COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Budget annexe : Publications officielles et information administrative - État C (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Seconde partie

Loi de finances pour 2020

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
État B
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
État B

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140, avis nos 141 à 146).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Action extérieure de l’État

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » (et article 73 A).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » sont stables en valeur en 2020, à hauteur de 2,9 milliards d’euros. Cette stabilité apparente masque en réalité une augmentation des crédits de paiement de 1,1 % à périmètre constant, puisque le programme consacré à la présidence française du G7 prend fin le 31 décembre 2019.

L’évolution des crédits de la mission se situe toutefois en deçà de celle des dépenses totales de l’État, qui augmentent de 2 % en valeur entre 2019 et 2020. Il me semblait important de le souligner, car cela fait déjà quelques années que beaucoup d’efforts budgétaires sont réalisés sur la mission « Action extérieure de l’État ».

Dans cette stabilité générale, quelques variations significatives de crédits devraient néanmoins caractériser l’année 2020. Les évolutions à la hausse correspondent essentiellement à l’augmentation de 24,6 millions d’euros de la subvention de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), sur laquelle reviendra mon collègue rapporteur Rémi Féraud, à la dynamique des dépenses de personnel – +9,3 millions d’euros – et à la progression de 7,4 millions d’euros des dépenses d’immobilier à l’étranger.

À l’inverse, les évolutions à la baisse correspondent à une économie de constatation de 7,6 millions d’euros sur les contributions internationales, essentiellement liée au repli des contributions en faveur des opérations de maintien de la paix, à une diminution de 8 millions d’euros des dépenses de protocole et à la baisse d’un certain nombre de subventions allouées aux opérateurs : Atout France, alliances françaises, Institut français de Paris.

Je souhaite souligner quatre points en particulier.

Premièrement, comme je viens de l’indiquer, la masse salariale de la mission augmente légèrement en 2020, de 9,3 millions d’euros, soit 0,96 %.

L’effet change-prix sur les indemnités de résidence à l’étranger (IRE) et l’effet prix sur les rémunérations des agents de droit local (ADL) constituent les principaux facteurs d’évolution à la hausse de la masse salariale.

Par ailleurs, l’effet du glissement vieillesse-technicité (GVT) sur la masse salariale de la mission est positif en 2019 et beaucoup plus important que les années précédentes. Il s’élève à près de 9 millions d’euros. Pour la première fois depuis 2012, la part du GVT qui correspond au remplacement d’agents ayant une certaine ancienneté par des agents plus jeunes, qui est habituellement négative, est positive.

Le Gouvernement m’a indiqué que cette situation était notamment liée à la requalification des agents de droit local sur des postes plus qualifiés. J’avoue être un peu surpris que les agents de droit local puissent avoir un effet sur le GVT.

Plus généralement, je m’étonne d’une telle inversion de tendance. J’appelle à la vigilance sur ce point.

Deuxièmement – c’est un classique –, les effectifs de la mission « Action extérieure de l’État » diminuent. Cela m’a conduit avec Rémi Féraud à remettre un rapport d’information spécifique sur la masse salariale.

En 2020, les effectifs devraient diminuer de 81 équivalents temps plein (ETP), soit plus que pour l’ensemble des missions du présent projet de loi de finances, puisque la baisse globale est de 47 ETP. Cette diminution est mieux répartie qu’auparavant entre les différentes catégories de personnels – titulaires, contractuels, agents de droit local. Une telle évolution va dans le sens des préconisations que Rémi Féraud et moi-même avons formulées.

Troisièmement, le PLF 2020 prévoit pour la première fois un mécanisme de provision des effets de change-prix sur la masse salariale. Cela devrait permettre de limiter la surexécution chronique des dépenses de personnels et de rendre plus sincères les prévisions budgétaires faites en loi de finances initiale. De ce point de vue, nous vous adressons plutôt un satisfecit, monsieur le ministre.

Quatrièmement, le sujet de l’immobilier à l’étranger va nous occuper dans les années à venir.

