M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous vous félicitez, comme le ministre de l’action et des comptes publics, de ce projet de budget prétendument vert, auquel a été appliqué le désormais fameux green budgeting. Je passe sur la sonorité de ce nouvel anglicisme et je m’étonne que vous l’employiez sans vous inquiéter de sa proximité avec le green washing, d’autant que cette proximité n’est pas que sémantique. Les deux mécanismes sont les mêmes : il s’agit d’opérations de communication, de rapides coups de peinture verte qui ne trompent absolument personne.

Votre ministère affiche une hausse de ses crédits de 800 millions d’euros. Or, à périmètre constant, cette hausse est plutôt de l’ordre de 120 millions d’euros. C’est peu au regard des besoins. En comparaison de la disette budgétaire que vous infligez au pays, cette hausse passerait presque pour une bonne nouvelle, si elle ne s’accompagnait pas de la suppression de près de 2 000 ETP au sein de votre ministère, soit près de 5 000 en trois ans. Avec le ministère des solidarités et de la santé, votre ministère est l’un des plus touchés. C’est tout un symbole !

Quel n’a pas été notre étonnement d’entendre le ministre de l’action et des comptes publics nous expliquer que ce n’était pas grave, car « l’écologie, ce n’est pas un service public, mais une politique publique » ! Madame la ministre, vous devriez convier M. Darmanin lors de vos déplacements pour qu’il voie un peu la réalité du pays. L’enfermement à Bercy nuit gravement à la lucidité !

La France ne peut pas conduire la transition énergétique sans ses opérateurs publics, en supprimant notamment des postes à l’Ademe. Elle ne peut pas préserver sa biodiversité en supprimant des postes dans les parcs naturels ou à l’Office français de la biodiversité (OFB). Elle ne peut pas se protéger contre les risques industriels en supprimant des postes à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris). Elle ne pourra pas mettre en œuvre la transition dans les territoires en infligeant une saignée au Cerema et à Météo France. Cette hémorragie rend caduc le reste de votre projet de budget. Nous craignons encore une fois de rencontrer de grandes difficultés pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone.

Globalement, les crédits de la mission augmentent de 1,1 milliard d’euros du fait de la transformation du CITE, du déploiement du chèque énergie et du début de la reprise de la dette de la SNCF. Nous ne nous en plaindrons pas.

Nous nous félicitons même d’avoir inspiré le Gouvernement, sous la houlette de notre collègue Ronan Dantec, lors des débats budgétaires l’année dernière : l’instauration de l’écotaxe sur les billets d’avion permet enfin à l’Afitf de respirer un peu, son budget étant en augmentation de 11,4 %.

Certes, nous continuons de demander que l’intégralité du produit de la TICPE serve à financer la transition écologique, et en premier chef les transports. Certes, nous souhaitons que le Gouvernement s’oriente vers le scénario 3 du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, lequel nécessiterait 4,5 milliards d’euros par an à l’horizon de 2023, mais nous saluons ce premier effort, qui appelle d’autres avancées, comme le retour d’une écotaxe en bonne et due forme. Il s’agit de faire participer le secteur routier aux financements des infrastructures afin de lutter contre la distorsion de concurrence entre la route et le rail.

Je m’arrête là pour les satisfecit, car, en réalité, le compte n’y est pas.

Ainsi, dans le domaine du fret ferroviaire, avec 154 millions d’euros d’investissements sur quatre ans et une baisse de 87 millions d’euros de la compensation par l’État des péages, vos actes ne suivent pas vos discours. Alors que vous mettez des milliards dans le Lyon-Turin, vous ne faites rien de concret pour le Perpignan-Rungis… Tout cela n’est pas cohérent.

Sur les lignes du quotidien, nous n’avons toujours pas eu le rapport Philizot – aux dernières nouvelles, il était sur le bureau de M. le secrétaire d’État. Aucun effort budgétaire spécifique n’est fait pour elles et un tiers du réseau existant est menacé de disparition, à la suite du rapport Spinetta. Cet exercice budgétaire confirme donc que le rail n’est nullement votre priorité et qu’on prépare la création de nouveaux déserts ferroviaires.

Dans le domaine fluvial, ce n’est pas mieux : Voies navigables de France perd 112 ETP.

