M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’entamer l’examen proprement dit du budget, j’aimerais souligner le contexte très incertain qui l’entoure. En effet, par sa décision du 11 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a tiré du treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 l’exigence constitutionnelle selon laquelle « la gratuité s’applique à l’enseignement supérieur public ».

Si des frais d’inscription « modiques » peuvent être perçus en tenant compte des « capacités financières des étudiants », il revient désormais au Conseil d’État de préciser la portée de ladite décision. Sur ce point, il convient de rappeler que la Cour des comptes, dans son rapport de novembre 2018, avait déjà alerté sur le développement de frais différenciés dans l’enseignement supérieur public, constatant un « écart croissant entre les modèles économiques des établissements » et soulignant le manque de cohérence du système.

Quoi qu’il en soit, de la décision émanant des Sages, il paraît naturellement découler qu’un coût éloigné de l’exigence de gratuité représente une rupture réelle dans l’égal accès à l’instruction et ne saurait donc être constitutionnel.

Ce contexte est d’autant plus source d’inquiétude pour les établissements du supérieur que leurs financements s’érodent, malgré les efforts que vous consentez, madame la ministre, puisque les crédits du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » augmentent d’un peu plus de 1 %. Néanmoins, cette hausse se révèle trop limitée, comme a alerté la conférence des présidents d’université après le vote à l’Assemblée nationale. Non seulement elle n’est pas de nature à couvrir la croissance démographique estudiantine – près de 33 000 étudiants supplémentaires se sont inscrits à la rentrée de 2019 et près de 15 000 nouveaux étudiants sont attendus en 2020 –, mais elle ne permet pas non plus de mettre en œuvre correctement les multiples réformes engagées : la loi ORE, la loi pour une école de la confiance, qui pose la question essentielle du continuum entre le lycée et l’enseignement supérieur, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et, bien sûr, la réforme des études de santé.

Au final, les universités ont chiffré à 250 millions d’euros les moyens financiers complémentaires nécessaires. Or, en valeur réelle, le budget qui leur est alloué ne croît « que » de 160 millions d’euros, soit un écart de 90 millions d’euros forcément préjudiciable.

Ce problème de financement chronique se double aujourd’hui d’une pression accrue sur les ressources propres des établissements, créant ainsi un véritable effet ciseau qui risque d’avoir des conséquences désastreuses sur leurs investissements en faveur des étudiants ou de la rénovation énergétique des bâtiments. Je citerai deux exemples.

Premier exemple : la réforme du mécénat, qui est prévue à l’article 50 du projet de loi de finances. Alors que la France amorce son rattrapage – trois quarts des universités ont une fondation, pour une collecte moyenne de 623 000 euros –, notamment par rapport aux pays anglo-saxons, la mesure prévue dans ce PLF envoie un très mauvais signal, qui, sans aucun doute, aboutira à un effet d’éviction. En outre, elle portera un coup à l’intensification des partenariats entre les établissements du supérieur et les acteurs économiques, qui participent pourtant de la structuration territoriale. C’est pourquoi notre commission proposera de maintenir le régime prévalant pour le mécénat. Nous attendons du Gouvernement qu’il fasse preuve de raison sur ce sujet.

Deuxième exemple : le GVT. Aux termes du courrier que vous avez adressé le 8 octobre dernier aux directeurs et présidents d’établissement, son financement « ne sera plus systématiquement assuré ». En d’autres termes, la croissance de la masse salariale pourrait impacter d’autant l’investissement des universités.

À travers ces différentes difficultés est profondément posée la problématique du financement de l’enseignement supérieur. Outre la solidité et la soutenabilité financières des universités, l’enjeu sous-jacent est bel et bien celui de la réussite des étudiants au sein de formations qualifiantes et, par là même, de la capacité de la France à innover et à rayonner.

Nous ne pouvons nous résoudre à ce que le financement par étudiant inscrit à l’université ait atteint son plus bas niveau depuis dix ans, plafonnant à un peu plus de 10 000 euros et, surtout, accusant une baisse de plus de 1 000 euros en quelques années seulement. Nous avons collectivement un devoir envers la jeunesse : lui assurer un avenir malgré les défis colossaux qui l’attendent. Cet avenir passe obligatoirement par une formation de qualité tout au long de la vie, car, dans un monde en perpétuelle transition et déséquilibre, l’adaptabilité, la polyvalence et la faculté à anticiper, à inventer seront précieuses.