M. Richard Yung. C’est vrai !

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Nous souhaitons appeler l’attention sur le risque d’impasse du budget de l’immobilier à l’étranger. La chute importante des produits de cessions, qui traduit notamment l’épuisement du volume de ventes potentielles, fait peser un risque important sur le budget de la mission « Action extérieure de l’État » et pourrait conduire à une dégradation du patrimoine immobilier du ministère.

Rémi Féraud et moi-même avons beaucoup travaillé sur les indemnités de résidence à l’étranger. Nous n’avons pas déposé d’amendement sur le sujet dans le cadre du présent projet de loi de finances, car nous considérons que nos travaux ne sont pas finalisés à ce stade. Nous avons reçu votre réponse, monsieur le ministre, et nous y avons nous-mêmes répondu. Il existe visiblement un désaccord ou une incompréhension entre Bercy et le ministère des affaires étrangères. Le travail doit se poursuivre. Nous avons l’impression d’un décalage entre les indemnités de résidence à l’étranger qui sont versées et les indemnités de résidence à l’étranger théoriques telles qu’elles seraient calculées en fonction des différents critères utilisés.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Le concept n’existe pas.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Le concept a été inventé par Bercy. Nous souhaitons donc creuser cette question, afin de voir avec le ministère des affaires étrangères si toutes les corrections sont bien apportées chaque année au montant des IRE, qu’elles soient à la hausse ou à la baisse. Nous avons le sentiment qu’elles sont souvent atténuées quand elles sont à la baisse, d’où l’écart constaté, d’ailleurs assez classique, et pas seulement dans la fonction publique : quand des critères permettent d’augmenter une rémunération, il est procédé à l’augmentation, et quand ils justifient une baisse, on essaie de limiter celle-ci. Est-ce bien cela, monsieur le ministre ? Rémi Féraud et moi-même souhaitons nous faire une idée plus précise sur le sujet.

Par ailleurs, le fait que de telles indemnités ne soient pas imposables suscite des interrogations. Ne faudrait-il pas aller progressivement vers une imposition ? Cela ne semblerait pas complètement aberrant.

Nous sommes favorables à l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, Les Indépendants, RDSE, LaREM et SOCR.)

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de Vincent Delahaye, je vais vous présenter les programmes de la mission « Action extérieure de l’État » qui concernent la diplomatie culturelle et d’influence, l’enseignement français à l’étranger ainsi que les Français à l’étranger et les affaires consulaires.

Monsieur le ministre, au mois d’août dernier, lors de la conférence des ambassadeurs, vous avez réaffirmé l’ambition de la politique d’influence de la France, que vous décrivez comme « l’un des trois piliers fondamentaux de notre politique étrangère globale ».

La hausse des crédits du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », de près de 3 % par rapport à l’an dernier, semble témoigner de cette priorité politique.

Je veux d’abord saluer l’augmentation de 24,6 millions d’euros de la subvention accordée à l’AEFE. Après une baisse des crédits en 2017 et une stabilisation l’an dernier, cette hausse est évidemment une bonne nouvelle et, pour beaucoup, un soulagement. Elle permet d’aller vers l’objectif, fixé par le Président de la République, de doubler le nombre d’élèves scolarisés dans son réseau d’ici à 2030, sans néanmoins – je tiens à le souligner – être suffisante pour l’atteindre.

Si les éléments que je viens d’évoquer pour l’enseignement français à l’étranger sont positifs, on ne peut pas en dire autant s’agissant des trois autres opérateurs du programme : Atout France, Campus France et l’Institut français.

Ainsi, la subvention pour charge de service public accordée à Campus France est maintenue à son niveau de l’an dernier, soit 3,8 millions d’euros. Mais cet opérateur est chargé de mettre en œuvre l’objectif présenté par le Premier ministre l’an dernier dans la stratégie d’attractivité universitaire « Bienvenue en France », qui vise à accueillir 500 000 étudiants étrangers en France de pays d’origine plus diversifiée qu’actuellement d’ici à 2027. C’est aussi dans ce cadre que des frais de scolarité différenciés ont été mis en place, avec les contestations que nous connaissons dans le monde universitaire. Ces dernières ont poussé le Premier ministre à annoncer le triplement des bourses d’études et de stages, ainsi que certaines exonérations des droits d’inscriptions.