Enfin, nos routes et nos ouvrages d’art ne se portent pas bien. Dans le classement mondial des pays selon la qualité de leurs infrastructures, la France était première en 2012, elle est aujourd’hui dix-huitième. Les quelque 900 millions d’euros annuels prévus dans la LOM ne nous semblent pas suffisants, notamment pour le déploiement des infrastructures cyclables et la rénovation des ponts et des ouvrages d’arts.

Les moyens alloués à la préservation de la biodiversité sont trop légers pour faire face à la sixième extinction de masse. Chacun a en tête le tableau noir, je ne m’y attarde pas, je n’en ai pas le temps. Alors que l’on a appris hier que le grand tétras, présent dans les Vosges depuis la dernière glaciation, était menacé d’extinction, nous nous désolons de ne toujours pas voir la couleur des 600 millions d’euros sur quatre ans promis pour la défense de la biodiversité.

Si les crédits du programme 113 augmentent, c’est essentiellement pour compenser la baisse des recettes du permis de chasse, autre grande mesure en faveur de la biodiversité… Au risque de me répéter, l’OFB n’a toujours pas les moyens de remplir ses missions.

Les crédits du réseau Natura 2000 baissent également de 11 % et les opérateurs du programme perdent collectivement 43 ETP.

Au sein du programme 159, le Cerema perd encore 100 postes, et c’est toute l’efficacité de la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires qui est remise en cause.

Pour achever ce sombre constat, j’évoquerai la prévention des risques. Après une année marquée par les orages de grêle, la sécheresse, la neige au mois de novembre, l’incendie d’un site classé « Seveso » et un tremblement de terre entre deux centrales nucléaires, il n’est nul besoin de prévoir davantage de crédits pour la prévention des risques !

Madame la ministre, l’Ineris était en première ligne lors de la gestion de la crise de l’incendie de l’usine Lubrizol. Alors que ses compétences sont précieuses et que son directeur s’inquiète de les perdre, vous fragilisez l’Institut en supprimant treize postes supplémentaires. Je rappelle que les accidents industriels ont connu une hausse de 34 % en deux ans. Les visites ont, quant à elles, diminué de 40 %. Est-ce bien raisonnable ?

Entre mesures de simplification, baisse des moyens financiers et pertes d’ingénierie publique, c’est toute l’évaluation et la démocratie environnementales qui sont mises à mal ! J’ai déjà eu l’occasion de vous alerter à ce sujet, madame la ministre. Pour débattre plus longuement de ces questions, je vous invite au colloque que nous organisons sur ce sujet, ici même, ce vendredi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un an, nous ouvrions cette discussion budgétaire dans un mauvais climat. La colère régnait dans le pays, opposant les tenants de l’urgence sociale aux partisans de l’urgence environnementale. La transition que nous voulons à la fois écologique et solidaire n’est pas complètement réalisée, bien qu’elle soit absolument nécessaire.

Pourtant, depuis un an, beaucoup de choses se sont passées en France, mais également en Europe et dans le monde. Le cri de la planète face à l’urgence climatique, émis par la jeunesse, mais aussi par de plus anciens, a retenti sur tous les pavés du monde. De Paris à New York, en passant par Bangkok et Sydney, l’année 2019 aura été marquée par la volonté d’alerter et de dénoncer le manque d’action.

Alors que s’ouvre dans quelques jours à Madrid la COP25 et que la France a connu ces derniers mois et ces dernières semaines des phénomènes climatiques d’ampleur, qui se produisent désormais régulièrement, les sujets restent les mêmes : la lutte contre la pollution de l’air, la prévention des risques climatiques, la protection de la biodiversité, la recherche et le développement d’énergies alternatives et efficientes, pour ne citer qu’eux.

Le Gouvernement a fait, au cours des derniers mois, des propositions intéressantes. Je veux bien sûr parler de la loi relative à l’énergie et au climat et de la loi d’orientation des mobilités. À cet égard, nous le savons tous, la question du financement, notamment des autorités compétentes en matière de mobilité, est centrale.