Évoquer l’avenir des étudiants impose également de parler de leurs conditions d’études présentes. Le constat est connu de tous : inflation générale du coût de la vie, qui oblige certains à subir un emploi à temps partiel, renoncement aux soins, loyer onéreux, etc.

Si nous ne pouvons que saluer l’accroissement de 46 millions d’euros du montant alloué aux bourses sur critères sociaux ainsi que la récente décision de geler les loyers des résidences universitaires, l’effort budgétaire ne nous paraît pas à la hauteur de la situation. Nous présenterons un amendement visant à réinjecter les 35 millions d’euros que le Gouvernement a gelés sur le programme « Vie étudiante » en 2019.

En outre, nous appelons à accélérer les réflexions en cours pour créer une allocation d’autonomie à destination de tous les étudiants en situation de précarité. Sans remettre en cause l’absolue nécessité des bourses sur critères sociaux, il paraît fondamental de gommer l’effet de seuil excluant des jeunes qui devraient légitimement bénéficier d’une aide financière de l’État. Autrement dit, nous ne souhaitons pas uniquement une revalorisation des bourses : nous voulons un changement systémique et d’échelle, une vraie réforme. Madame la ministre, y êtes-vous prête ? Les discussions actuelles vont-elles dans ce sens ?

En ce qui concerne le budget affecté à la recherche, le contexte est quelque peu particulier, puisque, mes collègues l’ont dit, la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche est annoncée pour le début de l’année prochaine et que beaucoup de réponses à nos interrogations sembleraient devoir s’y trouver. Par conséquent, nous espérons qu’elle sera à la hauteur des nombreuses attentes et ambitions affichées.

Pour l’instant, force est de constater que les moyens dévolus dans le cadre de ce PLF n’enthousiasment pas le monde de la recherche. En cause, singulièrement, la stagnation du crédit du programme 172 relatif à la recherche pluridisciplinaire, qui concentre les principaux opérateurs nationaux.

En parallèle, le taux de réserve appliqué aux instituts demeure assez élevé, tout particulièrement pour l’ANR. En 2019, celui-ci s’est élevé à 8 %, freinant la progression du taux de sélection des projets, thème pourtant majeur pour l’Agence. Le taux de réserve est actuellement autour de 15 %. Or l’objectif est d’arriver à un taux de 25 %, conforme à la moyenne européenne. Afin d’éviter toute contradiction et permettre ainsi à l’ANR de sélectionner davantage de projets, pouvez-vous nous préciser le taux de réserve que vous entendez appliquer en 2020 ?

S’agissant de l’intelligence artificielle, thématique d’avenir par excellence, nous nous réjouissons que le plan national lancé en 2018, trouve sa traduction budgétaire au sein du projet de loi de finances. Érigé au rang de priorité par la Commission européenne, l’investissement en la matière doit favoriser le rattrapage de l’Europe sur les États-Unis et la Chine. Si le retard accumulé depuis vingt ans est important, je ne pense pas qu’il soit insurmontable à une double condition : avoir un environnement économique et scientifique favorable à l’innovation et coordonner les actions des États membres pour ne pas tomber dans l’écueil d’une compétition intra-européenne qui ne peut conduire qu’à un résultat perdant-perdant.

L’accent mis sur l’IA doit impérativement aller de pair avec l’affirmation d’un État de droit numérique. L’accélération des progrès technologiques ne peut se faire en dehors de tout cadre démocratique, comme si, finalement, les avantages tirés des nouvelles applications pouvaient justifier des atteintes croissantes et disproportionnées aux libertés publiques. Tout ne peut être permis. L’Europe doit faire émerger encore plus rapidement son modèle pour mieux protéger ses citoyens. En cela, le RGPD constitue une première pierre vraiment importante de l’édifice, qui doit être encore consolidé, car, comme il a été démontré dans un récent rapport sénatorial, en filigrane se jouent à la fois notre souveraineté et la souveraineté numérique de l’Europe, ainsi que la création et la captation de richesses par le truchement des données personnelles notamment.