Comment l’opérateur Campus France pourra-t-il faire face à ces nouvelles mesures sans augmentation de sa subvention ? Comment justifier le maintien du niveau des bourses dédiées aux étudiants étrangers au même niveau que l’an dernier dans ce contexte ? Pour répondre à ces interrogations, nous souhaiterions d’ailleurs qu’un bilan détaillé de l’utilisation de l’enveloppe dédiée aux bourses puisse être établi à l’occasion de la prochaine loi de règlement. Il en est de même pour les exonérations de droits d’inscription accordées par les postes à l’étranger, qui n’ont pas toutes été documentées à ce jour. C’est d’autant plus important que le nombre de demandes de bourses a chuté fortement, à hauteur de 18 %, en 2019. À mon sens, sur ce sujet, il y a un certain nombre de travaux à mener pour nous permettre d’exercer notre contrôle parlementaire.

Le budget des deux autres opérateurs est, lui aussi, contraint.

La subvention à l’Institut français, dont je veux saluer la qualité du travail, retrouve cette année son niveau de 2018, après une hausse de 2 millions d’euros l’an dernier. Celle-ci était alors justifiée par la mise en œuvre du plan pour la langue française et le plurilinguisme annoncé par le Président de la République. L’annonce n’a été suivie d’effets qu’une année ; nous ne pouvons que le regretter.

Et Atout France est fortement mis à contribution dans le projet de loi de finances, puisqu’il voit sa subvention réduite de 1,8 million d’euros. En réalité, la baisse est plus importante, puisque 2,6 millions d’euros ont été provisionnés pour financer les mesures d’accompagnement d’un probable plan social. Les économies attendues sont donc bien de 4,4 millions d’euros.

Redéfinir notre politique d’attractivité touristique, mutualiser les moyens avec Business France, revoir le rôle de chacun des acteurs de cette politique… pourquoi pas ? Mais Atout France a aussi besoin d’une visibilité pluriannuelle sur les crédits qui lui seront accordés pour réaliser ces économies dans les meilleures conditions. Cette visibilité doit lui être donnée dans le cadre de son nouveau contrat d’objectifs et de moyens. Nous y serons attentifs.

Le programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », est marqué par de nombreux chantiers de modernisation. Près de 2 millions d’euros sont consacrés à ces réformes, qui reposent notamment sur la mise en place du vote par internet, l’élargissement des horaires, l’état civil électronique et la création d’une plateforme téléphonique d’accueil consulaire.

Cette modernisation de l’administration consulaire est évidemment souhaitable, mais elle est parfois difficile tant pour les agents dans les consulats et les ambassades que pour les Français de l’étranger. Alors que la demande de présence de l’État est toujours plus forte pour nos concitoyens à l’étranger, l’existence d’un lien humain demeure – nous le savons – fondamentale, et le numérique ne peut pas toujours le remplacer. À ce risque d’éloignement s’ajoute souvent – Vincent Delahaye et moi-même l’avons constaté lors de nos visites – le scepticisme des agents sur place. Ces derniers ont besoin d’un accompagnement important pour faire face à ces changements d’ampleur, dont les gains de productivité ne sont d’ailleurs pas toujours assurés et devront être vérifiés.

