Recherche et enseignement supérieur
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Article additionnel avant l'article 76 sexdecies - Amendement n° II-389 rectifié

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Recherche et enseignement supérieur

28 651 778 964

28 663 541 075

Formations supérieures et recherche universitaire

13 738 048 126

13 768 935 826

Dont titre 2

526 779 083

526 779 083

Vie étudiante

2 765 936 902

2 767 386 902

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

6 959 998 397

6 941 119 469

Recherche spatiale

2 021 625 716

2 021 625 716

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

1 786 320 726

1 761 730 045

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

759 624 883

782 350 680

Dont titre 2

93 936 004

93 936 004

Recherche duale (civile et militaire)

154 019 167

154 019 167

Recherche culturelle et culture scientifique

110 331 608

109 637 110

Enseignement supérieur et recherche agricoles

355 873 439

356 736 160

Dont titre 2

225 046 837

225 046 837

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-380, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

666 360 378

 

638 045 512

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

666 360 378

 

638 045 512

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

666 360 378

666 360 378

638 045 512

638 045 512

SOLDE

0

0

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. L’ensemble de la communauté scientifique s’accorde sur le fait qu’une agence de moyens est utile à la science quand son taux d’approbation des dossiers est d’au moins 30 %. Ce taux a atteint son plus bas niveau en 2015, avec moins de 11 % d’acceptation des dossiers. Mon cher collègue Gattolin, à cette époque, vous votiez ces budgets, je me permets de vous le rappeler…

M. André Gattolin. C’est inexact ! Vous devriez vérifier vos sources !

M. Pierre Ouzoulias. Ce taux a ensuite légèrement progressé pour s’établir à environ 16 %. Avec le rythme de progression actuelle, le taux de 25 % ne sera pas atteint avant 2035. On peut se demander s’il est encore intéressant politiquement de maintenir un dispositif dont on sait qu’il est déficient quand il présente un taux aussi bas.

Notre rapporteur spécial estime, et je partage complètement son avis, qu’il serait nécessaire de doter l’ANR d’un budget d’environ 1 milliard d’euros, ce qui me semble être une estimation tout à fait valable. Ce budget lui permettrait de rehausser son taux d’acceptation des demandes à un niveau acceptable.

En 2019, on a observé une hausse des crédits dédiés à l’ANR, mais celle-ci a été obtenue, vous le savez, grâce à une diminution de son taux de réserve de 8 % à 3 %. Tous mes collègues vous ont demandé, madame la ministre, quel serait le taux de réserve pour l’année prochaine, parce qu’il s’agit évidemment d’un élément absolument fondamental.

Je suis désolé de l’aspect un peu radical de cet amendement, qui tend à supprimer l’ANR. Malheureusement, la LOLF ne permet pas d’augmenter aisément les crédits d’un programme. J’aurais bien aimé relever le budget de l’Agence à hauteur de 1 milliard d’euros, mais cela m’aurait obligé à effectuer des coupes ailleurs, ce que je m’interdis de faire. Considérez cette demande de suppression comme un amendement d’appel.

M. le président. L’amendement n° II-379, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

40 000 000

 

40 000 000

Vie étudiante

300 000 000

 

300 000 000

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

260 000 000

 

260 000 000

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

300 000 000

300 000 000

300 000 000

300 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. On l’a dit, la précarité étudiante est un problème majeur. On le répète chaque année : il y a des problèmes de santé, de dépression, d’addiction. J’ajoute les problèmes de prostitution des étudiantes, dont on ne parle pas suffisamment et qu’il faudrait évoquer, parce qu’ils sont absolument dramatiques.

Vous le savez aussi, la moitié des étudiants travaillent à mi-temps pour payer leurs études. Pour avoir enseigné à l’université, je peux vous assurer que l’on ne peut pas faire de bonnes études quand on livre des pizzas une partie de la nuit.