J’aimerais conclure mon propos en insistant sur un état de fait bien connu, qui revient comme une antienne chaque année : la rémunération des chercheurs et enseignants-chercheurs.

Les standards actuels de rémunération des chercheurs sont incompatibles avec l’ambition de parvenir à un taux de 3 % du PIB de dépenses en R&D, dont 1 % de dépenses publiques, et celle d’inverser la tendance en vertu de laquelle la France décroche au niveau mondial. Songeons que le salaire d’entrée moyen annuel correspond, à parité du pouvoir d’achat, à 63 % de celui perçu par les chercheurs dans l’OCDE. En France, leur précarisation, en particulier en début de carrière, est réelle. Il s’ensuit mécaniquement une perte d’attractivité, comme le prouve la diminution du nombre de doctorants.

Dans la perspective de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche, nous espérons vraiment que le Gouvernement s’attachera à améliorer le traitement des chercheurs. Nous y serons extrêmement vigilants.

Madame la ministre, mes chers collègues, au regard de toutes les inquiétudes et de toutes les réserves exprimées, et en l’état, il s’avère impossible pour nous de voter les crédits de cette mission, mais nous espérons que la future loi de programmation lèvera demain nos réticences d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Procaccia. Pour la troisième année, j’interviens au nom du groupe Les Républicains. Pour la troisième année, je vous félicite, madame la ministre, de tenir vos engagements concernant la progression des crédits alloués à la recherche, malgré les réserves émises par nos rapporteurs, sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Comme il faut choisir ses thèmes, je commencerai par la première priorité en volume financier : notre politique spatiale, qui relève d’une compétence partagée entre l’Union européenne et les États membres depuis l’adoption du traité de Lisbonne.

Les 214 millions d’euros supplémentaires sont destinés à apurer la dette française à l’égard de l’Agence spatiale européenne, ce qui permet à la France de crédibiliser son engagement dans les programmes spatiaux européens. Plus qu’une obligation, c’était une nécessité !

Vous le savez, le Parlement s’est beaucoup investi dans la préparation des enjeux de la conférence de Séville, dont vous revenez. L’Opecst travaille depuis longtemps sur ces sujets. Depuis peu, le groupe Espace du Sénat s’y penche également. Nous nous réjouissons donc des 14,4 milliards d’euros de crédits obtenus à Séville. J’espère que vous aurez l’occasion de nous en dire un peu plus.

L’année 2020 nous permettra de savoir si les choix technologiques et budgétaires pour le futur lanceur Ariane 6 ont été les bons. Mais, nous le savons tous, son succès commercial dépend aussi de l’engagement des pays contributeurs à lui confier leurs lancements institutionnels. Malheureusement, je n’ai pas vraiment l’impression que cela progresse.

La recherche spatiale, ce ne sont pas que les lanceurs, ce sont aussi les satellites. Sans eux, les prouesses de nos fusées ne seraient qu’une réussite scientifique coûteuse. À ce sujet, j’ai cru comprendre que la baisse de 34,9 % de notre contribution au fonctionnement de l’organisation d’Eumestat correspondait à une correction technique. Pourriez-vous nous le confirmer ?

J’en terminerai avec ce thème en disant toute ma satisfaction de lire que le nombre d’utilisateurs de Galileo vient de dépasser le milliard. L’inquiétude qui fut longtemps la mienne et qui s’était exprimée par des questions à vos prédécesseurs s’éloigne donc. Mais qu’en est-il des services payants qui devaient rentabiliser Galileo ?

Cette année, je passerai brièvement sur l’ANR. Grâce aux moyens financiers supplémentaires qui lui sont alloués en 2020, elle pourrait sélectionner 800 projets supplémentaires par rapport à 2018, où ils furent près de 1 500. Mais, avec un taux de sélection de 16,2 %, nous sommes encore loin de la moyenne des pays européens, qui est de 25 %, ni surtout de la simplicité pour concourir. Avec un taux d’échec de 85 % des projets présentés, la démotivation des équipes est légitime eu égard à l’effort administratif et à la complexité que demande le dépôt d’un dossier.