La stabilité globale du budget de la mission en termes de reconduction des crédits masque des différences importantes selon les programmes et les opérateurs. Il y aurait besoin d’une vision de long terme. Au demeurant, la mission « Action extérieure de l’État », qui est pourtant le plus petit des budgets régaliens de la République, a déjà grandement contribué aux efforts de maîtrise des dépenses publiques depuis une quinzaine d’années. Il me semble important de le rappeler aujourd’hui et d’en tenir compte pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et LaREM et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bernard Cazeau, en remplacement de M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Ladislas Poniatowski, qui ne peut pas être présent aujourd’hui, m’a prié de vous donner lecture de l’intervention qu’il souhaitait prononcer :

« En 2020 se poursuivra la réorganisation des modes de gestion des réseaux de l’État à l’étranger. Mais tous les ministères ne jouent pas le jeu et n’acceptent pas que l’ambassadeur devienne le pilote de l’ensemble des réseaux de l’État à l’étranger. C’est pourtant légitime et indispensable. Nous en reparlerons lors de l’examen du projet de loi d’orientation sur l’aide au développement, car la question se posera s’agissant de l’aide publique au développement.

« J’en viens maintenant au modèle de gestion immobilière du Quai d’Orsay. Il n’est pas soutenable, car il fait dépendre l’entretien courant des bâtiments des recettes exceptionnelles des cessions d’immeubles à l’étranger. Nous arrivons à une impasse dans ce domaine : l’État s’appauvrit et les possibilités de vente diminuent !

« Les prévisions de recettes sont inférieures à 30 millions d’euros. On a même plafonné à 4 millions d’euros en 2019, alors que le besoin réel est compris entre 40 millions d’euros et 80 millions d’euros par an. Il faut mettre un terme à l’érosion du patrimoine qui découle de cette gestion non vertueuse. La commission demande aussi au Gouvernement de réfléchir au projet de rénovation du Quai d’Orsay, dit QO21.

« Mal adapté aux besoins, avec des espaces sans lumière, et dépourvu de lieu de restauration du personnel, ce projet est au point mort depuis un an, accumulant retard et dépassement du budget, qui atteint déjà 95 millions d’euros, pour moitié financés par des cessions de biens immobiliers à l’étranger. Pourquoi ne pas profiter de ce blocage au stade de l’avant-projet sommaire pour redéfinir le projet ? Celui-ci ne doit pas être un totem. » (M. le président de la commission des affaires étrangères et M. Claude Kern applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bernard Cazeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le ministre, je souhaite tout d’abord vous féliciter de l’effort de sincérisation du budget du programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », pour prendre en compte ce que l’on appelle l’effet « change-prix », c’est-à-dire change sur l’inflation et prix sur les indemnités de résidence à l’étranger. Cela explique le paradoxe apparent entre la baisse des effectifs, que M. le rapporteur spécial a évoquée, et la hausse des dépenses des personnels. Un effort est fait, et une provision de 15 millions d’euros est prévue.

Plus globalement, les effets de change et l’inflation posent un problème de soutenabilité au programme 105. Nous devons donc être vigilants et veiller à ce que cette provision compensant les effets change-prix soit désormais annuelle.

De même – là encore, c’est une demande récurrente de notre commission –, le Premier ministre a validé la couverture du risque d’une perte au change sur la rémunération des agents de droit local et sur les indemnités de résidence à l’étranger. Nous pouvons nous en féliciter.

J’en viens à la sécurité des implantations diplomatiques, consulaires et culturelles. Les crédits budgétaires dédiés ont diminué en 2019, passant de 75 millions à 44 millions d’euros. Cette réduction a été compensée par une avance sur deux ans de 100 millions d’euros financée par le fameux compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » dans le cadre du programme 723. Nous sommes donc passés d’une gestion par le Quai d’Orsay à une gestion par Bercy !

La définition d’un programme d’investissements à la hauteur des besoins de financement et l’accroissement des dépenses éligibles au compte d’affectation sont nécessaires pour que cette réforme atteigne ses objectifs et que les crédits dédiés soient réellement consommés.