Il est évident qu’il faut revaloriser le montant des bourses. Le Gouvernement prévoit une hausse, mais celle-ci est modeste : entre 11 et 61 euros par an. Pour les bourses les plus importantes, l’augmentation sera donc de 6 euros par mois pendant dix mois.

J’insiste sur ce point, les bourses ne sont pas payées sur les douze mois de l’année sauf quelques cas particuliers. Or un étudiant loue son appartement non pas dix mois mais douze mois. Cela signifie qu’un sixième du loyer est intégralement supporté par l’étudiant, ce qui est un problème majeur, notamment dans les métropoles, où les prix de l’immobilier s’envolent et où il devient de plus en plus difficile pour les étudiants de se loger.

L’Observatoire national de la vie étudiante devrait rendre un rapport sur ce thème en 2020 – nous l’espérons tous. Je pense que, à l’occasion de sa parution, il serait très utile que nous organisions ici un débat d’évaluation, afin de discuter ensemble de la précarité étudiante et des moyens que nous pourrions mettre en œuvre pour y remédier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-380 ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Mon cher Pierre, j’espère que l’avis que je m’apprête à rendre ne viendra pas entraver nos cordiales relations. Votre proposition est plus que radicale : vous prévoyez de faire une injection létale à un patient qui va un peu mieux ! (Sourires.)

Plus sérieusement, il est indéniable que l’ANR reprend des couleurs, même si les crédits dédiés à l’Agence ne sont peut-être pas à la hauteur de ce que vous pourriez espérer. Je l’entends et en profite pour relayer le message auprès de Mme la ministre. En tout cas, l’ANR reste incontestablement un opérateur de financement essentiel pour la recherche.

Surtout, le problème que pose votre amendement, c’est qu’il ne précise pas à qui l’on pourrait transférer toutes les missions exercées jusqu’ici par l’Agence, ce qui constitue une vraie difficulté, parce que, aujourd’hui, je ne sais pas qui est capable d’assumer ces missions complémentaires.

M. Pierre Ouzoulias. On peut vous faire des propositions !

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-379 ?

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. La commission est également défavorable à cet amendement.

Tous les amendements déposés sur ce sujet sont extrêmement sympathiques et généreux. Là où ça se gâte, c’est quand on regarde où l’argent est pris. Si on les adoptait, il n’y n’aurait même plus besoin d’enseignants ni de chercheurs, parce que tout aurait été donné pour améliorer la vie étudiante.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur Ouzoulias, nous partageons le constat selon lequel il faudrait effectivement abonder le budget de l’ANR pour que cet outil reprenne tout son sens. C’est ce qui est fait, projet de loi de finances après projet de loi de finances, et c’est évidemment un sujet qui sera abordé dans la loi de programmation pour la recherche. Cela étant, j’ai bien compris que l’amendement n° II-380 était un amendement d’appel ; j’y suis donc défavorable.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° II-379, qui a pour objet de prélever 300 millions d’euros de crédits au profit des bourses sur critères sociaux. Je pense que l’on peut tomber d’accord sur le fait qu’il ne serait pas raisonnable de diminuer de 40 millions d’euros les crédits du programme 150, qui finance les universités, ou de baisser de 260 millions d’euros le budget du programme 172, qui regroupe les crédits à destination de la recherche.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je vous sais gré d’avoir reconnu que, dans l’aspect provocateur de mon amendement, il y avait une forme de forgerie qui m’a permis de m’exprimer dans le cadre de ce débat.

Pour revenir sur la question de l’ANR, vous le savez peut-être, je suis chercheur en sciences humaines. Ce qui peine mes collègues, c’est que le nombre de projets en sciences humaines et sociales a malheureusement été divisé par deux aujourd’hui. Au-delà de la hausse des crédits de l’ANR, il faut trouver des formes de valorisation qui permettent aux chercheurs en sciences humaines de concourir.