J’espère, madame la ministre, que vous n’allez pas donner un poids démesuré à l’ANR dans votre prochaine loi de programmation, car vous risqueriez de décourager les chercheurs. Il faut les écouter quand ils demandent une amélioration du fonctionnement de l’Agence en matière de transparence et une meilleure adaptation à chacune des disciplines scientifiques.

En matière de recherche sur l’énergie nucléaire, nous sommes nombreux, en tout cas au sein de l’Opecst, à être soulagés concernant le réacteur expérimental Jules Horowitz, que j’appellerai RJH.

À une période où l’on s’interroge sur la durée de vie de nos centrales actuelles, sur la fiabilité des équipements et où l’on espère enfin voir fonctionner l’EPR retardé par la fiabilité de soudures et de tuyauteries, l’utilité de ce réacteur expérimental est encore plus évidente. Rappelons qu’il fournira des données scientifiques sur le comportement des composants et des combustibles nucléaires. L’impasse financière devant laquelle se trouvait le CEA pour finir la construction du RJH n’était pas acceptable. En revanche, il ne produira pas d’énergie, contrairement aux réacteurs de quatrième génération.

L’abandon du réacteur à neutrons rapides Astrid, qui aurait permis de recycler à l’infini le combustible nucléaire, est à mes yeux une erreur scientifique. Ce n’est pas une décision politique qui en est l’origine, mais une raison économique, selon l’administrateur du CEA, qui a déclaré devant la commission des affaires économiques que l’uranium n’était plus assez cher pour justifier des dépenses pour le recycler, même en produisant de l’électricité.

Je rappelle que l’arrêt de Superphénix – que je ne suis pas la seule à qualifier de stupide – a été un désastre sur le plan de la recherche. Il a fallu reconstituer vingt ans après ce capital humain et scientifique perdu pour travailler sur Astrid, et on recommence la même erreur. Décidément, l’histoire bégaie en matière de recherche nucléaire sur les réacteurs de nouvelle génération, et je le regrette.

Pour terminer mon propos, j’évoquerai le CIR, qui est un outil indispensable au développement de la recherche. L’État se doit d’encourager les entreprises à investir en R&D, source d’innovation et d’attractivité.

Si certains s’interrogent sur l’efficacité du CIR et sur les fraudes possibles, l’étude de France Stratégie indique que le CIR a bien profité à la recherche, les entreprises ayant dépensé entre 0,9 et 1,50 euro supplémentaire pour chaque euro d’argent public reçu. Le CIR a permis de redresser l’effort de la France en R&D.

Dans notre pays, où la fiscalité des entreprises est au plus haut, évitons que celles-ci ne partent ailleurs en Europe. À ce sujet, je salue l’initiative du rapporteur général de l’Assemblée nationale, qui est revenu sur l’obligation documentaire instaurée l’an dernier par les députés.

Il faudra veiller, dans votre future loi de programmation, à ne pas déshabiller Paul pour habiller Pierre. La recherche publique et la recherche privée ne doivent pas se concurrencer, mais se compléter.

Permettez-moi d’évoquer brièvement ce que souhaitait indiquer Christine Lavarde s’agissant de l’attractivité du métier de chercheur.

Les mesures et les moyens du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », dont le champ couvre l’ensemble des fonctionnaires de l’État, ne sont pas complètement adaptés à la situation des chercheurs, particulièrement à la situation des chercheurs ayant effectué un post-doctorat à l’étranger. Ils ont beaucoup de difficultés à retrouver un poste en France. Une étude portant sur 400 jeunes chercheurs français partis après leur doctorat entre 2003 et 2008 a montré que 57 % d’entre eux résidaient encore à l’étranger trois ans après leur départ. J’ai pu le constater à travers différentes missions sur la recherche à l’étranger.

Le groupe Les Républicains votera ce budget malgré ses limites. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est, comme chaque année, un rendez-vous qui doit nous permettre d’évoquer l’ensemble des sujets qui relient l’enseignement supérieur, la recherche et la vie étudiante. C’est un temps important pour le Parlement, tout particulièrement pour le Sénat, mais c’est également un moment très attendu par l’ensemble de la communauté de l’enseignement supérieur.