Enfin, le ministère ayant contribué bien au-delà de ses obligations, à hauteur de 207 millions d’euros, au désendettement de l’État de 2014 à 2017, ne pourrait-on pas considérer que l’avance au compte d’affectation est déjà remboursée ? (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. Claude Kern applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, en remplacement de M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Robert del Picchia ne peut pas se trouver parmi nous aujourd’hui à cause d’un deuil cruel. La commission a eu l’occasion de lui exprimer sa vive sympathie ; avec votre permission, je souhaite à présent le faire au nom de l’ensemble de l’hémicycle.

Je vais vous donner lecture de l’intervention que notre collègue comptait prononcer aujourd’hui :

« Nous avons émis un avis favorable sur les crédits de la diplomatie culturelle et d’influence, qui sont en légère augmentation du fait d’une hausse de 25 millions d’euros de la subvention à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

« L’objectif énoncé par le Président de la République est de doubler les effectifs d’élèves scolarisés dans l’enseignement français à l’étranger d’ici à 2030, ce qui suscite plusieurs interrogations ; nous les avons évoquées en commission.

« En premier lieu, on note une lente érosion de la part des enfants français scolarisés dans le réseau. Elle est passée en cinq ans de 38 % à 35 %. L’enveloppe des aides à la scolarité stagne et les droits d’inscription sont, eux, en constante augmentation. Le budget des aides à la scolarité suivra-t-il l’extension du réseau, donc du nombre de bénéficiaires potentiels ? Ou bien cette extension reposera-t-elle sur un modèle purement privé, dans une logique de “labellisation” des établissements, ce qui serait évidemment moins favorable ?

« En deuxième lieu, on vise un doublement du nombre d’élèves, avec seulement 11 % de détachements supplémentaires de personnels titulaires de l’éducation nationale. Y aura-t-il un pilotage conjoint de ces détachements par les deux ministères concernés, celui des affaires étrangères et celui de l’éducation nationale, dans la mesure où une gestion “au fil de l’eau” ne permettrait pas de mettre en œuvre les priorités du ministère des affaires étrangères ? Et ne risque-t-on pas de dénaturer le réseau en faisant reposer son extension sur un recrutement essentiellement local ?

« En troisième lieu, le développement du réseau sur le plan immobilier est freiné par des obstacles à l’emprunt, qui doivent être levés. Ne faudrait-il pas alors autoriser l’AEFE à emprunter auprès d’établissements de crédit ? Elle ne peut le faire aujourd’hui. Un dispositif alternatif à l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger (Anefe) sera-t-il mis en place pour permettre le recours des établissements à la garantie de l’État ? »

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. André Vallini, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite pour ma part évoquer la stratégie nationale d’accueil des étudiants internationaux.

La France est aujourd’hui le cinquième pays d’accueil de ces étudiants. Elle est suivie de près par la Russie et le Canada. Plusieurs pays ont des stratégies très offensives. Je pense à la Turquie, dont le nombre d’étudiants internationaux a progressé de 180 % en cinq ans, à la Malaisie – +79 % – ou encore à l’Arabie saoudite – +63 % –, avec évidemment un enseignement universitaire à connotation islamique. Ces pays déploient des moyens considérables pour attirer des étudiants de tous les pays du monde.

Face à de telles évolutions, notre stratégie d’attractivité est fragile.

D’abord, les moyens qui lui sont consacrés sont insuffisants. Une politique d’exonérations a permis de limiter les effets de la hausse des droits d’inscription. Mais ces exonérations sont supportées par un système universitaire déjà à bout de souffle ; les événements récents l’ont encore montré. Les crédits des bourses sont stables, à 65 millions d’euros. En dix ans, ils ont diminué de 43 %.

Par ailleurs, ces crédits ne sont pas intégralement consommés, ce qui est fâcheux. Cette année, seulement 76 % ont été effectivement confiés en gestion à Campus France.

Plus généralement, comme l’a souligné la Cour des comptes dans un rapport récent, cette politique des bourses souffre d’un manque de stratégie d’ensemble. Elle doit être absolument mieux pilotée. Dans cette perspective, on pourrait envisager un rapprochement entre Campus France et Erasmus +, ce qui permettrait d’être plus efficace.