Personnellement, j’ai déposé trois dossiers à l’ANR. J’ai essuyé trois échecs, alors qu’il m’a été beaucoup plus facile de déposer ma demande à l’ERC. Cette situation est anormale. Actuellement, mes collègues préfèrent concourir ailleurs, notamment auprès des régions, parce qu’ils considèrent que, pour un chercheur en sciences humaines, l’ANR est devenu un guichet trop difficile d’accès.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-380.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-379.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-405, présenté par Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

40 000 000

40 000 000

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

40 000 000

40 000 000

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

40 000 000

40 000 000

40 000 000

40 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. À la suite d’une seconde délibération, le Gouvernement a fait supprimer la hausse de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », pourtant votée par les députés lors de leur première délibération.

Le Gouvernement a avancé l’argument selon lequel il fallait prendre en compte l’ensemble des moyens budgétaires et extrabudgétaires consacrés à l’innovation. Certes, d’autres dispositifs en faveur de l’innovation existent. Cependant, les aides de ce programme sont particulières et indispensables pour aider les start-up, les TPE et les PME dans les phases les plus risquées de leur développement, lorsqu’elles ne bénéficient pas encore de la solidité suffisante pour obtenir un soutien bancaire privé.

La France connaît depuis le début des années 2010 un vrai développement économique via l’innovation. Le nombre de nos start-up ne cesse de croître, notamment grâce à l’impulsion d’acteurs publics en faveur de l’innovation des entreprises. C’est le cas de Bpifrance, qui finance des projets innovants, principalement sous la forme d’aides individuelles directes aux entreprises, et notamment les PME innovantes. Ces aides sont majoritairement financées par l’État sur le programme 192, qui joue un rôle bien plus important que le Fonds pour l’innovation et l’industrie, dont personne ne comprend véritablement la vocation.

J’ajoute que ces crédits ont la particularité d’accompagner de nombreux projets au cœur de nos territoires, dans toutes les régions, et pas seulement dans des zones denses des métropoles. Ils ont donc un intérêt particulier en termes d’aménagement du territoire.

Après un abondement de 250 millions d’euros en 2011, les moyens de l’État gérés par Bpifrance ont progressivement décru pour atteindre 120 millions d’euros en 2019 et 100 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances. Sans compter que le taux de gel des crédits ne fait que s’accroître au fil du temps, alors même que le rapport sur les aides à l’innovation, élaboré par Jacques Lewiner, Ronan Stephan, Stéphane Distinguin et Julien Dubertret, et remis au Gouvernement en mars 2018, préconise de maintenir les aides à l’innovation de Bpifrance inscrites dans le programme 192 à un niveau de 140 millions d’euros minimum. Cet amendement va dans ce sens, puisqu’il vise à augmenter de 40 millions d’euros les crédits alloués au programme 192.

Nous avons bien conscience, mais ce sont malheureusement les règles du jeu qui nous sont imposées, que le fait de prélever des crédits sur un autre programme constitue un problème de fond. Cependant, nous serions ravis que le Gouvernement propose de sous-amender notre amendement, ce qui nous permettrait de ne pas porter préjudice aux autres programmes de la mission.

M. le président. Merci, chère collègue !

Mme Sophie Taillé-Polian. Il y a tout de même une vraie difficulté à lever à cet égard.

M. le président. L’amendement n° II-476 rectifié, présenté par MM. Canevet et Delahaye, Mme Loisier, MM. Le Nay, Henno, Kern et P. Martin et Mme Guidez, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

20 000 000

 

20 000 000

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

20 000 000

 

20 000 000

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Mon amendement est de même nature, puisqu’il vise à soutenir le développement des start-up dans notre pays. La différence entre cet amendement et le précédent, c’est que le montant du transfert de crédits s’élève à 20 millions d’euros.

J’ai conscience que le fait de soustraire des crédits à la recherche spatiale n’est pas forcément la meilleure solution – le rapporteur spécial Adnot fera peut-être une observation à ce sujet –, mais il faut bien trouver des crédits quelque part !