D’emblée, au nom du Gouvernement, je tiens à rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui, dans nos universités, nos écoles, nos laboratoires de recherche et dans les centres régionaux des œuvres universitaires, font vivre au quotidien cette exigence qui est au cœur de la mission qui sera soumise à vos suffrages dans quelques instants.

Si ce rendez-vous est chaque année si important pour la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche, il revêt aujourd’hui un caractère particulier, chacun a pu le mesurer dans cet hémicycle. Le drame survenu le 8 novembre dernier à Lyon a jeté une lumière sans fard sur les conditions de vie de certains étudiants confrontés à des situations de précarité sans avoir connaissance des dispositifs qui peuvent les aider au quotidien. Améliorer les conditions de vie des étudiants est une priorité de mon ministère. Plusieurs réponses sont d’ores et déjà apportées par le projet de budget pour 2020. J’y reviendrai.

Si la jeunesse est au cœur des politiques conduites par mon ministère, c’est que le champ de la Mires est intégralement dédié à préparer l’avenir de notre nation. Former notre jeunesse, construire un agenda de la connaissance scientifique au service du rayonnement de la France constituent autant d’enjeux clés pour garantir notre souveraineté.

Le Président de la République l’a rappelé mardi dernier à l’occasion de la célébration du quatre-vingtième anniversaire du CNR, c’est à sa force scientifique que se mesure la puissance d’une nation.

C’est parce que le Gouvernement a pleinement conscience de cet enjeu pour notre avenir que la Mires fait partie des missions prioritaires du prochain budget triennal.

S’agissant de l’année 2020, le budget du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, tel qu’il a été présenté par le Gouvernement, est composé de 25,35 milliards d’euros en crédits de paiement. Avec une hausse de 500 millions d’euros par rapport à 2019, la Mires a fait l’objet d’un effort considérable de la part du Gouvernement, un effort qui représente à lui seul 10 % des crédits nouveaux de l’État.

Naturellement, ces sommes déjà considérables ne représentent pas à elles seules l’effort général de la Nation envers notre jeunesse et notre recherche. À ces 25,35 milliards d’euros s’ajouteront les 140 millions d’euros de recettes de la contribution de vie étudiante et de campus versées directement aux établissements d’enseignement supérieur et aux Crous. Le programme d’investissements d’avenir joue par ailleurs, comme vous le savez, depuis plus d’une dizaine d’années, un rôle majeur dans la recomposition du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Enfin, les collectivités territoriales jouent un rôle chaque jour plus important en matière de financement de l’enseignement supérieur et de la recherche. Certains d’entre vous ont joué un rôle pionnier en la matière. Je songe naturellement au travail considérable que vous avez réalisé, monsieur le sénateur Adnot, pour la création de l’université technologique de Troyes.

Cet engagement des collectivités n’est à mon sens pas encore assez reconnu. Je gage que votre rapport, monsieur le sénateur Rapin, permettra de mieux faire connaître cet effort significatif et important.

Comme cela a été évoqué par plusieurs intervenants, l’année 2020 sera avant tout consacrée à la préparation et à l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, annoncé en février dernier par le Premier ministre et confirmé cette semaine par le Président de la République. Ce projet de loi sera présenté en conseil des ministres au cours de la deuxième quinzaine de février. Le Gouvernement attend beaucoup de la mobilisation et de la contribution du Sénat à ce débat, qui s’ouvrira dans quelques mois.

Une loi de programmation pluriannuelle pour la recherche est un événement rare. Le Président de la République comme le Premier ministre ont exprimé le souhait que cette programmation pluriannuelle puisse débuter dès le début de l’année 2021, c’est-à-dire dans le cadre d’un calendrier harmonisé et mis en cohérence avec celui de la prochaine vague de contrats de plan État-région – nous attendons le montant définitif de l’enveloppe de ce prochain CPER, qui devrait être du même ordre de grandeur que le précédent –, mais également avec celui du programme Horizon Europe, qui, comme vous l’avez rappelé, sera le programme de recherche le plus ambitieux jamais élaboré.

