M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi est le fruit du long travail mené par la mission d’information demandée par le groupe socialiste, à laquelle j’ai eu le plaisir de participer.

Je salue d’ailleurs les travaux de mes collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart. Je les remercie, au passage, d’avoir intégré dans leurs conclusions un certain nombre des remarques et propositions de mon groupe et d’avoir réussi à élaborer un rapport approuvé à l’unanimité.

Le dérèglement climatique, contre lequel la France et le monde luttent très peu, entraînera une multiplication et une intensification des phénomènes météorologiques extrêmes. Des cyclones aux méga-feux, des inondations aux sécheresses, personne n’est épargné !

Cet enjeu de protection des biens et des populations est prégnant, comme l’a souligné la mission : en France, plus d’une personne sur quatre est aujourd’hui concernée.

Cette proposition de loi vient donc utilement compléter un système assurantiel à bout de souffle, comme le démontre le phénomène, déjà évoqué, de rétractation-gonflement des sols argileux sous l’impact de la chaleur, dont les conséquences sur des milliers d’habitations sont désastreuses. Nous partageons donc pleinement le diagnostic posé et la nécessité d’agir de toute urgence.

Je ferai quelques remarques préliminaires.

La prise en compte et l’indemnisation des dommages liés aux catastrophes naturelles ne doivent pas nous faire oublier la prévention, l’impératif de lutter à la source contre les causes et les conséquences du changement climatique. Il nous faut, à la fois, changer notre modèle économique de production et nous adapter aux conséquences immédiates du dérèglement, comme nous y invitait notamment le rapport de nos collègues Ronan Dantec et Jean-Yves Roux, cela en renforçant les normes d’urbanisme et de construction, en économisant la ressource en eau, en améliorant la gestion des cours d’eau, en végétalisant les zones urbaines pour atténuer un peu les effets des canicules, etc.

Il faut renforcer la résilience de nos territoires. Les pouvoirs publics doivent les accompagner, notamment par la mise à disposition d’ingénierie publique, aujourd’hui largement insuffisante.

Alors que l’État est censé garantir la sécurité des personnes et des biens contre les éléments naturels, il est aujourd’hui évident que ce sont les collectivités qui l’aident à s’acquitter tant bien que mal de ses missions, et non l’inverse. C’est problématique quand on sait la disette financière touchant lesdites collectivités…

À ce titre, nous partageons l’idée, défendue aux articles 4 et 5 de ce texte, de renforcer l’information et l’accompagnement des élus locaux, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de l’état de catastrophe naturelle.

Sur le fond même de cette proposition de loi, qui souligne l’absence de moyens pour répondre à l’ampleur des phénomènes, nous jugeons nécessaire de revoir le fonctionnement du fonds Barnier et son financement pour le ramener à la hauteur des besoins. Nous partageons donc pleinement l’objectif de l’article 1er, tendant à supprimer le plafond mordant instauré en loi de finances, privant le fonds de 70 millions d’euros.

Il est bon d’ailleurs de rappeler, cela a été fait, que ce fonds est financé par les assurés à hauteur de 12 % sur l’assurance habitation, et selon les principes de solidarité.

S’agissant de la création d’un crédit d’impôt à l’image du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) prévue à l’article 3 de ce texte, nous ne sommes pas opposés par nature à ce type de dispositifs, tout en soulignant que ces derniers sont difficilement contrôlables d’un point de vue financier. Pourquoi ne pas avoir préconisé, à l’image de l’évolution du CITE, justement, des aides plus directes pour encourager les particuliers à réaliser les travaux prescrits ?

Sur la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, nous défendons l’idée qu’il convient de créer un conseil national, en remplacement de la commission interministérielle. En effet, les accusations de manque de transparence sont fondées et justifient une évolution plus ambitieuse que celle qui est esquissée dans cette proposition de loi. Dans le cas d’un conseil national, une composition plus large pourrait être envisagée : il serait composé de représentants de l’État, des communes, des assurés et des assureurs.

Il convient également de prévoir que l’avis de ce conseil national soit motivé, rendu public au Journal officiel de la République française, plutôt que par l’intermédiaire d’un site internet spécifique, et notifié par les préfets aux communes des départements concernés, ce qui constituerait un élément précieux d’information.

