soulève différentes interrogations.

Tout d’abord, les maires peuvent-ils agir sur les ouvrages dont les EPCI ont la charge afin de prévenir d’éventuels dégâts dans le cadre de leurs pouvoirs de police en termes de prévention des inondations ? Cette question de coordination dans la décision se pose également pour la gestion des systèmes d’endiguement. On note d’ailleurs, pour ces derniers, que l’État se fait aujourd’hui beaucoup plus regardant sur l’entretien de ces digues depuis le transfert aux collectivités !

Il va donc falloir aller plus loin dans l’information des élus des autorités « gemapiennes » sur l’avancement de la mise en conformité des systèmes d’endiguement qui les concernent, avec une véritable programmation concertée des travaux pour aboutir à une cohérence entre les systèmes proposés et les attentes des collectivités.

Même avec davantage de proximité, le financement de ces ouvrages restera incertain ! Les 15 millions annuels promis par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs pour les digues sont insuffisants. Certes, monsieur le ministre, vous allez me dire que la somme a été déplafonnée, mais ce n’est qu’une réponse partielle aux EPCI concernés.

Une meilleure acceptation passera sans doute par une clarification des compétences en s’appuyant sur les piliers de l’organisation du bassin que sont les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, pour le volet aquatique, les plans de gestion des risques d’inondation (PGRI), concernant les inondations, et par une garantie des financements sur les programmes pluriannuels cadres comme les contrats de rivières ou les programmes d’actions de prévention des inondations.

Si les outils tels que ceux que je viens d’évoquer ne manquent pas par leur nombre ni par leur efficacité, leur mise en œuvre est souvent laborieuse du fait des contraintes environnementales parfois incompatibles avec les soucis de prévention.

Je pense sincèrement que le salut de la Gemapi passera par une sanctuarisation des budgets des agences de l’eau et par une réorientation du fonds Barnier, préconisée par le récent rapport de nos collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart. Cette réorientation est une évidence lorsque l’on sait que, pour 1 euro de dépense en prévention, 7 euros sont économisés en réparation !

Monsieur le ministre, j’espère que vous aurez à cœur de répondre à nos interrogations qui sont nombreuses, notamment sur la gestion des dispositifs de défense contre la mer, la gestion des grands fleuves, mais aussi l’exercice de la Gemapi outre-mer.

Mes chers collègues, j’espère que vous aurez autant d’intérêt que moi à débattre sur ce sujet ô combien important pour nos élus et pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, LaREM et UC. – MM. Jean-Pierre Sueur et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au vu des aléas climatiques et face aux risques de crues et à l’intensité de leurs effets, la logique de la Gemapi est forte et solidaire.

La gestion des cours d’eau et celle du risque d’inondation sont liées. Elles nous obligent à penser de conserve la gestion des zones d’extension naturelle des crues et l’entretien des ouvrages de protection contre les inondations. Elle appelle à un défi technique, d’ingénierie et financier. C’est la raison pour laquelle la gestion de l’eau et la prévention des inondations devaient être rapprochées. Je suis donc heureux du débat que nous avons aujourd’hui sur ce sujet.

La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, avait introduit par la voie d’un amendement sénatorial la compétence Gemapi, et en avait confié la gestion, à titre exclusif et obligatoire, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Je le dis au passage, nous avions trouvé là une utilité aux établissements d’intercommunalité, car nous avions estimé à l’époque, ce qui ne peut pas être remis en cause aujourd’hui, que c’était dans cet espace que la solidarité pouvait s’exercer, et ce à compter du 1er janvier 2018 et au plus tard le 1er janvier 2020.

Vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, très vite, des problèmes – j’en ai été un des praticiens à l’époque ! – se sont fait jour – organisationnels, de gouvernance et financiers –, alors même que l’amendement sénatorial avait prévu l’introduction d’une taxe additionnelle pour financer cette compétence.

La proposition de loi, promulguée le 30 décembre 2017, que j’ai eu l’honneur de défendre et que je vous remercie d’avoir citée – nous avons il est vrai beaucoup travaillé sur ce texte avec l’ensemble des groupes Sénat –, visait à prévoir plusieurs assouplissements pour tenir compte des réalités vécues sur les territoires. Elle partait du constat qu’il fallait préserver ce qui fonctionne. Ainsi la loi dispose désormais que les départements et les régions assurant une ou plusieurs des missions attachées à la compétence Gemapi peuvent poursuivre leurs engagements en la matière au-delà du 1er janvier 2020 – je pense, en particulier, à la prévention des inondations sur les côtes. Un certain nombre de départements étaient très engagés. Le texte tel qu’il était rédigé initialement ne leur permettait plus de poursuivre les actions menées.

Par ailleurs, les cours d’eau, comme les crues, s’ordonnancent et se développent à une échelle qui leur est propre, celle des bassins versants. Elle échappe parfois à la logique des découpages administratifs.