Vous l’aurez compris, l’un des enjeux de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche sera de mieux articuler les politiques régionales, les politiques territoriales et nationales de l’État et la capacité de nos chercheurs à faire valoir l’originalité de leurs travaux à l’échelon européen. À cette fin, le budget pour 2020, dernier budget avant cette loi de programmation, permettra de soutenir et d’amplifier toutes les initiatives d’ores et déjà lancées par mon ministère depuis le mois de mai 2017.

Comme vous le savez, et c’est une conviction que je rappelle chaque année, il ne faut pas opposer le soutien non thématisé à la recherche et le soutien à des sujets spécifiques. Ce projet de loi de finances permettra d’augmenter de 32,7 millions d’euros par rapport à l’an dernier les moyens d’engagements de l’ANR. Le plan Intelligence artificielle montera en puissance, passant de 17 millions à 38 millions d’euros dès 2020, soit une augmentation de plus de 100 %.

Dans le même élan, le soutien de près de 25 millions d’euros aux crédits de base des laboratoires sera reconduit pour la troisième année consécutive. Par ailleurs, à la suite des débats budgétaires de l’année dernière, j’ai décidé de renouveler en 2020 la mesure de soutien à la coordination en matière de recherche fondamentale dédiée à la lutte contre les cancers pédiatriques. Ce sont 5 millions d’euros qui seront dédiés à ce dispositif en complément des programmes d’ores et déjà pilotés et financés par l’INCa et l’Inserm.

Le climat et le développement durable sont également des priorités affirmées par mon ministère et ont fait l’objet de deux programmes prioritaires de recherche. Je songe évidemment au programme Mopga et à celui consacré à l’agriculture.

Au-delà, l’investissement dans les programmes spatiaux, notamment les programmes d’observation de la Terre, ainsi que le succès de la conférence ministérielle de l’ESA nous permettent d’affirmer que le climat et la surveillance du climat font partie des priorités, non seulement de la France, mais aussi de l’Europe. Le succès de cette conférence ministérielle doit d’ailleurs beaucoup à l’unité dont ont fait preuve le Gouvernement et les parlementaires, notamment les sénateurs, pour soutenir l’excellence de la recherche et de l’industrie françaises.

Dans le cadre de la fusion entre l’INRA et l’Irstea, mon ministère accompagnera la création de l’Inrae, grâce à une dotation de 2,5 millions d’euros supplémentaires. Ce nouvel organisme organisera et coordonnera tous les travaux de recherche scientifique et technologique dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation, de la forêt, de l’environnement, de l’eau, de la biodiversité, de la bioéconomie, de l’économie circulaire, de la gestion durable des territoires et de la prévention des risques.

Tous les chercheurs ont en commun une vocation chevillée au corps et dédiée à l’exploration de la connaissance. Cette vocation, que je partage avec certains d’entre vous, rend d’autant plus criante la question de la rémunération des chercheurs et des enseignants-chercheurs.

En attendant les mesures qui seront prises en ce sens dans la loi de programmation, nous portons une attention particulière à l’emploi et à l’attractivité des carrières scientifiques dans ce budget, notamment au sein des organismes de recherche. Près de 28 millions d’euros seront consacrés aux PPCR dans les organismes de recherche. Ce budget permettra ainsi de soutenir la politique de ressources humaines des organismes de recherche.

Près de 12 millions d’euros supplémentaires seront en outre consacrés au CNRS, qui, par ailleurs, déploiera dès 2020 un pack d’accueil d’un montant moyen de 10 000 euros pour ses nouveaux chargés de recherche dans le cadre d’une enveloppe budgétaire de 2,5 millions d’euros.

Le soutien à l’équipement et aux infrastructures est également fondamental pour l’année à venir. Dans le domaine spatial, 226 millions d’euros supplémentaires serviront à tenir nos engagements auprès de l’ESA et près de 15 millions d’euros de plus contribueront à soutenir les activités du CNES.