M. le président. L’amendement n° II-460, présenté par M. Moga, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

 

 

 

Vie étudiante

 

 

 

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

10 000 000

 

10 000 000

Recherche spatiale

 

10 000 000

 

10 000 000

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

20 000 000

 

20 000 000

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

20 000 000

20 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Avec cet amendement, la commission des affaires économiques souhaite interpeller le Gouvernement sur la cohérence de sa politique en faveur de l’innovation.

Nous sommes bien conscients de l’effort financier réalisé en faveur de la recherche et de l’innovation, mais l’enveloppe des aides à l’innovation, qui reste modeste, devrait être sanctuarisée. L’effort demandé au Gouvernement est limité.

Notre commission avait alerté l’année dernière sur la nécessité de ne pas descendre en dessous de 120 millions d’euros de dotations finançant les aides à l’innovation de Bpifrance. Nous étions déjà indulgents, car le rapport sur les aides à l’innovation plaidait pour ne pas descendre en deçà de 140 millions d’euros.

Aujourd’hui, le Gouvernement propose de nouveau de diminuer cette dotation, qui chuterait à 100 millions d’euros. Les politiques d’innovation doivent être claires et stables, sans quoi elles s’apparentent à de véritables coups d’épée dans l’eau.

Madame la ministre, vous nous direz probablement que le Fonds pour l’innovation et l’industrie compense cette baisse des crédits. Mais, d’une part, nous n’apprécions pas ce fonds, car il nous prive de notre droit de regard annuel sur 250 millions d’euros et, d’autre part, vous savez que la cible du plan Deep Tech n’est pas la même que celle des aides à l’innovation. Dans un cas, il s’agit de financer l’innovation à la sortie du laboratoire ; dans l’autre, il s’agit de financer toutes les entreprises innovantes de notre territoire.

Pourquoi se priver d’un tel instrument dont l’effet de levier est majeur ? Il irrigue toutes les entreprises de notre territoire, et il a prouvé son efficacité, tant au regard de la croissance des entreprises concernées que du taux élevé de remboursement des aides. Madame la ministre, pouvez-vous faire cet effort supplémentaire de 20 millions d’euros ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. La commission demande à leurs auteurs de bien vouloir retirer leurs amendements, faute de quoi elle y sera défavorable.

En effet, nous avons bien expertisé ce point. Dans le cadre du programme 192 – c’est plus ou moins l’argument avancé par chacun –, on a le sentiment que les crédits de Bpifrance baissent. Or, sur le front de l’innovation, Bpifrance a récupéré 70 millions d’euros en 2019, ainsi que 26 millions d’euros en exonération de charges dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. On devrait faire preuve de davantage de modération quand on parle de baisse, surtout pour un organisme bancaire qui a fait 1 milliard d’euros de bénéfices l’année dernière.

Il faut faire attention à ce que l’on fait, surtout sur des crédits que l’on prélève sur la recherche spatiale. On en a parlé tout à l’heure : on a une dette de plusieurs années à l’égard de l’ESA qu’il faut assumer. Il faut régulariser la situation avant de pouvoir réenclencher une politique spatiale digne de ce nom, même si elle reste satisfaisante.

Sachez que l’on s’est bien penché sur la question et qu’on l’a retournée dans tous les sens. D’ailleurs, vous avez certainement vu cette valse-hésitation à l’Assemblée nationale sur des crédits qui ont d’abord été prélevés sur le budget de l’université, ce qui était une erreur magistrale eu égard aux événements que l’on a connus, avant que l’Assemblée nationale ne recule sur le sujet. Ce n’est pas pour autant que le Sénat doit faire pareil.

En tout cas, je suis très réticent face à ce type d’amendement. Je ne souhaite pas augmenter de nouveau les crédits de Bpifrance, surtout sur des postes budgétaires pour lesquels on a besoin de crédits. Même si l’un des amendements émane de votre commission, madame la présidente Primas, je reste très dubitatif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je n’aurais pas pu mieux répondre. Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial. Tout a été dit !