Ainsi, les préconisations de la proposition de loi à ce sujet nous semblent timides. En particulier, dans le cadre de la création d’une cellule de soutien à la gestion des catastrophes naturelles, il semble nécessaire de prévoir la présence de représentants de l’État au sein de cette cellule, comme le propose d’ailleurs la rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Enfin, comme nous le proposions dans notre contribution au rapport, nous invitons le Gouvernement à reconnaître les phénomènes de grêle d’une intensité exceptionnelle des catastrophes naturelles et des calamités agricoles. Comme dans le cas du vent, au-delà d’une certaine intensité, il convient que la puissance publique vienne épauler le système privé inadapté.

Aujourd’hui, pour nombre de nos concitoyens, notamment les agriculteurs, l’assurance tempête, grêle, neige est beaucoup trop onéreuse. Ils ne peuvent y souscrire et s’exposent à tout perdre. Avec les violents orages que nous avons connus cet été, notamment en Drôme et en Isère, le coût des assurances privées risque de grimper, entraînant un cercle vicieux délétère.

Le ministre de l’agriculture avait d’ailleurs promis un groupe de travail pour remettre à plat tout le système assurantiel relatif à la grêle. Sept mois après, nous n’avons aucune nouvelle. Madame la secrétaire d’État, où en est-on ? Il est urgent d’agir ! À ce titre, nous regrettons le rejet de notre amendement sur le sujet par la commission des finances, qui, comme souvent, nous propose une interprétation extensive, voire abusive, de l’article 40 de la Constitution.

En conclusion, nous saluons l’initiative que constitue cette proposition de loi et espérons que nos débats permettront de faire évoluer positivement ce texte bienvenu.

Parce qu’il est utile à la fois aux sinistrés et aux collectivités, nous l’approuverons, bien sûr, et nous regrettons la position du Gouvernement, lequel nous propose encore une fois de repousser la décision pour privilégier un nouveau processus de réflexion. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je crois que nous avons ici un cas d’école de la qualité du travail parlementaire : une bonne proposition de loi, tirée des conclusions d’un rapport d’information fouillé et précis, une réflexion menée en bonne intelligence entre deux commissions pour amender substantiellement le texte, et ce sans le dénaturer.

Surtout, le texte que nous examinons aujourd’hui articule bien la réflexion globale sur le dérèglement climatique, d’une part, et l’action locale dans l’intérêt des territoires, d’autre part. C’est à l’honneur de notre assemblée. Le crédit en revient aux auteurs de la proposition de loi.

Nous travaillons là, de façon concrète et opérationnelle, dans la bonne direction. En un mot comme en cent, le Sénat est aujourd’hui parfaitement dans son rôle, et je tenais à le saluer.

C’est un fait avéré, le dérèglement climatique est à l’œuvre partout. Notre maison brûle. Cette réalité est désormais visible, sur les réseaux sociaux comme dans la vie réelle.

Nous avons tous entendu la petite musique qui sonnait à nos oreilles ces dernières années. Elle nous avertissait des catastrophes à venir. Nous y avons tous prêté plus ou moins d’attention. Les plus engagés d’entre nous ont même déjà modifié leurs comportements individuels. Mais, jusqu’à très récemment, les discours sur le dérèglement climatique se conjuguaient au futur. Nous devons désormais les conjuguer au présent.

Californie, Amazonie, Australie, autant de noms exotiques qui rimaient hier encore avec soleil et chaleur. Ils riment aujourd’hui avec incendies. Les évoquer doit nous obliger à considérer que nul endroit sur la Terre ne sera épargné par le dérèglement climatique. L’erreur consisterait à penser que notre pays n’en souffrira pas. Notre groupe avait d’ailleurs demandé au Gouvernement, en mai dernier, des précisions concernant les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et du déclenchement du dispositif CatNat.

À la vérité, nos territoires sont déjà affectés par le changement climatique et ses conséquences – nous le savons tous ici, nous qui sommes les porte-voix des élus locaux. C’est le cas des Hauts-de-France, qui ont connu ces dernières années des épisodes répétés de sécheresse aux conséquences dramatiques. On pourrait multiplier à l’envi les exemples, chacun de nous en connaît dans son propre territoire.