Je souhaite toutefois saluer les efforts financiers proposés par l’État. Les crédits alloués aux infrastructures de transport pour la période 2018-2022 seront en hausse d’environ 40 %, ce qui représente 13,7 milliards d’euros. Pour la période 2023-2027, les efforts seront quasiment similaires, à hauteur de 14,3 milliards d’euros. Nous avions, ici au Sénat, alerté sur l’importance pour l’Afitf de disposer d’un budget lui permettant de répondre aux engagements pris dans la LOM. Nous sommes favorables à la sécurisation de ce budget.

Le Sénat a proposé la mise en œuvre d’un plan Marshall pour l’entretien de nos ouvrages d’art, doté de 120 millions d’euros par an dès 2020. La LOM prévoit que ce montant sera atteint en 2023. Dans son rapport, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est plus exigeante à cet égard. Compte tenu de l’urgence de la situation, 2023 nous semble bien loin ! Il est également urgent d’accorder plus de moyens au réseau routier afin d’inverser la tendance.

Je ne m’attarderai pas sur les questions ferroviaires. Mes collègues l’ont dit, tout le monde attend le rapport Philizot. Il est nécessaire de rénover le réseau en attribuant les budgets utiles. Il faut toutefois accueillir de manière positive les efforts faits concernant la dette de SNCF Réseau, à l’heure de l’ouverture à la concurrence.

Le secteur fluvial subira encore une baisse significative de ses effectifs, laquelle pourrait avoir un effet négatif sur l’engagement de Voies navigables de France. Il ne faudrait pas que cela ait des conséquences sur le canal Seine-Nord Europe. À cet égard, madame la ministre, je salue l’avancée significative qui a été faite ces derniers jours à Nesle, dans la Somme, en présence du Président de la République.

Dans le domaine maritime, je tiens, comme mon groupe, à saluer la hausse de la dotation de la SNSM, qui s’élève cette année à 10,7 millions d’euros.

Je m’attarderai maintenant sur plusieurs politiques de ce projet de budget qui ne concernent pas les transports et sur les baisses des crédits de paiement d’environ 1 %, à périmètre constant.

J’évoquerai tout d’abord la prévention des risques, dont les moyens restent inchangés. Ceux du Cerema sont toujours en baisse, tout comme ses effectifs, qui connaîtront une nouvelle fois une diminution de 101 ETP en 2020. L’Ineris, qui avait déjà subi une perte d’effectifs l’année dernière, en connaît une nouvelle cette année, de 2 %. Pourtant, mieux vaut prévenir que guérir. Lorsque surviennent les catastrophes que nous connaissons de temps en temps dans notre pays, nous mesurons l’utilité du Cerema et de l’Ineris, tout comme celle de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ou de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Compte tenu des enjeux en termes de sécurité dans ces domaines et des derniers événements que nous avons vécus, le montant des crédits doit à tout le moins demeurer stable, voire être en augmentation.

Le changement climatique est l’une des principales causes des catastrophes naturelles, lesquelles vont devenir de plus en plus intenses. Nous allons donc devoir nous adapter et aménager durablement nos territoires. Des efforts supplémentaires devront être faits afin que les budgets soient en adéquation avec les besoins.

J’évoquerai ensuite le financement de la transition énergétique. Les crédits alloués au soutien des énergies renouvelables restent stables. Je rappellerai ici les objectifs ambitieux fixés dans ce domaine dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie et dans la loi relative à l’énergie et au climat.

Dans le domaine de l’efficacité énergétique, je souhaite mettre en lumière le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE). Madame la ministre, nous devons rendre ce dispositif plus stable afin de gagner en efficacité et élargir son spectre. Il faut que l’État soit plus responsable et s’assure d’apporter des réponses dans des délais convenables. Le contrôle doit être accru pour éviter les dérives.

Par ailleurs, alors que 2020 sera l’année de la COP15 Biodiversité en Chine et du congrès de l’UICN à Marseille, la conservation de notre biodiversité est essentielle, nous ne cessons de le répéter. Je salue ici la création de l’Office français de la biodiversité, né de la fusion de l’Agence française de la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Je suis depuis longtemps les fusions successives de petits établissements publics, qui nous permettent de disposer aujourd’hui d’ensembles très structurés et beaucoup plus importants. La subvention de 41,2 millions d’euros octroyée à l’OFB est une bonne chose pour la biodiversité. Je resterai évidemment attentif au budget qui lui sera accordé pour sa première année d’action, compte tenu des pertes de ressources de l’ONCFS que nous avions identifiées l’an dernier.