À l’occasion de la conférence ministérielle de Séville, j’ai eu à cœur de défendre le leadership européen de notre pays en matière spatiale. Des engagements forts ont été pris par la France en la matière. En tant que ministre chargée de l’espace, j’aurai l’occasion d’en rendre compte devant la commission des affaires étrangères et de la défense ainsi que devant la commission des affaires économiques, qui ont souhaité, dans un récent rapport d’information, s’emparer de la question des lanceurs.

Le budget pour 2020 consacrera 21 millions d’euros supplémentaires aux grandes infrastructures de recherche, dont 7 millions d’euros destinés à l’entretien de notre flotte océanique. Enfin, plus de 7,5 millions d’euros seront affectés au développement des plateformes de recherche et des data center.

Les universités, c’est l’une de leurs principales missions, jouent un rôle à part entière d’opérateurs territoriaux de la recherche en lien avec leurs missions de formation et d’insertion professionnelles au service de notre jeunesse. Je souhaite naturellement que cette vocation historique des universités sorte renforcée de la loi de programmation et que chaque université puisse y trouver les outils pour affermir sa signature.

Dans l’immédiat, le budget pour 2020 permettra de poursuivre le déploiement du plan Étudiants et de financer toutes les missions des universités. Le programme 150 verra ainsi ses crédits augmenter de 176 millions d’euros. La trajectoire fixée dans le projet de loi de finances pour 2018 sera belle et bien respectée.

Depuis 2017, ce sont 542 millions d’euros supplémentaires qui sont venus consolider le budget du programme 150, sans compter la contribution du programme d’investissements d’avenir à hauteur de 350 millions d’euros, qui sont alloués à la réforme du premier cycle. Près de 142,5 millions d’euros seront consacrés au plan Étudiants, soit 43 millions d’euros de plus que l’an passé. Ces moyens permettront à nos universités d’ouvrir des places supplémentaires et d’approfondir les dispositifs de remédiation mis en place par la loi Orientation et réussite des étudiants.

Derrière les chiffres et les statistiques, ce qui se joue actuellement dans les universités, c’est la confirmation d’un changement qui est à l’œuvre depuis l’année dernière grâce à Parcoursup, à la nouvelle politique d’orientation, pour laquelle je tiens à remercier l’ensemble des enseignants du secondaire et l’ensemble des services responsables de l’orientation qui y contribuent, ainsi qu’au phénomène de remédiation.

Pour ne prendre qu’un seul exemple, en Staps, le taux de réussite a progressé de 11,7 points en un an. Des évaluations sont en cours, et j’aurai à cœur de rendre compte devant vous des effets du plan Étudiants sur la réussite des étudiants en licence lors d’une audition prévue en début d’année prochaine.

Outre la mise en œuvre du plan Étudiants, deux autres transformations structurelles sont à l’œuvre dans l’enseignement supérieur. Tout d’abord, nous généralisons en 2020 le dialogue stratégique et de gestion avec les établissements, qui doit nous permettre de rénover en profondeur les modalités d’allocation des moyens versés aux universités. Ce dialogue permettra de répartir une enveloppe de 50 millions d’euros. Une autre enveloppe de 50 millions d’euros sera directement affectée au financement du PPCR pour 2020, ainsi qu’à la reconnaissance de l’investissement pédagogique.

Naturellement, j’entends vos analyses, monsieur le rapporteur spécial Adnot. Après l’expérimentation conduite l’année dernière sur treize établissements, nous franchissons une deuxième étape en généralisant la démarche sur l’ensemble du territoire. Une fois que le dialogue stratégique sera effectivement lancé et appliqué, viendra le temps de son approfondissement.

L’enjeu pour l’année à venir est de fournir à l’État un levier pour ouvrir une discussion globale avec les établissements sur leur gestion annuelle, leurs charges, leurs ressources, mais surtout sur leurs projets et leurs réels besoins d’accompagnement. C’est bel et bien à ce niveau que se situe l’originalité du dialogue stratégique et de gestion.

Autre transformation majeure : la réforme des études de santé. Sur le plan budgétaire, plus de 16 millions d’euros supplémentaires seront versés pour soutenir les initiatives pédagogiques et innovantes dans les établissements.