Cela n’a pas échappé aux assureurs qui ont adapté leurs pratiques en conséquence. Pour eux, l’équation est simple : la couverture du risque se fonde sur le produit d’une probabilité et de l’évaluation de dégâts potentiels. Lorsque la probabilité des épisodes climatiques augmente en même temps que l’ampleur des dégâts potentiels – en clair, lorsque les catastrophes naturelles deviennent à la fois plus fréquentes et plus puissantes –, la couverture du risque augmente aussi. Nul besoin de bien connaître la mathématique pour le comprendre !

Assurer un monde climatiquement déréglé est donc plus onéreux. Et ce coût ne peut être supporté que par la collectivité, puisque le climat est aveugle : il frappe les collectivités humaines au hasard, et non à proportion des gaz à effet de serre qu’elles émettent. C’est notre fardeau à tous ; il nous oblige à la solidarité.

Telle est la raison d’être du fonds de prévention des risques naturels majeurs, plus connu sous le nom de fonds Barnier. Son clairvoyant instigateur avait déjà compris la nécessité de mutualiser les moyens d’action. Les ressources de ce fonds sont dynamiques, parce qu’assises sur les dépenses assurantielles. Et puisque, dans le même temps, les dépenses liées aux catastrophes naturelles augmentent aussi, c’est le budget dans sa globalité qui enfle.

Je partage donc la volonté des auteurs de la proposition de loi de déplafonner les ressources de ce fonds. Rappelons qu’elles sont in fine payées par les assurés, et donc les contribuables. Elles n’ont pas vocation à combler les déficits de l’État et pallier l’incurie budgétaire. Il faut donc augmenter les ressources de ce fonds, d’une part, et réduire les dépenses publiques, d’autre part. Dette climatique, dette publique, même combat !

Je m’en remets à la sagesse de la commission des finances pour déterminer le meilleur moyen de procéder à ce déplafonnement. Il nous faudra notamment composer avec le « corsetage » budgétaire qui bride trop souvent le travail et les initiatives parlementaires.

Il en va de même concernant le crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques. L’idée est assurément bonne. Il faut désormais s’assurer que le mécanisme retenu sera suffisamment attractif et opérant pour que les particuliers s’en emparent sur l’ensemble du territoire.

Pour conclure, mes chers collègues, je saluerai enfin la place que le texte accorde aux élus locaux en tant qu’acteurs incontournables d’une politique ambitieuse de prévention des risques climatiques.

Les mesures d’accompagnement prévues par le texte répondent utilement aux attentes du terrain. Bien souvent, les élus locaux se retrouvent désemparés face à des catastrophes naturelles, et l’État ne répond pas toujours présent, ou pas assez vite. Or ce sont bien les élus locaux qui connaissent nos territoires dans toutes leurs particularités. Ils sont les mieux à même d’apporter au plus vite les réponses adaptées aux réalités du terrain.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants accueille très favorablement cette proposition de loi ainsi que les amendements soumis par les commissions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, SOCR, CRCE et UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2016, la commune dont j’étais maire, Neuvy-sur-Loire, dans le nord de la Nièvre, a vu la brutale montée des eaux d’un affluent de la Loire qui, comme les cours d’eau secondaires en général, n’est pas surveillé par une cellule de veille.

Malgré l’expérience des « anciens », ce phénomène a surpris tout le monde et, dans le froid et la nuit, il a fallu en catastrophe éviter, tout simplement, qu’il y ait mort d’homme.

Dès le retour de la rivière dans son lit, quelle expérience terrible ce fut que de faire le tour des maisons pour constater les dégâts, avec la crainte pour l’avenir des bâtiments, les difficultés immédiates de mobilité du fait des véhicules perdus, l’épuisement, le froid, l’humidité ! Et puis l’intime, l’irréparable : cette vieille dame hébétée, qui ne se remettra pas d’avoir perdu ses photos de famille, ou cette petite fille désolée pour son cartable.