L’urgence écologique et sociale est toujours d’actualité. Je crains qu’elle ne le reste encore longtemps, compte tenu de l’ampleur de la tâche qui nous attend. C’est donc avec beaucoup de bienveillance et d’indulgence que j’observe les problèmes. On ne les résoudra pas d’un simple claquement de doigts. Il faut sûrement beaucoup d’argent, mais aussi du temps, de la volonté et du partage avec nos concitoyens.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jérôme Bignon. J’en termine, monsieur le président.

Les moyens alloués doivent être satisfaisants et équilibrés. Je ferai part tout à l’heure en explication de vote de la position qu’adoptera mon groupe. Je fais durer le suspense…

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la première partie du projet de loi de finances pour 2020 a permis d’évoquer certaines mesures écologiques importantes, telles que la suppression progressive du tarif réduit de TICPE, la refonte des taxes sur les véhicules à moteur ou encore la suppression progressive du tarif réduit de TICPE pour les transporteurs routiers de marchandises.

Que dire du volet dépenses concentré dans les crédits de la présente mission ?

Deux orientations nous semblent particulièrement satisfaisantes.

Premièrement, le projet de budget prévoit plusieurs mesures positives en faveur des transports ferroviaires, collectifs et fluviaux. La première d’entre elles, la sécurisation du budget de l’Afitf, était une mesure défendue par le Sénat lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités. Elle garantit la sincérité de la programmation financière des investissements de l’État dans les infrastructures de transport.

L’augmentation des crédits relatifs à l’infrastructure ferroviaire traduit la mise en œuvre des réformes récentes. Et la reprise de 25 milliards d’euros de la dette de SNCF Réseau par l’État permettra de mettre fin à la dérive de la trajectoire financière du gestionnaire d’infrastructure. L’effort d’investissement doit toutefois être poursuivi, compte tenu de la vétusté de nos infrastructures ferroviaires, et au regard de l’attention qui doit être portée à la préservation des dessertes fines du territoire.

Deuxièmement, le budget traduit une stratégie équilibrée en ce qui concerne les transports aériens, associant l’assainissement du budget de la direction générale de l’aviation civile, une hausse des investissements et un accroissement du soutien aux lignes d’aménagement du territoire.

Trois lignes de crédits nous semblent, en revanche, comporter des faiblesses préoccupantes.

Tout d’abord, les moyens affectés à l’entretien du réseau routier et le soutien aux collectivités pour l’entretien des ponts sont insuffisants, ce qui est révélateur de l’état dramatique de sous-investissement de nos infrastructures.

Par ailleurs, si l’objectif de « verdissement » de la présentation budgétaire doit être salué, les avancées concernant la biodiversité, la météorologie et la transition énergétique paraissent maigres. L’augmentation de 9 % des crédits de cette mission est davantage due à l’évolution du périmètre de ladite mission et à la compensation du manque à gagner de la réforme de la chasse pour le nouvel opérateur de la nature et de la biodiversité.

Quant à la diminution des effectifs du ministère chargé de l’environnement, elle semble en décalage avec la volonté du Gouvernement de faire de la réponse à l’urgence écologique le premier axe de sa feuille de route dans le cadre de l’acte II du quinquennat.

Enfin, la stagnation des crédits consacrés aux transports maritimes semble peu compatible avec le développement d’une politique maritime ambitieuse, cela a été dit, en matière de compétitivité et de souveraineté, et alors que nous attendons la nouvelle stratégie portuaire que doit présenter prochainement le Premier ministre.

À l’heure où la Commission européenne fait de la relance de l’investissement sa principale priorité, et alors que la présidente élue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, souhaite mettre en place un green deal européen, il est nécessaire d’accompagner le verdissement de notre budget par une évolution de nos règles de comptabilité nationale, qui considèrent le déficit comme un besoin net de financement et non pas comme un investissement.

Exclure du calcul du déficit public les fonds publics affectés aux investissements en faveur de la transition écologique et énergétique, notamment dans le cadre des clauses d’investissement du semestre européen ou encore des dérogations prévues par le Pacte de stabilité et de croissance, me semble appuyer une telle ambition.