En réalité, le budget consacré à Bpifrance a augmenté : aux 100 millions d’euros de crédits budgétaires, il faut ajouter 70 millions d’euros dans le budget du Fonds pour l’innovation et l’industrie et 26 millions d’euros votés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Un milliard d’euros de bénéfices… Dommage que je n’ai pas travaillé avec notre rapporteur spécial sur ce sujet, parce que je les aurais affectés directement à l’ANR ! J’ai manqué de jugeote. (Sourires.)

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Filou ! (Nouveaux sourires.)

M. Pierre Ouzoulias. Plus sérieusement, c’est une somme considérable !

Je tiens à appeler votre attention sur le fait que mes collègues scientifiques travaillent souvent avec des bouts de ficelle. Il y a une exigence morale d’absolue transparence de l’argent public investi dans la recherche, y compris les crédits du CIR. Mais c’est un débat futur que j’amorce là…

Pour ma part, je soutiendrai la position du rapporteur spécial.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. On peut aussi se poser la question de la légitimité d’inscrire les crédits dont nous parlons dans cette mission. Ne s’agit-il pas là plutôt de problématiques de développement économique ? On parle, non pas de projets qui naissent dans des laboratoires, mais vraiment d’entrepreneurs et de fonds intervenant au cœur des territoires.

Il faut également savoir que Bpifrance, pour faire face à la réduction de ses crédits, utilise ses fonds propres, notamment pour apporter sa garantie auprès d’organismes bancaires. Ne pensons pas que sa situation est florissante et que tout va bien !

On demande actuellement beaucoup à l’innovation. Il serait donc intéressant de conserver une ligne dans le budget de l’État, afin que la représentation nationale garde la main sur ce sujet.

Cela étant, je retire mon amendement à 40 millions d’euros, au profit des amendements présentés par mes collègues. En simplifiant le débat, cela permettra d’insister sur l’importance de maintenir des montants significatifs sur cette ligne budgétaire.

M. le président. L’amendement n° II-405 est retiré.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je suis très sensible aux arguments du rapporteur spécial. Je pense que notre commission, par la voix de Jean-Pierre Moga, peut envisager de faire évoluer sa position et retirer l’amendement – en tout cas, c’est une suggestion.

Comme Jean-Pierre Moga l’a fait observer, madame la ministre, le Fonds pour l’innovation et l’industrie pose un vrai problème de transparence. On ne sait pas combien d’argent a été déboursé, ni où ni de quelle façon il a été affecté. On est un peu dans le flou. Le fait est que le Parlement – je sais bien que mes propos font assez ancien monde – aimerait bien connaître l’utilisation de ces fonds.

Par ailleurs, je rejoins Mme Taillé-Polian lorsqu’elle forme le vœu que Bpifrance conserve une place dans le budget de l’État. Cela nous permet de voir ce qui s’y passe exactement.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° II-460 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Après avoir entendu le rapporteur spécial, je retire l’amendement. Reste que je suis d’accord avec la présidente de notre commission, Sophie Primas. Il est absolument anormal que les 250 millions d’euros du Fonds pour l’innovation et l’industrie échappent complètement à notre regard de parlementaire et que nous n’ayons pas notre mot à dire sur leur répartition.

M. le président. L’amendement n° II-460 est retiré.

Monsieur Canevet, l’amendement n° II-476 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Canevet. Non, je le retire, monsieur le président.

L’amendement n° II-476 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-381, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

dont titre 2

 

40 000 000

 

40 000 000

Vie étudiante

40 000 000

 

40 000 000

 

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

 

 

 

 

Recherche spatiale

 

 

 

 

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

 

 

 

 

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

dont titre 2

 

 

 

 

Recherche duale (civile et militaire)

 

 

 

 

Recherche culturelle et culture scientifique

 

 

 

 

Enseignement supérieur et recherche agricoles

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

40 000 000

40 000 000

40 000 000

40 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.