S’agissant de la vie étudiante, sujet au cœur des préoccupations du Gouvernement, comme je l’ai rappelé au début de mon intervention, et dans le contexte tragique que chacun connaît ici, je tiens à rappeler que près de 5,7 milliards d’euros sont annuellement consacrés, via la Mires, les aides au logement ou la protection sociale, à l’effort de solidarité de la Nation envers nos étudiants. Je ne crois pas me tromper en affirmant que peu de pays dans le monde sont capables d’afficher un tel effort continu et croissant depuis plusieurs décennies.

Cette année, les moyens budgétaires du programme 231 sont en hausse de 67 millions d’euros. Pour la première fois depuis de nombreuses années, nous avons revalorisé les bourses sur critères sociaux. Naturellement, le Gouvernement reste à l’écoute des revendications qui s’expriment, afin de faire face aux situations de grande précarité traversées par de nombreux étudiants.

Pour y remédier, j’ai d’ores et déjà pris plusieurs mesures d’urgence. Dès le 20 novembre dernier, j’ai demandé au réseau des œuvres universitaires et scolaires d’appliquer la trêve hivernale au bénéfice de tous les étudiants en difficulté qui résident dans une résidence du Crous. Pour tous, il a été décidé de geler les loyers, ce qui représente un effort financier de 6 millions d’euros environ, qui sera réalisé en gestion.

Pour les situations les plus difficiles, il existe des dispositifs qui sont d’ores et déjà financés, mais souvent trop peu et trop mal utilisés. Je songe notamment aux aides d’urgence, qui peuvent aider à tout moment de l’année les étudiants les plus en difficulté à sortir d’une situation de grande précarité. Nous savons que de nombreux étudiants subissent au quotidien des problèmes importants sans savoir où s’adresser ou sans oser faire appel au réseau des œuvres. Chaque année, ce sont plus de 15 millions d’euros d’aides qui ne sont pas consommés.

Nous avons l’obligation de faire mieux. Aussi, je souhaite qu’un véritable fonds consacré aux aides d’urgence soit instauré et que tous les moyens soient mis en œuvre pour le faire connaître, via les Crous, les établissements d’enseignement supérieur et les associations étudiantes. Un numéro vert sera aussi mis en place à cette fin.

Ces mesures s’inscrivent dans le prolongement du travail réalisé par le ministère pour améliorer les conditions de vie des étudiants et des boursiers. Je pense évidemment à la suppression de l’affiliation au régime de la sécurité sociale des étudiants, généralisée à l’ensemble des étudiants depuis la rentrée de septembre. Près de 200 millions d’euros sont dorénavant pris en charge par la sécurité sociale au profit de la santé de nos étudiants.

Je songe également à la mise en œuvre de la contribution de vie étudiante et de campus, qui devrait générer cette année et l’an prochain près de 140 millions d’euros, notamment consacrés au financement d’actions de prévention sanitaire et d’action culturelle. À cet égard, il a été décidé, conjointement avec la CPU, que la santé physique et psychologique des étudiants serait la priorité principale de l’emploi de la CVEC en 2020.

Naturellement, madame la sénatrice Robert, le régime même des bourses sur critères sociaux doit être substantiellement révisé. C’est un débat que le Sénat a souhaité ouvrir à l’occasion de la loi Orientation et réussite des étudiants en évoquant la question de l’assiduité des étudiants, dans le prolongement de vos travaux, monsieur Adnot.

Plus largement, une concertation avec les organisations étudiantes a été lancée il y a plusieurs mois autour du revenu universel d’activité. Dans ce cadre, nous travaillons sur la question des bourses sur critères sociaux, afin de lisser les effets de seuil et de palier qui, souvent, évincent de trop nombreux étudiants.

Voilà en quelques mots et en quelques minutes les principales lignes de force de ce budget pour 2020. J’aurai l’occasion d’apporter d’autres précisions lors de l’examen des amendements. Il s’agit d’un budget sincère, d’un budget prioritaire, construit en responsabilité, et c’est ce budget que le Gouvernement vous propose d’adopter. (M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, M. André Gattolin et Mme Véronique Guillotin applaudissent.)