En conclusion, et sous réserve de ces remarques, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » auquel nous convie le Gouvernement est un véritable exercice de gymnastique acrobatique, pour ne pas dire de contorsion, qui frise la performance olympique.

En effet, chacun sait que les objectifs en matière de transition écologique et énergétique sont multiples, complexes, et tous plus ambitieux les uns que les autres. Je cite pêle-mêle : la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050, la production d’énergies renouvelables fixée à 23 % en 2020, la neutralité carbone en 2050 ou encore la limitation à 1,5 degré de la hausse de température sur notre planète.

Que de belles intentions ! Toutes sont censées nous conduire vers un monde meilleur ou plutôt, pour commencer, faire en sorte de préserver l’actuel ! Mais, force est de le constater, année après année, les moyens financiers mobilisés pour répondre à de tels objectifs cumulent, si j’ose dire, une faiblesse abyssale et une totale illisibilité.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Stéphane Piednoir. À ce titre, je suis pleinement en phase avec le rapporteur spécial Jean-François Husson, qui propose de ne pas adopter les crédits de la mission, notamment parce que la « fiscalité verte » présentée par le Gouvernement n’est en fait qu’une fiscalité de rendement déguisée visant à alimenter le budget général. Oserais-je rappeler que c’est en partie pour ce motif que le mouvement social a pris corps à l’automne dernier ?

Avec mes collègues du groupe Les Républicains, je soutiens que la seule transition énergétique efficace est celle qui repose sur des actions très concrètes, progressives, financées et, bien entendu, consenties par la population. Sur ce point, je crains que ce budget ne soit un mauvais signal adressé aux Français. Ceux-ci ont besoin, et on les comprend, d’avoir la certitude que les taxes perçues contribuent effectivement à alimenter des incitations fiscales en faveur d’une transition.

Las, le manque de simplicité et d’efficacité des mesures relatives à la fiscalité verte ne permet pas à l’ensemble de la population de consentir à modifier ses habitudes, à changer de véhicule ou à rénover son logement. Permettez-moi d’illustrer mon propos par trois exemples concrets.

Le premier concerne la suppression du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres », voulue par le Gouvernement, et celle du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », votée à l’Assemblée nationale. Certes, il s’agit de mesures budgétaires un peu techniques, mais je suis convaincu que le message envoyé à l’ensemble des Français est extrêmement négatif ; les leçons de la crise que nous avons connue l’année dernière ne sont pas prises en compte. Sous couvert de fiscalité écologique, on abonde en réalité le budget général de l’État. Ce n’est pas raisonnable !

Le deuxième exemple a trait à la réforme du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE.

On ne peut que déplorer le manque d’informations sur le rapport coût-bénéfice des aides à la rénovation énergétique. On ne le répétera jamais assez, le secteur du bâtiment représente 45 % de la consommation énergétique dans notre pays. Pourtant, nous n’avons pas les moyens de savoir précisément ce qui fonctionne ou non s’agissant de la rénovation. La décision regrettable d’exclure les ménages des neuvième et dixième déciles aurait des conséquences immédiates, puisque ce sont eux, nous le savons, qui participent le plus à la rénovation du parc immobilier français.

Je ne peux que me féliciter de l’adoption par le Sénat en première partie du projet de loi de finances d’un amendement visant à revenir sur cette décision pour les rénovations globales. J’espère que nous pourrons bénéficier d’une réelle évaluation du dispositif de prime après une année de mise en place, comme s’y est quasiment engagée Emmanuelle Wargon lors des discussions sur la première partie, à la suite de ma demande d’un rapport d’évaluation.

Le troisième exemple porte sur la hausse du rendement de la TICPE – 1,4 milliard d’euros en 2020 – et le renforcement du malus automobile sans que le bonus soit augmenté dans les mêmes proportions. Nous avons, là encore, un beau cas de fiscalité non compensée, non accompagnée et non traçable pour l’automobiliste lambda.

En séance, cette semaine, certains de nos collègues ont fait preuve de beaucoup d’ingéniosité pour imaginer des tas de nouvelles surtaxes sur les véhicules. Tout y passe, ou presque ! Le poids et – pourquoi pas ? – la taille ou le volume sont autant de pistes pour ceux qui ne comprennent pas que l’écologie punitive ne fonctionne pas et qui seraient mieux inspirés d’imaginer des incitations vraiment efficaces au sein de ce projet de loi de finances.