L’équipe des élus, outre son aide concrète au nettoyage et au pompage, doit dans ces circonstances faire preuve d’une extrême réactivité, car elle est coincée en quelque sorte dans cette position inconfortable d’intermédiaire qui doit donner très vite le conseil – et le bon ! – et faire simultanément les déclarations qui lui incombent comme collectivité territoriale, et bien souvent également comme sinistrée.

Pour ma part, j’ai été en tout premier auditionnée par la gendarmerie afin de savoir dans quelle mesure la responsabilité du maire pouvait être engagée dans le phénomène de débordement du cours d’eau. Avais-je bien informé les riverains sur leurs obligations ? Existait-il des embâcles dont j’aurais été responsable ? Cet élément de procédure, à savoir identifier les responsables alors même que tout le monde pompait, ne me semblait pas le plus urgent !

Dans ces moments critiques, les élus doivent être solides. Ils ont besoin d’aide, pas de tracasseries, face à l’urgence et au désespoir des sinistrés.

Il y a quelques mois, alors que je n’étais plus maire, mais sénateur, j’ai été sollicitée par une association très active de sinistrés de la sécheresse. Les échanges avec les victimes m’ont ramenée au souvenir des inondations : phénomène extrême dans le temps rapide ou le temps long, excès ou manque d’eau. Les désordres prennent des voies différentes, mais le résultat est le même, à savoir traumatisme, désarroi, lourdeur administrative, et l’impression qu’on n’arrivera pas à sortir de la catastrophe naturelle, parce que tout est trop long, trop injuste et trop compliqué.

Les associations sont un relais important, car elles ont acquis une expertise et permettent de combattre le sentiment de solitude.

Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart se sont saisis de ce problème, menant énergiquement une mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation. La proposition de loi que nous étudions ce jour est la suite logique de ses travaux, car elle prévoit de sécuriser administrés et collectivités. Il est grand temps d’introduire plus d’humanité dans ce dossier.

La présence d’élus locaux au sein de la commission interministérielle dont relève la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, la création d’une cellule de soutien départementale pour les maires concernés, la possibilité pour eux de déposer une seconde demande de reconnaissance si la première a été rejetée, des délais élargis, etc. : voilà des bouffées d’oxygène indispensables dans des procédures au bord de l’asphyxie.

Le sens de cette proposition de loi est d’introduire de l’efficacité, du bon sens dans l’action publique post-crise. Je suggère également d’arrêter d’appliquer un coefficient de vétusté lorsque la voirie communale a été détruite : on ne peut pas refaire une vieille route à l’identique ! Il faut également citer le cas des biens communaux non assurables – par exemple le cimetière – endommagés dans des circonstances, comme le coup de vent, ne relevant pas d’une procédure CatNat.

Il y a donc des trous dans la raquette ! Veillons ensemble, avec la bienveillance de l’administration, à les combler au lieu de nous y perdre. J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous pourrez me répondre sur ces points.

Pour les sinistrés, il faut aussi remédier à certaines lourdeurs, de toute urgence !

Je profite de cette intervention pour signaler que j’avais déposé un amendement pour que les sinistrés disposent d’un délai élargi pour faire leurs déclarations. Cet amendement a été largement cosigné, mais ma proposition relevait, semble-t-il, d’une mesure réglementaire ; je l’ai donc retiré.

Le Gouvernement est-il prêt à donner une suite favorable à cette demande émanant de nombreuses associations de défense des sinistrés…

M. Jean-François Husson, rapporteur. Bien sûr !

Mme Nadia Sollogoub. … qui, dans certains cas de force majeure – ils sont parfois évacués –, n’ont pas la possibilité de respecter des délais trop contraints ?

L’article 2 allonge le délai de prescription et intègre les frais de relogement d’urgence dans le périmètre de la garantie ; c’est indispensable.

La proposition de loi insiste sur le volet de la prévention, ce qui relève de l’élémentaire bon sens, de même que la pérennité des réparations.