M. Richard Yung. Très bien !

M. André Vallini. Une meilleure articulation entre le réseau diplomatique et les établissements d’enseignement supérieur en France pour les étrangers est nécessaire. Les filières longues, les filières d’excellence, doivent évidemment être privilégiées sur les stages courts.

Enfin, la politique des bourses doit être rendue plus visible sur le plan international par l’instauration d’une vraie marque, prestigieuse, avec une forte notoriété – la marque actuelle, « bourse du Gouvernement français », n’est pas très attractive –, ainsi que par des appels à candidatures mondiaux et un recrutement sur des critères unifiés. Monsieur le ministre, envisagez-vous une telle réforme, évidemment accompagnée d’un accroissement des moyens ?

Cette politique des bourses est en effet un vecteur d’influence essentiel – du soft power, en bon français… –, un moyen de diffuser notre langue et nos valeurs dans un contexte mondial, on le sait, de plus en plus concurrentiel. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, RDSE et LaREM, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits destinés au programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », sont globalement stables, en baisse de 0,3 %, la plupart des lignes budgétaires étant reconduites. Les crédits de personnel connaissent une légère baisse de 1,45 million d’euros, soit 0,6 %, alors que ceux qui sont destinés à la modernisation de l’administration consulaire sont en augmentation de 1,9 million d’euros.

Ces deux chiffres illustrent la tendance de fond qui est à l’œuvre dans le réseau consulaire depuis de nombreuses années, consistant à dégager des marges de manœuvre grâce à la dématérialisation et la rationalisation pour maintenir le service rendu aux usagers dans un contexte d’économies et de suppressions de postes.

En 2020, les chantiers de modernisation vont se poursuivre, avec la mise en place d’un registre d’état civil électronique, le lancement d’un « centre mondial d’accueil consulaire » et le déploiement de l’application France-Visas, permettant un traitement entièrement dématérialisé des demandes de visas.

Des marges de manœuvre sont aussi recherchées dans des mesures de réorganisation. Il en est ainsi du regroupement d’activités, permettant des gains de productivité et des redéploiements d’effectifs. Dans les pays comptant plusieurs postes, des spécialisations sont mises en place, comme depuis le 1er septembre 2019 aux Émirats arabes unis : la compétence en matière de visas est exercée à Abou Dhabi, alors que celle en matière d’administration des Français est du ressort de Dubaï. Le projet de regrouper au service central de l’état civil à Nantes les transcriptions d’état civil, expérimenté depuis 2018 avec plusieurs postes en Europe, procède de la même logique et suscite quelques inquiétudes.

Évoquons les réorganisations de la carte consulaire. Après la fermeture récente des consulats de Séville et de Moncton, après la transformation du consulat général de Boston en consulat d’influence, il est prévu en 2020 de supprimer un certain nombre de sections consulaires, notamment à Monaco et Tallinn, et de fusionner les fonctions de consul et de directeur de l’Institut français à Agadir, Bilbao, Fès et Tanger. Ces évolutions entament l’universalité du réseau.

En 2020, comme depuis une décennie, l’administration consulaire continuera de se réformer pour maintenir le niveau de service rendu à une population de ressortissants français en augmentation continue de 81 % depuis 1998, et ce avec toujours moins de moyens.

Afin de se conformer à l’objectif fixé par le plan stratégique Action publique 2022, prévoyant une réduction de 10 % de la masse salariale à l’étranger d’ici à 2022, le programme 151 supprimera encore 22 emplois en 2020, après 37 en 2019.

Compte tenu des efforts de rationalisation déjà réalisés, comment ces suppressions de poste ne pourraient-elles pas se traduire, à terme, par une dégradation des prestations fournies ? Comment, dans ces conditions, préserver le contact humain avec le public, auquel les ressortissants français sont légitimement très attachés ?

Monsieur le ministre, on ne peut que convenir que l’on touche là aux limites de l’exercice. Pour autant, j’émettrai un avis favorable sur cette mission.