En matière de transition énergétique, nous attendons du Gouvernement qu’il fixe les priorités d’action pour le consommateur. Ce dernier conçoit que des efforts financiers, des changements de comportement et des travaux de rénovation seront sans doute nécessaires, mais il aspire également à une déclinaison pragmatique expurgée de toute empreinte idéologique. Malheureusement, l’exemple de ce projet de loi de finances et des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ne nous rassure pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parce que nous sommes confrontés à la menace de la plus grande catastrophe de tous les temps et parce que le compte à rebours a commencé, nous devons être autrement plus volontaristes que nous ne le sommes. Les rapports du GIEC ne sont-ils pas suffisamment alarmants ? L’idée est non pas de multiplier les discours anxiogènes, mais de parler vrai et d’agir juste, plus vite et plus fort, faute de quoi nous entrerons dans l’irréversible.

L’enjeu est mondial, la solution est européenne, mais l’exemplarité doit être nationale. On reproche à la France de donner beaucoup de leçons, mais pas suffisamment d’exemples. Certes, notre pays a affiché des ambitions et s’est fixé des objectifs, mais il n’est pas sur la bonne trajectoire pour les atteindre dans les délais annoncés. L’écart entre les ambitions affichées et les mesures effectives se creuse.

Pour l’instant, les voies empruntées ne permettent pas d’atteindre les objectifs. Comment entrer en guerre contre le réchauffement climatique sans effort de guerre ou avec un effort de guerre insuffisant ? L’un des principaux leviers pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 est la rénovation thermique des bâtiments. Alors que l’objectif est de rénover 500 000 logements chaque année, seuls 350 000 le sont en réalité. Il faudrait doubler ces chiffres pour résorber en dix ans le nombre de passoires énergétiques. Or je relève l’instabilité des aides, l’insuffisant accompagnement à la maîtrise d’ouvrage, l’importance du reste à charge, des réticences des banques pour l’éco-prêt à taux zéro, l’insuffisante information des collectivités sur les dispositifs de la CDC.

Force est de constater qu’il n’y a ni réelle dynamique ni dispositif innovant, si ce n’est des mesures à des échéances trop lointaines. L’urgence climatique attendra donc. Certes, la transformation du CITE en prime va dans le bon sens, mais le reste à charge sera encore trop important pour les ménages modestes. Pourtant, des pistes existent. En commission, j’en ai évoqué quelques-unes, dont celle que le candidat Macron avait mise en avant : la création d’un fonds public permettant la rénovation de la moitié des logements passoires d’ici à 2022. Au rythme actuel, nous en saurons loin. Dois-je toutefois rappeler que nous sommes là sur le fondamental, tant pour le climat que pour l’environnement, la qualité de l’air et la lutte contre la précarité énergétique ?

Par ailleurs, et de manière plus générale, comment faire plus avec des effectifs en diminution ? Je le rappelle, 1 073 emplois sont supprimés dans ce ministère. Comment faire de l’écologie une priorité si le Gouvernement décide de réaliser des économies en la matière ?

Les crédits dédiés à qualité de l’air sont encore insuffisants, alors que la Cour de justice de l’Union européenne a condamné la France pour dépassement persistant des valeurs limites de dioxyde d’azote.

J’aurai l’occasion de revenir sur d’autres sujets, comme le plan de revitalisation par rapport aux fermetures des centrales à charbon, la nécessité de réévaluer le chèque énergie – selon nous, celui-ci devrait être indexé sur le prix de l’énergie – ou encore les besoins en termes d’emplois à l’ASN et chez le médiateur national de l’énergie. Nous parlerons aussi du plan Hydrogène. Vous l’aurez noté, je n’ai pas évoqué le projet Hercule, qui suscite de lourdes inquiétudes. Je crains que celui ne porte atteinte à un modèle ayant pourtant fait ses preuves grâce à sa conception intégrée.

Au final, les orientations budgétaires qui nous sont proposées présentent nombre d’insuffisances. Après l’adoption de la loi Climat-énergie, le véritable rendez-vous était celui du projet de loi de finances. Le Gouvernement avait l’occasion de présenter un budget plus volontariste pour opérer enfin le tournant attendu ; je regrette qu’il ne l’ait pas saisie. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)