Plutôt que d’aller vers des franchises vécues comme de cruelles injustices, à l’instar de celle qui concerne le défaut de plan de prévention communal, mesure qui ne relève pas de la responsabilité des assurés et met les élus en défaut, ne faut-il pas, par exemple, être plus exigeant sur les études de sol avant construction ? Elles sont certes obligatoires, mais ne font l’objet d’aucune forme de pénalité, si bien que celui qui souhaite faire construire peut être tenté de faire l’économie de l’étude, et ne pas savoir se protéger de ces phénomènes de retrait-gonflement des argiles, qui occasionnent désormais tant de dégâts ?

Si plusieurs mesures n’ont aucun impact financier, les articles 1er et 3 traitent néanmoins le sujet des moyens budgétaires dont il faut se doter, même si, devant la multiplication des phénomènes extrêmes, on peut craindre de voir exploser les dépenses d’une façon qui pourrait ne plus être contrôlée ni supportable.

Le fonds Barnier, ou fonds de prévention des risques naturels majeurs, est actuellement plafonné. Or force est de constater que ce principe de plafonnement s’oppose à la montée en puissance des politiques de prévention. Porter ce fond à 200 millions d’euros, tout en le maintenant dans une enveloppe contrôlée, mais libérée du verrou des sous-plafonds, nous semble une position tout à fait équilibrée.

De même, la possibilité de bénéficier d’un crédit d’impôt, même encadré, ouvre des perspectives extrêmement intéressantes, qui nous conviennent.

Les questions assurantielles sous-tendent l’ensemble du dossier, et je voudrais brièvement évoquer certaines des problématiques qui se posent notamment pour l’agriculture.

La solidarité nationale doit venir au secours des agriculteurs non assurés, discriminant en quelque sorte ceux qui ont fait l’investissement de l’assurance et qui peuvent se demander pourquoi ils ont payé. Pour éviter cette situation, les politiques publiques incitent les agriculteurs à s’assurer, ce qui ne fait pas forcément le jeu des assureurs qui, de leur côté, sur les années extrêmes successives, voient l’équilibre du système remis en question.

Si les extrêmes deviennent la norme, alors, pour une production agricole, quelle sera l’année de référence ? Et si les mauvaises années s’enchaînent, la référence est si basse que l’indemnisation ridicule est vécue comme une double peine.

Finalement, la prise en charge d’un risque presque certain n’est plus une assurance, c’est un service. C’est ce qui arrive lorsque l’aléa devient systématique. Alors que faire quand se profile un risque d’explosion du système assurantiel ?

Voilà, madame la secrétaire d’État, les éléments qui ont alimenté nos réflexions.

Pour conclure, puisque nous sommes tous concernés, que nous sommes tous des sinistrés en puissance, qu’il y a un vrai enjeu de prévention, de solidarité nationale, de coordination de tous les acteurs, de stratégie et de résilience collectives, que nous avons tous changé notre regard sur les catastrophes naturelles et que nous avons décidé d’agir, le groupe centriste votera pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe SOCR, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SOCR.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ces derniers mois, les débats sur la gestion de l’eau et les risques climatiques se sont multipliés au sein de notre hémicycle, et je m’en félicite. Ils montrent que la Haute Assemblée prend cette question très au sérieux en étant à l’écoute d’élus locaux en quête de nouvelles solutions face à des catastrophes toujours plus nombreuses et désastreuses.

Je tiens à saluer le président de la mission d’information et sa rapporteure, qui ont été les garants du consensus qui a guidé nos débats tout au long des travaux de la mission dont l’aboutissement est cette proposition de loi.

Notre réflexion part d’un constat clair et partagé : le régime actuel d’indemnisation mis en place en 1982 a fait son temps. Les catastrophes climatiques se multiplient en France métropolitaine comme ultramarine, avec toujours le même résultat, une trop faible prévention et une trop grande responsabilité pour des élus en plein désarroi.

Aussi, les propositions formulées par la mission d’information, si elles n’avaient pas toutes vocation à s’insérer proposition de loi, apportent une réponse complète aux demandes formulées depuis de nombreuses années.

L’article 1er de cette proposition de loi vient réformer un fonds Barnier aujourd’hui trop limité pour les défis qui attendent les élus locaux. La suppression du plafonnement des ressources et du sous-plafonnement par actions permettrait de couvrir des dépenses exceptionnelles, mais également d’élargir le fonds au financement des études et travaux de réduction de vulnérabilité en faveur des particuliers. Celles-ci sont aujourd’hui seulement réservées aux travaux prescrits par un plan de prévention des risques naturels.