Dès lors, les limites administratives des collectivités territoriales ne sont pas adaptées à la disposition géographique des bassins. C’est la raison pour laquelle elles se sont réunies dans des syndicats mixtes, des établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (Épage) ou des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB). C’est au sein de ces établissements qu’elles ont appris à travailler ensemble dans le cadre d’une coopération territoriale visant l’efficacité des politiques de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.

La loi a donc introduit la possibilité de transférer ou de déléguer à un Épage ou à un EPTB une partie seulement des actions relevant de la Gemapi. De même, elle étend cette possibilité en cas de transfert de la compétence à un syndicat mixte de droit commun.

Enfin, la loi étend désormais à la prévention des inondations les missions d’animation et de concertation, ainsi que l’assistance technique mise par les départements à la disposition des EPCI ne disposant pas des moyens techniques suffisants pour exercer leurs compétences. Nous avons souhaité en effet pouvoir conforter les collectivités et les aider à prévenir les inondations.

C’est ainsi que le décret du 14 juin 2019 relatif à l’assistance technique est venu relever le plafond d’éligibilité des intercommunalités à l’assistance technique de 15 000 à 40 000 habitants, conformément à l’arbitrage rendu par le Premier ministre.

Où en sommes-nous ?

La compétence Gemapi, vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, se structure progressivement et de manière différenciée : l’organisation de la compétence est aujourd’hui stabilisée ou en voie de l’être. Reconnaissons donc que la dynamique est enclenchée. Toutefois, nous constatons des disparités assez fortes entre territoires.

En matière financière, l’article 56 de la loi Maptam du 27 janvier 2014 a instauré la faculté, pour les communes et les EPCI à fiscalité propre, d’instituer la taxe Gemapi pour assurer l’exercice de leur compétence en la matière. Cette compétence est obligatoire pour les EPCI à fiscalité propre depuis le 1er janvier 2018.

La taxe Gemapi est un outil de financement puissant, clairement identifiable par la collectivité et par le redevable – le montant que ce dernier acquitte est explicitement mentionné dans son avis d’imposition –, et qui contribue à la simplicité du financement de la compétence. La taxe Gemapi est affectée aux dépenses afférentes à la compétence et est plafonnée à 40 euros par habitant. J’entends ce que vous dites par ailleurs sur la question du financement, mais ce sont des moyens qui avaient été prévus par le législateur au Sénat.

Une simple délibération de l’EPCI à fiscalité propre permet d’instituer la taxe, qui lui garantit une source de financement fiable dans la mesure où, d’une part, il adopte un produit et non un taux et où, d’autre part, la taxe est assise sur des impositions directes locales émises par voie de rôles et recouvrées par les services de l’État.

La taxe Gemapi a connu une montée en puissance sensible depuis 2017. Son rendement est passé de 25 millions d’euros en 2017 – vous avez été parmi les précurseurs – à 155 millions d’euros en 2018. Il atteindra près de 190 millions d’euros en 2019. En théorie, plafonné à 40 euros par habitant, le rendement maximal de la taxe Gemapi – sans inciter à quoi que ce soit – pourrait atteindre plus de 2,5 milliards d’euros. Par conséquent, cet outil reste mobilisable pour les intercommunalités.

En 2019, ce sont 556 EPCI à fiscalité propre qui ont adopté un produit de taxe Gemapi, soit 44 % du total. Ces EPCI regroupent une population de 32 millions d’habitants.

Pour conclure et avant de répondre aux différentes questions qui me seront posées, je voudrais dire que les orientations que nous avions prises avaient d’abord une visée pratique, sans renoncer à l’ambition de disposer d’un acteur unique chargé de conduire cette politique publique à travers les EPCI à fiscalité propre.

L’enquête lancée par la direction générale des collectivités locales (DGCL) auprès des préfectures en novembre 2018 et le suivi de la compétence montrent que les acteurs souhaitent désormais une stabilité dans les textes et un accompagnement de la mise en œuvre de la Gemapi.

Il me semble primordial de faciliter et de simplifier la mise en œuvre de la Gemapi en tenant compte des réalités locales et en faisant preuve de pragmatisme.

Les collectivités locales se sont approprié de manières différentes ces compétences. D’abord, parce que certaines étaient directement et très régulièrement confrontées aux problèmes d’inondation. Ensuite, c’était un formidable outil, mais il s’agissait parfois d’une compétence « orpheline », pardonnez-moi l’expression, ou pas exercée par les communes – on savait qu’un jour ou l’autre on pourrait avoir à l’exercer. Malheureusement, les aléas climatiques de plus en plus nombreux, de plus en plus fréquents et de plus en plus répartis sur le territoire amènent les collectivités à se saisir davantage de la question.

Les services de l’État restent pleinement mobilisés pour accompagner les collectivités locales dans la prise de compétence Gemapi, en particulier dans les territoires où la gouvernance doit encore être confortée. Je pense, notamment, à la question des fleuves – j’en connais quelque chose ! – ou à la question du trait de côte. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et UC. – MM. Jean-Pierre Sueur et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)

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