Nul doute que ces dispositions permettraient, d’un point de vue financier, une meilleure prévention des risques à l’échelle de nos territoires. Il semblerait qu’un relèvement du plafond à 200 millions d’euros soit préféré à sa suppression. Nous nous en contenterons, mais avec de sérieux doutes.

Des doutes, nous en aurons aussi en termes d’efficacité des travaux de prévention.

Pour avoir été à l’initiative d’un programme d’actions de prévention des inondations (PAPI) sur mon territoire, je sais qu’il aura fallu plus de deux ans pour le mettre en place, et plus de cinq ans pour réaliser les travaux, en n’étant pas aidés, je vous l’avoue, par les contraintes réglementaires imposées par la loi sur l’eau.

Autant dire que le recours à ces outils s’apparente parfois à un parcours du combattant et que leurs utilisateurs sont souvent rattrapés par les événements eux-mêmes. Ainsi, des collectivités qui ont déjà été touchées sont d’autant plus exposées aux risques, et c’est un véritable cercle vicieux qui s’installe.

On est, hélas ! bien loin de la logique initiale de gestion de l’aléa et de la réduction de la vulnérabilité des personnes, des biens et des territoires, bien au contraire !

Cela a déjà été très bien dit, mais j’y insiste, un renforcement de la prévention ne sera effectif que lorsque les indemnisations seront plus rapides et vice versa.

Lorsqu’un Français sur quatre est exposé au débordement d’un cours d’eau, que 25 % des communes ont subi un aléa climatique en 2018, le temps n’est plus à la réflexion, mais à l’action !

L’instauration, à l’article 2, d’une obligation de réparation pérenne et durable des assureurs et l’allongement du délai de prescription partent d’une bonne intention. Mais je suis consciente de l’absence de portée normative relevée par la commission pour la première mesure, ainsi que du risque de différenciation de la procédure d’indemnisation en fonction de la cause du dommage.

L’inclusion des frais de relogement des sinistrés dans le périmètre des garanties CatNat est une évidence, tant elle était réclamée par les sinistrés et les assureurs.

J’en viens à l’article 3. Une des clés pour améliorer la prévention est le développement de la culture du risque chez nos concitoyens. Ils doivent, demain, devenir acteurs dans ce domaine.

Le décret du 5 décembre 2019 est en ce sens une belle avancée. Il permet que les propriétaires de logements situés dans les zones couvertes par un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) puissent bénéficier d’une subvention allant jusqu’à 80 % des travaux dans le cadre du fonds Barnier.

Je suis d’accord avec l’objectif de nos collègues qui vise à aller plus loin avec la création d’un crédit d’impôt. Certes, il sera très coûteux, mais parce qu’il touche directement les Français, il peut être un véritable outil de sensibilisation et d’implication de nos concitoyens dans la prévention des risques.

Concernant l’article 4, j’étais et je reste très favorable aux mesures venant lever l’opacité et la complexité de la procédure de classement en catastrophe climatique. À cela s’ajoute le délai de dix-huit mois parfois trop court pour des communes ne disposant pas forcément des moyens techniques en vue de constituer des dossiers de demande aussi rapidement.

Je me réjouis donc des mesures instaurant la publicité de l’avis rendu par la commission interministérielle et des rapports d’expertise rendus. Couplées à l’allongement du délai pour présenter une nouvelle demande de reconnaissance en cas de refus, ces dispositions viendront répondre à l’incompréhension de nombreux élus et citoyens, parfois surpris par des décisions violentes prises de manière verticale.

Je conclurai mon propos en insistant sur la nécessaire entraide et coopération entre élus locaux lorsque surgissent ces phénomènes. La création d’un véritable réseau permettant la diffusion des bonnes pratiques ne viendra sûrement pas répondre à toutes les catastrophes, mais elle pourra en éviter et en atténuer certaines.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE, qui est attaché à ces questions, votera bien entendu cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes SOCR et UC.)